Réindustrialisation : une ETI par canton

Pour réindustrialisation la France, il faut réviser le Code du travail en s’inspirant du Code suisse et aligner notre fiscalité sur celle de notre voisin. 
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Réindustrialisation : une ETI par canton

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 2 février 2022
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C’est la proposition très judicieuse que présente Gérard Longuet, sénateur de la Meuse, dans un article très intéressant publié dans Le Figaro du 26 janvier dernier. Ce devrait être le projet d’au moins l’un des candidats à la prochaine élection présidentielle, mais malheureusement aucun d’eux n’a une vue aussi claire que l’ancien ministre de l’Industrie et du Commerce extérieur d’Édouard Balladur pour déterminer les dispositions à prendre afin de redresser l’économie de notre pays.

C’est fort dommage, car depuis la fin des Trente glorieuses, la France s’est très fortement désindustrialisée. D’année en année, la contribution de son secteur industriel à la formation du PIB a été réduite : elle est passée de 26 %  en 1975 à seulement 10 % aujourd’hui. Le pays est ainsi devenu le plus désindustrialisé de tous les pays d’Europe, la Grèce mise à part.

Cette régression de l’industrie a complètement miné l’économie française, ce qui explique que l’on en soit arrivé à la situation actuelle : tous les clignotants sont au rouge. La crise des Gilets jaunes a été l’illustration même des dégâts causés à notre pays par le phénomène de désindustrialisation qui l’affecte et qui a abouti à l’appauvrissement général du pays et la désertification du territoire.

Le rôle du prochain Président va donc bien être de se précoccuper de la réindustrialisation du pays, car c’est la clé de son redressement économique. En effet, il existe une relation très étroite entre le niveau de la production industrielle dans les pays et la richesse de leurs habitants. La France a lentement régressé dans la classement européen des pays selon leur niveau de PIB par tête, à mesure que se réduisait l’importance de l’industrie dans son PIB.

Cet appauvrissement relatif du pays a conduit tout naturellement les pouvoirs publics à accroître d’année en année ses dépenses sociales sous la poussée populaire qui s’est manifestée de diverses façons. La France a les dépenses sociales les plus importantes de tous les pays développés. Elles représentent à présent 34,1 % du PIB, alors que la moyenne des pays de l’OCDE est à 20,0 % seulement, et 16 % en Suisse, un pays dont le secteur industriel est particulièrement vigoureux.

Par voie de conséquence, les prélèvements obligatoires, c’est-à-dire la fiscalité sur les entreprises et les particuliers, n’ont pas cessé d’uagmenter. Les rentrées fiscales se révélant chaque année insuffisantes, l’État a recours régulièrement à l’endettement. La dette extérieure du pays représente ainsi en 2019, c’est-à-dire avant la crise du Covid-19, l’équivalent du PIB du pays. Les sommes extravagantes dépensées par la puissance publique pour soutenir l’économie pendant la crise la dette est maintenant à 116 % du PIB.

Il a fallu la crise du covid pour que les gouvernants prennent conscience des effets délétères de la désindustrialisation : plus d’entreprises pour fabriquer des masques, pas de tests, pas de fabricant  d’appareils respiratoires sophistiqués pour équiper les services de réanimation, médicaments fabriqués à 90 % dans les pays asiatiques. Alors, soudain, le pays a pris conscience de la gravité du problème et le gouvernement s’est mis à l’ouvrage pour réindustrialiser le pays.

Comment les pouvoirs publics ont-ils pu être aussi longtemps indifférents à ce phénomène de la désindustrialisation du pays ?

C’est la conséquence de l’enseignement de toutes nos élites, à Sciences-po, à l’ENA, ou dans nos facultés où leur a été enseignée la loi des trois secteurs de l’économie selon Jean Fourastié. Dans Le grand espoir du XXe siècle paru en 1963, cet économiste avait démontré qu’un pays développé passe naturellement du secteur primaire, l’agriculture, au secteur secondaire, l’industrie, puis du secteur secondaire au secteur tertiaire, celui des services. Il a donc été considéré tout à fait naturel que le pays voit fondre son secteur industriel et ne dispose plus que d’activités de service.

À cette époque, était évoqué fièrement l’accès de la France à une société du savoir et de la connaissance où les tâches pénibles et salissantes de l’industrie sont tranférées vers les pays du tiers monde qui disposant d’une main-d’œuvre bon marché et corvéable à merci. Nos élites se sont ainsi réjouies de  voir fondre rapidement le secteur industriel, voyant en somme dans ce phénomène le signe même de la modernisation du pays. C’est ainsi que le pays est entré complètement démuni dans la mondialisation. Emmanuel Macron qui a été formé à cette école n’a rien entrepris pour redresser le secteur industriel lorsqu’il a accédé au pouvoir : ses opposants feraient bien de ne pas manquer de le lui rappeler lorsqu’il briguera en février prochain un nouveau mandat.

Il a donc découvert à son tour le rôle moteur de l’industrie dans l’économie d’un pays et vient ainsi de lancer le Plan France 2030 qui prévoit d’investir 30 milliards d’euros sur cinq ans dans quinze secteurs prioritaires.

Dans Le Figaro du 18 octobre 2021, Nicolas Baverez confie qu’il ne peut qu’être accueilli  avec scepticisme, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord ce plan est tout à fait sous-calibré pour « combler le retard d’investissement et d’innovation accumulé par notre pays ».

Par ailleurs, tous les freins ayant conduit à cette désindustrialisation ne sont pas levés : impôts et taxes, dispositions très contraignantes du Code du travail, règlements et procédures innombrables paralysant l’action de nos industriels.

Selon lui, il convient de s’interroger sur la pertinence d’un État stratège. Autrefois, il avait existé un Commissariat general au Plan pour éclairer l’action des pouvoirs publics dans l’économie, et encore a t’on pu constater par la suite qu’il s’était quelques fois lourdement trompé (le Concorde, le Plan calcul, etc…).

 

Le rôle clé de l’industrie dans l’ économie d’un pays :

L’industrie joue un rôle primordial et fondamental dans l’économie d’un pays.

L’impact des activités industrielles sur la création de richesse se démontre aisément.

Le graphique ci-dessous montre la corrélation très forte existant dans les pays entre leur production industrielle (calculée ici par habitant) en abscisses, et, en ordonnées, les PIB/tête de ces pays. On  voit que le coefficient de confiance de la corrélation est particulièrement élevé.

(Source BIRD)

Avec une production industrielle (en valeur ajoutée) de 6432 dollars/habitant la France obtient un PIB/tête de 39 030 dollars, avec un ratio de 12.279 dollars le PIB de l’Allemagne s’élève à 46 208 dollars. La production record de la Suisse, à hauteur de 22 209 dollars par habitant génère un PIB/tête de 87 097 dollars.

Dans une étude récente sur le cas de la Suisse, l‘Institut des Libertés a montré le rôle moteur que joue l’industrie dans l’économie de ce pays.

 

Comment réindustrialiser la France ?

Le déclin du secteur industriel français a fait perdre énormément d’emplois dans ce secteur : actuellement le pays compte 2,7 millions d’emplois dans l’industrie. L’objectif visé serait de remonter  le niveau de la production industrielle à au moins 18 % du PIB. Pour cela, il faudrait que les effectifs de ce secteur soient portés à 4,5 millions de personnes. L’Allemagne dispose de 5,7 millions d’emplois dans les entreprises de plus de 50 personnes.

En reconstituant le secteur industriel l’économie française se redressera et retrouvera automatiquement tous ses grands équilibres :

  • meilleur rythme de croissance
  • davantage de richesse créée
  • diminution des dépenses sociales et donc des dépenses publiques
  • diminution des prélèvements obligatoires
  • suppression de la nécessité de recourir à l’endettement chaque année
  • retour à un taux de chômage normal, un emploi créé dans l’industrie induisant la création de trois emplois dans le secteur tertiaire

 

Mais personne ne voit porter notre secteur industriel à ce niveau et dans des délais raisonnables.

La fiscalité qui affecte les entreprises est à revoir complètement, le Code du travail est beaucoup trop  contraignant et serait donc à reformer, les réglementations pointilleuses paralysantes pour les entrepreneurs dans le domaine industriel sont à réécrire d’autant que s’y ajoutent maintenant toutes  les exigences des écologistes.

On ne peut que conseiller à notre prochain président de s’inspirer, tant au plan fiscal qu’en matière de droit du travail, de ce que font nos voisins suisses.

La Confédération helvétique est en effet un pays tout à fait exemplaire : sa production industrielle par habitant extrêmement élevée, le PIB/tête est le plus élevé d’Europe. Il faut réviser le Code du travail en s’inspirant du Code suisse et aligner la fiscalité française sur celle de notre voisin.

Le problème est que les Français sont peu enclins à prendre exemple sur leurs voisins : ils ont pour tradition d’être, au contraire, le pays qui montre la voie aux autres peuples.

 

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  • Donc l’État tout puissant va choisir des copains experts pour distribuer ces 30G€ tombés du ciel comme la manne biblique. Alors qu’il suffirait de libérer l’industrie et ses dirigeants de leurs contraintes réglementaires, fiscales et syndicales et laisser jouer la concurrence.
    Si vous voulez de l’industrie, laissez la vivre au lieu de lui offrir des hochets.

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