QR code au restaurant : la manipulation de l’opinion publique

Le gouvernement va publier un nouveau décret cette semaine, prévoyant de compléter l’application « TousAntiCovid » avec un QR code. L’adhésion sera-t-elle encore une fois presque totale ?

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
QR code Cupcakes BY Amber Case (CC BY-NC 2.0)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

QR code au restaurant : la manipulation de l’opinion publique

Publié le 15 février 2021
- A +

Par Yannick Chatelain.

Le gouvernement va publier un nouveau décret cette semaine, prévoyant de compléter l’application TousAntiCovid avec un QR code.

Cela paraît rationnel, raisonnable, donne de l’espoir… et ce qui est pourtant inacceptable en termes de liberté publique obtiendra l’adhésion de l’opinion publique, celle des premiers concernés, bars, restaurants, lieux culturels… et de nombreux citoyens, non pas pour apporter leur contribution à la lutte contre la pandémie en téléchargeant cette application.

À cela rien d’étonnant. La fabrique du consentement qui va permettre une nouvelle fuite en avant d’atteintes à des libertés fondamentales n’est pas une affaire d’improvisation, mais une affaire de méthodologie.

 

Techniques de manipulation

Les techniques de manipulation de l’opinion publique (ou de manipulation des masses) sont l’ensemble des moyens d’influence exercés sur une population à des fins politiques, militaires ou économiques.

Les techniques sont multiples et le propos qui sera tenu ci-après sera dans cette dynamique engagée en situation de « guerre » contre le covid, au mieux qualifié de polémique qui n’a pas lieu d’être, au pire renvoyé dans le camp complotiste, telle la destinée de toute forme de contre-discours faisant appel à la raison dans un contexte qui ne tolère pas de voix dissonantes.

Qui dit « guerre », dit naturellement « unité nationale » face à l’ennemi, et adhésion de l’opinion publique, une guerre particulière puisque l’ennemi invisible est devenu l’autre.

Qui dit guerre dit aussi propagande et manipulation pour obtenir le consentement de l’opinion publique à ce qui peut être inacceptable, mais c’est pour son bien. Il se trouve que l’humain est ainsi fait qu’il est prévisible en termes de réactions à des stimuli, et notamment aux informations, d’autant plus si celles-ci tournent en boucle.

On se souvient du premier confinement et du décompte quotidien morbide qui ne pouvait à terme qu’engendrer une psychose, quand bien même son intentionnalité eût été d’appeler à la vigilance, le champ de bataille a été ainsi posé.

L’entretien d’un état de sidération a pour effet d’inhiber la rationalité. Si je devais rappeler les éléments qui sont des piliers de la manipulation d’une opinion publique, il en est cinq :

  1. Provoquer la sidération
  2. Répéter des messages
  3. Infantiliser
  4. Culpabiliser
  5. Recourir à des experts

 

Le lecteur sera juge des éléments qui ont été utilisés jusqu’à ce jour par l’exécutif.  S’en sont suivi les différents épisodes que nous connaissons, depuis le premier confinement, le biopouvoir – ce pouvoir qui selon Michel Foucault a remplacé progressivement le pouvoir monarchique de donner la mort – s’exerce désormais sur la vie : la vie des corps et celle de la population – n’a eu de cesse de monter en puissance.

Il s’est matérialisé par la mise en place d’un état d’urgence sanitaire régulièrement prolongé, conférant les pleins pouvoirs à un Conseil de défense et au chef de l’État, occasionnant la multiplication de décrets restreignant les libertés individuelles au gré des informations alarmistes des experts et s’appliquant à la population sur un terrain psychologique préparé. Un terrain psychologique dominé par la peur, une peur qui s’est muée progressivement en désespoir pour nombre de concitoyens.

C’est dans ce type de configuration qu’une population – aussi soucieuse de ses libertés fondamentales soit-elle – est prête à accepter majoritairement jusqu’à l’inacceptable, puisque ne pouvant exercer son sens critique (état de sidération), ni prendre la juste mesure des restrictions qui lui sont imposées (impériosité de survie) ; des restrictions qui pourraient devenir pérennes en étant intégrées à terme dans le droit commun comme cela a déjà été le cas, avec l’État d’urgence, lorsque l’exception devient la règle au mépris des libertés !

Dans le cadre de la crise covid que nous traversons, si nous nous appuyons sur les faits, quoi qu’on leur impose, les citoyens subissent et finissent par accepter  l’absurde comme la norme.

Ainsi, et de façon certes caricaturale des petites librairies où se côtoient quatre passionnés de littérature aux heures de pointe ont – un temps – été fermées, puisque jugées non essentielles, tandis que les transports en commun pouvaient eux s’afficher bondés.

De nombreux secteurs sont acculés, de nombreux citoyens en grande détresse. Pour illustrer mon propos : l’exécutif fait planer la menace d’un reconfinement. Ce faisant il engage une inversion des responsabilités en indexant la réussite ou non de son action sur le comportement des citoyens. Si je puis me permettre le mot, c’est de bonne guerre.

En agissant ainsi l’exécutif vise trois objectifs :

  1. Il se dédouane de ses propres responsabilités dans la gestion de la crise
  2. L’approche culpabilisante des individus a pour fin de détourner les sentiments de révolte contre un système qui est mis en place
  3. Sont ainsi passés sous silence tous les questionnements légitimes sur l’anticipation de la deuxième vague que nous connaissons : le quantitatif de lits est oublié, les balbutiements de la logistique de vaccination auront été bien rapidement balayés… etc.

 

Si la manipulation d’une opinion commence pour partie par ce type d’approche, à ceci vient s’ajouter une « dérive sémantique » qui semble être passée inaperçue. Outre la « menace » récurrente d’un reconfinement, conditionné par de nombreux « si », tant comportementaux que médicaux, dans les faits, hors la circulation limitée dans le temps et dans l’espace et un laisser-passer contraignant, la rupture inédite des liens sociaux se poursuit et se conjugue avec un couvre-feu.

C’est une épreuve psychique collective qui ne peut être  vécue – selon sa situation personnelle – de façon identique. Aussi pour de nombreux citoyens isolés socialement, la situation actuelle présente tous les atours d’un confinement qui ne dit pas son nom.

 

Fabriquer le consentement : mode d’emploi

Dans le contexte qui a été décrit, nous apprenons par l’APM NEWS  que le gouvernement va publier un nouveau décret la semaine prochaine, prévoyant de compléter l’application TousAntiCovid avec un QR code.

« Le texte prévu ouvre ainsi la voie à l’installation de QR codes à l’entrée de certains lieux publics considérés comme à risque par les autorités. »

Que nos anciens ne disposant pas du dernier iPhone soient rassurés, le scan de QR codes ne serait pas obligatoire, les clients des lieux les plus à risque seront «  seulement » invités à se signaler sur les cahiers de rappel.

L’objectif est de permettre aux utilisateurs de TousAntiCovid d’y enregistrer leur présence en scannant ces codes-barres avec la caméra de leur téléphone pour être avertis par la suite s’ils ont été au contact d’une personne infectée par le coronavirus durant leur visite.

Après une première étape consistant à faire accepter l’application, en y intégrant la possibilité de remplir sa fiche de déplacement « modifiable à loisir » (sic), sans parler des tentatives de phishing SMS (smishing) liées à l’application originelle qui ont débuté en juin et se poursuivent sur la nouvelle version, la volonté de faire accepter par tout moyen cette application a trouvé un nouvel angle d’attaque imparable : alerter les Français lorsqu’ils ont croisé des malades et endiguer la propagation de l’épidémie.

Si l’intention semble louable, voilà un nouveau pas franchi dans une surveillance de masse et une collecte de Data sensibles au service d’un intérêt dit supérieur.

Notons que pour le hacker éthique Baptiste Robert, connu et reconnu sous le nom d’ « Elliot Alderson » l’application est en l’état « inutile » :

« C’est toujours la même application que nous avons en face de nous. C’est juste le nom qui a changé. Ce n’est que de la communication ! Ils ont rajouté une section « news », effectivement, et deux ou trois liens. Mais c’est du cosmétique. »

« Le contact tracing est basé sur du Bluetooth, or le Bluetooth n’est pas fait pour mesurer une distance, on aura une approximation qui va dépendre grandement de la qualité du téléphone. Cette imprécision va, de fait, déclencher de faux positifs. Avoir un système de santé qui déclenche des faux positifs, c’est gravissime. »

Qu’à cela ne tienne, cela sera imposé, avec un nouvel add on, il n’y aura donc pas lieu d’en discuter.

Ce qui est plus préoccupant c’est que peu de personnes y trouveront à redire, malgré la collecte de données extrêmement sensibles, malgré la mise en cause de la fiabilité. Y figurera-t-il des éléments et des critères pouvant mettre fin à cette surenchère de traçage ? Rien n’est moins sûr.

En outre, comme le rappelle le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’université de Lille, « il y a un problème sur le principe d’égalité » car « tout le monde n’a pas forcément un téléphone portable compatible, et il n’est pas obligatoire d’en avoir un ».

Quand bien même le process est attentatoire à une liberté fondamentale, la libre circulation des citoyens, il ne sera pas contesté, voire – et je ne crois pas m’avancer en l’écrivant – sera même « plébiscité », et c’est là tout l’art de la manipulation qui consiste à modifier le comportement d’une cible déterminée, en transformant sa perception du réel.

L’emprise sur les secteurs sinistrés qui bénéficieront de ces mesures est à la fois psychologique et matérielle, tandis que l’emprise sur la population ayant un besoin vital de socialisation est, elle, plus psychologique.

Dans cette configuration, quand bien même les établissements directement concernés, tout comme les citoyens, seraient de fervents défenseurs des libertés publiques les plus fondamentales qui sont la force et le fondement d’une démocratie, il est prévisible que ce décret sera majoritairement plébiscité par des secteurs d’activité agonisants, des chefs d’entreprises désespérés, et une population à bout de souffle.

Une fois promulgué, ce décret qui a fuité sera probablement suivi, s’il n’est précédé de « sondages d’opinion » démontrant une adhésion massive d’une population résignée. La boucle est bouclée.

Si « la démocratie est une oppression du peuple par le peuple et pour le peuple », comme l’écrivait Oscar Wilde, il en aura vraisemblablement rapidement la démonstration, avec toutefois un bémol : dans le cas de figure qui a été évoqué, le peuple sera responsable et victime, mais bien loin d’être le coupable.

« Tout gouvernement a besoin d’effrayer sa population et une façon de le faire est d’envelopper son fonctionnement de mystère. C’est la manière traditionnelle de couvrir et de protéger le pouvoir : on le rend mystérieux et secret, au-dessus de la personne ordinaire. Sinon, pourquoi les gens l’accepteraient-ils ? » (Noam Chomsky).

Voir les commentaires (10)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (10)
  • « Sondage d’opinion »…doit on, comme c’est le cas des médias main stream, leur faire confiance ? et jusqu’où ?
    Faute de démocratie « vivante » on gouverne par de la communication basée sur des sondages, et si cela ne suffit pas on fait des « conventions citoyennes » (tout comme les sondages sensées être représentatives) pour manipuler les foules.

  • La partie sur le problème du Bluetooth est hors de propos puisque le QR Code sert justement à dire à l’application que les personnes sont dans un même lieu. Si ça se trouve le Bluetooth ne sera même pas à activer.

    Sur le sujet de manière générale, je pense que cette histoire d’application et de QR Code va faire un énorme flop. Déjà il est impossible qu’avoir un smartphone puisse être imposé à la population pour aller dans des lieux, donc ça veut dire qu’on aura aussi le droit de remplir un registre à la main (ou alors qu’il faudra s’enregistrer soi-même sur une tablette mise à disposition par exemple), et le faire en entrant et en sortant donc 2 fois. Si on ajoute à ça la lassitude générale, on se rend compte que tout va revenir à la normale (dans longtemps quand même hein).

  • Tout ce qui est dit dans cet article est assez effrayant.
    Je me demande si l’auteur ne surestime pas un peu l’intelligence du pouvoir actuel.
    Je penche plutôt pour la panique et l’incompétence, ce qui n’est pas moins effrayant, je vous l’accorde.
    Quand cette mesure sera mise en place, je suggère que l’on saisisse Madame la défenseure des droits.
    Si elle estime que les contrôles d’identité au faciès sont injustes, j’estime quant à moi que je ne suis pas obligé d’informer la France entière du nom des restaurants où je pourrai de nouveau me rendre, j’espère.
    Enfin au moins pour ceux qui ne seront pas définitivement fermés.

    • Madame la défenseur·e des droits n’est pas vraiment là pour préserver ceux de M. et Me. Toulemonde. Vous l’avez entendue pour défendre le droit de propriété des gens squattés ? La liberté de prescription des médecins ? Celui d’assister à une réunion de « non racisés » ? Elle est essentiellement la marionnette des associations pro-immigrés, et pas grand-chose d’autre…

    • Cette histoire d’application pour aller dans des lieux, c’est dit en long, en large et en travers depuis le début par les « complotistes ». On sait tous que c’est ce qu’ils veulent faire, et on le sait depuis des mois. Quand j’ai vu l’information, ça ne m’a absolument pas surpris : ce n’est donc ni panique ni incompétence. C’est juste le « plan » qu’on connaît depuis des mois, vraiment sans aucune surprise.
      Néanmoins ça ne veut pas dire que ça fonctionnera et que ça prospérera.

  • « TousAntiCovid » donne envie, comme en tout temps de guerre, de trahir son pays et passer à « TousPourCovid ». Parole de retraités sans smartphone et ne comprenant pas rien aux nouvelles technologies. A fusiller ?

    • Au moins vous devriez porter un signe distinctif sur vous pour savoir que vous n’avez pas de smartphone… (je rigole bien entendu 😉 )

  • Il y a 2 mots que je ne supporte plus, c’est « tous » et « ensemble » et quand les 2 sont réunis dans un projet gouvernemental, c’est pire….

  • Tout cela est parfaitement connu par nos dirigeants, qui ne font qu’utiliser des choses décrites depuis longtemps.
    S’il faut lire quelques textes de fond sur le sujet, j’en vois 3 principaux :
    – le traité sur la démocratie (en Amérique) de Tocqueville, qui décrit ce comportement « naturel » des citoyens, prêts à accepter des restrictions (importantes) de leurs libertés individuelles en échange d’une protection (en grande partie fictive) des gouvernements contre des risques (montés en épingle, donc largement surestimés).
    – le roman, qui n’est plus de science-fiction mais d’anticipation, « 1984 », avec le principe de toujours avoir un « ennemi » (qui change sans aucune logique, cela n’a aucune importance), lequel justifie que le gouvernement soit « obligé » de surveiller tout le monde 24h sur 24, le tout associé à un contrôle total sur l’information, allant jusqu’à réécrire l’histoire pour qu’elle soit conforme à la réalité du jour.
    – l’autre roman d’anticipation, « Le meilleur des mondes », avec la surveillance de tous sur chacun, pour supprimer toutes déviances individuelles (ne version moderne, ce sont ces moyens technologiques), associée à un conditionnement massif pour que chacun soit « heureux » malgré la médiocrité de son existence (là, ce sont les médias aux mains des gouvernants ou de leurs amis).

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
3
Sauvegarder cet article

Edward Bernays est l’un de ceux qui ont pensé et conceptualisé les ressorts de la manipulation et de la conduite des foules, pour appliquer ses principes à la publicité mais aussi à l’action politique. À travers ses livres et ses réflexions, il a contribué à façonner la pratique de la manipulation. 

« La manipulation consciente et organisée des habitudes et des opinions des masses est un élément essentiel des sociétés démocratiques. Ceux qui manipulent constituent un gouvernement invisible. Nos idées sont dirigées par des gens dont nou... Poursuivre la lecture

Omniprésents dans les campagnes électorales, les sondages font l’objet de nombreux fantasmes et incompréhensions. Manipulation de l’opinion, destruction de la politique, outil indispensable, beaucoup les critiquent tout en en faisant usage. Analyse et décryptage de Frédéric Micheau.

Directeur général adjoint d'OpinionWay et enseignant à Sciences Po, Frédéric Micheau est spécialiste des études d'opinion. Il est l'auteur, au Cerf, de La Prophétie électorale (2018), Le Sacre de l’opinion (2022) et Le gouffre démocratique : les gouvernants... Poursuivre la lecture

Partie des États-Unis, où le recours aux technologies a permis de rallier très habilement les opinions publiques aux opérations en cours lors de la première guerre du Golfe en 1991, qui en marque le véritable point de départ, la guerre de l’information mondiale a succédé à la guerre froide. Une guerre engagée avant tout – nous montre David Colon dans son dernier ouvrage, La guerre de l’information : Les États à la conquête de nos esprits - par les régimes autoritaires, qui visent l’effondrement des démocraties libérales en s’appuyant sur nos ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles