Retraite, peut-on se permettre un retour en arrière ?

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 4

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Retraite, peut-on se permettre un retour en arrière ?

Publié le 12 décembre 2024
- A +

Le débat sur les retraites revient sur le devant de l’actualité. Faut-il ramener l’âge de départ à 62 ans voire 60 ans ? Quelles pourraient être les conséquences d’une telle décision en termes économiques ?

Rappelons ici le fonctionnement d’une retraite par répartition. Dans un système par répartition, les actifs, les personnes qui cotisent, voient une partie de leur salaire retranchée (28% en l’occurrence[1] actuellement), pour payer les pensions des retraités. Cette partie retranchée est ce que l’on appelle les cotisations retraite. On comprend donc assez facilement, dans une première approche, que plus les retraités sont nombreux, notamment par rapport au nombre d’actifs et plus ils vivent longtemps et plus les cotisations retraite des actifs augmentent.

L’évolution et l’évaluation d’un tel système de retraite reposent principalement sur la démographie, le taux d’emploi et la productivité.

Les hypothèses démographiques, elles, reposent sur l’espérance de vie, l’indice de fécondité et le solde migratoire.

L’espérance de vie à la naissance a cru, en France, respectivement de 5% et 14%[2] pour les femmes et les hommes depuis 1994 et l’espérance de vie à 65 ans, en 2023[3] est de 23,6 ans chez les femmes et de 19,8 ans chez homme. Les gains d’espérance de vie à 65 ans sont de 0,7 à 1 an chez les femmes et de 1,2 à 1,4 an chez les hommes par décennie, ce qui, en projection, donne une espérance de vie à 65 ans de 26,7 ans pour les femmes et de 24,8 ans chez les hommes à horizon 2070.

L’indice de fécondité dépend du nombre de femmes en âge de procréer, entre 20 et 40 ans, et de leur fécondité. Depuis 1995 le nombre de femmes dans cette tranche d’âge a diminué de 8,5% et l’indicateur conjoncturel de fécondité est au plus bas à 1,68 enfant par femme après avoir connu un pic à 2,03 en 2010. Les projections retenues par le COR (Conseil d’Orientation des Retraites) sont de 1,8 enfant par femme en 2035.

Le solde migratoire est la différence entre le nombre de personnes entrées sur le territoire sur une période donnée et celles l’ayant quitté sur la même période. Ce solde, bien qu’étant sujet à une forte volatilité, s’est établi à +82 000 en moyenne au cours des 25 dernières années. Les hypothèses retenues pour le COR en la matière sont de +70 000 par an pour les 10 prochaines années.

Le taux d’emploi, quant à lui, mesure l’utilisation des ressources disponibles en main d’œuvre. Il est calculé par le rapport entre le nombre d’actifs travaillant et celui de la population en âge de travailler. Bien qu’étant un des plus faible de l’OCDE[4] à 68,4% il ne cesse de croître depuis ces dernières années, grâce aux différentes réformes sur les retraites et le chômage. Cependant il est très loin derrière des pays comme l’Autriche, l’Allemagne, le Danemark, La Suède, les Pays-Bas dont les taux d’emploi varient de 75 à 82%. C’est le facteur clé de la croissance économique d’un pays et marqueur important d’inclusion par le travail. Les projections du COR semblent extrêmement ambitieuses en la matière puisqu’il prévoit un taux d’emploi à 74% à 2040.

Tous ces chiffres, tant actuels que projetés, sont publics et connus de tous, au moins de tous chez le législateur. Alors procédons à quelques calculs basiques sur la population active, la population cotisante. Elle se définit, selon le BIT, par le taux d’activité de la population de 15 à 64 ans et est de 73,9%[5] en 2023

  • population active (15-64 ans) = 42 x 0,739 = 31 millions
  • retraités (+ de 64 ans) = 14,7 millions
  • actifs/Retraités = 30/14,7 = 2,11

Maintenant, passons l’âge de la retraite à 60 ans

  • population active (15-60 ans) = 37,8 x 0,739 = 27,9 millions
  • retraités (+ de 60 ans) = 19 millions
  • actifs/retraités = 26,8/19 = 1,47

Une telle décision aurait un impact sur le taux de cotisation de : 2,11/1,47, soit 1,43. Celui-ci passerait donc de 28% à 40%[6] où à l’inverse il faudrait baisser toutes les pensions de 12% pour supporter le coût de cette décision, où continuer à faire exploser la dette. Comment peut-on, décemment, imaginer prendre une telle décision, sur la base de ces chiffres non discutables puisqu’actuels ?

En 2023, le montant des retraites a culminé à 384 milliards d’euros, 13,6% du PIB. Seuls 257 milliards d’euros ont été financés par les cotisations des agents du secteur privé, malgré un taux de cotisation de 28% et les cotisations salariales des agents publics. Les 127 milliards[7] manquants (33%) sont financés par de l’impôt, des subventions et autres contributions destinés à assurer l’équilibre du régime de la fonction publique d’état ainsi que les régimes spéciaux (RATP, SNCF, etc…).

Certes, l’incertitude économique et politique a également une grande influence sur ces projections, mais cependant des tendances lourdes, mondiales dans les économies développées se dessinent. Si celles-ci se prolongeaient, la population française devrait croître jusqu’en 2044 pour atteindre quasi les 70 millions d’habitants avant de décroitre pour s’établir à 68 millions en 2070, soit à peu de chose la population actuelle[8]. Mais la pyramide des âges sera totalement modifiée. La part des plus de 65 ans atteindrait 29% de la population contre 21% aujourd’hui les plus de 75 ans devrait croitre de 5,7 millions tandis que celle des moins de 60 devraient chuter de 5 millions.

Comment peut-on décemment vouloir une exception française sur les retraites et comment ne pas ouvrir les yeux et se rendre compte que le seul financement par répartition ne sera plus supportable ? Peut-on accepter d’étouffer les générations futures en prélevant toujours plus de cotisations ? Le système de retraite par répartition ne tient que par une solidarité basée fondée sur ce contrat intergénérationnel. Il nous faut sortir du « scénario de l’irresponsabilité » que décrivait déjà Michel Rocard en 1991. Les réformes structurelles sur la retraite, mais également sur l’école, sur l’apprentissage, sur le chômage, pour entrer plus vite, plus efficacement et pour plus longtemps dans la vie active doivent être menées avec courage. Car à terme, cette masse colossale de dettes et de charges sur les ménages et les entreprises va mettre en péril notre capacité d’épargne et d’investissement, donc notre compétitivité et nous entrainer dans les profondeurs d’un déclassement déjà bien entamé.


[1] Taux moyen de cotisation sur le super brut

[2] https://www.insee.fr/fr/statistiques/2416631

[3] https://www.vie-publique.fr/files/rapport/pdf/294617.pdf

[4] https://www.oecd.org/fr/data/indicators/employment-rate.html

[5] https://www.insee.fr/fr/statistiques/7767065?sommaire=7767424

[6] Une augmentation de 0,28 x 0,43 soit 12%

[7] https://www.vie-publique.fr/files/rapport/pdf/294617.pdf

[8] Algava E. & Blanpain N.  (2021) https://www.insee.fr/fr/statistiques/5893969

Voir les commentaires (10)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (10)
  • Ce sont des calculs basiques qui devraient être au cÅ“ur de débats dépassionnés. Néanmoins j’ai du mal à croire que 29% de plus de 65 ans en 2070 plutôt que 21% soit une situation fondamentalement différente et ingérable. C’est une évolution insignifiante devant les évolutions économiques et sociales que l’on peut attendre en une génération. Le problème est donc ailleurs. Plutôt que de débattre sans fin sur les avantages et inconvénients des systèmes de retraite par répartition ou par capitalisation, la vraie question n’est elle pas plutôt de se demander pourquoi nos populations sont obsédées à ce point par l’attente de la retraite et ont perdu tout élan vital et toute envie de se battre.
    Avec un taux de natalité de 1,8, ce qui me semble optimiste, la population décroitrait de 10% par génération (en gros 30% par siècle). Si le monde entier était au même régime, cela serait sans doute tolérable pendant quelques siècles. Personne ne peut d’ailleurs savoir s’il n’y aurait pas un nouvel élan d’ici là. Mais si les évolutions sont très différentes selon les populations, cela signifie que, a terme, notre civilisation est morte.

    • Si nos voisins européens ont tous nettement augmenté l age de départ en retraite et mis de la répartition…..c est que le constat est identique dans tous les pays occidentaux
      Les discussion sans fin en France relèvent de la procrastination et du déni de réalité
      Cette attitude culturelle vaut pour tous les sujets qui se rappellent à nous (santé éducation défense sécurité transports….)
      Nous préférons les réactions au coup par coup plutôt que définir une stratégie

    • Non ce n est pas 31 millions …car il y a 6 millions de chomeurs et ayants droits ! Qui certes sont presents ,mais ne cotisent pas ….

  • Il me semble qu’un retour en arrière de l’âge de la retra

  • Un retour en arrière de l’âge de la retraite me semble inenvisageable et contreproductif ! Etant donné les progrès en médecine, il semblerait plus logique de le retarder tout en prenant en compte les métiers particulièrement pénibles qui pourraient bénéficier de conditions particulières.

  • Nous sommes en démocratie . Le bataillon des retraités , est un “faiseur de rois” par leur vote massif . Mitterrand l’avait bien compris , MLP aussi . Alors aucune politicien ne souhaite se les mettre à dos. On touche ici aux limites du “one man one vote” , surtout quand le nombre d’actifs réduit en peau de chagrin. Combien de français savent comment fonctionne ce “système” de retraite c’est à dire par cavalerie financière ? Combien se bouchent les oreilles quand on le leur explique ? Et les politiciens , comment avouer au peuple d’avoir été si peu prévoyants ou bien d’avoir troqué l’avenir du pays contre le leur ?

  • Les donnes factuelles sont repoussées d un revers de main par une grande majorité de nos franchouillards car elles dissiperaient un imaginaire d un éden terrestre qui irrigue les salariés des 50 ans !!!!!
    La politique de préretraite à 52 ans pendant plus de 20 ans a entretenu une chimère très gauloise de fin du travail
    Les régulières demandés de 32 h hebdomadaire payées 35 participent de la même veine
    Nous sommes culturellement toujours très loin des 40h hebdomadaires, des 67 ans et de la retraite par répartition dont le pays a cruellement besoin pour se redresser

  • Une épidémie bien ciblée pourrait résoudre le problème.

  • En faisant moitié/moitié répartition/capitalisation, on pourrait se satisfaire de cotisations de l’ordre de 60% des cotisations actuelles, et on serait indépendants de la démographie pour la moitié des retraites. A 75% capitalisation, on serait à 100% indépendants de la démographie.
    L’âge de la retraite, aussi, pourrait être alors un libre choix à partir de 60 ans, avec de véritables avantages personnels pour ceux qui restent, et non le sentiment après avoir cotisé toute sa carrière pour ses anciens, d’être considérés comme des gêneurs.
    La capitalisation fait rapporter les cotisations à 6% nets d’inflation en moyenne sur la carrière. En 20 ans, ça fait qu’on peut diviser par 3.2 le taux de cotisation nécessaire, passer de 28 à 9%. Bien sûr, les effets ne sont que graduels, mais si on avait commencé il y a seulement 3 ans, on aurait déjà pu réduire de 60 Mds. la dépense publique et se montrer plus souple sur les départs.
    Enfin, les calculs devraient prendre en compte que le coût d’un citoyen supplémentaire, avant son entrée dans la vie active, ne compense pas son apport éventuel aux comptes une fois actif.

  • Comme d’habitude, il manque un point essentiel dans ce type d’article. Tout ce qui est dit est exact, sauf que nous avons le système de retraite le plus injuste qui soit : ceux qui partent en retraite le plus tôt ont les meilleures retraites, ceux qui partent le plus tard les moins bonnes. Toute réforme des retraites devait, pour être LEGITIME, s’attaquer en tout premier aux régimes spéciaux (IEG = EDF, GDF, SNCF, RATP sans oublier celles des politiciens élus !…) qui cumulent départs plus tôt et retraite calculée sur les 6 derniers mois comme pour tous les fonctionnaires. Tant que cela ne sera pas fait, toute réforme des retraites consistant (par lâcheté politique !) à taper sur les salariés du privé en “oubliant” les fonctionnaires et les régimes spéciaux sera INJUSTE donc ILLÉGITIME. Il faudra qu’un président et un gouvernement courageux annulent ces mauvaises réformes et ose enfin s’attaquer à ces injustices : retraite calculés sur les 10 dernières et les 5 meilleures années pour tous par exemple. Et je ne parle même pas des retraites des professions libérales, commerçants, agriculteurs… M. MILEI, quand vous en aurez fini avec l’Argentine, seriez-vous disponible (vous et votre tronçonneuse) pour sauver la France à son tour ?

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
On dit souvent que les Français n’aiment pas le système de retraite par capitalisation. Ce système présente cependant trois avantages déterminants qui pourraient permettre de s’affranchir du terrible problème de l’augmentation du nombre des retraités. En réalité, ce sont les hommes de l’État qui trouvent des avantages dans le système par répartition et qui font tout pour le garder malgré ses inconvénients.

Ne trouvez-vous pas assez étrange que la France soit le seul pays du monde dont les habitants refusent avec une certaine obstination de dé... Poursuivre la lecture

L’INSEE vient de publier un bilan démographique pour l’année 2023 qui met en évidence un affaissement de la natalité française. Selon des sources concordantes, celle-ci n’est plus guère soutenue que par la fécondité des femmes immigrées. Ce qui laisse entrevoir à terme une diminution de l’effectif global de la population, et une nouvelle configuration de sa composition ethnique et culturelle.

Faut-il s’en inquiéter ? Pour la plupart de nos concitoyens, cette question n’a pas de conséquence directe et immédiate, encore moins pour les re... Poursuivre la lecture

Quelle mouche a bien pu piquer l’Assemblée la plus représentative que la Cinquième République ait connue depuis 1988 ?

Deux mois après le passage de la réforme des retraites à grand coup de 49.3, et quelques semaines seulement après l’échec de la tentative de référendum sur le sujet, le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT) à la chambre basse a déposé une proposition de loi visant à abroger la mesure phare du texte : le report de l’âge légal de départ en retraite de 62 à 64 ans.

Débattue le 8 juin procha... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles