Le 30 avril 2022 à la salle Gaveau (Paris) a eu lieu la cérémonie de remise des diplômes AgroParisTech 2022. Un groupe de huit étudiants a fait une déclaration fracassante qui aurait dû rester un incident de parcours. Largement médiatisée, elle est devenue un événement quasi national. De quoi s’interroger sur l’avenir de notre société.
Une intervention programmée
La cérémonie de remise des diplômes AgroParisTech 2022 était organisée par AgroParisTech Alumni – l’association des anciens élèves – et a fait l’objet d’une vidéo postée sur Youtube (avec une table des séquences).
Après les discours d’usage, les élèves ont défilé par groupes plus ou moins denses selon les filières suivies en troisième année, pour présenter leurs parcours et spécialisations.
Bref, la bonne ambiance un peu potache de jeunes diplômés ravis de leur parcours – et de leurs enseignants – prêts à continuer sur un doctorat ou à entrer dans la vie active pour une carrière qu’on leur souhaite passionnante et gratifiante… sachant que la formation dispensée en prépa et en école mène à bien des domaines (j’en sais quelque chose : dans mon cas, ce fut la propriété intellectuelle et accessoirement le droit de la fonction publique internationale onusienne…).
Et puis, il y a eu une séquence « Point de vue par Lola Keraron » ou « Discours Lola Keraron ». En fait, ce sont huit élèves qui se sont présentés sur la scène.
Une vidéo séparée a été confectionnée et mise en ligne sur Youtube et par d’autres médias. À l’heure où j’écris, elle a été visionnée sur Youtube 826 150 fois, contre 12 074 fois pour l’intégrale. Elle a fait l’objet de 2361 commentaires – la plupart positifs, voire exaltés – contre 28.
Mais voici, pour servir de contrepoint, la séquence d’un autre élève qui a suivi la filière « apprentissage », M. Anthony Rodriguez :
Une intervention médiatisée
Le discours « des agros qui bifurquent » (l’allégeance à la France Insoumise est évidente) a été publié sur un blog sur Mediapart.
Il est affligeant pour tout esprit rationnel, cohérent dans sa construction mais incohérent quant au fond, terriblement négatif, nihiliste et pessimiste, insultant pour la science, l’école et ses enseignants, et les condisciples… et en fait aussi pour eux-mêmes.
Ainsi, l’exposé des griefs s’ouvre par une répudiation de leurs études, peut-être de leurs ambitions initiales, et certainement du métier d’ingénieur :
Nous ne voyons pas les ravages écologiques et sociaux comme des enjeux ou des défis auxquels nous devrions trouver des solutions en tant qu’ingénieurs.
Et c’est, en conclusion, pour inviter les condisciples à des démarches telles que la pratique du zadiste ou du wwoofing (un travail gratuit contre le gîte et le couvert dans des fermes biologiques, quoi qu’en disent ses promoteurs).
Que des gens – particulièrement des jeunes diplômés – s’interrogent sur leur avenir et leur choix de vie initial, quoi de plus normal et sain. Qu’une petite minorité de huit élèves sur quelque 400 par promotion prennent, en quelque sorte, la clé des champs n’est pas anormal.
Mais la séquence des « agros qui bifurquent » a fait l’objet d’un plan marketing efficace.
Les réseaux sociaux très majoritairement enthousiastes
Les réseaux sociaux regorgent de commentaires laudateurs, écrasant du poids de leur nombre et de leur simplisme les commentaires critiques, dont bon nombre provenant de diplômés de l’agriculture.
Que mes jeunes condisciples fassent carrière dans le dessin, le pétrissage manuel du pain ou le tressage de paniers, libre à eux. Dommage en revanche qu'ils aient accepté que la société investisse autant d'argent dans une formation qui leur sera totalement inutile. @AgroParisTech https://t.co/rRy6GfmAqX
— MacLesggy (@MacLesggy) May 11, 2022
Il y a, en bref, et avec une dose d’outrance dans mon résumé : les jeunes cons qui jouissent des bienfaits de la société actuelle – notamment de leur smartphone – en crachant dessus (sur les bienfaits, pas le smartphone) et se prennent pour des héros changeant le monde ; les vieux cons qui, ayant joui et continuant à jouir sans beaucoup cracher, rêvent de refaire leur révolution par procuration ; et les cons des classes d’âge intermédiaires qui jouissent tout autant, affichent leur vertu et s’achètent une bonne conscience d’autant plus agréable qu’elle ne coûte rien en félicitant ces huit jeunes gens pour leur bravoure.
Espérons qu’ils ne feront pas de disciples chez les jeunes qui n’ont pas de parents pouvant venir à leur secours ni de diplôme facilement valorisable.
Des médias en font un événement national
À l’extraordinaire tapage sur les réseaux sociaux s’est ajouté un soutien de certains médias, conférant au non-événement une importance nationale.
C’est, semble-t-il, Libération qui a ouvert le bal avec « À AgroParisTech, le discours d’étudiants refusant les jobs destructeurs qui leur sont promis » et une singulière absence de recul et de mise en perspective. Le Monde a suivi, avec « Des étudiants d’AgroParisTech appellent à “déserter” des emplois “destructeurs” », mais en donnant aussi la parole à M. Laurent Buisson, directeur général de l’école, pour exposer la variété des parcours à l’issue des études.
Des réactions plus nuancées sont venues par la suite. Citons notamment un communiqué de presse de la direction d’AgroParisTech (ici et ici), des opinions de dirigeants de l’école (ici et ici) et une lettre ouverte aux étudiants d’AgroParisTech de M. Sébastien Windsor, « Ne niez pas le progrès, encouragez-le! »… Trop tard et trop « diplomatique ».
L’extrême gauche approuve et applaudit
D’autres soutiens aux huit étudiants sont venus des milieux politiques et d’enseignants liés à ces milieux.
Citons M. Jean-Luc Mélenchon, candidat à l’élection au poste de Premier ministre :
Écoutez ça. L'espoir le plus grand. Que la nouvelle génération «déserte» le monde absurde et cruel dans lequel nous vivons. https://t.co/GhyyAvEKeM
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) May 11, 2022
Ou encore Mme Clémence Guetté, responsable du programme l’Avenir en Commun et candidate de la NUPES dans la circonscription 94-2 (Créteil Choisy-le-Roi Orly) :
Magnifique appel à déserter des étudiants d’@AgroParisTech. Formés pour être les agronomes de demain, ils disent puissamment le danger mortifère de l’agro-industrie, le refus des mythes de la croissance verte et du développement durable. À voir.
Ces gens-là aspirent à gouverner !
Notre société est malade
En dernière analyse, il y a un dérapage de huit jeunes pour lequel on peut tracer trois origines : au moins un parcours personnel bien documenté, avec un rapport ambigu à la science et la rationalité ; une exposition à des discours délétères, millénaristes et défaitistes, y compris à AgroParisTech ; sans doute une instrumentalisation de la génération Greta.
On peut comprendre pour le premier point, regretter vivement pour le second et dénoncer le troisième.
Ces huit élèves représentent sans doute ce qu’on appelle en statistique des « hors type » qu’il aurait fallu traiter comme tels. Ce sont des « décrocheurs » ayant pris la sage précaution de terminer les études, et d’emballer leur précieux diplôme dans la cellophane avant de cracher dessus et, en quelque sorte, avant de se retirer du monde, mais avec la garantie de pouvoir y revenir et de bénéficier le cas échéant des parapluies sociaux.
Mais nous aurions tort d’en rester à ce constat.
Courant Constructif a produit une belle analyse sous un titre peut-être un peu trop pessimiste : « L’éco-désertion : portrait d’une jeunesse endoctrinée perdue pour la transition ». Non, toute la jeunesse n’est pas (encore ?) contaminée.
Mais l’auteur relève à juste titre que :
« … pendant que vous gâchez votre temps et votre intelligence dans le reniement de votre formation, les jeunes ingénieurs d’Inde, de Chine et de Californie, eux, construisent le monde de demain et s’approprient le futur. De sorte qu’à suivre votre exemple, une Europe devenue décroissante se retrouverait bientôt dominée et vassalisée par les puissances montantes… »
Une nécessaire remise en question
L’écho médiatique du camouflet qu’a essuyé AgroParisTech – au quatrième rang mondial des universités et écoles agricoles –, camouflet résultant de cet écho sur les réseaux sociaux et dans la presse, devrait nous interpeller : notre édifice social n’est-il pas en train de former une génération de « déserteurs » ou « décrocheurs » en peignant un monde et un avenir apocalyptiques sur le mode : « Tout est foutu » ?
Il forme aussi des adeptes de l’action violente, du sabotage – voir par exemple l’attaque d’un train et le déversement de 1500 tonnes de céréales sur la voie.
Cela concerne notre système éducatif, notre écosystème audiovisuel, nos institutions gouvernementales et politiques, etc.
l’appel à deserter, refuser ceci ou cela , pourquoi pas ..mais non il veulent imposer leurs idées…
la connerie est plus en amont..
le triomphe de la “protection de l’environnement”.. concept contraire au développement humain..
l’agriculture est par définition un “ravage écologique”… écosystème naturel par un système artificiel plus apte à nourrir des gens…
le communisme c’est aussi une connerie…l’interet commun nécessite au préalable de broyer tout ceux qui ne partage pas l’interet de la masse…
TRIVIAL…
c’est qui me choque que ces gens se prétendent supérieurs…
Un croisement de Fidel Castro et Ste Greta du plus bel effet.
Le suicide français?
Ils sont nombreux ces jeunes à être actifs ou très sympathisants de la cause Greta. Celui que je connais a été biberonné à la critique de notre modèle de société avec des parents qui ne donnaient pas de discours pour contrebalancer le lavage de cerveau intensif reçu en continu de l EN. (qui devrait plutôt s’appeler DN , pour destruction) . A l’arrivée , un jeune plutôt sympathique qui a fait 3 années de wwoofing de par le monde , et qui a pour projet depuis de s’installer agriculteur bio . Issu d’une famille d’agro il ne demande bien sûr aucun conseil , “mais tout à changé” nous dit sa mère , Il a bientôt 30 ans , il gratte la terre et nous dit “c’est dur” . Que dire ? “Tu viens de faire une découverte ? , 7 ans d’études , 3 ans à courir le monde et tu as appris ça ? ” Misère …
Cela fera 8 parasites de plus faisant de la politique au lieu de 8 travailleurs de plus utiles à la société.
Si cela ce trouve, ils n’avaient pas prévu l’écho médiatique de leur discours, celui-ci devant rester limité.
Ils sont maintenant sur le devant de la scène, ce qui est beaucoup moins confortable et cela fait tache dans leur CV.
Toujours rester anonymes sur internet.
s’ils ne l’avaient pas prévu, ils n’auraient pas dû poster l’extrait de la vidéo où on les voit faire leur discours à part. Non, il s’agit d’un plan de com’ voulu et pensé.
Alors qu’ils ont un potentiel intellectuel il devrait plutôt chercher des solutions pour améliorer les techniques actuelles.
Heureusement que les chercheurs,les ingénieurs…. des siècles précédents n ont pas suivi se comportement autrement nous serions encore au temps des ténèbres.
Et dire que certains jeunes ne peuvent étudier pour différentes raisons d autres font des caprices quel malheur.