Constitution : les dangers d’une révision complaisante

Une constitution n’est jamais parfaite, mais elle n’est pas un catalogue de la Redoute. Ceux qui veulent en faire un instrument de politique gouvernementale la dénaturent et par là même l’affadissent.

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Constitution : les dangers d’une révision complaisante

Publié le 11 juillet 2018
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Par Jean-Philippe Delsol.
Un article de l’Iref-Europe

Emmanuel Macron avait promis une révision constitutionnelle dès la première année de son mandat. Il va peut-être parvenir à faire voter un projet partiel qui mélange des questions relevant presque du détail, comme la suppression du droit accordé aux anciens présidents de la République de siéger au Conseil constitutionnel, avec des questions plus importantes comme celle de la réforme du Conseil de la magistrature.

Plutôt que de le supprimer, il cherche à rénover le Conseil économique et social qui a surtout prouvé son inutilité depuis sa création en 1958 sinon pour recaser les déchus de la République. Mais de manière plus grave, il réécrit l’article 1 de la Constitution et dénature celle-ci.

Avec la bénédiction du gouvernement et du président de la République, les parlementaires ont proposé, lors de l’examen du texte en commission des lois et avec l’aval du gouvernement, que le mot race soit supprimé de l’article 1 de la Constitution qui retiendrait désormais que la France « assure l’égalité de tous les citoyens sans distinction de sexe, d’origine ou de religion », le mot sexe se substituant au mot race qui y figurait jusqu’à présent. C’est la politique de Gribouille qui se jetait à l’eau pour éviter la pluie. Car ce n’est pas en rayant la race de la Constitution que les races disparaîtront.

Quant à l’égalité des sexes, elle était déjà très préservée dans cet article premier et plus encore par l’article 3 du préambule de la Constitution de 1946 : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme » venant compléter l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », ces deux textes étant pleinement intégré à la Constitution de 1958. Pourquoi redire ce qui est déjà bien dit, sinon par démagogie et vaine complaisance.

Par ailleurs, sous la pression de M. Hulot, les parlementaires ont également ajouté à cet article 1 que la France « agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques ». Et pourquoi ne pas écrire aussi qu’elle intervient contre les tremblements de terre et contre les éclipses qui provoquent des accidents en cachant la lumière de la lune ou du soleil, ou encore contre la mort, contre la méchanceté, contre la laideur… Le ministre de l’Écologie voudrait y mentionner aussi la « finitude des ressources » ou les « limites planétaires ». Et pourquoi pas les limites de l’action humaine contre les changements climatiques ?

Une constitution n’est jamais parfaite, mais elle n’est pas un catalogue de la Redoute. Elle a pour objet de fixer les grands principes et d’établir les institutions structurantes de l’action publique. Ceux qui veulent en faire un instrument de politique gouvernementale la dénaturent et par là même l’affadissent, à l’encontre du but recherché.

Les droits de la nature ou de l’Homme ?

Mais surtout, ces derniers ajouts soulignent un détournement sournois du droit en cherchant à le mettre au service de la nature plutôt que des hommes. Car si le droit est exclusivement au service des personnes raisonnantes, les hommes, ce que dit déjà la Constitution suffit à préserver l’environnement dans leur intérêt. D’autant plus qu’une précédente révision a déjà inutilement intégré dans son corpus la Charte de l’environnement de 2004 qui mentionne notamment en son article 1er que « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».

Mais la modification suggérée va plus loin, même si elle était sous jacente dans le texte de 2004. Elle veut que la France préserve la planète, son environnement et sa biodiversité pour eux-mêmes. Il n’est plus fait référence au fait que ça n’a d’importance que pour les Hommes.

L’insertion de ces modifications s’inscrit en fait dans le courant de l’égalitarisme extrême qui, à défaut de pouvoir instituer une égalité impossible entre les hommes, voudrait étendre sa prétention égalitaire au reste du monde. Il ne faut plus seulement que les hommes soient égaux, mais qu’ils le soient avec les animaux, voire avec les choses. Le mouvement anti-spécisme de libération animale considère que les hommes sont des animaux comme les autres et réclame d’étendre aux autres espèces ce même principe fondamental d’égalité que la plupart d’entre nous acceptons de voir appliquer d’une manière ou d’une autre à tous les membres de notre espèce. Ce qui justifie et sous-tend aussi le veganisme jusque dans ses violences à l’égard des bouchers. D’autres vont plus loin encore en demandant de délivrer des droits aux pierres comme le fait Michel Serres qui veut que « les objets eux-mêmes deviennent sujets de droit1 » pour que s’établisse une réciprocité entre l’homme et la nature : « … autant la nature donne à l’homme, autant celui-ci doit rendre à celle-là devenue sujet de droit2 ».

Pour faire plaisir à M. Hulot, peut-être simplement pour le garder au gouvernement, la référence suprême de notre droit est en train d’ouvrir subrepticement la voie à des élucubrations dangereuses et capables de remettre en cause les bases mêmes de notre civilisation fondée toute entière sur sa référence à l’Homme, dans sa confiance en son immense et incessante créativité autant que dans sa reconnaissance de son inquiétude éternelle sur ses fins et son devenir.

Sur le web

  1.  Michel Serres, Le Contrat naturel, Champs, Flammarion, 1992, p.66.
  2.  Idem, p.67.
Voir les commentaires (24)

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  • Surtout sans l’avis ni la consultation de la population. C’est ce que font les dictateurs.

    • Mouais, si c’était vrai, Macron aurait déjà changé la Constitution dès le jour 1.

      Non, la population est consultée, par la voie de ses représentants élus – députés et sénateurs – qui devront se prononcer à une majorité des 3/5.
      Ce système ne vous plait peut etre pas, mais il n’est pas une dictature.

      • Le Parlement-croupion est en effet plutôt une caractéristique monarchique, mais pour citoyen lambda, ces distinctions sont sans importance…

  • Agir « pour la préservation » et « contre le changement »… Quel magnifique illustration de l’immobilisme à la française.

  • Il n’y a qu’une race , c’est la race humaine !

  • Simple retour dans le temps, quand les animaux étaient aussi sujets de Droit et avaient les mêmes devoirs que les hommes – sauf qu’à l’époque on ne disait pas qu’ils avaient « droit à », ils avaient « devoir de », comme tout le monde…

  • Cela permet de faire de la com’ et détourne ainsi l’attention des vrais sujets.

  • Hulot est une catastrophe ambulante et un danger. Il n’a rien à faire dans la révision constitutionnelle. Quand les électeurs vont-ils se réveiller?

    • @Mariah

      « Quand les électeurs vont-ils se réveiller? »

      Je préférerais qu’ils restent coucher…
      Sinon, quand est-ce que les contribuables se réveilleront-ils ?

  • c’est intéressant de parler de droits de la nature ….parce que ça peut donner un angle d’attaque pour discréditer l’Etat..la pollution diesel c’est bien l’Etat qui a fixé les règles , le fait de foutre plein de pesticides sur les cultures et contaminer les nappes phréatiques c’est l’Etat…etc….

  • Les déchus de la République recasés au CES…
    Et les déçus de la République à Macron, on les recase où ?

  • « Car ce n’est pas en rayant la race de la Constitution que les races disparaîtront »
    C’est pas le sujet ! Ni celui de lutter contre le racisme (la loi de 1972 et autres seront toujours là).
    Le sujet c’est de supprimer la reconnaissance implicite par l’Etat de l’existence de races.

  • « Ce qui justifie et sous-tend aussi le veganisme jusque dans ses violences à l’égard des bouchers »
    Faut quand même pas pousser Mémé dans les orties !

  • « les objets eux-mêmes deviennent sujets de droit »
    Mais on y va, on y va. La prochaine étape, ce sera celle des robots (plus par cynisme que par humanité, mais passons…).
    Pour votre info, l’Inde et la Nelle-Zélande ont doté des fleuves d’une personnalité juridique…

  • « notre civilisation fondée toute entière sur sa référence à l’Homme »
    Jadis, les ancêtres de ceux qui pensaient ça croyaient aussi que le soleil tournait autour de la terre.
    Sic transit gloria mundi…

  • Ça va être difficile de construire n’importe quel outils si on met tous les objets égaux à l’homme… ^^

  • Puisque la constitution est devenue un « livre d’or » dans lequel il est bon de se faire remarquer, j’aimerai que l’on ajoute:
    L’exploitation du gaz de schiste
    L’exploitation du pétrole de schiste
    L’exploitation des terres rares en milieu marin
    L’exploitation des mines d’or en Guyane

    🙂

  • si la constitution impose de lutter contre le changement climatique cela justifiera une guerre contre les méchants américains qui s’en foutent ??? et pourquoi pas traduire en justice les ministres voyageurs grands émetteurs de CO2 ???

  • Super Hulot a convaincu son fidèle élève et sponsor de supprimer de la Constitution races et sexes pour qu’on ne puisse plus jamais parler de ces saletés qui nous empoisonnent la vie…, aux dires de certains. Il a probablement raison de vouloir en finir avec les grandes manif parigo-écolos pour ou contre PMA, GPA et autres fiestas indiscrètes des LGBT qui s’en disent fiers à tort, car à mon point de vue, leur spectacle public est bien plus près du remède que de l’enthousiasme quand on y a vraiment assisté, non par gout, mais par solidarité. Mais enmêmetemps ne faut-il pas dans la foulée supprimer les fêtes des mères et celle des pères un peu trop sexistes, voire bêtement sexuelles, elles aussi ? Ramener tout cela à une seule fête me paraîtrait beaucoup plus respectueux pour ceux qui ne rentrent dans aucune de ces catégories prédéterminées, et se trouvent sans fête par pauvreté, maladie ou célibat vrai ou faux , ou autre chose, et qui n’ont que le choix, sans solidarité, mais bien solitaire de se souler sur les trottoirs de temps en temps? Et aussi pourquoi pas faire preuve d’un peu de modestie sous forme d’autodérision collective et salutaire , en l’appelant fête des cons tout simplement par exemple… parce que, quoiqu’on fasse, nous sommes tous et toujours le con de quelqu’un d’autre ?

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