Haut Conseil à l’Égalité : faut-il réguler davantage les sites pornographiques ?

Le HCE propose une régulation stricte de l’espace numérique pour combattre la pornocriminalité. Toutefois, des experts et des acteurs du domaine suggèrent que le problème est ailleurs.

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Haut Conseil à l’Égalité : faut-il réguler davantage les sites pornographiques ?

Publié le 24 octobre 2023
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Dans le cadre de l’examen du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) a publié un rapport sur la pornocriminalité.

Il dénonce une industrie « qui prospère sur la haine et la violence misogynes », un « système pornocriminel qui broie les femmes » dans lequel elles sont « humiliées, objectifiées, déshumanisées, violentées, torturées… ».

Parmi ses recommandations, on trouve l’extension du pouvoir de police administrative de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Elle pourrait ainsi bloquer les sites de manière discrétionnaire en cas « d’atteintes graves à l’intégrité de la personne » ou d’absence « de contrôle d’âge effectif ».

Plus encore : la plateforme de signalement Pharos, dont l’objectif est de lutter contre la criminalité en ligne, aurait désormais le pouvoir de bloquer les sites qui ne respectent pas l’obligation de retrait d’une vidéo ou d’une image publiées sans le consentement de la personne.

Le Haut Conseil soutient également une supervision renforcée par la Commission européenne au titre du Digital Service Act (DSA), une réglementation qui s’attaque aux plateformes ayant plus de 45 millions d’utilisateurs par mois. En pratique, elle prévoit des contraintes en matière de vérification de l’âge, de partage de données sensibles, de modération, ou encore de publicité.

Bérangère Couillard, ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, a au moins le mérite de ne pas fantasmer la réalité : le plus souvent, ces images cachent des femmes qui se soumettent aux injonctions de l’industrie pornographique pour arrondir leur fin de mois.

Les problèmes commencent lorsque la description d’une industrie peu réputée pour ses pratiques éthiques se transforme en un plaidoyer caricatural. Le texte du HCE n’aurait d’ailleurs pas même fait l’objet d’une consultation des principales concernées. Elles auraient pourtant bien des choses à dire sur l’effectivité des lois en vigueur et les effets délétères de certaines politiques prohibitionnistes (dans le cas de la prostitution de rue par exemple).

Si l’on écoute un tant soit peu leur opinion, ce sont les plaintes des victimes qui ne sont pas suffisamment prises au sérieux par l’institution judiciaire, et non la législation qui manquerait de sévérité.

Pour Lulla, ce rapport n’est pas de nature à améliorer la condition des femmes malmenées par l’industrie pornographique :

« Ils veulent retirer aux actrices la capacité à consentir. On nous traite comme des enfants, on considère qu’on ne peut pas consentir. Or la notion de consentement, c’est ce qui permet aussi de dire non ! »

Mélanie Jaoul, maître de conférence et présidente de l’Association des alliés et alliées de TDS, craint que les propositions du HCE incitent à produire hors du territoire, ou dans des conditions dégradées en France.

Quant à la protection des mineurs, on peut légitimement douter de la pertinence des nouvelles restrictions sur les vérifications de l’âge de l’utilisateur, étant donné les moyens techniques relativement simples pour les contourner. Rappelons que la loi du 30 juillet 2020 impose aux plateformes de procéder à des vérifications qui ne peuvent se limiter à la simple déclaration de majorité, avec le succès que l’on connaît.

Le HCE se méprend : l’enjeu principal relève surtout de l’application des lois existantes, de la formation des agents de police confrontés aux victimes de violences sexuelles, et plus généralement des failles d’un système judiciaire en perte d’efficacité. Pas d’un nouveau carcan réglementaire ayant peu de réalité pratique.

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  • Que voilà une loi scélérate ! Retirer le pain de la bouche et autre chose à des femmes dont la force de travail réside principalement dans la poitrine et les fesses.
    Notons la perfidie du législateur, qui n’est hélas plus à démontrer. Qui se fait fort, après l’orphelin mineur, de voler au secours de la veuve exploitée. Fermer un site pour une bête histoire de vérification d’âge, comment ne pas rire ? Mais le fermer pour cause d’esclavage, il n’est permis que d’applaudir.
    Le seul vrai gagnant à venir ? Les femmes, l’Etat ? Non. Le VPN – Vérifier la Pornographie, c’est Niet !

  • Encore des fonctionnaires inutiles à nourrir. Mais ça fait plaisir aux associations qui voteront ainsi pour le gouvernement qui prend plein d’actions sur le sujet. Méthode éprouvées sur bien d’autres sujets : faire des lois inutiles qui ne seront jamais appliquées occupent fonctionnaires et députés, bref des parasites payés à faire du vent.

  • la violence misogyne n’est pas pire que la violence tout court et je hais qui je veux..
    je vous assure monsieur le juge j’ai frappé cet individu car il est stupide et non parce qu’il est du genre féminin.. d’alleurs le genre tant connu de la personne seule comment aurais je pu savoir que c’etait une femme? je suis un brute en aucun cas une brute misogyne.

  • Une actrice prono ou une prostituée qui viendrait au commissariat se plaindre d’un viol, au mieux on lui rirait au nez, au pire c’est elle qui se retrouverait accusée de qqch.
    Ces femmes ne sont pas défendues par le courant féministe. Le mee to, la culture du viol, le féminicide etc ça ne les concerne pas. Au point qu’une femme tuée par son mari, c’est un féminicide, alors qu’une prostituée tuée par haine, ça n’en est pas.
    Le politique ne les aidera pas, mais je pense qu’elles sont déjà bien au courant.

  • Les commentaires sont fermés.

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