Européennes : qui récupérera le vote populaire ?

Le Pen, Philippot et Dupont Aignan à l’assaut d’un électorat en voie de sécession culturelle et politique.

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Élections régionales 2015 By: TV Patriotes - CC BY 2.0

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Européennes : qui récupérera le vote populaire ?

Publié le 3 mai 2019
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Par Frédéric Mas.

Tout le monde à la droite de la droite cherche à séduire l’électorat populaire qui semble s’être incarné à ses yeux dans le mouvement des Gilets jaunes. Florian Philippot l’a annoncé le 1er mai par communiqué de presse : une des listes Gilets jaunes vient de fusionner avec la sienne pour les élections européennes. Le constat des deux formations serait commun : la France doit sortir de l’Union européenne et de l’euro pour que soient entendues leurs revendications sur le pouvoir d’achat, la justice fiscale ou encore la démocratie directe.

De son côté, le Rassemblement national, favori dans les sondages, se fait défenseur de cette France des ronds-points. Marine Le Pen a ainsi déclaré durant le meeting du 1er mai qu’elle animait à Metz que le gouvernement se faisait complaisant avec l’extrême gauche pour « discréditer le mouvement populaire des Gilets jaunes ». Et Le Pen et Philippot ne faisaient qu’emboîter le pas de Nicolas Dupont-Aignan, qui dès le 22 mars dernier avait reçu en renfort de sa liste Benjamin Cauchy, figure politique et médiatique bien connue du mouvement des Gilets jaunes.

C’est que le Gilet jaune a rendu visible une frange de la population devenue largement invisible aux yeux des élites politiques et administratives au fil des années.

La sécession des classes populaires

En effet, si le thème de la sécession des élites cher à Christopher Lasch a été exploré avec minutie par les commentateurs ces dernières décennies, la sécession des classes populaires n’a pas eu la même attention. Dans son dernier livre L’archipel français, Jérôme Fourquet, analyste politique et directeur du département Opinion de l’IFOP, soutient que les classes populaires se sont affranchies culturellement et idéologiquement du reste de la population. L’engouement populaire pour les prénoms anglo-saxons en est une preuve. Plus exactement, les classes populaires ne choisissent plus les prénoms de leurs enfants en réglant leur pas sur celui des classes moyennes et supérieures depuis au moins deux décennies : « Les catégories les plus favorisées ont perdu une bonne part de leur influence et de leur pouvoir prescriptif, et les milieux populaires se sont fortement autonomisés dans le choix des prénoms qu’ils donnent à leurs enfants » (p. 122).

Contrairement aux idées reçues largement relayées par les identitaires et les populistes, les classes populaires sont ainsi les plus réceptives à la world culture, pour le meilleur et pour le pire, ce qui se manifeste par exemple par leur engouement pour la pratique du tatouage. Si seulement 10 % des cadres ont décidé de se faire tatouer, c’est près de deux fois plus chez les ouvriers et les employés (22 %). Pour Jérôme Fourquet, la banalisation du tatouage est tout sauf anecdotique : elle témoigne aussi de la progression de la déchristianisation qui transforme radicalement le rapport que les Français ont à leur corps, et en particulier dans ses régions les plus pauvres.

Géographiquement, la carte des « Kevin et des Dylan » rappelle celle du vote Front national. Pour Jérôme Fourquet, cela s’explique par l’assise significative du FN, maintenant Rassemblement national, parmi les ouvriers et les employés. Les milieux populaires des petites villes et des villages qui se retrouvent dans certaines pratiques culturelles comme le tuning, la chasse ou le football sont aussi les plus sensibles au message de Marine Le Pen, ce qui témoignerait non seulement de la partition culturelle, mais aussi politique du pays. Il est ainsi intéressant de noter que seul le Rassemblement national a fait de sa tête de liste aux Européennes un Jordan (Bardella) qui semble correspondre assez exactement au portrait-robot de cette France en sécession.

La clôture sur elle-même de cette frange de la population participe à l’archipélisation du pays, c’est-à-dire sa fractionnement social et la disparition de toute visée nationale commune. L’effondrement de la culture commune, qui rend le dialogue entre le peuple et ses élites difficile, risque fort de conforter la transformation du modèle social français en une sorte de gouvernance des intérêts catégoriels dans laquelle les classes populaires pèseront de tout leur poids pour défendre toujours plus d’État et de protectionnisme, c’est-à-dire davantage de dépendance vis-à-vis de la classe bureaucratique qu’ils rejettent. Il faudra beaucoup de pédagogie pour les convaincre de choisir la liberté plutôt que la servitude étatique. Pour l’instant, le vote populaire profitera surtout aux démagogues.

Jérôme Fourquet, L’archipel Français. Naissance d’une nation multiple et divisée, Seuil, 2019.

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  • En détruisant la droite macron à ouvert la porte à l’extrême droite.

    Le RN va gagner les européennes

    • Il ne fait que continuer d’une autre manière, la politique de Mitterrand. C’est d’autant plus facile que le parti de droite est devenu hétérogène, en particulier sur l’UE: quand l’électeur cherche des positions claires, il va voir ailleurs.

    • La droite s’est détruite toute seule en trahissant ses électeurs.

    • Je n’aime pas beaucoup Bonaparticule, mais je ne pense pas que l’effondrement visqueux des partis « à papa » soit son chef-d’œuvre. Il avait déjà longtemps que la droite française se contentait de faire du social-constructivisme avec une étiquette « label droite ». S’il faut absolument nommer un responsable, nommons l’infernal duo Chirac/ Mitterrand, mais de facto la responsabilité est collective, tout le monde ayant profité de la fausse alternance et de la vraie parasitocratie.
      Maintenant les européennes c’est un parlement fantoche, ça ne met pas vraiment le roitelet en danger.

      • ça ne met pas vraiment le roitelet en danger… sauf que s’il faisait score minable, cela pourrait tout de même avpir des conséquences sur la suite du quinquennat

    • La destruction de la droite francaise n est pas due a Macron, elle a ete engendree par Chirac. D une part par son idee d unifier l ex RPR et UDF (qui ont pourtant des idees differentes) et surtout par ses 12 ans de regne ou il n a pas fait grand chose.

      Il est sur qu il n a pas ete le seul dans cette oeuvre de sabordage. Juppe par ex l a bien aidé. Fillon n est pas exempt de reproche en se maintenant alors qu il etait clair que sa candidature n avait plus aucune chance

      • Mais avec la tête de liste F X Bellamy, B Retailleau, la Droite renaît et n’a jamais été morte contrairement à ce que vous affirmez. UMP n’était qu’un assemblage de droite centriste et de droite RPR et donc cette Droite n’avait de valeurs communes.
        Aujourd’hui LR est conservateur libéral et l’assume haut et fort, ne vous en déplaise. LR n’a plus peur du politiquement correct dénoncé par M Bock Côté.

        • mouais.
          où sont les Libéraux de LR qui votent contre la privatisation d’ADP ?
          où sont les Libéraux de LR qui acceptent de restreindre les libertés publiques en votant la loi casseurs ?

          etc.

        • Vous vous faites des illusions. Le parti de droite est trop hétérogène sur des sujets essentiels. C’est d’ailleurs une des causes de l’échec de Fillon.

    • La prise de pouvoir du RN est un passage obligé pour arriver à la conclusion de la période « démago »; sans cette étape, point de Renouveau ! Macron n’est qu’une étape d’essai mais la dernière (étape) risque d’être plutôt « folklo » ! préparez-vous . . .

    • Mais avec la tête de liste F X Bellamy, B Retailleau, la Droite renaît et n’a jamais été morte contrairement à ce que vous affirmez. UMP n’était qu’un assemblage de droite centriste et de droite RPR et donc cette Droite n’avait de valeurs communes.
      Aujourd’hui LR est conservateur libéral et l’assume haut et fort, ne vous en déplaise. LR n’a plus peur du politiquement correct dénoncé par M Bock Côté.

      • Non, ce sont certaines personnes qui n’ont pas peur du politiquement incorrect. On ne peut dire cela du parti dans son ensemble.

    • Savez-vous seulement ce qu’est l’extrême droite ? Vous devriez envisager d’arrêter de lire la « grande » presse ou d’écouter les ondes ; ni le FN, ni DLF, ni Les Patriotes ne sont d’extrême droite.

  • Maintenant on nous explique que les classes populaires, mondialisées, ont fait sécession … c’est leur faute quoi !

  • L’état n’a en effet rien à craindre du vote RN qui, comme l’écrit très justement l’auteur de cet article, ne peut etre que conforté par la politique économique de ce parti.
    Pour ceux qui ont compris que , dans ce pays, le prédateur c’est l’état il n’y a rien à espérer de ces élections en France.

    • Parce qu’elles en auraient un sens si l’État n’était pas « l’ennemi » ? Bien sûr que non voyons.
      L’eurolâtre VGE lui-même a déclaré que ces élections européennes ne servaient à rien. Elles ne sont qu’un subterfuge, un artifice démocratique, pour que les peuples aient le sentiment d’avoir choisi les bergers au sein de ces institutions sans légitimité et qui ne devraient avoir aucun autre rôle que l’organisation du marché commun.

  • Eclairage interessant. Il semble heals qu on va vers un pays ou les differentes couches sociales ne se parlent plus ni se comprennent.
    Ce qui va poser de gros problemes a terme (les GJ risquent d etre une aimable plaisanterie si on continue dans cette voie)

    L interrogation finale est aussi interessante. Comment interesser au liberalisme les classes populaire si pour eux le liberalisme c est les faire travailler plus, les mettre au chomage plus facilement et leur faire gagner 500€/mois car le smic sera supprimé ?
    C est pas pour rien que Marine Le Pen a transforme le progamme economique du FN qui etait assez liberal du temps du pere en un programme etatique

    • Les couches sociales, ça n’existe qu’en France. Ailleurs, ce sont des positions sociales provisoires, et il n’est pas difficile de faire comprendre l’intérêt de travailler plus quand chacun a dans sa vie ou dans sa famille de nombreux passages dans le décile supérieur des revenus…

      • Dans le cas de la France, on est plutot dans le descendeur social, les gens etant anxieux de ne pas tomber plus bas (50 % des francais avait peur de devenir SDF un jour https://www.lexpress.fr/actualite/politique/france-la-peur-de-devenir-sdf_461684.html)

        Pour le reste, la notion de classe sociale existe dans quasiment tus les pays (par ex en GB) et se limite pas a une question de revenu (pour rester en angleterre, croyez vous qu un lord considera comme son egal un homme dont le pere aurait pu etre son jardinier ?)

        • Je ne sais pas, je ne connais pas de lords, mais j’ai des amis anglais et pour la totalité d’entre eux, la « classe » est quelque chose qui s’acquiert par son savoir être et ses efforts individuels. La naissance peut en priver certains, mais elle ne la donne jamais automatiquement. L’impression générale que j’ai de mes amis est qu’avec le même effort, on change de classe au RU et ailleurs à l’étranger, et on se maintient dans la sienne en France…

  • Depuis quand la populace avait son mot a dire ?
    Elle votera ce qu’on lui dira de voter ,lrem.
    J’ai lu qu’il y aurait deux listes gilets jaunes, la droite est inaudible ,les socialos officiels dans les paquerettes, reste l’horrible « lepen » quand c’est horrible on passe son chemin en fermant les yeux et les oreilles…l’elite gagnera , elle gagnera toujours ,la ‘france fait partie du tiers monde avant l’alfabetisation .. sacres jaures ,une vrai grosse tete celui la ,il a su avant le autres que l’ecole publique etait une arme fatale aux peuples .

  • Mais avec la tête de liste F X Bellamy, B Retailleau, la Droite renaît et n’a jamais été morte contrairement à ce que vous affirmez. UMP n’était qu’un assemblage de droite centriste et de droite RPR et donc cette Droite n’avait de valeurs communes.
    Aujourd’hui LR est conservateur libéral et l’assume haut et fort, ne vous en déplaise. LR n’a plus peur du politiquement correct dénoncé par M Bock Côté.

    • Il ne suffit plus d’etre un beau parleur il faut le look ,une certaine autorite doit emaner du personnage et ce n’est pas le cas pour bellamy ….la’politique est un theatre , il faut une bonne distribution pour avoir du succes meme avec un bon scenario

      • En même temps, sauf à exhumer un authentique macchabée, difficile de faire moins charismatique que l’oiseau de la reumeu… Bellamy & Co vont « tâter » le terrain pour Veau-qui-est et tester une rhétorique légèrement moins PC – mais on sait depuis Chichi et Sarko que dans la droite à papa, les discours forts annoncent des leaders faibles.

  • Bon alors c’est sans doute un parti qui ne gagnera jamais les européennes, mais il a des idées claires et nettes.

    Si ça peut intéresser du monde:
    https://www.midilibre.fr/2019/03/07/un-marguerittois-se-lance-dans-la-course-aux-europeennes,8053811.php

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