Les levures OGM, seule solution pour produire du lait vegan ?

Pour respecter les canons de l’alimentation vegan, il n’y aura pas d’autres solutions que de recourir aux OGM !

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Lait artificiel By: Day Donaldson - CC BY 2.0

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Les levures OGM, seule solution pour produire du lait vegan ?

Publié le 8 mars 2017
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Par Pierre Silberzahn.

Contrepoints a mis en ligne récemment un article publié le 31 août 2016 dans Sciences et intitulé « Le lait artificiel fera-t-il disparaître les vaches ? »

Pour l’auteur de l’article, Jacques Henry, la société Perfect Day réussit la prouesse de produire du lait artificiel sans vaches ! Selon lui le lait synthétique animal free de Perfect Day serait la solution pour pallier le désastre écologique et économique dont l’élevage bovin serait la cause.

Le créneau du lait artificiel suscite des vocations. La startup Bionascent vise le marché du lait infantile fabriqué à partir de lait de vache, qu’elle espère « materniser » par adjonction de protéines humaines. Perfect Day quant à elle, propose de synthétiser intégralement un lait animal free.

Les deux start-ups misent sur la synthèse de protéines in vitro par des levures génétiquement modifiées, c’est-à- dire des levures OGM.

 

Le lait « maternisé » de Bionascent

Bionascent, créée en février 2016, n’espère pas pouvoir remplacer le lait humain, qui change au cours de la tétée en fonction de l’âge de l’enfant ou de ses besoins, mais pense approcher le plus possible le lait infantile à base de lait de vache de son équivalent humain. Selon la Technology Review du MIT, Bionascent cherche à produire 14 des protéines les plus importantes du lait maternel par des levures cultivées in vitro auxquelles ont été incorporés des gènes humains (par les techniques récentes de manipulations du génome Crispr-Cas9 ?).

Le but est de remplacer des protéines bovines d’un lait infantile classique par des protéines humaines équivalentes produites par ces levures modifiées. Bionascent affirme avoir déjà réussi à produire l’a-lactalbumine et une deuxième protéine serait sur le point d’être obtenue. Il reste cependant à la société à prouver que ces protéines synthétisées sont identiques à celles fabriquées par le corps humain, et parfaitement acceptées par le nourrisson.

 

Le lait totalement synthétique de Perfect Day

Alors que Bionascent n’avait pour projet que la synthèse d’un nombre limité de protéines (14 quand même) et leur incorporation dans du lait infantile commercial à base de lait de vache, le projet de la startup Perfect Day est beaucoup plus ambitieux. Perfect Day proclame avoir créé un produit identique en goût et en valeur nutritionnelle au lait de vache, sans qu’aucune vache soit impliquée.

À de la levure d’une souche Buttercup que lui a fourni le département américain de l’Agriculture, Perfect Day ajoute des séquences d’ADN bovin, multipliées par impression 3D, qui « apprennent » à la levure à produire les protéines du lait. Aux levures modifiées sont ajoutés du sucre et autres nutriments. Perfect Day produirait déjà les quatre caséines différentes qui composent les micelles du lait, ainsi que de la lactoglobuline et la lactalbumine, les deux protéines formant l’essentiel des protéines du lactosérum.

Les protéines synthétisées par les levures sont ensuite récoltées mécaniquement. Par ajout d’eau, de minéraux, de graisses végétales et de sucres, on obtient le lait (dairy milk). Enfin… ce que Perfect Day appelle du lait. Le lait est en effet un milieu infiniment complexe, tant au point de vue de ses composants que de sa structure physico-chimique.

C’est une suspension colloïdale de micelles de caséine et une émulsion de matières grasses type huile dans l’eau, dans du lactosérum qui contient en solution du lactose et beaucoup de constituants divers, protéines, minéraux, des cellules, des bactéries etc. Il est difficile d’imaginer que les constituants protéiques puissent être synthétisés in vitro et qu’il suffise de les mélanger à d’autres composants et d’attendre, pour obtenir du lait.

Pourtant ce lait produit semble exister. La presse publie des photos de bouteilles de lait de Perfect Day étiquetées « Animal-free Milk 2 % ».  Perfect Day annonce le mettre en vente d’ici fin 2017 ce lait entièrement synthétisé in vitro.

 

Le lactose

Le « lait » de Perfect Day sans lactose serait, selon Jacques Henry, parfaitement adapté au nourrisson. Le lactose est le sucre du lait, qui après ingestion est scindé en glucose et galactose par une enzyme appelée lactase. Le galactose est nécessaire à l’élaboration du système nerveux du nourrisson.

L’enzyme lactase est présente chez le nourrisson mais diminue après le sevrage et disparaît chez les adultes de certaines populations qui au cours de leur histoire n’étaient pas consommatrices de lait, et qui en conséquence présentent une intolérance au lactose. Le lait de Perfect Day est additionné de galactose mais ne contient pas de lactose. Un enfant nourri au lait sans lactose a toutes les chances de développer par la suite une intolérance au lactose que son organisme n’a jamais rencontré. Le lait de Perfect Day ne semble donc pas adapté comme lait infantile.

Le « sans lactose » représente un marché florissant aux USA. D’où le créneau visé par Perfect Day.

 

Les matières grasses

Le lait de Perfect Day contient 2 % de graisses végétales alors que le lait de vache contient 4 % de crème.

Il n’est pas étonnant que le lait de Perfect Day ait le goût du lait : il a le goût d’un lait écrémé, c’est-à-dire qu’il n’a aucun goût. Ce sont en effet les matières grasses qui donnent du goût « Les matières grasses sont la poésie de l’aliment » a écrit le médecin et chimiste Jean-Marie Bourre. Il est très facile d’en faire l’expérience en goûtant un lait entier et un lait écrémé. On ne peut pas appeler lait un liquide dont la crème a été remplacée par des corps gras végétaux.

Le lactose, le gluten et les matières grasses sont « l’incarnation » des phobies alimentaires des Américains. Il faut ajouter à cette liste le lait A1. A1 et A2 sont des variants de la b-caséine, dont la présence est fonction de la race de vache. Le variant A2 est supposé « plus sain ». Le lait de Perfect Day contient uniquement le variant A2.

 

Lait synthétique versus lait bovin

Que la production de lait synthétique puisse faire l’objet de marchés de niche (personnes allergiques au lait de vache, intolérantes au lactose ou à la b-caséine A1, véganes etc..) est probable.

Il est par contre impensable que ce type de lait synthétique puisse avant longtemps remplacer la production de lait bovin.

 

Quand y a-t-il lait ?

Selon sa définition légale, le lait est « le produit élaboré par les glandes mammaires des femelles de mammifères après la naissance du jeune. »

Au niveau réglementaire, la dénomination « lait » sans indication de l’espèce animale de provenance est réservée au lait de vache. Par analogie, on utilise également le terme de « lait » pour désigner les jus végétaux de consistance et/ou d’apparence similaires au lait et produits à base de végétaux, tels le lait de soja, d’amande, de riz, d’avoine mais réglementairement, seules les dénominations « lait de coco » et « lait d’amande » sont autorisées pour des produits non laitiers. Le lait animal-free de Perfect Day ne semble pas pouvoir arborer avant longtemps et beaucoup d’investissement la dénomination « lait ».

 

Épilogue

L’ambition de Bionascent et Perfect Day n’est pas de créer de nouveaux produits ou de nouvelles habitudes alimentaires, mais de remplacer un produit animal par un produit le plus proche possible de ce modèle animal. Les protéines du lait sont solubles, et donc peuvent être remplacées par des protéines synthétisées par des levures génétiquement modifiées (OGM).

Mais le problème du remplacement va se poser forcément pour les graisses ; ce problème est pour l’instant repoussé parce qu’actuellement pour les consommateurs, « moins il y a de graisse mieux c’est ». Mais le vent tourne et les graisses reviennent à la mode. Les levures OGM permettent la synthèse de protéines, mais recréer la variété et la complexité physicochimique des matières grasses laitières pose un autre problème.

Quand le lait des vaches aura disparu, comment produire du beurre et les fromages ? On fait déjà du beurre végétal (margarines Land Krone ou Vita Coco) ainsi que des fromages végétaux : du faux camembert (Happy White : noix de cajou et amidon), du faux fromage pour pizza (Violife : huile de coco et amidon). Ici un produit ou un plat ne se décrivent pas pour leurs qualités gustatives mais selon les bienfaits pour la santé (JP Géné au Salon Végan). Par fraternité avec les animaux, on va vers une alimentation de succédanés (vieux mot oublié depuis la guerre), de faux lait, de fausse viande, de faux beurre, faux fromages etc. Dire le nom ne sera plus dire la chose.

Que ce soit Bionascent ou Perfect Day, ces entreprises sont obligées d’utiliser des synthèses par microorganismes OGM pour pouvoir faire semblant : « On dirait vraiment du lait. »

« Impossible Burger », dernier producteur en date de viande artificielle (faite de farine, de noix de coco et de pommes de terre) pense conquérir le marché grâce à l’ajout d’hème à son produit. L’hème, riche en fer, est un des constituants de l’hémoglobine sanguine. L’hème utilisée est produite par des levures OGM et permet au burger végétal d’avoir le goût et l’odeur d’un vrai burger.

Compte tenu de la population de végétariens, végétaliens, véganes, etc. à laquelle se destinent en premier lieu ces préparations futuristes, il est à craindre que l’utilisation d’organismes OGM, seule possibilité semble-t-il pour calquer au plus près le produits animaux, soit un sérieux obstacle à leur expansion parmi tous ces chantres de l’alimentation bio. Même si, affirment ces entreprises, il ne reste aucune levure OGM dans le produit fini.

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