Retraites : la résilience c’est la répartition et la capitalisation

Pour les retraites, des pans entiers d’analyse économique soulignent que mixer répartition et capitalisation permet de réduire les risques.

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Retraites : la résilience c’est la répartition et la capitalisation

Publié le 30 septembre 2021
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Par Nicolas Marques.
Un article de l’Institut économique Molinari

La capitalisation est parfois présentée comme risquée, alors que la répartition serait une façon plus sûre de financer les retraites. L’actualité nous invite une fois de plus à relativiser cette approche, avec pour 2020 des régimes par répartition à la peine tandis que les capitalisations collectives enregistraient des performances positives. Au-delà de la conjoncture, des pans entiers d’analyse économique soulignent que mixer répartition et capitalisation permet de réduire les risques.

Il ne faut pas se tromper, la violence des cycles impacte la gestion des systèmes en capitalisation mais aussi les régimes en répartition. Pour les premiers, la baisse des marchés financiers se répercute instantanément sur la valorisation du portefeuille, en « marked-to-market ». Rien n’est véritablement perdu, tant qu’il n’y a pas eu de vente, et le rebond des marchés se traduira par une reconstitution des plus-values latentes.

Les retraites par répartition : un système aux tendances déficitaires

Dans le cas d’un régime par répartition, toute crise économique et financière se traduit par un effondrement de la masse salariale et donc de l’assiette de cotisations. L’accumulation de déficits va imposer de financer le paiement des prestations de retraite en réduisant les réserves ou en ayant recours à l’endettement.

La crise actuelle en fournit une illustration.

En France en 2020, les régimes par répartition ont subi de plein fouet la crise avec une baisse des cotisations (-4 % selon les derniers chiffres du Conseil d’orientation des retraites), tandis que les résultats de fonds de pension étaient bien meilleurs avec notamment +3 % de rendement pour l’ERAFP ou + 4,35 % de plus pour le régime capitalisé des pharmaciens (CAVP).

Tout miser sur la répartition est, par nature, un choix peu diversifié.

La complémentarité d’un niveau de répartition et d’un niveau de capitalisation s’impose dès lors au regard d’un principe bien connu des gérants d’actifs : la diversification.

Le tout répartition conduit à une forte dépendance à une variable exogène : la croissance économique, et à son corollaire, la masse salariale.

Le tout capitalisation expose à des fluctuations de la valeur des actifs, liées à la volatilité des marchés financiers.

Le mix des deux permet d’actionner des leviers différents selon les phases de cycle,  assure une meilleure stabilité du système global et sans doute également sa pérennité.

Tout miser sur la répartition est, par nature, un choix peu diversifié d’un point de vue géographique et économique.

La capacité à délivrer des retraites attrayantes reste conditionnée à la démographie et au développement économique de la collectivité sur laquelle sont assis les prélèvements obligatoires la finançant. Même lorsque la répartition est pratiquée sur des bases non catégorielles, permettant de diversifier les risques entre différents secteurs d’activités, les risques restent concentrés sur une base géographique. De même, la répartition, telle que pratiquée en France avec le régime général, ne permet pas de faire face aux aléas sans générer des déficits. Il n’y a pas de mécanismes permettant d’ajuster finement les prestations aux recettes et de coussin de sécurité permettant de lisser la conjoncture est inexistant. Contrairement à ce que l’on observe chez nombre de voisins, notre répartition génère mécaniquement des déficits synonymes d’endettement.

La capitalisation s’organise sur des marchés de capitaux mondiaux, avec une capacité de diversification géographique. Elle permet par exemple d’investir dans des pays plus jeunes d’un point de vue démographique et/ou des économies n’ayant pas atteint nos niveaux de maturité. Elle permet aussi d’amortir les tendances, capacité qui n’existe pas dans la répartition lorsqu’elle fonctionne sans réserve. Elle a l’avantage d’être plus rentable à long terme, mais présente l’inconvénient d’être exposée aux chocs à court terme.

L’expérience montre que les crises n’empêchent pas la capitalisation d’être rentable, les chocs boursiers étant suivis tôt ou tard par des phases de reprise. En revanche, ces chocs plaident pour une désensibilisation à l’approche de la retraite et une diversification la plus significative possible. Aussi, au sein des systèmes par capitalisation, les gestionnaires organisent la désensibilisation de l’épargne à l’approche des échéances, ce qui les conduit à vendre des actions au profit de produits de taux moins rentables et moins volatiles.

La clé est dans la diversification

Au niveau de l’ensemble du système de retraite, pousser la diversification en combinant capitalisation et répartition fait sens. Comme la répartition, la capitalisation n’est pas immunisée à l’égard des chocs économiques, mais elle les absorbe différemment, d’où l’intérêt de mixer capitalisation et répartition.

Pousser la diversification en combinant capitalisation et répartition fait sens.

La théorie économique insiste sur l’importance de mixer répartition et capitalisation pour minimiser les risques. Comme le soulignent Pierre Devolder et Roberta Melis1:

Les régimes de retraite par capitalisation et par répartition peuvent sembler très différents mais sont en fait complémentaires car ils traitent de différents risques.

On retrouve la même approche chez Didier Folus :

Les facteurs de risque qui affectent les performances d’un régime par répartition ou d’un régime par capitalisation, n’agissent a priori pas de façon simultanée sur les deux mécanismes. Et cela, même si certains de ces facteurs peuvent être communs (démographie par exemple)2.

Dans une étude récente avec Léa Bouhakkou et Alain Coën, il conclut que « dans la plupart des cas, un mélange des deux systèmes est souhaitable »3.

On retrouve la même conclusion chez Philippe Trainar4. Il considère que pour diversifier les risques auxquels les futures retraites sont exposées, il importe de diversifier les sources de financement des retraites avec un système mixte alliant 45 à 55 % de répartition et 55 à 45 % de capitalisation.

De cette manière, les retraités bénéficient à la fois des revenus du capital et du travail. Cela permettrait de limiter les inégalités à l’instar des travaux de Branko Milanovic sur la réduction des inégalités associée à la démocratisation du capitalisme5, tout en protégeant les salariés au cas où le partage de la valeur ajoutée leur devenait défavorable6.

Selon Trainar :

Si l’on tient compte de la volatilité plus élevée des revenus du capital par rapport aux revenus du travail, notamment au salaire, le partage optimal serait autour de 33 % et 66 % respectivement pour la capitalisation et la répartition en France.7.

Ce passage est extrait de l’étude « Pour une réforme des retraites qui réponde aux enjeux français : Compétitivité, emploi, innovation avec la capitalisation pour tous » (88 pages), réalisée par CroissancePlus et l’Institut économique Molinari, disponible ici (lien).

 

Sur le web

  1. Devolder, P. et Melis, R. (2015). « Optimal mix between pay as you go and funding for pension liabilities in a stochastic framework », Astin Bulletin, The Journal of the IAA, Volume 45, Numéro 3, Septembre 2015, pp. 551-575, doi.org/10.1017/asb.2015.14
  2. Folus, D. (2015), Vers une épargne-retraite obligatoire en France ? Enjeux de la transition, note de la Chaire Transitions démographiques, transitions économiques (TDTE), Caisse des dépôts, janvier, page 7.
  3. Bouhakkou, L., Coën, A. et Folus, D. (2019). A portfolio approach to the optimal mix of funded and unfunded pensions, Applied Economics, page 1 DOI:10.1080/00036846.2019.1678728. L’optimum varie très significativement en fonction de la méthode retenue.
  4. Trainar, P. (2017). La création de fonds de pension est-elle encore utile dans les économies avancées ?, Revue d’économie financière, N° 126 2017/2 , pages 123 à 142.
  5. Branko, M. (2016). Increasing Capital Income Share and its Effect on Personal Income Inequality, LIS Working Paper Series, No. 663, 33 pages.
  6. les données montrent qu’en France la part des salaires dans le partage de la valeur ajoutée a progressé depuis 1990, comme l’illustre le rapport récent co-signé par la CFDT, CFE-CGC, CFTC, CPME, Medef, et U2P consultable (www.cfdt.fr/upload/docs/application/pdf/2019-03/rapport_valeur_ajoutee_2019-03-14_14-23-34_604.pdf). Diversifier le financement des retraites en ajoutant une dose de capitalisation collective permettrait de prémunir les salariés contre une évolution défavorable du partage de la valeur ajoutée.
  7. Trainar, P. (2017). La création de fonds de pension est-elle encore utile dans les économies avancées ?, Revue d’économie financière, N° 126 2017/2 , page 136.
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  • Un aspect (volontairement ?) oublié dans ce texte : la répartition est nécéssairement collective, alors que la capitalisation est de préférence individuelle, pour bénéficier de la concurrenece entre les organismes financiers, ou éviter de ne servir qu’à compenser les pertes de la répartition.

  • tout a fait d accord avec l article. signalons d ailleurs que c est ce qui se fait en suisse (1 pilier = repartition, second pilier = capitalisation obligatoire, 3eme pilier capitalisation volontaire (deduction fisclae pour inciter))

    Mais de toute facon, le probleme numero 1 est la demographie: la retraite a ete concue en 45 pour eviter la misere a des gens qui ne POUVAIENT plus travailler à 65 ans et qui etaient mort avant 70. Pas pour payer des croisieres pendant 30 ans (depart a 60 ans et mort vers 90)

    • La Suisse est allée dans le bon sens. Car bien sûr avec la dynamique démographique, le régime par repartition est un contrat social déséquilibré. Je finance aujourd’hui des retraites confortables pour des gens qui sont partis tôt. Pour moi à leur âge, les conditions seront bien moins douces.
      Pour ma part j’irais plus loin que la Suisse. Je ne garderais que le troisième pilier : plus de cotisation retraite, pas d’obligation d’épargne. On garde son pognon et on l’investit dans les véhicules qu’on souhaite.

      • si c est pas obligatoire, vous allez avoir des cigales qui vont tout depenser et lors qu elles ne pourront plus travailler se retrouveront a l aide sociale
        Vous avez deja le probleme en suisse: les gens demandaient leur second pilier en cash et le depensait et du coup plus de ressource

        La capitalisation ne preserve pas des pb de ponctionner les jeunes pour verser des rentes elevees aux vieux. En suisse les conversion du second pilier en rente ont ete faite avec un taux bien superieur au rendement actuel (une obligation ne rapporte plus rien aujourd hui alors qu on doit servir une rente a 2 % aux retraités). donc les caisses de pensions font du madoff : on prend l argent des jeunes pour compenser le manque de rendement afin de payer les pensions des retraites

        • 1. Je n’avais pas tout dit. Dans mon idée, cela serait couplé avec une allocation universelle de type « impôt négatif » (cf Friedman, Koenig).
          2. Bien d’accord avec vous sur le peu d’intérêt d’une capitalisation « collective » et obligatoire (finalement proche du système par repartition). D’où mon choix de l’épargne personnelle (AVie, actions, SCPI, investissement locatif, etc.).

  • Kamarade, sais tu qui gère la retraite en France ? Grâce à la répartition, on peut y piocher pour alimenter le syndicat. Si on passe à la capitalisation, pas possible. L’argent n’est pas disponible puisqu’investie.

    • Je pense que vous pointez le vrai problème de la France. Tous les « coquins » qui profitent du système pour s’engraisser. Et ça, pour s’en débarasser, bon courage !

      • La solution, c’est la concurrence.
        Et pour qu’elle s’exerce, à l’inverse de ce que défend cet article la capitalisation doit donc être individuelle et non collectivisée, comme l’est nécessairement la répartition.

  • On doit pouvoir se contenter de répartition si la part patronale suit la croissance de l’entreprise et pas seulement le salaire. Biensur un peu de capitalisation pour attraper la croissance d’industries hors de France est un gros bonus

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