Darwin menacé par l’idéologie décoloniale

Le musée d’histoire naturelle de Londres, en se pliant aux recommandations d’un audit inspiré par la nouvelle gauche identitaire visant Darwin, reconnaît explicitement l’explication marxiste de son existence au sein du monde social.

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Charles Darwin: Scientific Badass By: CGP Grey - CC BY 2.0

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Darwin menacé par l’idéologie décoloniale

Publié le 8 septembre 2020
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Par Frédéric Mas.

Tremblement de terre au musée d’histoire naturelle de Londres. Un audit interne, inspiré par le mouvement Black Lives Matter, suggère que certaines collections présentées par la vénérable institution seraient « problématiques ». Les spécimens recueillis par Darwin pourraient faire partie de celles qui sont menacées.

Le conseil d’administration du célèbre musée britannique a informé son personnel qu’il avait l’intention de réorganiser les salles et collections afin de respecter les injonctions morales portées par l’audit woke.

Partant du principe que « la science, le racisme et le pouvoir colonial sont intrinsèquement liés », et que les musées existent pour légitimer ce mariage épouvantable, la direction du musée a estimé que la « décolonisation » des esprits passait donc par l’acclimatation des sciences en général et des recherches de Darwin en particulier avec l’idéologie diversitaire.

 

Darwin face aux puritains d’hier et d’aujourd’hui

Quand Charles Darwin publie le 24 novembre 1859 L’origine des espèces, il ne fait pas que révolutionner les sciences en général et la biologie en particulier. Il bouscule aussi les certitudes morales et religieuses de la société victorienne imprégnée de puritanisme qui est la sienne.

La théorie de l’évolution des êtres vivants par la pression de la sélection naturelle remet en question l’ensemble de l’architecture des croyances religieuses de la Grande-Bretagne du XIXe siècle, au point de déclencher l’ire des moralistes et une opposition des fanatiques religieux qui ne s’est toujours pas éteinte en ce début de XXIe siècle.

Le philosophe Daniel Dennett explique que la découverte du savant a remis en question la hiérarchie des connaissances qui faisaient autorité avant lui, et qu’il désigne sous le terme de « pyramide cosmique »1. Celle-ci est le produit intentionnel d’un Esprit, celui de Dieu, qui donne à l’ensemble du monde sa place dans la hiérarchie de l’Être et fonctionne comme premier moteur de l’activité du monde.

Seulement, observe Dennett, en admettant que l’aspect des plantes et des animaux ne sont pas le résultat d’une intention supérieure mais d’un processus régulier et relativement indépendant, celui de la sélection naturelle, alors pourquoi se contenter de cantonner l’explication à cette partie de la création et ne pas l’étendre à l’ensemble de l’expérience, y compris humaine ?

Et si l’Esprit n’était plus la cause première du monde et la précondition de sa mise en forme, mais la conséquence du processus de sélection naturelle ? La révolution darwinienne a incité les esprits les plus brillants à mettre leurs certitudes à l’épreuve et les esprits les plus médiocres à réclamer la censure plutôt que la discussion.

Aujourd’hui, ce sont les élites culturelles britanniques qui s’inquiètent des atteintes aux bonnes mœurs que la science d’hier peut faire peser sur notre bel aujourd’hui.

Au nom d’une noble cause, la lutte contre le racisme, tout le monde est prié de faire son autocritique, et en premier lieu les institutions qui ont fait de la civilisation occidentale le phare contemporain de la liberté individuelle et un exemple pour le monde en matière de progrès scientifique et humain.

C’est que le nouvel antiracisme n’a pas grand-chose à voir avec l’ancien, celui qui combattait les préjugés raciaux au nom de l’universalisme des Lumières. Au contraire, la passion identitaire qui s’est emparée de la gauche américaine et de ses bastions culturels emprunte au lexique et au particularisme racial réactionnaire, le tout sur un ton punitif qui menace la liberté d’expression, et dans le domaine scientifique, la liberté de recherches.

La gauche identitaire s’est reconstruite une « pyramide cosmique » qui met au sommet de sa hiérarchie la sacro-sainte inclusivité, dont découle la nécessité d’éliminer tous les discours jugés offensants. Y compris dans le domaine de la science où les polémiques et les désaccords sont le lot commun des chercheurs.

Face à la pression médiatique, force est de constater que les institutions, qu’il s’agisse des universités, des médias ou des musées, offrent peu de résistance face à la nouvelle superstition des élites. Elles ont préféré baisser les armes plutôt que de défendre leur raison d’être.

 

La communauté scientifique est-elle en train de se soumettre sans combattre ?

La peur de se retrouver dans le camp des « racistes » domine tout, et justifie l’effacement orwellien du passé et les sacrifices les plus fous. En se pliant aux recommandations de cet audit, le musée d’histoire naturelle de Londres reconnaît explicitement l’explication marxiste de son existence au sein du monde social.

Le musée n’a qu’une fonction idéologique, celle (superstructurelle) de justifier l’oppression des dominés par les dominants, et n’a donc d’autre solution pour continuer à exister que de se déconstruire, c’est-à-dire d’adopter des dominés contre les dominants. Et la science dans tout ça ? Elle a disparu.

La liberté scientifique est indissociable de la liberté d’expression.

Si depuis le XVIIIe siècle, les libéraux chérissent la liberté d’expression, c’est parce qu’ils y voient des bienfaits analogues à celle de la recherche au sein de la communauté scientifique, quitte à idéaliser une méthode qu’ils rêvaient de transposer à l’Homme2. L’esprit de compétition entre les thèses en présence, l’exigence factuelle de vérité, la rigueur des méthodes et la neutralité des acteurs sont un modèle commun aux sciences et au gouvernement par la discussion qu’est le gouvernement représentatif des libéraux.

La défense de la liberté des sciences est donc indissociable de la liberté d’expression. Darwin continue d’inspirer les scientifiques, les philosophes libéraux, les économistes, et à susciter la colère des bien-pensants. Voilà deux raisons suffisantes de le défendre aujourd’hui.

  1. Daniel Dennett, Darwin’s Dangerous Idea, Simon & Schulster, 1996.
  2. Voir par exemple David Hume, Traité de la nature humaine, 1739.
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  • Tous les pays ont été colonisés ou ont colonisé d’autres pays, c’est un fait historique, qui a fait progresser la science et la culture par les échanges de peuples et de civilisations. En conséquence la colonisation a été un bien pour l’humanité

    • +1 Je remplacerai échanges par rencontres.

    • je ne dirais pas que la colonisation a été un bien. pour l’humanité..d’abord parce que ça ne veut rien dire..
      les colonisations ont conduit à des drames, des morts innocentes des guerres..

      MAIS….la colonisation européenne a conduit .à la condamnation …de la colonisation…et à la victoire ( temporaire?) de valeurs humanistes et de liberté individuelle.
      Si on est attaché à cela, alors la colonisation européenne a eu du bon..

      c’est comme avec l’esclavage il est singulier de reprocher à la civilisation qui a aboli l’esclave de l’avoir pratiqué!!!

  • Ce forçage égalitaire rétroactif par le bas est stupide et sera au final contre-productif. Par exemple un livre/film comme #Les figures de l’ombre#, en montrant les qualités et la moralité des blacks, est bien plus valorisant. Quant aux injustices, elles ne méritent pas de distinction, sinon les intentions deviennent obscures et malsaines. Que des blacks s’occupent aussi des injustices des blancs et vice-versa, c’est la défense des mêmes valeurs qui rapprochent.

  • Comme d’habitude ce ne sont pas ceux qui attaquent qui sont le problème mais bien ceux qui se soumettent.

    • Entièrement d’accord !
      Il est quand même frappant de voir avec quelle facilité les institutions renoncent.
      C’était d’ailleurs le sujet principal du Camp des Saints de feu Jean Raspail.

  • On assiste au renouveau du Lyssenkisme en vogue sous Staline en URSS qui consiste à manipuler ou normaliser la science pour soutenir une conclusion idéologique pré-déterminée. Les promoteurs actuels de BLM sont les mêmes.

    • Souvenez-vous de 1984 : le pouvoir écrit des prévisions (toujours positives). Lorsque les prévisions sont supérieures aux résultats, on brûle les premières et on les réécrit pour qu’elles coïncident avec les résultats : gagné. On en est à peu prêt là.

    • Vous avez mille fois raison.
      L’antiracisme est une forme d’ingenierie sociale, comme l’avait déjà initiée Staline et Hitler en leurs temps.
      Il s’agit, pour les dirigeants politiques, de transformer violemment les gens et la société dans un sens qui soutient leur pouvoir.

      Ce sont des méthodes intimement liées à la violence, et par conséquent à l’institution qui en a le monopole, l’état.

      La violence corrompt tout.

      Et la liberté non-violente sauve tout, car peu importe les opinions que l’on peut avoir sur ces questions, sans violence, elles ne nuiront jamais à personne.

  • Un pas de plus vers l’utopie. Toute cette daube reste largement liée à la perte de contrôle des démocraties sur leur caste administrative. Ces lâches imbéciles du conseil d’administration ne tenteraient pas l’aventure si le public pouvait leur faire perdre leur financement… Ou si leur administration de tutelle n’était pas également aux mains des nouveaux bolcheviques.
    Tout cela est d’autant plus bizarre que les pays anglos ont été longtemps à la pointe de la liberté individuelle, mais sont aujourd’hui à la pointe de la révolution.
    Petite lueur d’espoir Trump a décidé d’interdire les lavages de cerveau au sein des administrations fédérales. Mieux vaut tard que jamais.

  • L’un des pans du totalitarisme en marche… L’Occident s’effondre sur lui-même, victime du pourrissement intérieur des idées qui ont permis son essor.

    • En tant qu’historien il y a déjà quelques années que j’ai remarqué le suicide intellectuel de l’Occident. Les Chinois aussi qui en profitent pour pousser leurs pions!

      • A noter que l’auteur fait une quasi substitution de l’Histoire par le mot « musée » :

        — « Le musée n’a qu’une fonction idéologique, celle (superstructurelle) de justifier l’oppression des dominés par les dominants, … »

        Un lapsus ?

  • Dans la mesure où la liberté d’expression est malmenée par un certain nombre de pouvoirs, je ne vois pas pourquoi le monde scientifique serait épargné. D’autant qu’une certaine foi aveugle (crédule?) du public dans le discours scientifique – même si ce n’est qu’une apparence – est facile à exploiter.

  • B.L.M cette même engence qui se permet de déboulonner la statue de Lincoln, ou de dégrader celle de Churchill (entre autres manifestations pacifiques) qui a essayé de s’en prendre à celle de Roosevelt devant le muséum de NY.
    Les trois fondatrices se définissent comme des « trained marxists ». Cela se voit.
    Avec leurs collègues « Antifa », nous avons le nouvel ordre mondial : le fascisme.

  • Il faudrait exposer davantage les motivations matérielles sous jacentes et peut-être fondamentales, de ces mouvements anti racistes dont les contorsions de victimes supposées reposent en fait sur un quémandage et une mendicité visant à obtenir des « réparations » économiques et financières.

  • La peste pastèque frappe l’Occident :

    « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
    On n’en voyait point d’occupés
    A chercher le soutien d’une mourante vie ;
    Nul mets n’excitait leur envie ;
    Ni Loups ni Renards n’épiaient
    La douce et l’innocente proie.
    Les Tourterelles se fuyaient :
    Plus d’amour, partant plus de joie. »

    •  » Bref, les faits, les détails, l’un par l’autre appuyés,
      S’étaient le lendemain si bien multipliés,
      Qu’à trente milles à la ronde,
      Tous les animaux effrayés
      Dans la chute d’un gland voyaient la lin du monde.

      L’animal raisonnable a-t-il plus de raison,
      Moins de crédulité? l’histoire dit que non.
       » Il a même de plus la malice et l’envie.
      S’occupe-t-on d’un accident fatal,
      D’un crime ou d’une calomnie;
      Par nature, à plaisir, il grossira le mal.
      Mais citez un beau trait, osez louer la gloire
      D’un homme de mérite ou d’un homme de bien;
      Il la rabaisse, il refuse d’y croire;
      Et mieux vaudrait qu’il n’en dit rien.  »

      du même auteur…

  • Oui, « la défense de la liberté des sciences est donc indissociable de la liberté d’expression. » Mais la défense des mensonges des sciences est indissociable de la liberté d’expression.

  • Les commentaires sont fermés.

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