L’industrie allemande est-elle vraiment meilleure que les autres ?

L’industrie allemande n’est pas forcément la championne des pays développés que l’on d’écrit. Dans des secteurs de pointe, elle est dominée par les USA, ou même le Royaume-Uni.

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Volkswagen Wolfsburg by Dave Pinter (CC BY-NC-ND 2.0)

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L’industrie allemande est-elle vraiment meilleure que les autres ?

Publié le 3 septembre 2018
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Par Vladimir Vodarevski.

L’industrie, c’est l’Allemagne ! C’est le leader industriel des pays développés. La part de l’industrie représentait 27,6 % du PIB en 2017, selon les chiffres de la Banque Mondiale. Contre 18 % pour le Royaume-Uni, 19,4 % pour les USA, et 17,3 % pour la France. Dans le domaine de l’industrie, l’Allemagne est donc le modèle à suivre. La France souhaite une politique industrielle qui la rapprocherait des Allemands.

L’automobile est le symbole de l’industrie allemande. Les marques automobiles les plus puissantes sont allemandes. L’industrie automobile allemande exporte dans le monde entier. Elle produit dans le monde entier, mais le site industriel allemand reste puissant. L’industrie automobile allemande est à la pointe du progrès. Ses véhicules sont les plus modernes. L’Allemagne est décrite comme une puissance industrielle, et son symbole est l’automobile.

Les USA en pointe dans l’industrie automobile

Pourtant, l’innovation dans l’industrie automobile n’est pas venue d’Allemagne. Ce n’est pas l’Allemagne qui est à la pointe du progrès dans le secteur de l’automobile. Ce n’est pas l’Allemagne qui a l’entreprise la plus moderne du secteur automobile. Non. Ce sont les USA.

L’entreprise qui mène la révolution automobile, c’est Tesla. On parle bien là de révolution automobile. Tesla, ce n’est pas simplement une voiture électrique. Les Tesla sont des ordinateurs sur quatre roues. Dans le sens où leur conception, et leur fonctionnement, s’inspirent des ordinateurs. C’est ainsi qu’elles reçoivent des mises à jour logicielle, comme votre PC sous Windows ou votre Mac. C’est une rupture technologique. Une technologie disruptive, comme il faut dire aujourd’hui. Ce mode de conception les conduit naturellement vers la voiture autonome, dont se sont emparé les firmes américaines, dont Tesla.

Les USA à la pointe de l’industrie

Il en va de même dans beaucoup de secteurs industriels de pointe : ce n’est pas l’Allemagne qui domine. Mais les USA.

Prenez votre téléphone mobile. La Chine domine la production. Mais il a peut-être une puce Qualcomm. Il fonctionne sous Androïd ou IOS. Le système d’exploitation, c’est un peu comme le moteur d’une voiture : sans lui, ça n’avance pas.

Dans les télécom, un des leaders est Cisco, une entreprise américaine. L’Allemagne est larguée. Pour concevoir des produits, l’industrie peut utiliser des casques sous Windows. Les entreprises américaines sont présentes dans les stades principaux de la conception. Même une société européenne, française en l’occurrence, Dassault Systèmes, spécialiste des logiciels industriels, est obligée de racheter des sociétés américaines pour rester dans la course.

Les USA sont à la pointe de la technologie. Ils sont donc à la pointe de l’industrie, car ils contrôlent des technologies transverses, indispensables à l’industrie, indispensables à la conception industrielle.

Le fétichisme de l’industrie

Beaucoup d’économistes font du fétichisme industriel. Ils se focalisent sur la puissance industrielle de l’Allemagne, caractérisée par la part importante de son industrie dans le PIB. Mais c’est un chiffre qui a peu de signification.

D’abord, il faudrait affiner ces statistiques. Il y a eu un mouvement d’externalisation des fonctions au cours des dernières décennies. Concrètement, si une entreprise industrielle effectue elle-même le nettoyage de ses installations, les salariés affectés au nettoyage sont compris dans le secteur industriel. Si l’entreprise fait appel à une autre société, le personnel affecté au nettoyage fait partie du secteur des services, et la valeur ajoutée de la société de nettoyage aussi.

Il faudrait donc vérifier si en Allemagne les sociétés ne sont pas plus intégrées. Comme il faudrait peut-être réintégrer une partie de la valeur ajoutée de la recherche américaine dans le secteur industriel.

Par ailleurs, la puissance industrielle, c’est aussi être à la pointe de la technologie. Or, les technologies de rupture sont américaines. Nous avons vu l’automobile, les télécoms. Il y a aussi l’espace, secteur dans lequel des milliardaires se sont lancés dans une course pour baisser les coûts de la conquête de l’espace. L’Allemagne est larguée.

La réaction allemande

Il ne s’agit pas d’enterrer l’Allemagne. Son industrie est puissante. Elle réagit à la concurrence. C’est ainsi que des constructeurs automobiles allemands se sont regroupés pour acheter Here, l’application de cartographie de Nokia, concurrente de Google Maps. En effet, la localisation est indispensable pour la voiture autonome.

On peut signaler la société Rocket Internet, qui adapte des concepts de ventes en ligne, souvent américains, à l’Europe. Les entreprises du mittlestand savent s’adapter.

Mais le modèle américain lui permet de rester à la pointe de l’industrie. On peut aussi signaler les champions du Royaume-Uni, qui sont issus du même modèle. Le plus connu est Dyson, qui a conçu un aspirateur sans sac, est passé au sèche-main, et investit dans la voiture électrique aujourd’hui. Mais la technologie la plus répandue est celle d’ARM : quasiment toutes les puces des smartphones sont basées sur une architecture conçue par ARR, qu’elles soient développées par Qualcomm ou par Samsung.

Faut-il imiter le modèle de l’industrie allemande

L’industrie allemande est le modèle à imiter pour la plupart des économistes et commentateurs de l’économie en France. On considère que l’industrie est à l’origine de la croissance, qu’elle crée de bons emplois, et que la force de l’Allemagne réside dans son industrie. Mais rien n’est moins sûr.

Les USA, dont officiellement la part de l’industrie dans le PIB est plus faible que pour l’Allemagne, sont présents dans des secteurs clef et transversaux. On peut dire que leur industrie est puissante. Et, surtout, parce qu’elle est à la pointe du progrès.

Se focaliser sur la part de l’industrie dans le PIB est donc vain. Cette part ne mesure ni la puissance industrielle d’un pays, ni, surtout, sa puissance et son potentiel économique.

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  • Pas d’accord. Ce qui cree de la croissance et de bon emplois est la conception et la finalisation de produits que les gens veulent acheter. Les americains sont bon en concept mais nuls en execution; les TSLA model 3 ont des gaps enormes. Mauvaise execution. Les gens n’acheteront pas. Les allemands sont de formidables executants, les produits sont de qualite. L’Allemagne (et le Japon) comblent ce besoin. L’avantage est qu’en comblant ce besoin, vous pouvez employer beaucoup de personnes en conservant des marges elevees. Quant a la dominance technologique, ce n’est pas important. L’avantage technologique est de courte duree. D’ailleurs la Bible elle meme le dit; les premiers seront les derniers. C’est ce qui va arriver a TSLA quand la BMW -SUV- electrique va apparaitre d’ici 6 mois; l’execution sera parfaite et la techno identique.

    • Je confirme, les déboires de TSLA sont devenu un sujet d’humour noir aux USA et les ventes s’écroulent….En plus elles sont impossibles à revendre d’occasion, a un tel point que des gros mains sont entrain de créer une filière pour les fourguer en Europe, où il y a encore des gogos pour croire en cette daube.

    • c’est marrant cette occultation des magouilles des constructeurs allemands sur les fraudes TVA et le dieselgate, sans parler des élections « voiture de l’année « bien magouillées……..

  • En conclusion ce sont les USA qui mènent le jeu . Soit . Remarquons quand même qu’il n’est nullement question de la France dans cette analyse . Trop gênant ?

  • Il n’y a pas de modèle industriel à suivre. L’idée même d’un modèle industriel est une idée qui repose implicitement sur l’action de l’Etat pour mettre tout ça en branle. Si on veut suivre un modèle il faut imposer ce modèle ou le rendre incitatif. Et ça, seul l’Etat peut le faire.

    Il faut arrêter de vouloir suivre des modèles ou d’en créer des nouveaux. L’économie, comme l’industrie ne fonct(ionne pas avec des modèles mais avec de la créativité de la méthode, de la R&D etc… Un modèle peut être bon pour une usine et mauvais pour la voisine.
    D’ailleurs il n’y a pas vraiment de modèle allemand ou américain. Smith &Wesson n’a rien à voir avec Tesla (Qui vit d’ailleurs plus des droits à polluer que de l’innovation), les guitares Gibson ou les motos Harley Davidson. Cette idée de modèle industriel national une construction intellectuelle biaisée par une vision nationaliste collectiviste voire colbertiste de l’économie. C’est un concept qui vise à faire passer des propos de bistrot pour de la science. En réalité le bon « modèle » c’est quand on laisse les entrepreneurs s’organiser comme ils le veulent sans devoir se conformer à je ne sais quel modèle.

    On peut en revanche commenter le cadre dans lequel évolue l’industrie d’un pays. L’avantage de l’Allemagne est fondé sur plusieurs points:

    La facilité de la formation interne
    Un Etat Allemand pro industrie qui leur accorde des subventions déguisées: Protectionnisme déguisé en normes de sécurité, frais électriques payés par le consommateur plutôt que par les entreprises, Etat peu regardant sur la conformité aux normes internationales etc…

    L’Allemagne est une autre forme d’étatisation larvée de l’économie mais elle reste dans le club des Etats très interventionnistes.

    • Vous avez raison. On ne devrait pas parler de « modèle industriel », mais de « modèle de soutien étatique à l’industrie »…

      (lequel soutien peut aussi prendre la forme du non-interventionnisme à tout crin)

  • Les USA ont certes des secteurs de pointes (logiciel/internet/aeronautique) mais de la a dire que c est une puissance industrielle il y a un monde ! Les USA sont une puissance technologique et en R&D oui. Mais pour l industrie (qui est d etre capable de fabriquer des produits en masse et sans (trop) de rebuts) c est autre chose.

    Apple fait fabriquer ses smartphone en chine. Tous les fondeurs (AMD, Intel, Qualcomm) font fabriquer en asie. Tesla fabrique aux USA mais rencontre actuellement des grosses difficultes a passer d un marche de niche a une production de masse.

    PS:
    1) le high tech aux USA ne concerne assez peu de monde. Comparez le nombre d employes d apple avec celui de GM de la grande epoque
    2) je suis pas sur que les USA pourraient devenir une puissance industrielle. Pour un chinois, devenir Ingenieur est un sort enviable. Pour un americain, il vaut mieux devenir medecin ou avocat. Ca paie bien plus et les contraintes sont moindre. Autrement dit l industrie chinoise peut compter sur un grand nombre d Ingenieurs (et pas forcement les plus betes de leur classe d age) alors que les USA en auront mins et plutot ceux qui n auront pas pu faire autre chose

    • Je vous signale quand même, si vous en avez entendu parler, un certain monsieur Ford qui a inventé la production de masse, et c’est le pays où elle fut développée. Durant la seconde guerre mondiale ils ont fabriqué 300.000 avions, 90.000 tanks, des millions de camions, en 4 ans. Ford et GM sont la et Tesla peut embaucher des spécialistes.

  • Je comprends mal l’intérêt de cet article, sans doute fort intéressant pour les macro-économistes nationaux et les conséquences éventuelles sur les politiques économiques nationales.
    Pour le reste, en période de mondialisation, comment ne pas constater que les grandes sociétés sont le plus souvent, elles, multinationales: concrètement, Toyota-Valenciennes fait partie de l’industrie française d’un producteur japonnais!
    La nationalité est secondaire mais pas pour l’économiste politique national!

  • Arrêtez vous idioties de technocrates et occupez-vous de la merde en France il y a bian assez à faire.
    Dans tous les cas ils ont un PIB largement au-dessus du notre et ils ne vendent ni leur industrie ni leurs terres agricoles aux Chinois qui n’en ont que faire des petit crétins de Français at qui envoient lait, beurre et autres produits directement chez eux jusqu’au jour proche ou on aura même plus la nourriture pour le pays.
    Hélas, les journaleux ne recherchent que des failles chez les autres alors que c’est le merdier le plus complet dans notre pays avec des ignobles incompétents pour ne pas dire escrocs financiers qui nous dirigent et qui n’ont d’autre objectif que celui de trouver une nouvelle taxe tous les matins alors que nous sommes déjà le pays le plus taxé au monde.

  • Qu’importe que les entreprises américaines ne soient pas toujours bénéficiaires, qu’importe qu’elles sous traitent effrontément, qu’importe que les produits soient « pourris ».

    L’important pour elles, est qu’elles « mènent le bal » :
    – elles levent des fonds énormes,
    – elles deviennent le « gorille »
    – elles représentent un placement efficace pour les financiers
    – elles chargent leurs sous traitant de trouver leurs marges !

    Les allemands ont une marge commerciale, mais faites de dettes.

  • Tant que l’état français se servira de l’industrie (entre autre) pour qu’elle tire les marrons du feu, les éplucher après s’être brûlé les mains et qu’il puisse les gober sans laisser une miette à quiconque, il sera hors de question pour nous de continuer à travailler pour le roi de Pru.. pardon de Bercy*
    *entité complètement indépendante de la France sauf pour l’essorer.

  • Sauf que l’Allemagne est à la ramasse dans tout les domaines IT (manifestement la faute à leur méthode de management industriel qu’ils ont du mal à oublier et veulent transposer dans le monde du numérique).
    Sur ce secteur la France se montre bien plus en avance et en pointe l’écart va à mon sens encore se creuser dans les années qui viennent.
    Certains diront oui mais les US ont les GAFAM toutes puissantes … certes. Mais la faute en grande partie à nos institutions qui préfèrent acheter massivement des licences Microsoft à coup de milliards plutôt que d’investir dans des plans numériques (merci les lobbys). Le financement est également différent aux US avec les « business angels » et les universités qui bossent presque pour des boites privées (du coup pas de recherche fondamentales).
    De plus beaucoup d’ingénieurs Français (plus de 20 000) sont souvent derrières les projets des boites US. L’ingénieur français est très prisé la bas. L’industrie va également subir un virage important dans la façon de créer, avec la raréfication des ressources, la création par addition d’atome plutôt que par taillage dans le bloc ce qui ne manquera pas de remanier les dés. Je ne suis pas sur que les allemands aient pris ce virage.

    • J’ai comme l’impression que vous oubliez le groupe allemand SAP, dont les logiciels pilotant l’industrie découlent des méthodes industrielles allemandes appliquées a l’informatique a partir des années 1972.
      Ce groupe allemand équipe la quasi totalité des industries européennes dans de nombreux domaines dont l’ERP, mais aussi les finances et le R.H. entre autres.

  • Les Tesla en mode autonome ont tendance à ne pas voir des obstacles aussi discret qu’un camion de pompier à l’arrêt, de ne pas détecter les personnes qui traverse imprudemment dans la pénombre malgré les capteurs qui devraient voir dans le noir, et de donner des coups de volant intempestifs.

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