Retraites : le régime universel est mort, il doit le rester

S’il est une conséquence positive du covid, c’est d’avoir mis un coup d’arrêt à une réforme des retraites contreproductive.

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Retraité français (Crédits : Ken Wu, CC-Zero)

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Retraites : le régime universel est mort, il doit le rester

Publié le 15 février 2022
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Par Cécile Philippe et Nicolas Marques, de l’Institut économique Molinari.

 

S’il est une conséquence positive du covid, c’est d’avoir mis un coup d’arrêt à une réforme des retraites contreproductive. Mal pensée, elle ne traitait pas les vrais enjeux et générait plus de problèmes qu’elle n’en résolvait. Pendant de longs mois cette réforme a réussi le double tour de force de braquer une partie de la France tout en passant à côté des défis de fond : comment financer économiquement les retraites en favorisant les gouvernances robustes.

 

Les retraites par répartition

La France a fait un pari osé, celui de financer presqu’entièrement les retraites par la répartition.

Un choix à l’origine pragmatique, la capitalisation ayant été laminée par l’inflation dans les années 1940, qui se révèle problématique avec l’évolution défavorable de la démographie. Les retraites expliquent 59 % de l’augmentation des dépenses publiques depuis 1959, comme nous le montrions dans un rapport réalisé en partenariat avec Contrepoints. Les pensions sont financées par des cotisations sur le travail (dans le privé) ou les impôts (dans le public), ce qui pénalise la compétitivité et le pouvoir d’achat des cotisants et des contribuables. Faute de mobiliser les marchés financiers pour financer une partie des retraites, nous avons besoin de plus de prélèvements obligatoires, ce qui détruit des emplois et du pouvoir d’achat pour les actifs comme les futurs retraités. On ne dira jamais assez combien la priorité devrait être de diversifier le financement des retraites françaises, pour réduire sa dépendance vis-à-vis d’une répartition coûteuse du fait du vieillissement de la population.

L’autre travers de la réforme des retraites était l’absence de réflexion sur les institutions susceptibles, ou non, de faire les bons choix.

À l’inverse du principe de subsidiarité, elle organisait une table rase sous la houlette de l’État, en balayant 70 ans d’histoire sociale et les institutions ayant fait leurs preuves. Elle organisait la suppression des caisses de retraites des professions libérales, et notamment la CAVP des pharmaciens. Or, particulièrement bien gérée, cette caisse a eu la sagesse de mettre en place des réserves significatives au sein de son régime par répartition et de créer un régime en capitalisation collective.

S’agissant des salariés, la réforme supprimait l’Agirc-Arrco, une réussite du paritarisme à la française. Cette institution, cogérée par les représentants des salariés et des employeurs, a fait preuve de clairvoyance et maîtrise opérationnelle. Les équilibres financiers y sont respectés, avec un mécanisme en points et des réserves financières évitant les dérapages financiers. Elle sait aussi gérer les rapprochements entre caisses, un point faible de l’État qui ne brille ni par sa clairvoyance ni pas son doigté en la matière.

De même, l’État proposait d’éteindre tous les régimes prévoyants du public faisant appel à la capitalisation (ERAFP, Banque de France, Sénat) et faisant économiser de l’argent aux contribuables, soit l’inverse d’une bonne gestion. Et surtout pourquoi confier la gestion des retraites de tous les Français à l’État qui a fait la preuve de son incapacité à gérer les retraites de ses personnels depuis 170 ans ?

 

Un échec depuis 1853

Dès 1853, l’État a démantelé les caisses de retraite des fonctionnaires, organisées ministère par ministère, au motif que certaines d’entre elles étaient déficitaires.

À l’opposé de toute prévoyance, il a récupéré leurs capitaux et pris la mauvaise habitude de payer les pensions par le budget, sans mettre de l’argent de côté.

Un des ministres des Finances de la troisième République disait que « Le gouvernement a agi comme les fils de famille dissipateurs, qui grèvent l’avenir pour se procurer tout de suite une ressource précaire ».

Depuis, notre État s’est montré imprévoyant et versatile. Alors qu’il était évident que la démographie allait faire exploser les dépenses retraites, il a été décrété la retraite à 60 ans en 1982. S’il y a eu des velléités en 1999 de mettre en place des réserves avec le Fonds de réserve des retraites, celui-ci a été sous-alimenté et l’État a pris l’habitude de puiser dans ses caisses. Après avoir eu l’intelligence de mettre en place une capitalisation collective en 2003 pour tous les fonctionnaires en créant l’Établissement de retraite additionnel (ERAFP), la réforme voulait la supprimer il y a quelques mois, en dépit de ses excellentes performances. On le voit bien, fusionner toutes les caisses de retraites au profit d’un État incapable de penser le temps long était une erreur fondamentale. Certains prétendent que cette démarche était bonne mais mal comprise. C’est porter bien trop de crédit à cette réforme, structurellement nocive.

C’est un sujet sur lequel il convient de rester vigilant.

Si l’idée du régime universel a pris du plomb dans l’aile politiquement, elle avance malheureusement à grands pas du point de vue opérationnel. À bas bruit les pouvoirs publics organisent la centralisation des flux financiers et des systèmes d’information. Officiellement, il s’agit de faire des économies. Mais une fois que l’État contrôlera l’argent et l’information, il détiendra de facto le pouvoir face à des caisses de retraites devenues dépendantes. Au lieu de fusionner les outils, il faudrait se poser les questions clefs, à savoir comment financer économiquement les retraites et garantir qu’elles soient gérées par des institutions ayant des gouvernances respectueuses du temps long.

Voir les commentaires (7)

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  • Le dernier paragraphe doit nous alerter sur la « collectivisation » du système de retraites.
    C’est un sujet complexe, s’il y a des réformes à faire, il faut commencer par analyser par type de régime.
    Pour ceux qui ne sont pas déficitaires, il est urgent de ne rien faire (par exemple avocats), pour ceux qui sont plutôt dans le rouge, une adaptation profonde doit être menée après avoir trouvé la moins mauvaise solution entre équilibre financier et acceptabilité. Pour les régimes par répartition, les équilibres sont délicats, mais surtout il faut que la gestion paritaire soit corrigée, le laxisme des syndicats (tout types confondus) dans ce domaine est lamentable. Le manque de courage des gouvernements l’est tout autant. Les éléments de gestion liés à la démographie devraient (et devaient )permettre l’anticipation des ajustements. La retraite universelle ne pourra conduire qu’à un appauvrissement général. D’autant que l’état, mauvais gestionnaire, « absorbera » ces fonds dans les finances publiques. Un des aspects importants reste la retraite des fonctionnaires, qui n’a pas de solution : un agent de l’état reste « à charge » (mauvais terme, je n’ai pas trouvé mieux) toute sa vie, en effet, son salaire est payé sur le budget de son ministère, mais une fois à la retraite, c’est toujours « l’état » qui paye.
    Pour les tenants d’une capitalisation, il faut se souvenir qu’en France, l’état taxe ces placements ce qui fait diminuer le rendements….

    • Pour la capitalisation, les candidats à la présidentielle feraient bien de se souvenir aussi que l’effet Laffer ne fonctionnerait jamais mieux que sur les placements en vue de la retraite…

  • L’article n’explique pas ce qu’est l’indépendance des caisses de retraites actuellement. Personnellement je pensais qu’elles étaient déjà totalement dépendantes. Les caisses indépendantes actuelles peuvent elles
    -Faire varier le montant des cotisations en fonction de leur situation financière?
    -Faire varier le montant des retraites versées ou à verser aux nouveaux retraités?
    -Émettre des obligations pour les déficits et placer en bourse les excédents?
    J’ai des doutes, car si c’était le cas, elles auraient en tendance intérêt à capitaliser le plus possible et se transformer en fonds de pension, ce qui n’est clairement pas le cas.

    • bonjour, le terme caisse est en fait assez vague. Ce sont des organismes qui gèrent des fonds collectés, et qui sont immédiatement redistribués….. pour faire simple. Parfois il arrive qu’au fil des ans, il y ait un peu de réserves constituées (gestion de précaution pour absorber les variations de cotisations par exemple). Il faut bien se rappeler que les cotisations ouvrent des droits, pour le futur, mais ces cotisations servent les retraités en « activité ».
      (formule au second degré…). Il n’y a donc pas de trésorerie à placer, c’est une forme de mutualisation/redistribution des cotisations. Pour le secteur public ce sont des dépenses sur un budget y compris pour l’assurance vieillesse du privé. ( bon c’est un peu raccourci, il y toute une salade de calculs à chaque fois).
      Par contre, la gestion paritaire des syndicats aurait du ajuster les cotisations et pensions en fonction des situations. (manque de courage, démagogie….)

  • Je ne partage absolument pas la confiance de l’auteur dans les caisses de retraites des professions libérales. Beaucoup d’indépendants qui se font racketter par ces dernières ne le font que contraints et forcés par les menaces d’amendes et de prison.

    Me faire racketter par une caisse de retraite qui m’est imposé par l’État ou par l’État directement, via des cotisations sociales ou des impôts (puisque de toutes manières, les caisses déficitaires sont renflouées par l’État), ça ne change absolument rien à la réalité de ma situation. Je ne crois absolument pas la promesse d’une retraite : je suis parfaitement conscient que je paie à fonds perdus. Une bonne partie de mes confrères ont exactement la même analyse. Toutes ces caisses ne sont pas exempts des plus viles magouilles : émoluments délirants pour les « dirigeants », emplois semi-fictifs pour les copains/maîtresses, etc.

    Oui, il est urgent de réformer tout ce mille feuille. Oui, la réforme proposée par l’excuse qui nous sert de Président ne changerait globalement rien.

    Une bonne réforme serait de dissoudre toutes ces « caisses de retraite » (qui ne fonctionnent que par la coercition) et de redistribuer leurs fonds à leurs cotisants au prorata de leurs cotisations. Mieux vaut une allocation universelle (ou un impôt négatif) financée par l’impôt ainsi que la fin de toutes les autres allocations clientélistes et des cotisations attenantes. On pourrait bien virer les centaines de milliers de fonctionnaires et assimilés qui s’occupent de tous ces flux d’argent croisés. Les économies seraient monstrueuses.

    En tant que professionnel de santé libéral, je ne pleurerai pas « ma » caisse de retraite. L’État peut bien en saisir les réserves, en vendre l’immobilier et licencier tous ses employés. Cela ne me fait ni chaud ni froid. Que chacun gère sa merde et les vaches seront bien gardées.

    • Les médecins avaient un excellent président de caisse de retraite -libéral et prudent-, en la personne du Dr Gérard Maudrux. Il a été viré par un complot de syndicats médicaux en appui du gouvernement de l’époque…

    • « Me faire racketter par une caisse de retraite qui m’est imposée par l’État ou par l’État directement, (…) ça ne change absolument rien ».
      Vous avez parfaitement résumé le problème, il faudrait des offres concurrentes proposées à chaque professionnel, et non pas des caisses professionnelles obligatoires et monopolistiques.
      Mais cela ne semble pas être le combat de L’institut Molinari via Nicolas Marquès, on se demande pourquoi ?

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