Le doute n’est plus permis, nous vivons dans une ambiance socialiste assumée.
Que droite ou gauche gouverne importe peu. D’ailleurs, ce clivage politique a perdu de sa puissance fédératrice. Voter à gauche puis ensuite à droite n’était même pas envisageable il y a cinquante ans. Cela n’effraie plus personne aujourd’hui. L’explication fondamentale de ce phénomène apparaît à tout observateur de la vie politique : le socialisme a gagné. L’opposition libéralisme-socialisme n’existe plus dans la réalité économique et sociale française.
Subventionnons, nationalisons !
Tout se passe désormais comme si la nation française constituait un ensemble de solidarités économiques.
L’essence est trop chère pour certains ? Subventionnons l’essence sur fonds publics pour faire baisser le prix artificiellement. Une telle idée n’existait même pas au milieu des années 1970 lorsque le prix du pétrole brut fut multiplié par trois. Les tensions internationales sur les marchés de l’énergie renchérissent son coût. Ce phénomène archi-classique ne peut plus être supporté par chacun selon ses choix individuels. Créons donc un bouclier tarifaire limitant drastiquement la hausse des prix de l’électricité et du gaz. EDF vend donc à perte et voit son déficit se creuser de façon abyssale. Qu’importe ! Nationalisons EDF à 100 %.
Répartir ce que l’on n’a pas en empruntant
Ce ne sont là que des exemples récents.
Mais tout problème financier est désormais traité sous l’angle de la répartition, comme s’il était normal que l’État assure le partage de la valeur ajoutée entre les individus. L’entreprise Total réalise un bénéfice élevé en 2022 à la suite de la hausse du prix des carburants. Quel scandale ! Haro sur Total, hurlements des politiciens de gauche. Il faut absolument créer un impôt sur les « superprofits ». Les Français n’ont plus le droit de se réjouir de la réussite d’une grande entreprise. La question pertinente est en effet la suivante : comment répartir cette manne de quelques milliards d’euros de bénéfice au mieux des intérêts électoraux des politiciens ?
Le concept sous-jacent est parfaitement clair : tout gain réalisé appartient à la nation. Ses représentants doivent donc en assurer la répartition. Le budget de l’État est considéré comme un cadre à géométrie variable, la variabilité allant toujours dans le sens d’une croissance des dépenses. Pour les recettes, la prudence s’impose malgré tout. Taxer les « superprofits », oui ; une grande partie du corps électoral approuve car la manipulation par le verbe, grande spécialité des politiques, n’est pas perçue. Mais il ne faut surtout pas augmenter la TVA car chaque électeur sait qu’il sera touché.
Mieux vaut donc, en général, rester politiquement raisonnable : augmenter les dépenses sans augmenter les recettes. Il suffit d’emprunter. L’Agence France Trésor est faite pour ça. Quelle merveille, France Trésor ! Elle emprunte pour rembourser les anciens emprunts arrivés à échéance ; elle fait rouler la dette publique. En roulant, la dette ne cesse de grossir. Mais pour un politicien qui ne voit pas plus loin que le bout de son mandat, ce n’est pas un problème. Tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes socialistes.
Mentalité d’assisté
Lorsque les dépenses publiques dépassent 55 % du PIB, il est clair que la collectivité nationale gère politiquement le produit de son activité économique. Pour plus de 55 % de la production, ce sont des décisions politiques ou administratives qui déterminent l’orientation des dépenses. Les contraintes électorales deviennent alors déterminantes. Mais dans toute société, le nombre de ceux qui attendent beaucoup de la collectivité est nettement plus important que le nombre des ceux qui apportent beaucoup. Les Français l’ont compris intuitivement depuis de nombreuses décennies et sont devenus des revendicateurs pathologiques. La revendication s’adresse aux pouvoirs publics afin qu’ils utilisent la violence légitime : réglementer, interdire, inciter, créer un impôt, une taxe ou une cotisation sociale, exonérer certains.
Le grand nombre détermine les choix économiques par l’intermédiaire du politique puisque le principe de base de la démocratie est un homme, une voix. La tendance historique consiste donc à favoriser les catégories nombreuses car électoralement porteuses : augmentation du salaire minimum plus importante que celle des autres salaires, concentration croissante de l’impôt sur le revenu (moins d’un foyer fiscal sur deux le paye), suppression de la taxe d’habitation qui concernait pratiquement toute la population (quel scandale !), création de multiples prestations sociales (charges de famille, handicap, rentrée scolaire, minima sociaux, etc.). La justification est idéologique : la justice suppose une égalisation économique croissante des situations individuelles.
L’émergence progressive d’une mentalité d’assisté ne doit donc pas surprendre. Désormais, tout bon politicien se doit de répondre favorablement aux demandes de prise en charge des électeurs.
Pas question d’en appeler à la responsabilité individuelle : « Il s’agit de votre problème, pas de celui de la collectivité. Il vous appartient de prendre les initiatives nécessaires ».
Une telle réponse serait vécue comme une agression. Le politicien du XXIe siècle se situe dans la commisération permanente. Il comprend les difficultés de ses électeurs, il les cajole, il va les aider s’il est élu, c’est promis.
Appauvrissement de la classe moyenne
Est-il possible qu’une société reste créative et dynamique lorsque les gouvernants éradiquent tout stimulant et favorisent l’assistanat ?
Dans un contexte d’internationalisation économique et financière, mais aussi scientifique et technique, le risque de décrochage est immense. C’est fait. Le PIB par habitant est un indicateur assez fiable du dynamisme économique d’un pays.
En 1980, la France se situait au 19e rang (12 669 dollars). Elle était au 31e rang en 2017 (38 415 dollars). Le taux de croissance ayant diminué au fil des décennies (plus de 5 % avant 1975, entre 0 et 2% au cours de la dernière décennie), il en résulte évidemment un appauvrissement relatif de la population. La classe moyenne est atteinte de plein fouet. Cela commence par sa partie inférieure, en voie de prolétarisation, puis se propage à ses échelons moyens qui ressentent désormais, selon les enquêtes sociologiques, une crainte du déclassement.
La liberté est trop lourde à porter
Il est probable que le déclin de la responsabilité individuelle constitue une cause majeure de cette dégringolade.
La problématique est ancienne puisque les premières approches du sujet ont été faites par des juristes dans la première moitié du XXe siècle. Il s’agissait à cette époque de la collectivisation des risques sociaux des salariés (alourdissement de la responsabilité de l’employeur) ou des sinistres (apparition des sociétés d’assurance). En allant beaucoup plus loin sous l’impulsion de la propagande politique, nous avons peu à peu, après la Seconde Guerre mondiale, demandé aux collectivités publiques d’amortir tout risque socio-économique, quelle que soit son origine. Cette solidarité généralisée à l’échelle d’un État a radicalement modifié les mentalités. Il était perçu comme légitime de supporter individuellement ou dans le cadre familial les épreuves de la vie. La population considère aujourd’hui majoritairement que la nation est elle-même une grande famille dans laquelle toute différence de traitement entre les individus constitue une injustice. Pour la gauche, le produit global de l’activité économique du pays doit faire l’objet d’une répartition. La droite se trouve donc dans une situation délicate. Comment expliquer simplement que face à la globalisation planétaire, un État qui se gère comme un centre de distribution de satisfactions individuelles égalitaires accumule des dettes colossales et détruit toute capacité d’initiative individuelle ?
La parole démagogique sera toujours plus forte que la voix de la raison car c’est l’émotion par l’image et l’incantation qui règnent aujourd’hui dans les médias audiovisuels et sur les réseaux sociaux. Le socialisme n’est pas seulement institutionnel. Il s’est installé subrepticement dans les mentalités par l’accoutumance à la prise en charge collective de l’individu dans sa globalité.
La marche vers l’égalité, processus collectif, permet de s’en remettre au pouvoir et d’alléger sa propre responsabilité. La liberté, nécessairement individuelle, est vraiment trop lourde à porter.
Tocqueville l’avait perçu dès le début du XIXe siècle : l’égalité est l’essence de la démocratie. La douce tyrannie démocratique s’est installée.
Hier,il suffisait de suivre aveuglément les principes et obligations édictés par l’Eglise catholique pour vivre « heureux » sans état d’âme.
Aujourd’hui, l’Etat français républicain a pris sa suite.
Dans un cas comme dans l’autre la liberté et les responsabilités qui l’accompagnent sont bien trop difficles à assumer.
Vivons couché et infantilisé, plutôt que debout et responsabilisé. C’est plus « confortable » et moins risqué!
« suppression de la taxe d’habitation qui concernait pratiquement toute la population »
La logique voudrait aussi que la TVA qui concerne toute la population soit également supprimée ( alors que c’est une des taxes les plus « justes »)
« suppression de la taxe d’habitation »
N’est-ce pas plutôt son remplacement par une taxe (punitive) de non-habitation?
« Le grand nombre détermine les choix économiques par l’intermédiaire du politique puisque le principe de base de la démocratie est un homme, une voix. La tendance historique consiste donc à favoriser les catégories nombreuses car électoralement porteuses  »
Quand on voit le résultat de la plupart des élections importantes récentes, l’élu obtient entre 51 et 53% des suffrages ( des catégories nombreuses), le recalé du second tour 49 ou 47% ( de ceux qui paient l’addition)! L’écart compris entre 2 et 6%, on ne peut appeler ça une majorité, c’est un tour de bonneteau politique, pas plus!
@C2MR
Bonjour,
« Quand on voit le résultat de la plupart des élections importantes récentes, l’élu obtient entre 51 et 53% des suffrages ( des catégories nombreuses) »
Les « élus » n’ont pas obtenu la moitié des voix des électeurs. C’est le cas pour les députés, c’est le cas pour celui qui squatte l’Elysée qui a vu 61,5% des 48 752 500 citoyens ne pas voter pour lui… La « catégorie nombreuse » réside là .
Je n’ai pas utilisé le mot électeurs volontairement, mais seulement le terme suffrages;
Les pourcentages donnés lors des résultats d’élections gratifient les « élus » et « recalés » non pas d’un nombre d’électeurs mais de « suffrages exprimés » car vous avez sans doute remarqué que les abstentions, votes blancs ou nuls ne sont pas comptabilisés au final. Il est tout à fait légitime de considérer notre système électoral à 2 tours comme une aberration, mais dans ce cas il faut Å“uvrer à le changer. Vous ne pouvez pas dire que les « élus » sont illégitimes parce qu’une majorité d’ELECTEURS n’a pas jugé utile de se déplacer ( abstention) ou d’exprimer un choix ( vote blanc). Les 48 millions d’électeurs qui n’ont pas voté Macron comportent bien une catégorie nombreuse qui n’a pas voté du tout. Au final, les suffrages (> 50%)qui ont porté Macron au pouvoir ne représentent sans doute que moins de 20% des ELECTEURS inscrits sur les listes, mais sauf à rendre le vote obligatoire et prendre en compte les votes blancs, la catégorie nombreuse ne sera jamais celle que vous imaginez. Et je précise, je ne soutiens pas Macron ni ne voterais pour lui.
« La liberté est trop lourde à porter »
C’est hélas ce qu’on a pu observer de façon éclatante pendant la crise sanitaire, les gens les plus intelligents ont accepté sans broncher des mesures aussi débiles que des attestations pour sortir de chez soi, l’interdiction d’assister aux obsèques de ses proches, l’injection d’un vaccin au mieux inutile…
Une dame, dont l’intelligence ne fait aucun doute, m’a récemment rétorqué que la vie est plus importante que la liberté et que nous ne rembourserons pas la dette.
Avec de telles convictions, notre pays est mal parti !
Je ne sais pas si la vie est plus importante que la liberté mais je suis sûr que le perlimpinpin obligatoire ne l’est pas.
@mc2
Bonjour,
Si la vie était plus importante alors les esclaves de Saint-Domingue (exemple parmi d’autre) n’auraient pas risqué leurs vies pour être libres ; les colons britanniques des 13 colonies n’auraient pas risqué leurs vies pour se défaire de la tyrannie du roi d’Angleterre ; il n’y aurait pas eu de Révolution Française ; les Résistants n’auraient pas risqué leurs vies pour se libérer de la Kommandantür et de l’Occupation ; les Ukrainiens ne risqueraient pas leurs vies en résistants aux soldats russes. Certes, en camp de travail ou goulag on peut être en vie. Ne pas confondre vivre et survivre.
Il me revient le devoir de tout soldat fait prisonnier appris pendant mes classes : il doit s’évader. Donc risquer sa vie.
Merci, Patrick Aulnas, pour votre article dramatiquement juste. Il y a vraiment de quoi angoisser concernant l’avenir.
Comme maigre consolation, dans un pays voisin où le ridicule ne tue plus depuis déjà fort longtemps, il y a une petite région qui fait encore mieux (ou pire, c’est selon) dans la gestion des deniers publics . C’est même le gouverneur de leur Banque Nationale qui l’affirme : https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/wallonie/pierre-wunsch-compare-la-wallonie-a-un-regime-communiste/10236567.html
j’aurais dit étatisme…faillite éducative…faillite scientifique en cours, faillite journalistique … parce que subventionné par l’état..
dont me précurseur a été l’admission que faire taire le pen était « juste »..
la tyrannie pour lutter contre la tyrannie éventuelle..
auparavant la curieuse tolérance au communisme.. par les « intellectuels »..
en gros les entités attachés à la vérité, ont , par envie de pouvoir préféré la popularité.
la défense de la liberté d’expression est désormais un marqueur d’extreme droite. ce qui revient à dire que la référenciel idéologique, qui permet de définir droite et gauche notamment, s’est déplacé en s’éloigant du libéralisme vers l’etatisme..