Centrale nucléaire en Ukraine : « Bouh, fais-moi peur ! »

Les 15 réacteurs présents sur le territoire ukrainien ne sont pas une menace, sauf dans la tête des gens qui aiment se faire peur.

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Centrale nucléaire en Ukraine : « Bouh, fais-moi peur ! »

Publié le 8 mars 2022
- A +

Suite à l’assaut russe sur la centrale nucléaire de Zaporijjia en Ukraine dans la nuit du 3 au 4 février 2022, il peut être utile de rappeler que le risque d’accident nucléaire est quasiment nul (aucune fuite radioactive n’a été signalée) et que les réacteurs nucléaires, ainsi que les installations (stockage du combustible) situés sur les centrales électriques françaises et ukrainiennes, ne peuvent pas être utilisés comme menace de guerre.

De plus, il n’y a strictement rien à redouter des attaques russes visant à occuper les centrales nucléaires ukrainiennes (de conception russe) car le vent souffle souvent vers l’est (la Russie), et les Russes ne sont pas idiots, même si certains médias tentent de le faire croire.

De quoi s’agit-il ?

Une attaque russe pour détruire des réacteurs nucléaires n’a aucun sens.

Techniquement, il faudrait couper toutes les alimentations électriques externes et internes d’une centrale nucléaire pour enclencher la fusion du cœur.

Mais cela ne suffirait pas, du moins à court terme. Il faudrait aussi couper l’alimentation en eau.

Malgré cela, la convection naturelle et la détente du pressuriseur empêcheront le combustible de fondre pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours, ce qui permet de remettre en ligne un refroidissement.

En effet, le refroidissement du réacteur à l’arrêt s’effectue par les générateurs de vapeur grâce à une circulation de l’eau primaire en thermosiphon. L’alimentation en eau peut aussi continuer dans le circuit secondaire qui dispose de turbopompes jusqu’à épuisement des réserves.

Cela laisse du temps pour mettre en place des moyens ultimes (par exemple une motopompe alimentée par son propre groupe électrogène et puisant dans la nappe phréatique ou une réserve d’eau locale).

Un réacteur nucléaire ne peut pas exploser comme une bombe nucléaire. C’est physiquement impossible.

Les explosions qui ont libéré de grandes quantités de radioactivité dans l’environnement à Fukushima sont dues à l’hydrogène accumulé à la suite de la fusion du cœur des réacteurs consécutive à la perte totale des sources de refroidissement : les pylônes électriques avaient été balayés par le tsunami qui avait aussi totalement noyé les groupes électrogènes diesels.

Or, s’il y avait une action volontaire conduisant à une libération massive de radioactivité dans l’air, elle se propagerait surement en Russie car Poutine n’a pas encore le pouvoir de changer le sens du vent qui souffle généralement d’ouest en est, donc vers la Russie.

Bien entendu, les antinucléaires (le candidat Yannick Jadot en tête) vont brandir ces évènements en Ukraine pour tenter de faire croire une nouvelle fois que le nucléaire est trop dangereux et qu’il faut arrêter immédiatement tous les réacteurs nucléaires en France et dans le monde.

Enceintes de confinement

Les standards adoptés pour sécuriser les réacteurs ukrainiens sont comparables à ceux adoptés par la France et par l’Europe. Ils sont protégés par des enceintes de confinement en béton renforcé d’acier qui permettent de confiner la radioactivité en cas de fusion du cœur du réacteur. Elles ont fait leurs preuves lors de l’accident d’un réacteur à Three mile Island où quasiment aucune radioactivité n’est sortie du réacteur malgré la fusion du cœur.

Prévues pour résister à différents types de missiles, elles peuvent néanmoins être dégradées si elles sont délibérément prises pour cible.

La centrale de Zaporijie, située à 80 kilomètres de Kiev, a ainsi continué à fonctionner normalement, malgré l’incendie déclenché par un projectile russe sur un bâtiment technico-administratif annexe. Un seul de ses six réacteurs VVER-1000 était en fonctionnement, et les cinq autres à l’arrêt continuent à être refroidis normalement, les opérateurs ukrainiens étant toujours chargés de leur gestion.

Seuls deux réacteurs plus petits, ceux de la centrale de Rivne, dans le sud-ouest de l’Ukraine, ne sont pas équipés d’une telle enceinte de confinement. Mis en service à la fin des années 1970, ils peuvent présenter davantage de risques en cas d’attaque délibérée visant leur destruction (ce type de réacteur n’existe pas en France ni dans l’Union européenne).

Combustibles et déchets

L’Ukraine compte plusieurs piscines de refroidissement pour accueillir les combustibles nucléaires usés utilisés par les réacteurs des différentes centrales, des sites d’entreposage de déchets radioactifs, des parcs d’entreposage à sec et des réacteurs de recherche et de faible puissance.

Le risque d’une attaque intentionnelle des Russes pour détruire des réacteurs n’a absolument aucun sens car les militaires russes feraient courir un risque inutile à leurs propres hommes et à leur propre territoire.

En revanche, la maîtrise des 15 réacteurs du parc nucléaire ukrainien assurant environ la moitié de la production d’électricité du pays représente un certainement un objectif militaire, mais pas leur destruction.

Propagande antinucléaire

Les antinucléaires répandent comme d’habitude de fausses informations en affirmant que les centrales nucléaires sont des bombes potentielles pouvant exploser à tout moment en répandant de dangereuses radiations.

La population victime de cette propagande odieuse pendant des années est prête à paniquer et à fuir au moindre incident ou incendie.

Grâce à cette propagande bien huilée, il n’y a même pas besoin de provoquer une fuite de radiation nucléaire pour obtenir dorénavant ce résultat : en cas d’annonce ou de manipulation de l’information, des milliers, voire des millions de personnes tenteraient de fuir la zone provoquant une crise humanitaire et un chaos suffisant pour faciliter la victoire pendant une guerre.

Aujourd’hui, tous ceux qui pérorent que la présence de centrales nucléaires dans une zone de guerre est « une menace pour toute l’Europe » travaillent activement pour Poutine.

Les 15 réacteurs présents sur le territoire ukrainien ne sont pas une menace, sauf dans la tête des gens qui aiment se faire peur.

Et aussi dans l’esprit des médias qui adorent susciter la peur pour améliorer leur audience… Ils sont si friands d’émotions qu’ils traitent ce sujet vendeur sous l’angle « Bouh, fais-moi peur ! ».

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  • Pas certain que l’exploitation en salle de commande avec le personnel retenu sur site depuis la prise de la centrale soit une splendide mesure de sûreté…
    Mais quand on y connais pas grand chose on peut écrire et conclure à l’emporte pièce… ca fera toujours des clics…

    -2
  • Il faut aussi garder a l’esprit que poutine n’a pas intérêt a détruire durablement les infrastructures lourdes de l’ukraine, car une fois les pro-occidentaux chassés dans l’ouest du pays, la population pro russe qui sera restée devra retrouver rapidement son confort.

  • Popagande anti-nucléaire je veux bien, l’article est quasiment de la propagande pro-Poutine !

    -5
  • Bon c est sur qu un pro nucleaire a un probleme quand ce type d incident arrive. Mais la on est carrement dans la mauvaise foi
    On peut avoir un accident dans 2 cas : deliberé ou non
    Non delibere c est une bombe, un obus ou autre qui touche quelque chose sans que ca soit volontaire. rappelez vous qu il y a une guerre la bas et qu un artilleur peut tres bien envoyer la sauce sans savoir exactement ou ca va tomber (avec un peu de chance il ne sait meme pas qu il est en train d arroser une centrale).

    Si le reacteur lui meme est etudié pour supporter l impact d un avion, c est pas forcement le cas du reste. L auteur parle par ex de l alimentation en eau. quelques roquettes dans la tuyauterie devraient arreter celle ci et comme en zone de guerre il va etre diificile d acheminer du materiel …

    Delibéré c est un groupe (pas forcement sur l ordre de Poutine, ca pourrait par ex etre des islamistes car poutine est en train de faire venir des syriens pour l aider (il a deja des tchétchènes) ). Un petit groupe decide devrait sans probleme faire un sabotage vu qu ils doivent etre doté en armes et explosifs. Ce qu il leur manque c est probablement plus la connaisaance technique : ou placer les explosifs pour faire le maximum de degat

    -1
    • Les centrales sont équipées de nombreux systèmes de sauvegardes et les installation ont une taille imposante. Ce qui fait que un obus mal placé, il faudrait qu’il soit vraiment très gros, sinon c’est équivalent à une panne « plus classique » parfaitement gérable.

      Endommager suffisamment les installations pour provoquer un accident majeur relève forcément de l’acte délibéré.

  • En ce qui concerne l Ukraine ,si Putin entend l annexer insérait tres c.. de les détruire .je partage votre analyse sur les verts qui vont en remettre une couche sur la peur du nucléaire .Qand on a réussi à faire peur en Europe avec un Tsunami au japon , tout est possible.De plus ils sont tous dans les startings blocs pour promouvoir toujours plus de projets d’économie renouvelables avec la manne européenne promise par madame Von der Leyen et par les programmes des nos futurs dirigeants. Cependant je ne parierai pas en cas de guerre,encore classique ,sur le respect des Russes de nos centrales nucléaires …si vous déclencher des frappes par missile sur Nogent sur marne , par exemple ,il faut s attendre à une sacrée panique .conclusion ? il est urgent de renforcer autour de chaque centrale un système de défense anti missile et anti aérien dès maintenant

    -3
    • Ca coûterait beaucoup moins cher et ce serait bien moins risqué(*) de former les gens à comprendre le fonctionnement d’une centrale et à éviter ainsi les paniques.
      (*) sauf pour ceux qui auraient tout à craindre du développement du sens critique et du libre arbitre dans la population, bien sûr.

  • Monsieur Gay, j’aimerais beaucoup que vous ayez raison sur le fait qu’une fois l’alimentation en électricité et en eau coupée, on puisse, même après quelques jours, mettre en place un refroidissement d’urgence pour éviter la catastrophe. Pourtant, l’expérience du Japon nous a montré que ça n’a pas marché, alors que le Japon n’était même pas un pays en guerre. Vous croyez vraiment qu’on pourra réussir, dans un pays en guerre, sous une pluie de bombes, ce qui a échoué à Fukushima? Si j’ai tort, dites le moi, je serai le plus heureux du monde!

    -2
    •  » alors que le Japon n’était même pas un pays en guerre.  » Par contre, il était dévasté par un tremblement de terre niveau 8 suivi d’un tsunami de 30 m. Difficile alors d’amener les pièces de réparation…

    • La probabilité que Gay ait raison sur toute la ligne est très forte. Mais pas égale à 1.
      Car il y a bien une centrale, celle de Rivné, qui ne dispose pas d’enceinte de confinement – comme à Tchernobyl – et que c’est pas glop question sécurité.
      Tchernobyl justement : lors de la catastrophe, les vents soufflaient vers l’ouest. Pas de bol.
      Et Rivné est encore plus proche de l’Europe que Tchernobyl. Ça se complique.
      Il nous faut donc nous raccrocher à l’idée que les Russes n’ont aucun intérêt à faire péter une centrale. Qu’au pire, ils éviteront de progresser vers l’ouest. Mais que, sinon, si par accident, une bombe devait tomber sur un coin de cette centrale, ce jour-là, le vent souffle dans le sens habituel.
      Dans le cas contraire, il nous faudra, comme en 1986, compter sur l’étanchéité de nos frontières…

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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