Retraites, excédents fictifs et réforme factice ?

Reculer l’âge de la retraite à 65 ans ne rééquilibrera en aucun cas les retraites. Cela réduira les dérapages, sans les compenser.

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Retraites By: Franck Michel - CC BY 2.0

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Retraites, excédents fictifs et réforme factice ?

Publié le 20 septembre 2022
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Cocorico. Les retraites seraient à nouveau excédentaires.

Le Conseil d’orientation des retraites (COR) affiche un surplus de 900 millions en 2021 et attend un excédent de 3,2 milliards en 2022. Certains en concluent qu’il n’y a pas péril en la demeure et qu’on peut se contenter de reculer l’âge de la retraite au rythme prévu, en laissant jouer la loi Touraine. La majorité présidentielle veut accélérer le rythme en insistant sur l’importance de travailler plus longtemps (64 ou 65 ans) afin de dégager les moyens permettant de financer d’autres projets (grand-âge…).

Dans les faits, tous se trompent. S’il est certain que travailler plus améliorera les comptes publics, le retour à l’équilibre ne pourra pas être atteint avec cette seule méthode. Les dérapages sont bien plus significatifs que ceux que le COR veut bien afficher, le tout répartition étant devenu un gouffre avec la baisse de la natalité.

Soulignons d’abord que les dérapages financiers sont huit fois plus élevés que les chiffres officiels publiés depuis 2002. Le COR oublie systématiquement de prendre en compte les subventions permettant d’équilibrer les retraites des fonctionnaires. Elles sont 1,3 % du PIB par an depuis 2002. À cette date, le COR a commencé à calculer son déficit des retraites avec une méthode contestable ne tenant pas compte du caractère dérogatoire des cotisations retraite en vigueur dans le secteur public. Elles représentent pourtant 85 % des traitements indiciaires brut des fonctionnaires civils d’État, soit trois fois plus que les cotisations retraite des salariés (28 % des salaires brut). Par rapport au secteur privé, l’État cotise 57 % de plus sur les traitements des fonctionnaires civils, ce qui s’apparente à une subvention d’équilibre. Lorsqu’on intègre ce déficit caché, les déficits sont huit fois plus élevés depuis 20 ans (1,5 % du PIB par an vs 0,2 %). Ils représentent une trentaine de milliards en 2021 et 2022. Les excédents affichés par le COR – représentatifs du seul secteur privé, en l’occurrence le régime bien géré par l’Agirc-Arrco – sont l’arbre qui cache la forêt.

Reculer l’âge de la retraite à 65 ans ne rééquilibrera en aucun cas les retraites. Cela réduira les dérapages, sans les compenser. Contrairement à une idée reçue, les déficits sont liés de façon anecdotique à la hausse de l’espérance de vie. Ils sont avant tout la conséquence de la baisse de la natalité, dans un pays ayant tout misé sur le financement des retraites par la répartition. L’âge d’or de la répartition, avec 4 cotisants pour 1 retraité dans les années 1960, est bel et bien fini. Il y a 3 fois moins de cotisants par retraité dans le privé (1,4 pour 1) et 4 fois moins dans l’État (0,9 pour 1). Par conséquent, il faut taxer les salaires à 28 % dans le privé et 85 % dans l’État pour financer les retraites.

La solution pragmatique pour compenser la baisse de la natalité est d’augmenter la proportion de capitalisation. Dans le secteur public, les démarches responsables sont soit d’aligner les retraites sur celles du privé, approche qui ne fait pas consensus, soit commencer à provisionner les promesses dérogatoires que l’État fait à ses personnels, pour qu’elles cessent d’être une source de déficits.

Dans le secteur privé, et notamment à l’Agirc-Arrco, l’enjeu est de faire monter en puissance une dose de capitalisation collective. C’est la seule façon d’épauler la répartition, moins attrayante depuis le contre choc du baby-boom. C’est la méthode qui a été employée avec succès par la Caisse de retraite des pharmaciens (CAVP) depuis 2009. Cela permet de contrebalancer la dégradation du rendement de leur répartition, conséquence de leur démographie (un cotisant par retraité). Leur régime capitalisé finance aujourd’hui 50 % des retraites servies aux pharmaciens libéraux.

À ce stade, il n’en est officiellement pas question. La prochaine réforme risque d’être aussi cosmétique qu’impopulaire. Il n’empêche, le temps comme le pragmatisme jouent contre le statu quo.

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  • C’est toujours surprenant de lire dans un site libéral la promotion d’un système de cotisation collectiviste.

    • En effet.
      Répartition, ou capitalisation collective (obligatoire) ne résoudront rien. La différence est cosmétique.
      Solution d’avenir : capitalisation individuelle et facultative.

    • Bah… Le système pourrait imposer une obligation de cotiser, sans spécifier auprès de quel système. Ca reste compatible avec l’article. Sinon, il est trop facile de dépenser l’argent, et de réclamer le secours de la collectivité quand l’échéance approche.

      • Malgré que les assurances automobiles soient obligatoires, beaucoup ne sont pas assurés.
        Avec votre solution, ce serait encore pire. Vous revoulez les gillets jaunes ?

        • Les gilets jaunes récupérés par la gauche ?
          Il est évident, mais peut-être faut-il le préciser ici, que l’obligation de s’assurer pour sa retraite doit être accompagnée de l’arrêt des prélèvements correspondants sur le salaire. Mais en échange, ceux qui se seront mis hors-la-loi ne pourront évidemment rien réclamer.

      • Oui on pourrait dire comme cela … je connais bien la caisse des pharmaciens, qui affiche fièrement un budget en équilibre alors que les cotisations sont obligatoires et avec les taux qu’elle souhaite, facile !
        Et comme les cotisations sont obligatoires et à taux égalitaire, qui paye à votre avis ?
        Vous avez gagné, les clients sur les non-remboursables, et sur les remboursables la sécu donc les contribuables … ça ne correspond pas vraiment à l’idée que l’on peut se faire d’une saine concurrence, autant au niveau des caisses que pour les clients finaux.

        • Pourquoi voudriez-vous qu’il n’y ait pas de concurrence ? Et surtout, comment voudriez-vous instaurer une concurrence sans forcer les gens à sortir de la solution de facilité « je ne cotise rien, et je réclame violemment la charité publique quand mon imprévoyance me pénaliserait » ?

          • Une cotisation de retraite obligatoire nécessite un taux de cotisation minimum (parce qu’il s’agit de rentabilité de capitaux investis, et non d’un risque comme l’assurance au tiers des véhicules), et un taux de cotisation minimum est une entrave importante à la concurrence.
            Pour la 2ème question, en effet je n’ai pas de réponse.

  • Mitterrand a passé l’âge de la retraite de 65 à 60 pour diminuer artificiellement le chômage. Tout le monde a applaudi. Depuis 15 ans, les gouvernements essaient de revenir en arrière a cause de l’énorme coût des retraites des fonctionnaires (qui ne cotisent pas). La réforme Macron permettra de faire main basse sur les maigres réserves des régimes privés.

    • « fonctionnaires (qui ne cotisent pas) »
      Si.

      • Si (peu) 😉

      • Avatar
        FrancoisCarmignola
        22 septembre 2022 at 6 h 32 min

        Cotiser insuffisamment pour couvrir les couts en rapport revient à ne pas cotiser. D’ailleurs la chose est globale: le système de retraite n’est pas soutenu et les « cotisations » sont en fait inutiles, on pourrait les supprimer, de toutes façons tout ça c’est de l’impôt et en fait au final, de la dette…

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