École à la maison : le projet liberticide du gouvernement

Lettre ouverte pour la liberté d’instruction et des attentes équitables.

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École à la maison : le projet liberticide du gouvernement

Publié le 7 février 2019
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Par Isa Lise1.

À Monsieur le Ministre de l’Éducation nationale,

À Mesdames et Messieurs les élus,

L’ensemble du projet “Pour une école de la confiance” compte vingt-cinq articles dont un article, l’article 5, qui concerne les enfants instruits en famille. C’est à ce propos que j’alerte.

Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs les élus, vous souhaitez mieux organiser les contrôles des familles sans école afin de mieux repérer une éventuelle absence d’instruction ou des dérives radicalistes.

Or, le projet tel qu’il est présenté est inique, liberticide et préjudiciable.

Ce projet est inique

Les familles sans école auraient désormais une obligation de résultat tandis que l’Éducation nationale a seulement une obligation de moyens !

Actuellement, l’article L.122-1-1 dispose que  « La scolarité obligatoire doit garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, auquel contribue l’ensemble des enseignements dispensés au cours de la scolarité. »

Le projet de loi est le suivant : « Ce contrôle permet notamment de s’assurer de la maîtrise progressive par l’enfant de chacun des domaines du socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l’article L. 122-1-1 au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d’enseignement de la scolarité obligatoire. »

Avec ce projet, les attentes de résultat débuteront dès l’âge de 3 ans puisqu’il existe des attentes pour le cycle 1 (jusqu’à 6 ans). Dès 2 ans et demi, l’instruction obligatoire ayant lieu en septembre de l’année dès 3 ans, un enfant sans école se devra donc d’être performant.

Pourquoi attendre l’excellence des enfants sans école ? Les enfants sans école ne sont pas des machines qu’on programme ! Ils ne peuvent tous exceller en tout ! Est-il humain de leur imposer une telle pression ?

Certains enfants ont quitté l’école dans une situation de grande souffrance : phobie scolaire, profil particulier, difficultés en raison de troubles d’apprentissage ou de précocité (dans le même temps que ce projet de loi est débattu, une commission flash sur la précocité a révélé le manque d’adaptations actuelles pour les enfants précoces).

Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs les élus, vous vous inquiétez d’un nombre croissant d’enfants instruits à domicile. Mais vous êtes-vous demandé pourquoi ? Aujourd’hui, l’information circule plus facilement. Les familles connaissent donc plus facilement cette alternative qui leur revient de droit.

De plus, la raison principale de déscolarisation reste la souffrance scolaire.

Pouvez-vous dans ces conditions exiger la perfection des familles sans école ?

Faut-il courir le risque de burn-out ou, pire d’intense détresse psychologique, pour ces enfants au nom d’attentes démesurées ?

Il apparaît donc comme légitime et juste de demander une obligation de moyens et non une obligation de résultat aux familles sans école !

Ce projet est liberticide

Parmi les objectifs principaux de ce projet de loi apparaît l’idée suivante : « renforcer […] les innovations pédagogiques ». Or les familles sans école sont un formidable vivier d’innovations pédagogiques. Ainsi, j’ai énormément appris de l’instruction à domicile alors que ma formation d’enseignante ne m’avait guère préparée à accompagner les enfants à profils particuliers. Grâce à cette expérience, j’ai utilisé et imaginé des outils efficaces pour les accompagner.

Aujourd’hui l’article L.131-10 et le décret N°2016-1452 permettent respect des besoins de l’enfant et liberté pédagogique. Ainsi le décret précise « La progression retenue doit être compatible avec l’âge de l’enfant et son état de santé, tout en tenant compte des choix éducatifs effectués et de l’organisation pédagogique propre à chaque établissement. »

Demain, l’article L.131-10 modifié évoquera la maîtrise des cycles sans aucune mention de liberté pédagogique et sans mention des particularités de l’enfant.

Cependant, l’amendement AC525 ajoute « Il est adapté aux besoins de l’enfant présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant. »  Toutefois une reconnaissance de handicap est difficile et longue à obtenir, souvent plusieurs années sont nécessaires. De plus, les difficultés durables ne constituant pas un handicap doivent être prises en considération.

Il apparaît donc comme indispensable que la liberté pédagogique et les besoins de l’enfant, avec ou sans handicap, soient pris en considération dès l’article L.131-10.

Ce projet est préjudiciable

L’amendement AC485 précise que les maires sont désormais encouragés à effectuer un signalement s’ils suspectent une insuffisance d’instruction. Cet amendement était destiné à retrouver les enfants « dans le vide », c’est-à-dire les enfants non scolarisés et non déclarés en instruction en famille.

Or, il s’inscrira dans un texte qui permet une autre interprétation : « L’autorité de l’État compétente ou le maire (ajout de « ou le maire ») en matière d’éducation saisit le procureur de la République des faits constitutifs d’infraction aux dispositions du présent chapitre. » Le chapitre en question est tout simplement celui de l’obligation d’instruction. Par conséquent, lors de l’enquête de la mairie, un maire pourrait signaler une famille après avoir estimé qu’il y avait insuffisance d’instruction alors même que cette enquête n’entre pas dans le détail de l’instruction.

Or les signalements effectués à tort sont déjà trop nombreux ! Alors que les modalités du contrôle définies par la loi et la circulaire sont ignorées par des personnes en charge du contrôle, certains ont ainsi subi des menaces ou des signalements !

Les familles sans école ne sont pas les ennemies de l’école, pas un danger pour les familles qui scolarisent, pas un danger pour l’État français.

Chacun d’entre nous peut avoir un jour besoin d’une alternative.

Travaillons main dans la main, au lieu de chercher des coupables a priori et d’imposer des attentes disproportionnées.

Peut-être s’agit-il de méconnaissance de nos réalités et d’oublis, aussi je vous prie, Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs les élus :

  • d’ajouter les mentions de liberté pédagogique et de respect des besoins de l’enfant dès l’article L.131-10.
  • de remplacer « maîtrise » par « objectifs » et d’ainsi supprimer l’obligation de résultat.
  • afin de prévenir toute erreur d’interprétation, de modifier l’amendement AC485 en précisant que le maire agit dans le cadre de sa mission de référencement.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs les élus, l’expression de ma haute considération.

  1. Auteure de Faire l’école à la maison (Éditions Eyrolles), L’école à la maison – Des pistes pour apprendre autrement (Éditions de l’Instant présent), blogueuse et pédagogue innovatrice.
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  •  » Alle öffentlichen Schulen sind auf die mittelmäßigen Naturen eingerichtet.  »

    ( Les écoles publiques sont adaptées aux natures médiocres )

    Nietzsche, Fragments posthumes. 1876

  • L’Etat doit formater les esprits, c’est tout.
    Education, médias, culture, tout le reste n’est que conséquence.
    Et ce sont les mêmes qui nous ressassent « les heures les plus sombres »?

  • Malheureusement la déclaration d’école à la maison peut cacher une réelle absence totale d’instruction y compris de l’apprentissage de la lecture. Je comprends que l’état veuille protéger les enfants de ce type de carence.
    Il reste en effet que les textes réglementaires sont comme d’habitude fort mal ficelés, à croire que les scribes officiels ne savent pas écrire non plus.

    • c’est à l’inspecteur de l’éducation nationale de vérifier que l’instruction est bien donnée, ce n’est pas le rôle du maire, si cet amendement passait, il y aurait de véritables débordements de la part des représentants (CCAS bien souvent) du maire pour les contrôles, on le voit déjà bien trop souvent , ces informations préoccupantes, qui souvent ne vont pas loin mais qui permettent aux services sociaux de mettre leur nez dans notre vie privée juste parceque la personne dépêchée par le maire ne vous apprécie pas, est contre l’ief, ou simplement par peur que l’école ferme une classe pour manque d’enfants etc … bref cet amendement serait sujet à libre interprétations et pourraient être dramatique pour une grande partie de famille

  • j’ai eu l’occasion de côtoyer plusieurs enfants qui étaient non scolarisé, leur performances générale était bien supérieur à celle des enfants scolarisé donc les états d’âme de l’état français, dont l’incompétence généralisée s’étale devant nos yeux chaque jours, il peuvent se la tailler en pointe et se la mettre…

    • On peut en effet recevoir une excellente instruction à la maison sous la direction de parents ou de précepteurs compétents.
      Le jour où j’ai rencontré un ado intelligent mais analphabète parce que son père refusait de le scolariser, je me suis dit que c’était aussi grave qu’un défaut de soins ou de nourriture et qu’il aurait dû être enlevé à sa famille depuis longtemps.
      Une forme de surveillance relevant de la protection de l’enfance paraît souhaitable à condition de ne pas se transformer en tentative d’aliénation par un état intrusif et liberticide.

    • D’accord avec vous, mais moins avec votre maîtrise des pluriels.

  • l’éducation nationale comme elle existe aujourd’hui c’est foutu..
    si il y avait UNE reforme a faire ce serait celle là

  • Les commentaires sont fermés.

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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