Les boucliers tarifaires d’Emmanuel

Suivant une méthode très chiraquienne, dans son deuxième quinquennat le président s’efforce de se fabriquer une image bienveillante en caressant une certaine catégorie de Français dans le sens du poil.

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Les boucliers tarifaires d’Emmanuel

Publié le 22 novembre 2022
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Face à la montée des prix de certains produits dits essentiels consécutive à l’inflation, le président a inventé ou plutôt remis à l’honneur le concept de bouclier financier.

 

Le bouclier financier

Qu’est-ce donc qu’un bouclier financier ?

Pour les médias, c’est un procédé consistant pour l’État à prendre en charge le paiement d’une partie du prix de produits considérés comme essentiels, mais de façon générale sans évoquer la provenance de l’argent nécessaire considéré comme magique.

Cependant, comme l’État n’a pas le premier centime de ce bouclier, il l’emprunte, comme il le fait d’ailleurs pour les suivants.

Du côté du président, c’est un moyen de se constituer une image favorable qui lui permettra d’être candidat à un troisième mandat présidentiel le moment venu, soit à partir de 2030.

Du côté du citoyen moyen, c’est une aide financière due au Français moyen puisqu’il n’a aucune responsabilité dans l’augmentation soudaine du prix de certains produits essentiels. C’est un peu comme l’élargissement de l’application du principe de précaution vers toujours plus de sécurité.

Du côté du contribuable, c’est un impôt futur supplémentaire puisqu’il faudra bien rembourser l’emprunt. On peut noter la grande résignation apparente de cette catégorie de citoyen, qu’on n’a pour le moment pas entendue sur le sujet.

Enfin, du côté de l’économie, c’est une façon de faire payer une partie du prix de certains objets à tempérament et par certains contribuables choisis, progressivité de l’impôt oblige.

Accessoirement, c’est une façon d’augmenter la dette publique déjà faramineuse en profitant de la faiblesse résiduelle des taux d’emprunt, mais qui ne saurait durer.

 

Les implications du bouclier

L’analyse du concept prenant en compte ces différents points de vue a de quoi faire hurler (à juste titre) un libéral : déjà, l’habitude de recourir à l’emprunt pour couvrir les dépenses courantes est une erreur de base que n’importe quel comptable dénoncera comme dangereuse. Elle précède en effet systématiquement l’état de cessation de paiement qui finit par se produire, si on considère l’Histoire, y compris pour les États.

Par ailleurs, et là c’est toute la droite qui va hurler, le fait de faire payer certains contribuables et pas d’autres pour l’achat d’un bien sans en avoir la jouissance puisque ce sont d’autres personnes qui en profitent s’oppose au principe d’égalité si cher dans notre pays.

En outre, cette fraternité imposée ressemble plutôt à de l’exploitation. En effet, qui verra sa popularité améliorée par cette opération ? Certainement pas le contribuable payeur qui est pourtant le moteur indispensable de l’affaire, mais bien plutôt le président, initiateur de la mesure, qui transforme là son pouvoir en machine à gagner des suffrages.

Et on peut remarquer que seul le président a la liberté de décider d’une mesure qui lui est favorable alors que le reste des citoyens ne peut qu’en constater les effets heureux ou malheureux selon la catégorie à laquelle ils appartiennent.

Enfin, pour ceux que le bon fonctionnement de l’économie intéresse, remarquons aussi que la réaction du citoyen au prix en forte hausse de certains produits, réaction qui constitue l’élément fondamentalement régulateur du système, est fortement perturbée par cette mesure. L’expérience montre que cette dernière conduit infailliblement à un gaspillage, lequel aboutit à son tour à une perte pouvant être importante. Remarquons aussi que pour finir cette perte sera globalement supportée par ce même citoyen.

« Il n’y a pas de repas gratuit » disait Milton Friedman, prix Nobel d’économie en 1976, car il y a toujours quelqu’un qui paye finalement. Dans notre cas, ironie de l’histoire, le payeur est celui qui devait au départ être favorisé, c’est-à-dire le citoyen.

Le motif électoral de ces boucliers transparait nettement si on se livre à une comparaison avec les autres pays européens face aux mêmes problèmes.

Par exemple, en Allemagne le gouvernement favorise les aides aux entreprises plutôt qu’aux citoyens. Le gouvernement allemand considère en effet avec raison que des entreprises plus saines signifient des emplois et de bons salaires pour tous. En France, malheureusement, une partie de la gauche appelle ces aides des « cadeaux aux entreprises » et les fustige alors qu’elles permettraient à celles-ci de mieux fonctionner.

Dans cette atmosphère empoisonnée, il apparait ainsi plus facile de distribuer de l’argent magique aux électeurs plutôt que de les aider en soutenant les entreprises. Et malheureusement, le système de dette perpétuelle aujourd’hui mis en place et appliqué par France-Trésor conduit à dépenser un pognon de dingue et à finalement payer plusieurs fois ce qui est financé par l’emprunt.

 

Les conséquences

Résumons-nous. Dans le but de se fabriquer une image de bon père de la Nation (et probablement dans le but de se présenter de nouveau dans le futur à l’élection présidentielle) le président distribue l’argent public sous l’appellation de boucliers divers. Cette distribution est évidemment ciblée, c’est-à-dire en langage clair, orientée vers les couches de la population susceptibles d’être retournées.

Elle perturbe profondément le message des prix qui constituent l’élément fondamental de régulation de l’économie. En effet, un prix qui monte constitue un message qui incite le consommateur à diminuer sa consommation, et la concurrence à s’introduire sur le marché, deux phénomènes vertueux régulateurs. Le système du bouclier modifie le message prix et perturbe la régulation. Il est donc fondamentalement mauvais pour l’économie.

Enfin cette distribution coûte un pognon de dingue car elle est financée par une dette perpétuelle et elle bloque la croissance puisqu’elle assèche les sources de financement en empêchant de dépenser l’argent public dans des projets plus rentables.

 

Le cas de la SNCF

Le dernier bouclier annoncé ajoute une note supplémentaire d’incohérence au système.

En effet, le bouclier financier sur le prix des billets de train garantit que le prix de ceux-ci n’augmentera pas de plus de 5 % l’an prochain (2023).

Il est connu que malgré ses annonces triomphantes de bénéfices la SNCF est en réalité renflouée en permanence par l’État. Si l’entreprise était une entreprise privée, il y a très longtemps qu’elle aurait été déclarée en faillite et aurait disparu.

Dans le cas de la SNCF le bouclier n’est donc qu’un artifice plutôt grossier pour camoufler une partie du montant du renflouement annuel. Qu’elle soit publique ou privée, une entreprise ne peut être un système de dépense permanente de l’argent public, un tonneau des Danaïdes dans lequel on injecte ad vitam aeternam des milliards d’euros qui ne servent qu’à maintenir en vie une entreprise structurellement déficitaire.

L’abandon du signal prix dans de très nombreux domaines, dû à la centralisation systématique des décisions, et le gaspillage à grande échelle qui en résultait, a finalement provoqué l’effondrement de tout le système dans l’ancienne URSS. Il semble que la France prend tout doucement le même chemin.

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  • et les boucliers..ont aussi comme conséquence d’inciter à ne ne pas changer de comportement..

    en France vous faites un mauvais choix , vous êtes aidé..un bon choix vous êtes taxé. ç apeut sembler généreux..mais c’est aussi une incitation à ne pas réfléchir aux conséquences de ses choix.

  • Cette politique est tellement incohérente que plus personne ne s’y retrouve.
    Un exemple : alors que l’état voulait supprimer les chaudières à fuel, il va donner des chèques énergie à ceux qui se chauffent au fuel, cherchez l’erreur.
    Un autre exemple : l’aide pour l’achat d’un vélo électrique mais pas pour un vélo « musculaire », pourtant beaucoup plus écologique.
    La startup nation, promise par notre président, est un modèle de bureaucratie soviétique jamais atteint en France, même quand nous avions des ministres communistes.
    Pour se sortir de toutes ces aides et autres niches fiscales en tout genre, il nous faudra un grand ministère de la désintoxication !

  • Comment font nos dirigeants pour être si aveugles ? où est passé le bon sens ?

  • Histoire de modérer un tout petit peu, les chèques ne sont qu’une façon de faire de la redistribution ciblée. Je ne dis pas que c’est bien mais qu’il ne faut pas perdre de vue tout l’argent récolté grâce aux taxes diverses.

    L’Etat donne 2 à Paul mais il lui avait, lui a et lui reprendra 10. Le grand perdant c’est Jacques qui ne le retouchera rien et paiera toujours les 10 et le grand gagnant c’est Luc qui n’a rien demandé du tout qui ne consomme rien mais qui va quand même bénéficier du chèque.
    C’est du socialisme 2.0. Tout ça pour éviter de diminuer les taxes diverses.

    • C’est aussi le moyen de faire de la distribution ciblée, sans le re-, et d’occulter le fait que ça n’est pas le supplément de rentrées qu’on distribue, mais de l’helicopter money qui va directement augmenter l’inflation. Les perdants ne sont pas seulement ceux qui paient les taxes visibles, mais tous les épargnants et propriétaires dont l’Etat rogne le bien avec l’inflation avant de le confisquer quand il faudra payer les dettes.

  • Comment pourrait-il envisager un troisième quinquennat?

    • A 4 point de popularité de plus ce mois-ci, ça n’est pas un bouclier mais un missile. Encore quelques mois comme ça et la révision constitutionnelle deviendra une évidence et les toucheurs de chèques la plébisciteront.

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