Porno sur Internet : nouveau recul du gouvernement britannique

Le gouvernement britannique envisage de punir les sites porno autorisant l’accès aux moins de 18 ans. La mesure fait hurler les défenseurs des libertés.

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Porno sur Internet : nouveau recul du gouvernement britannique

Publié le 7 avril 2019
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Par Ludovic Delory.

Le gouvernement s’installe à pieds joints dans votre vie familiale. Non content de squatter votre assiette, votre garage, votre portefeuille ou votre lit conjugal, il compte désormais s’attaquer à ce qui vous est le plus cher : vos enfants.

Vous n’êtes pas parents ? Ceci vous concerne quand même. Car les droits fondamentaux de tout individu libre et responsable font l’objet de ces attaques.

Le porno en cœur de cible

Sous la pression de l’industrie et, surtout, des défenseurs des droits individuels, le gouvernement britannique a reporté l’introduction de son « Porn Block » qui était annoncée pour le début de ce mois d’avril. Un projet controversé, visant à interdire le visionnage des sites pornographiques pour les moins de 18 ans. Les sites ne respectant pas la nouvelle loi étaient passibles d’une amende de 250 000 livres (290 000 euros).

Concrètement, les internautes britanniques souhaitant accéder à un site pornographique devraient matériellement prouver qu’ils ont plus de 18 ans. « Matériellement », cela signifie qu’il ne suffit plus de cliquer sur un bandeau « I’m over 18 ». Le système réclame votre adresse mail et tente de vérifier votre assertion en allant jusqu’à vérifier votre âge par SMS via — s’il le faut — votre carte de crédit ou votre permis de conduire. Des « pass porno » sont même disponibles à l’achat dans certains magasins pour prouver — au gouvernement qui veut votre bien — que vous avez l’âge requis pour visionner une p*pe ou une l*vr*ette.

Le site Wired s’est amusé à relever toutes les raisons pour lesquelles cette idée relevait du mauvais plan. D’abord parce que n’importe quel ressortissant de Sa Majesté peut, avec un VPN simulant une connexion depuis un autre pays, avoir accès aux innombrables sites porno dont fourmille le web. Ensuite, parce que cette interdiction gouvernementale pousse aux comportements parallèles (devenus, par force de loi, illicites). Enfin (et surtout), parce que le gouvernement britannique peut ainsi avoir accès, sans se fouler, à une base de données exhaustive de personnes consultant des sites de po*n.

Vous voyez venir la suite ?

Vos enfants regardent du porno sur le web : qui est responsable ?

L’immixtion subreptice du législateur sur ce thème clivant s’appuie sur des données factuelles. Selon une étude réalisée conjointement par l’université du Middlesex et par la NSPCC — une association caritative de protection des enfants —, 65 % des adolescents de 15-16 ans et 48 % des 11-16 ans ont déjà vu des contenus pornographiques en ligne. 28 % des enfants tomberaient dessus par hasard tandis que 19 % les chercheraient volontairement.

La question centrale, occultée par ce genre d’étude, peut se résumer en quelques mots : qui est responsable de votre enfant ? Vous ? Ou le gouvernement ?

Dans de nombreux cas, le législateur se charge de remplacer les rôles dévolus aux parents dans la sphère privée. De ce postulat s’ensuit une kyrielle d’obligations légales envers votre progéniture, comme celle qui interdit de fumer en voiture en leur présence ou bien encore l’obligation de les attacher sur leur siège. La conception paternaliste de la dignité humaine est désormais coulée dans le bitume de la loi.

Punir l’irresponsabilité

C’est une question rarement débattue : jusqu’où la loi doit-elle intervenir dans le champ de la modernité ? Qu’il s’agisse de la GPA, du port de la burqa, du mariage pour tous, le législateur ne cherche qu’à imposer sa force, sans trouver dans ces débats la seule voie qui vaille : celle de l’autonomie.

En France, le législateur interdit aux mineurs de consulter du porno. Alors qu’ils sont largement en âge d’avoir, légalement, des relations sexuelles. Comme le précise Daniel Borrillo dans son dernier essai1 :

Si l’on se place du point de vue du consommateur de pornographie, nous constatons d’emblée une contradiction entre les majorités, puisqu’elle est fixée à 15 ans pour la pratique sexuelle et à 18 ans pour visionner un film pornographique. La logique juridique se trouve ainsi entachée d’une incohérence fondamentale : notre société n’autorise pas à voir des choses qu’elle permet cependant de faire.

Le slogan des féministes « mon corps m’appartient » prend tout son sens lorsqu’il s’agit de comparer les pratiques personnelles avec les fenêtres de liberté concédées par l’État. Ce dernier détermine le Bien sans s’arrêter à la frontière qui devrait être sienne, à savoir dire le Juste. L’État paternaliste délimite les choix des individus et se substitue à leur libre-arbitre. Qui plus est, pour des décisions qui ne portent atteinte à personne. Cet interventionnisme se vérifie aussi dans des domaines comme la pénalisation des clients des prostituées ou le harcèlement sexuel.

(…) la société ne peut pas avoir recours à la contrainte pour interférer sur la vie de quelqu’un, contre sa volonté, uniquement en vue de son propre bien ou pour l’empêcher de se nuire.

Se porter tort à soi-même, par quelque forme de pornographie, de prostitution, de consommation de drogue ou d’alcool, relève de la liberté individuelle. Au nom de quel principe l’État devrait-il s’imposer sur ces questions ? Les limites fixées par les textes libéraux fondateurs ont aujourd’hui volé en éclats. Et l’histoire nous enseigne que les régimes collectivistes ont voulu, sans exception, écraser les marginaux sous le joug de ce que leurs dirigeants appelaient la « communauté ». « La souveraineté de l’État, rappelle Pierre Lemieux2, consacre le droit des États de disposer de leurs ressortissants« . L’étape est accomplie : des individus que vous n’avez sûrement jamais croisé dans votre vie décident, à votre place, de votre vie.

Affirmer son destin biologique, sa sexualité, son anti-conformisme, s’inscrit aujourd’hui dans les combats qu’aucun individu, dans une société digne et libre, n’aurait eu à porter. Dans ce monde libre, ni la GPA, ni le suicide assisté, ni la prostitution n’auraient dû faire l’objet d’un débat politique. Le consentement et la perception ferme et naturelle de la propriété de soi auraient suffi à régler tous les éventuels conflits éthiques.

Aujourd’hui, disposer de son corps constitue l’acte politique par excellence. Affirmer son libre-arbitre, en réponse aux attaques permanentes dont se rendent coupables les législateurs, les « bien-pensants » ou tout ce qu’on regroupe sous le nom de « société », devient un acte de rébellion. C’est à la fois stimulant et inquiétant. L’accès aux vidéos pornographiques ne devrait relever que de la responsabilité des individus. Pas du gouvernement.

  1. Disposer de son corps : un droit encore à conquérir, Éd. Textuel, 2019.
  2. Pierre Lemieux, La souveraineté de l’individu, PUF, 1987, p. 9.
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  • Par contre, qu’un jeune visionne un film de guerre ou d’horreur où les massacres et les morts se comptent par dizaines ne préoccupe nullement le politicien anglais…
    Les tabous n’obeissent décidément à aucune logique sérieuse !

    • « Les tabous n’obeissent décidément à aucune logique sérieuse ! »
      Mais si, cela s’appelle le puritanisme, qui préfère qu’une femme soit pénétrée par un couteau plutôt que par un sexe.
      Le puritanisme est la pierre angulaire des totalitarismes.

    • Aucun de ce sujets (porno, guerre, horreur etc..) ne devrait préoccuper les politicens puisque ce n’est pas leur rôle.

      Ce sont les parents qui devraient être prèoccupés

      J’ai déjà eu des discussions avec des parents qui voulaient que l’état censure Internet pour que leurs enfants ne soient pas exposer à la violence/porno/etc..
      Bien entendu, il ne leur ait pas venu à l’esprit que puisqu’ils ont décidés tout seul d’avoir des enfants il fallait peut etre aussi prendre des responsabilités, et par exemple se renseigner sur les logiciels de blocage parental.

      Je suis désolé mais je ne vois pas pourquoi mon utilisation d’Internet devrait être réduite ou diminuée parce que des gens sont trop fénéants ou refusent de prendre leur responsabilité.

      Je sais qu’on est à l’époque des pleureuses ou il et plus facile d’aller de se faire plaindre sur les réseaux sociaux que de prendre ses responsabilités, et c’est bien dommage.

    • Ouaip! En France on n’est pas puritain, mais on a un tabou quand même: ce n’est pas bien de se laisser pénétrer par l’argent et le capitalisme. Par contre il faut se laisser pénétrer par le fisc, et même très profondément, parce que c’est censé être pour notre bien. En privé on appelle ça le fisc-fucking: CQFD!

  • Il s’agit ici de l’achat payant de porno, qui devient protégé pour les moins de 18 ans comme toute une série d’autres choses, pour lesquelles le simple fait de demander de confirmer son âge est jugé insuffisant. ( alcohol, tobacco, spray paints, fireworks, and video recordings and games ). Pour les « guide-lines » : https://www.businesscompanion.info/en/quick-guides/distance-sales/online-sales-of-age-restricted-products. Il ne s’agit donc de rien de plus que l’application au commerce en ligne des règles générales du commerce de détail.

    • Même si le fond est vrai (les parents sont responsables et les instances étatiques, quel que soit le niveau de libéralisme de l’état sus-nommé, ne peuvent s’empêcher de fliquer « pour notre bien »), je pense aussi que l’auteur s’est précipité dans une diatribe anti-état facile sans avoir approfondi. René Richard pourquoi es tu aussi peu compris ?

    • Il n’est pas sûr que notre ami approuve davantage les restrictions du commerce de détail que celle du commerce en ligne, et pour les mêmes raisons. N’oubliez pas que ces restrictions que vous soutenez ne sont pas d’une efficacité bien grande. N’importe quel jeune vous dira qu’acheter des cigarettes ou de l’alcool ne pose vraiment pas de difficulté.

    • En France, il me semble qu’il existe des cartes de crédit prépayées, rechargeables.
      Sont-elles interdites aux mineurs ❓ Si c’est accessible à tout le monde, à quoi bon ce genre d’interdiction ❓

    • Ce que je soulignais au départ, c’est que seul le porno PAYANT est visé – pour le gratuit, pas de loi ( et donc pas de restriction de liberté nouvelle )

      • Je ne trouve pas beaucoup d’autres sources sur ce sujet, et nulle part je ne trouve mentionné que seul le porno payant sera concerné. Et je découvre avec stupeur que depuis 2013, les sites porno sont bloqués en UK d’office via un filtre chez le fournisseur d’accès, et qu’il faut demander expressément la levée de ce filtre. Misère… pudibonderie ridicule. Protection des enfants n’est qu’un prétexte.

  • La liberté individuelle n’est pas l’absence totale d’entrave. Elle peut être subordonnée à des principes supérieurs. Dans une société, la protection des jeunes en est un.
    Un enfant ou un jeune est en apprentissage de sa liberté d’adulte.

    • L’apprentissage consiste justement à pouvoir mettre la main à l’ouvrage en sortant des enseignements reçus ex-cathedra. Certes, il faut avoir été instruit des principes supérieurs, mais la protection systématique ne se justifie que pour ceux qui ne sont pas en train de devenir autonomes. Sinon, ils resteront « mineurs protégés par l’Etat » toute leur vie…

    • La vous lui apprenez surtout à tricher et à contourner les barrières. C’est bien une forme d’éducation 😉

    • Des principes supérieurs, bien entendu décidés par l’état tout puissant qui seul sait mieux que les parents ou les gens eux même ce qui est bon.

      Et comme l’a sit bien montré l’histoire du 20eme siecle, la vérité et les principes étant fluides et variable, encore une fois seul l’état décidera que ce qui est bon aujourd’hui ne le sera oas demain.

      Merci, mais non merci

      • Dans une démocratie, l’Etat est censé faire ce que veut la population…
        D’autre part, le primat de l’individu a tout envahi dans notre société avec un certain nombre de risques pour la cohésion de la société elle-même et son avenir. Ce dont, évidemment, les personnes subiront en final les conséquences…
        Il ne s’agit évidemment pas d’élever les enfants sous cloche, mais l’éducation à la liberté passe par des étapes. Les pédopsychiatres qui connaissent les dégâts irréversibles du porno chez les jeunes tirent depuis des années la sonnette d’alarme.
        Comme pour d’autres sujets de société, la seule question qui vaille est: qu’est-ce qui est bon pour l’enfant, pour son équilibre affectif, pour qu’il soit plus tard un adulte libre et responsable?

    • Vous êtres frileux sur le sujet. Je pense que c’est grâce à un de vos commentaires que j’étais tombé sur des vidéos d’une psy qui disait que Globalia visait à sexualiser les enfants (via notamment les cours d’éducation sexuelle) pour faciliter les penchants pédophiles des Globalistes.

  • Et l’eternelle question , c’est quoi du porno ?

  • supprimez le porno sur internet !!!

  • Merci Monsieur Delory pour cet article.

  • Ceci dit, le titre est à mon sens mal choisi : il s’agit hélas d’une « avancée » du gouvernement britannique.

  • Grâce à Big Brother, pour démolir quelqu’un, on ne dira plus tailler un costard, mais tailler une capote 😉

    Au fait, ils ne sont pas occupés avec le Brexit les anglais ? Ils n’ont pas plus important que le porno ❓

  • On pourrait peut-être en profiter pour rappeler à quoi conduit ce genre de préemption par l’Etat de l’évaluation des conditions d’émancipation de l’individu :
    « Dans le cadre de ses obligations au regard de la directive MIF 2 qui fixe les règles à suivre par les prestataires de services d’investissement en matière d’offre de produits et services, votre intermédiaire doit déterminer, préalablement à la fourniture d’un service financier et/ou de la prise en charge d’un ordre de bourse, si le service financier ou l’instrument financier sélectionné convient au client. »
    Voilà comment les contrôles étatiques passent des ados aux retraités, et d’un type de bourses à un autre…

  • Juste un petit caviar, cet article. Thanks a bunch

  • « Dans ce monde libre, ni la GPA, ni le suicide assisté, ni la prostitution n’auraient dû faire l’objet d’un débat politique. »

    Bel exemple de censure …

    • Quelle censure ? C’est vouloir empêcher quelqu’un de faire quelque chose qui ne nuit à personne qui est une censure. Politique partout, liberté nulle part.

    • Cela pourrait faire débat, juste non politique. Rien n’empêche aux gens d’exprimer leur opinion, ou de conseiller les autres. Mais interdire aux autres, non.

    • refuser un débat est une censure.

      par ailleurs, la GPA comme l’avortement ne fait aucun cas des droits d’un tiers (l’enfant).

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