La surveillance de masse se répand en même temps que le Covid-19

La surveillance administrative et la collecte de données sont des sujets controversés depuis longtemps aux Etats-Unis et la pandémie COVID-19 actuelle nous montre pourquoi.

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La surveillance de masse se répand en même temps que le Covid-19

Publié le 21 avril 2020
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Par Mitchell Nemeth.
Un article de Foundation For Economic Education

Les conséquences sociétales qui découlent de la récente pandémie de coronavirus ont été partiellement atténuées par les capacités technologiques croissantes de notre société. Les environnements de télétravail, la logistique et la gestion de la chaîne d’approvisionnement assistées par la technologie, les boutiques en ligne et les livraisons alimentaires directes au consommateur sont des facettes de notre société.

Grâce aux progrès technologiques des deux dernières décennies, une grande partie de la population active est en mesure de continuer à travailler alors même que de nombreux locaux d’entreprises sont physiquement fermés. Nous devons une grande part de ce succès aux technologies de l’information et en particulier à nos capacités à collecter, stocker et partager des données.

La puissance de calcul croissante, la collecte sophistiquée et le partage complexe de données, ainsi que des algorithmes puissants participent autant que possible au soutien de notre économie. Avec l’assentiment du consommateur, cette combinaison de facteurs produit, par bien des aspects, un dispositif de surveillance potentiel. Contrairement à la vision que nous en donne la science-fiction, ces outils de surveillance sont largement alimentés avec l’assentiment et la compréhension du consommateur.

La connaissance que possède le consommateur ou l’utilisateur des potentiels effets négatifs est peut-être limitée, mais tous les services ont un coût. Ce coût prend la forme d’un compromis : les consommateurs comprennent qu’un service en ligne gratuit comme Facebook peut fournir une plateforme de médias sociaux en échange du droit d’utiliser les données transmises au bénéfice de Facebook.

Paré pour fliquer

Pendant cette pandémie, une bonne part de notre vie a été mise sens dessus dessous. La majorité de la population américaine est en mode « restez chez vous » ou confinée par décret.

Les restrictions varient selon les États, les municipalités ou les comtés. Ces décrets ont obligé la plupart des Américains à adapter leur mode de vie au moyen de la technologie et de l’accès à Internet haut débit sans fil.

Ce que la plupart des Américains ne comprennent pas encore c’est la collecte sophistiquée et le partage de données qui s’effectuent très discrètement. Certains peuvent s’en rendre compte lorsqu’ils cherchent un produit sur un appareil électronique et voient apparaître des publicités pour le même produit sur un appareil totalement distinct.

En coulisse, des entreprises ne se contentent pas de vendre des produits ou services ; elles échangent des éléments d’information pour affiner le ciblage de clients précis. Shoshana Zuboff, professeur à Harvard Business School, a forgé l’expression « capitalisme de surveillance » pour décrire ce phénomène.

Le capitalisme de surveillance est « la capture unilatérale des pratiques des personnes privées comme matière première gratuite à transformer en données comportementales. Ces données sont ensuite transformées sous forme de prévisions et vendues sur les marchés à terme du comportement. »

Pourquoi ce dispositif de surveillance est-il important pendant cette pandémie ?

De manière générale les Américains se méfient des incursions dans leur vie privée, que ce soit par l’administration ou par des entreprises. En ces temps de crise, les individus ont davantage tendance à fermer les yeux sur les entorses aux libertés publiques.

Malheureusement, l’Amérique a institué des mesures désastreuses lors des périodes de crises des dernières décennies. Nous devrions nous assurer que de telles mesures dévastatrices ne soient pas mises en œuvre durant cette pandémie.

Le 10 avril, Apple et Google ont annoncé un projet commun pour « permettre l’usage de la technologie Bluetooth afin d’aider les administrations et les autorités de santé à réduire la propagation du virus, avec la sécurité et le respect de la vie privée des utilisateurs au cœur du dispositif. » Le nouveau coronavirus est transmis lors de contacts rapprochés. Comme l’a fait remarquer le communiqué de presse de Google, « les organismes de santé publique ont compris que le traçage des contacts est un outil précieux pour aider à contenir la propagation » ; le traçage des contacts n’est pas un concept nouveau en lui-même.

Certains pays dans le monde ont mis en œuvre de telles mesures. Par exemple, le gouvernement israélien a récemment fait voter une loi permettant à son agence de sécurité de faire du traçage. Celui-ci consiste à identifier les personnes qui ont été en contact avec une personne infectée, ainsi qu’à collecter d’autres informations sur la nature du contact.

C’est une version de la quarantaine beaucoup plus ciblée que le confinement. Cet accord de collaboration entre Apple et Google permet aux individus d’adhérer en téléchargeant une application officielle. Contrairement à d’autres pays, les États-Unis s’appuient sur une initiative du secteur privé pour procéder au traçage des personnes.

Est-ce légal ?

La surveillance administrative et la collecte de données sont des sujets controversés depuis longtemps aux États-Unis, quoique sous des formes diverses. Le quatrième amendement de la Constitution des États-Unis établit le droit « d’être garantis dans leur personne, leur domicile, leurs papiers et effets, contre les perquisitions et saisies non motivées. »

Dans l’arrêt Carpenter contre États-Unis, la Cour suprême a statué que « la collecte par l’administration des enregistrements d’antenne-relais de téléphonie mobile constituait une perquisition au sens du quatrième amendement » et que l’État devait donc disposer d’un mandat pour effectuer ces recherches. L’arrêt Carpenter ne traite pas la question qui sous-tend la « doctrine du tiers » qui recouvre « les attentes en matière de confidentialité concernant les informations volontairement confiées à un tiers » par une personne privée.

Il reste que la manière dont l’État distingue les informations de localisation d’antennes-relais collectées par les smartphones d’autres informations similaires n’est pas claire.

Avec le déluge de décrets locaux ou nationaux qui interdisent certaines activités, dans bien des cas sous peine d’arrestation, il est prudent de se demander si de tels comportements peuvent conduire à un scénario où l’administration aura besoin de surveillance.

L’arrêt Carpenter a répondu à une question et en même temps en a posé bien plus. Sur le site Protocol, Charles Levinson évoque un produit nommé Localiser X qui « permet aux enquêteurs de tracer une clôture numérique autour d’une adresse ou d’une zone, de repérer les équipements mobiles qui sont passés dans cette zone et de voir où ces équipements sont allés, en remontant sur plusieurs mois ». Selon l’article, les conditions d’utilisation de Localiser X interdisent de se servir de cet outil en justice comme élément de preuve.

CNN a récemment publié un article qui met en évidence l’utilisation d’un autre outil de traçage de données de localisation. Nous avons tous entendu parler de cette histoire à propos des étudiants en plein spring break en Floride qui ont « ignoré les avertissements demandant de pratiquer la distanciation sociale » et sont tombés malades du nouveau coronavirus. X-mode, la société derrière l’outil, fournit des services de traçage de localisation et ensuite fournit les données qu’elle collecte aux annonceurs après les avoir anonymisés.

En quoi est-ce un problème ? Cet outil moins connu suscite énormément l’intérêt de l’État qui aimerait « utiliser les données de localisation des téléphones mobiles des Américains pour essayer de tracer et éventuellement de juguler l’expansion du coronavirus ».

Un usage policier possible

Supposons une collecte et un partage massifs d’éléments d’information, même des éléments dont nous ignorons l’existence.

La plupart des inquiétudes concernant la surveillance étatique disparaitraient si l’État adoptait une attitude moins intrusive dans la vie de chacun d’entre nous.

Malheureusement, cette pandémie a entrainé davantage d’appels à l’action publique, comme le renforcement des contrôles policiers, l’établissement par la police de listes d’adresses de cas de virus confirmés, l’instauration de couvre-feux, la fermeture obligatoire d’activités « non-essentielles » et l’octroi d’aides publiques à tout le monde. Par exemple, le Juge Stuart Kyle Duncan a rappelé par écrit à la majorité des Cours d’appel du cinquième circuit que « l’arrêt Jacobson dit que tous les droits constitutionnels peuvent être raisonnablement restreints pour répondre à une urgence de santé publique ».

Étant donné l’arsenal impressionnant d’outils technologiques dont dispose l’État, il est impératif que le secteur privé prenne l’initiative afin que l’administration ne soit pas tentée de le faire. Google et Apple ont commencé à traiter la question du traçage des personnes ici aux États-Unis. Si leur initiative n’aboutissait pas, l’État pourrait être tenté de contraindre les entreprises et les fournisseurs d’information à transmettre des données aux agences de surveillance.

Comme l’a écrit le Juge Anthony Kennedy dans son arrêt Carpenter, « il est vrai que l’ère de la cybernétique offre largement la possibilité d’étendre et de restreindre les libertés individuelles dans des proportions inenvisageables auparavant. » Alors même que nos capacités technologiques se sont développées pour produire des possibilités et des moyens jamais vus au monde, nous devons rester vigilants. Nous devons veiller à ce que nos outils et nos ressources soient utilisés au bénéfice des personnes et non à celui de hauts fonctionnaires avides de pouvoir ou d’entreprises qui se couchent devant l’État.

Sur le web. Traduction Contrepoints.

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  • Le problème c’est que ce sont ceux qui se prétendent être les défenseurs des libertés – les républicains – qui instaurent se type de mesures…et qui ont imposé des lockdown injustifiés partout dans le monde.

    Aux USA, beaucoup de libéraux, de libertariens et même de conservateurs appellent désormais à la désobéissance civique dans les états – comme le Michigan où la gouverneur Gretchen Whitmer interdit à tout le monde de circuler mais se permet d’aller chez son coiffeur et à sa salle de sport préférée. Avec les démocrates ça a toujours été le deux poids deux mesures…le faites ce que je dis, pas ce que je fait…et le moi j’ai le droit de savoir ce que vous faites, mais vous n’avez pas le droit de savoir ce que je fais…

    Le problème principal c’est que les « démocrates » et les socialistes n’en ont que le nom. Ce sont des tyrans, des gens fous de pouvoir, des gens qui détestent fondamentalement le peuple, les faits et la vérité. Il serait grand temps que les peuples de tous les pays en prennent conscience et se rebellent – civiquement – contre ces prétendus socialistes. Si ces derniers en viennent à utiliser la force, alors il sera normal et justifié que le peuple utilise les mêmes méthodes scélérates que leurs gouvernants.

    • Ayant retravaillé ma première phrase, j’ai omis de corriger un point. Il fallait bien entendu lire « – les démocrates – » et non les « – les républicains -« , ce qui me semble plus approprié dans le contexte d’un article parlant des USA.

  • Qu’en est-il de la la capture unilatérale des pratiques des personnes privées à des fins politiques? De l’identification de groupes d’opinion qui seront ensuite ciblés à des fins électorales?

  • La folie gagne jusqu’aux présentateurs de la météo dont l’un d’entre eux se signalait hier soir avec un slogan mémorable prononcé d’un ton martial en conclusion de sa prestation, « vigilance, obéissance », un doigt menaçant pointé vers le téléspectateur.

    Vigilance, obéissance. Le fascisme en marche.

  • Je me permets de partager un lien vers un site créé par des collègues de Inria sur les dangers de l’app StopCovid que va nous pondre le gouvernement : https://risques-tracage.fr/

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L'auteur : Yoann Nabat est enseignant-chercheur en droit privé et sciences criminelles à l'Université de Bordeaux

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