Annonces de Gabriel Attal : beaucoup de bruit pour rien

Le vent brassé par le ministre de l’Éducation nationale ne soufflera pas au-delà de la rue de Grenelle. Explications.

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Annonces de Gabriel Attal : beaucoup de bruit pour rien

Publié le 12 décembre 2023
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Aussi séduisantes qu’elles soient, les mesures scolaires annoncées par Gabriel Attal se révèleront inutiles et inefficaces pour résoudre les maux de l’école. D’une part parce qu’elles ne tiennent pas compte de la nature de l’Éducation nationale, d’autre part parce qu’elles ne s’attaquent pas à la racine du problème.

Ce pourrait être une épreuve du classement Pisa : dénombrer toutes les mesures prises par les ministres de l’Éducation nationale pour redresser l’école. Comme ses prédécesseurs, Gabriel Attal a donc annoncé vouloir recentrer l’école sur les fondamentaux, savoir lire, écrire et compter et accroître les exigences scolaires. Au programme donc, redoublement, dédoublement des classes, groupes de niveaux, revalorisation du Brevet du collège, etc.

Des mesures de séduction qui ont atteint leurs cibles ; des mesures vaines pourtant, qui ne résoudront pas les problèmes scolaires.

 

Une administration toute-puissante

À un syndicaliste à qui je demandais son avis sur un ministre de l’Éducation nationale fraichement nommé, celui-ci me répondit : « Peu importe le ministre, c’est nous qui avons le pouvoir ».

Un constat lucide sur le fonctionnement de cette administration qui avale et digère les réformes avec une grande capacité d’absorption des chocs. La seule fonction du ministre est politique : mener une guerre de communication auprès des parents électeurs et servir de fusible au président auprès des professeurs militants. Son influence sur le ministère et les décisions pédagogiques est nulle. Là règnent les inspecteurs académiques, les professeurs syndicalisés, les formateurs des INSPE qui, associant la force d’inertie à la puissance corporatiste, imposent leur point de vue et leurs orientations, par la terreur des affectations et des notations.

La réponse aux annonces Attal a été donnée par un tweet de Philippe Meirieu :

« Avant même que nous ayons pu analyser les résultats de PISA, alors que nous ignorons les résultats de la consultation du ministère, le ministre tout-puissant et omniscient dévoile ses nouvelles réformes : non pas un choc des savoirs, mais un grand bond en arrière. »

L’application dans les établissements de cet oukase de l’empereur des pédagogistes a été relayée par un article du journal Le Parisien qui fait état qu’en Seine-Saint-Denis « la création de groupe de niveau inquiète », ce qu’il faut comprendre par « les mesures ne seront pas appliquées ». Ou pour le dire plus prosaïquement : le vent brassé rue de Grenelle n’ira pas au-delà de la rue de Grenelle.

Car il ne suffit pas d’annoncer, encore faut-il mettre en œuvre. Et là, de groupes de concertation en commissions d’évaluation, les mesures annoncées connaîtront les affres de l’enlisement et de l’ensablement.

Après Gabriel Attal viendra donc un autre ministre qui, comme lui, annoncera un « choc des savoirs », dont le destin sera à peu près similaire.

 

Des réformes qui loupent leurs cibles

Quand bien même les réformes Attal seraient appliquées, elles sont bien en deçà des mesures à prendre pour rebâtir l’école.

Les vrais problèmes de l’école aujourd’hui c’est l’impossibilité de recruter des professeurs, qui engendre une pénurie sans précédent, et la violence qui gangrène de nombreux établissements. Quand des instituteurs sont recrutés, comme dans l’académie de Créteil, avec des moyennes de 4 sur 20, il est difficile d’attendre d’eux des merveilles pour établir un choc des savoirs.

L’effondrement du niveau scolaire suit l’effondrement du niveau des professeurs. Il n’est pas rare que des candidats recalés au concours du CAPES début juillet soient recrutés comme contractuels à la fin de l’été. Aux concours de recrutement, les épreuves de validation des connaissances et de maitrise de la discipline sont réduites à la portion congrue, remplacées par des épreuves de pédagogie et de maitrise des « valeurs de la République ». Une fois admis, ces jeunes professeurs sont formatés dans les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPE) où ils doivent démontrer une conformité idéologique totale afin d’être titularisés. Auquel cas, ils seront exclus de l’administration de l’Éducation nationale. Des INSPE où les notions de transmission et de savoir sont bannies au profit des compétences et du pédagogisme.

Gabriel Attal annonce ainsi vouloir dédoubler les classes, une mesure matériellement impossible à mettre en œuvre : où trouver des classes supplémentaires dans des établissements qui sont déjà pleins comme des œufs, où recruter les professeurs supplémentaires alors que la pénurie s’aggrave ? Faire du Brevet une barrière entre le collège et le lycée ? Que faire des élèves qui auront échoué à cette épreuve ? L’annonce de la création de « prépa-lycée » est une mesure vaine : ce n’est pas en une année de troisième bis qu’il sera possible de régler des problèmes d’orthographe et de maîtrise de la langue accumulés depuis l’école primaire.

Les problèmes de l’école sont causés par la nature même d’une éducation nationale. Tant qu’il n’y aura pas l’addition de la liberté pédagogique, de la liberté de recrutement et de la liberté de rémunération des professeurs, toute annonce sera vaine. Mais pour cela il faudrait abattre le totem de l’Éducation nationale, ce que Gabriel Attal n’est pas disposé à faire.

Voir les commentaires (21)

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  • fusillez Plippe Meyrieu. Virez tous les profs et administratifs syndicalistes.

    • Et après ?
      Il faut arrêter de vouloir donner des ordres aux plus puissants que soi. La solution est de leur couper les vivres et l’herbe sous le pied, et de les laisser l’air de rien se casser la figure tout seuls.
      On pourrait par exemple refuser toute aide publique aux parents dont les enfants seraient exclus (comme à ceux dont les enfants manquent volontairement l’école) ou conditionner toutes les primes aux enseignants au niveau gagné par leurs élèves dans les tests.

    • Philippe Meirieu, grand fossoyeur de l’instruction, déplore un « grand bond en arrière ».
      Mais face au précipice qu’il a tant contribué à creuser n’est-il pas urgent de reculer?

  • G.Attal est très voire trop politique. Mais néanmoins nous pourrions lui donner le temps d’agir pour un minimum de résultats. Mais les difficultés sont au sein du « mammouth ». Il faut réviser le fonctionnement de cette maison ou règne un pouvoir de caste.

  • 1million de profs dans l’Education nationale et il n’y en a pas assez. Recrutons, recrutons. C’est la seule chose que savent faire nos Ministres.
    Plutôt que de recruter, il faudrait mettre au travail ces gens et leur demander des résultats comme dans le privé et les virer s’ils se montrent inadaptés au poste pour lequel chaque français du privé travaille pour les payer.
    Mais pour ça, il faut, comme le suggère cet article, donner un bon coup de pied dans la fourmilière. Et ça nécessite une vraie volonté politique de la part du président et du gouvernement et non pas d’un simple Ministre.

  • Il ne faut pas absuser. Ce ne sont pas les syndicalistes qui pourrissent l’éducation nationale et bien au contraire. Ce sont les seuls à soulever les problemes reels et que le public ne voit pas et dont on ne parle jamais.

    Si l’education nationale se meurt c’est par trop de bureaucratie, de directives toujours plus nombreuses et à cause justement de trop de réformes trop amibitieuses par rapport aux moyens. Le corps enseignant n’arrive pas à suivre. Le probleme est que justement le public cherche à s’aligner sur les méthodes des entreprises privées mais sans aucun accompagnement et en dehors des heures de travail. Le probleme est que justement les directives des ministres sont trop bien suivies par les inspecteurs qui font du zele.

    Combien de médias parlent du fait que cette annee dans les ecoles il y a des evaluations, qui vont prendre des centaines d’heures non remunerées pour les realiser, pour accoucher d’une tonne de paperasse que personne ne lira pour juste satisfaire une directive ministerielle ?

    • On pourrait peut-être aussi mettre des pointeuses 3.0 à vérifier les horaires des enseignants…

      • Vu la quantité d’heures fournies non rémunérées les samedis, les dimanches, certains jours fériées, plus les heures sup jusqu’à 21h parfois à cause des réunions, si les mêmes règles du privé étaient appliquées l’inspection du travail infligerait de tres nombreuses infractions graves.

        Quand il y a beaucoup de recrutements c’est qu’il y a enormement de turn over. Dans l’éducation nationale ce n’est pas du à des licenciements mais bien à des démissions par burn out.

        • Dans le privé, si ça ne vous plaît pas, vous allez ailleurs. Dans le public, si ça ne vous plaît pas, vous faites payer le contribuable. Mais je vous propose la pointeuse, pourquoi ne sautez-vous pas de joie devant ma proposition ?

          • Dans le public les gens demissionent egalement.
            C’est bien la raison pour laquelle il manque cruellement du monde. Et il y a même tellement de démissions que le ministere peut refuser.

            Encore une fois beaucoup d’enseignants seraient demandeurs de pointeuse car ce serait à leur avantage. Il n’y a pas que les heures en présentiel qui comptent.

            Dans le privé une réunion, une formation ou l’organisation d’un projet c’est pris dans le temps de travail. Chez les enseignants ce n’est pas le cas. Quand il y a des sorties, fêtes scolaires, objets à fabriquer, des réunions avec le maire, les parents ou une assistante sociale tout est fait en dehors des horaires normaux. Sans compter les temps de préparation des ateliers qui ont lieu toute la journée. Ce n’est pas par magie que le matériel est préparé puis rangé et nettoyé et que tout s’enchaine. Un enseignant du primaire ne peut meme pas aller aux toilettes puisqu’il y a obligation de surveiller les eleves. Un enseignant est tenu pour responsable de tout ce qui peut arriver.

            • Le point important dans le privé est que si vous proposez de mieux organiser votre travail pour améliorer votre productivité, on vous écoute et souvent même on vous récompense. Mais attention aussi dans le privé, si vous avez plus de moyens que chez votre concurrent, ne venez pas en pleurer d’autres…

            • S’il y avait une pointeuse, le temps pris à pointer ne serait pas pris sur le temps de travail.
              Les heures supplémentaires ne seraient pas rémunérés non plus. Et les absents auraient de bonnes excuses et ne seraient pas sanctionnés.

              • J’imagine, en effet, mais le discours suivant lequel les enseignants en font tous bien plus que ce qui semble serait probablement moins fréquent. Les statistiques reposent sur les déclarations des enseignants eux-mêmes, et il est dur à croire qu’une heure de cours demande chaque année 1 heure ou plus de préparation, par exemple, mais il y a certainement aussi quelques enseignants bosseurs et consciencieux qui cachent la forêt.

                -1
  • rien d’autre à attendre d’un ministre de Macron que du brassage de vent et de la com, surtout de celui-là qui n’a que le bac, aucune culture et n’a jamais rien fait de sa vie sauf sucer l’argent public.
    L’éduc nat est à détruire et au plus vite, pour permettre aux établissements privés et surtout hors contrat de prospérer et ainsi reconstruire des capacités d’instruction réelles.

  • Je suis assez surpris par ces commentaires peut constructifs . Certes une vrai réforme est nécessaire , certes il faut casser des codes certes il faut attirer des profs mais certes aussi il faut leur faire comprendre qu’on ne progresse jamais sans risque et qu’un poste obtenu est toujours convoité par un autre.
    En d’autres termes laissons à G. Attal le soin de mesurer les insuffisances de son programme mais aidons le ( pas avec des grèves) dans la construction d’une belle éducation à la française.
    Et chers amis n’oublions pas ces sages propos de Sénèque : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas mais parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles » .

    • Il faut être simplet pour demander aux mêmes qui ont détruit la belle éducation à la française d’en reconstruire une.

  • Excellent article.
    Le problème numéro 1 de l’EN est qu’il s’agit d’une bureaucratie.
    Et cette bureaucratie est désormais irréformable : le déclin de l’instruction va donc se poursuivre et, avec lui, un profond déclin économique et social s’ensuivra. Ça me semble inéluctable : je ne vois pas comment on pourrait enrayer ce déclin puisque la mentalité française n’est pas prête à accepter les changements nécessaires.

  • J’avais vu quelque part – je crois de mémoire que c’était sur un article du Point -, une personne qui disait qu’il y a à l’Education Nationale un gros problème du côté des affectations : une personne en reconversion, ayant une famille, aura du mal à accepter de commencer son travail de prof dans une académie compliquée de la région parisienne alors que toute sa famille a sa vie dans une ville de province – qui potentiellement manque de profs.
    On a là un excellent moyen d’écarter de potentiels bons enseignants de l’enseignement public.

    • Il suffit de mettre en place une saine concurrence entre public et privé, par le chèque éducation par exemple. Les élèves normaux iront là où seront les bons profs, et on arrêtera de forcer ces derniers à s’occuper d’irrécupérables.

  • Depuis plus de 50 ans c est toujours les mêmes reformettes qui se noient dans la bureaucratie et le corporatisme
    Sans réformes structurelles rien ne changera soit abattre le mammouth branlant…..au profit de la subsidiarité et d une large ouverture a la concurrence. Que les maires puissent avoir la totale maîtrise de l enseignement obligatoire ( maternelles primaires et collèges) avec le recrutement d un principal responsable du recrutement de ses équipes du budget de fonctionnement et des résultats obtenus
    Que l enseignement privé puisse ouvrir largement de nouveaux établissements en faisant sauter les quotas implicites de 20%
    Cette saine concurrence ne pourra qu enrichir et revinifier notre système éducatif a bout de souffle
    Ces mesures ont été mise en place chez tous nos voisins européens
    Aucun parti politique francais n a présenté une réforme structurelle de l EN dans ses programmes électoraux par sa disparition pure et simple
    La procrastination sert de gouvernail……

  • Les mesures d’Attal seront bien appliquées dans le privé ce qui lui permettra d’augmenter son niveau tandis qu’elles seront effectivement bloquées ou sous appliquées dans la plupart des structures publiques qui continueront à s’enfoncer.

  • Les commentaires sont fermés.

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