La liberté scolaire, nouvelle victime du terrorisme

Sous prétexte de menace terroriste, Najat Vallaud-Belkacem remet en cause la liberté scolaire, pourtant protégée par la Constitution.

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale - Photo : Julien Paisley via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0

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La liberté scolaire, nouvelle victime du terrorisme

Publié le 22 juin 2016
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Par Jean-Yves Naudet.
Un article de l’Iref-Europe

Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale – Photo : Julien Paisley via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0

En France, trois régimes existent pour les établissements scolaires, depuis la loi Debré de 1959 : le secteur public (82,7% des effectifs), le secteur privé sous contrat (16,5%) (L’État rémunère les enseignants, mais les obligations sont proches de celles du secteur public) et le secteur privé hors contrat, libre du contenu des enseignements. Ce dernier est minoritaire (56 400 élèves -0,5%-, sans compter les 25 000 instruits à domicile -0,3%-), mais en progression rapide, compte tenu des carences du secteur public, et il applique souvent des méthodes pédagogiques innovantes. Madame Najat Vallaud-Belkacem propose de passer d’une simple déclaration pour ouvrir une école à un régime de contrôle a priori, donc d’autorisation administrative préalable.

La ministre justifie cette décision par les risques de radicalisation, essentiellement islamique, dans certains établissements ; l’argument surprend, car il existe des écoles hors contrat laïques comme de toute confession (catholique, juive, musulmane) et des contrôles réguliers existent : d’ailleurs 5 établissements devraient être fermés. Mais la ministre a aussi mis en avant le « contexte de hausse des effectifs » : limiter ce qui se développe spontanément, au lieu de se demander pourquoi ! Enfin elle affiche une volonté de contrôler la progression des apprentissages et prépare un décret en ce sens, pour renforcer le contrôle des connaissances et donc limiter la liberté des programmes.

La liberté scolaire, un principe à valeur constitutionnelle

Le passage au régime d’autorisation préalable passerait par un amendement par ordonnance à la loi égalité et citoyenneté, donc sans aucun débat au Parlement. Or la question n’est pas mineure, car, depuis une décision du Conseil Constitutionnel du 23 novembre 1977, la liberté d’enseignement fait partie des principes fondamentaux à valeur constitutionnelle. Le débat est semblable à celui de la liberté associative au 19ème siècle : le Code pénal napoléonien supposait une autorisation préalable et la véritable liberté associative n’a eu lieu qu’avec la loi de 1901.
L’impact de cette décision est considérable. L’existence d’un secteur libre offre une opportunité à ceux qui constatent l’échec du secteur public éducatif. Même l’enseignement catholique sous contrat a protesté, car ces établissements ouvrent souvent des classes sans contrat, quand le ministère refuse de financer une classe sous contrat : c’est une soupape de sécurité.

La question de principe est plus importante et le cardinal Ricard, président du conseil épiscopal pour l’enseignement catholique, a affirmé que l‘épiscopat français « entend exprimer à ce sujet à la fois son inquiétude et ses plus grandes réserves » car le nouveau dispositif serait « une atteinte au principe même de cette liberté constitutionnelle ». Et d’ajouter qu’au moment où le « modèle démocratique est contesté », « notre pays a besoin de confirmer son choix des libertés ».

L’IREF démontre la faiblesse de la liberté éducative en France

La liberté scolaire est fondamentale, car les parents sont les premiers responsables de l’éducation des enfants, et le libre choix est la condition de cette responsabilité. Or cette liberté est bien minime en France. En effet, l’IREF, dans plusieurs études, notamment du 13 septembre 2013 et du 27 mai 2016, démontre l’extraordinaire faiblesse de cette liberté en France.

Quatre critères mesurent la liberté éducative : l’autonomie de gestion financière, l’autonomie de gestion en ressources humaines, l’autonomie d’enseignement et le choix parental. Les études de l’IREF démontrent que, si l’on tient compte de ces quatre critères, la France est avant dernière en Europe pour le degré de liberté éducative.

Et la liberté conditionne l’efficacité du système éducatif 

Est-ce que la France compense ce manque de liberté par l’importance des dépenses publiques d’éducation ? Là encore les études de l’IREF montrent que le volume des dépenses a peu d’influence sur l’efficacité du système scolaire. Ce qui compte, c’est l’organisation institutionnelle des établissements et notamment leur degré d’autonomie. L’IREF démontre, s’appuyant sur les scores PISA en particulier, que les pays qui ont plus d’autonomie éducative ont de meilleurs résultats que les autres. Et ces bons résultats impactent positivement toute l’activité économique.

Nationalisation radicale ou lente, le résultat est le même !

Il y a plusieurs façons de supprimer la liberté scolaire : l’une est radicale, immédiate, comme l’avait fait Napoléon avec le monopole public de l’enseignement ou comme avait essayé de le faire François Mitterrand en 1984 avec le projet de SPULEN (Service public unifié et laïque de l’Éducation nationale). L’autre est plus lente, plus insidieuse : rogner peu à peu la liberté scolaire, ce qui se fait depuis des années et que le projet actuel parachève. Le résultat est le même. Sans réaction, la liberté scolaire aura bientôt totalement disparu en France.

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  • La prochaine enquête PISA se tiendra très bientôt, je suis curieux de voir les résultats !

  • Et la gauche poursuit son agenda : celui de la casse méthodique du pays . Pendant ce temps les autres gauches (les auto proclamées et celles qui s’ignorent ) ont piscine

  • Elle n’est pas encore partie?…..

  •  » Tout dans l’état, rien en dehors de l’état » Mussolini…Le fachisme se met de plus en plus rapidement en place…

    • Tout à fait !
      Il ne reste plus aux socialistes qu’à interdire les autres partis.

      On en est là : « Art. 16. Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »

      • @ STF

        Mais c’est logique! La Vième fut écrite pour Ch. De Gaulle. Homme honnête, payant sa consommation électrique à l’ Élyésée, mais « dictateur » démocratique: décidant seul, après avoir consulté, assumant ses responsabilités quoiqu’on en pense ou dise, d’une franchise militaire dans le propos mais ne disant évidemment pas tout, par stratégie ou tactique, préférant la démocratie d’un referendum à l’approbation des « godillots » de l’assemblée nationale et d’ailleurs ayant quitté l’Élysée en moins de 12 heures, lors du referendum de 1969.

        Après, et après G.Pompidou qui était en phase avec D Gaulle, ce ne fut plus jamais pareil!

        Et la France dégringola, un peu plus, d’année en année, perdant (sans en prendre conscience) l’un après l’autre, ses « titres de grandeur » en se roulant dans la facilité et la démagogie et en abandonnant tout effort pour s’en sortir par le haut mais comptant sur ses boucs émissaires pour endosser la responsabilité de ses graves erreurs en cascade, alors qu’elle plongeait économiquement avec tous les voyants au rouge et pour « un certain temps »!

        La France va donc rater l’embellie fragile et lente de la croissance dans l’Union Européenne en s’occupant d’un tas de sujets pour universaliser ses pouvoirs dans tous les domaines de la vie.

        Mais dans ce quinquennat comme dans ceux qui ont précédé, on (la politique) ne s’est jamais préoccupé du seul projet urgent: comment diminuer les frais tout à fait excessifs du fonctionnement de l’état (et de son mille feuille) pour conserver l’essentiel de sa fonction qui N’EST PAS DE S’OCCUPER DE L’ENSEIGNEMENT PRIVÉ, évidemment, qui ne dépend pas de l’état et n’est pas subsidié par lui, sauf pour les écoles qui « participent au service public » au même titre que des cliniques privées qui partagent cette participation au service public:il est normal qu’elles aient une rétribution pour ce service rendu mais cela n’autorise pas l’état ou son ministère à « annexer » cette école dans ses buts politiques colorant son enseignement.

        La sécurité nationale qui note un endoctrinement politique dans une école musulmane pouvant bien sûr toujours exiger sa fermeture.

        Mais favoriser un enseignement national tel qu’on le connait noyauté par un syndicalisme de gauche dont le militantisme n’a pas hésité à s’insinuer à la fois dans les matières enseignées mais aussi dans le côté pédagogique et dans l’organisation de cet enseignement, tant dans les textes règlementaires que sur la distribution des écoles sur le « terrain » national, cela n’a strictement rien de démocratique!

        Il faudra d’ailleurs, un jour, se pencher sur la justice et ses juges qui, eux aussi, ne semblent plus être politiquement neutres, ce que demande pourtant l’objectivité du droit et donc des jugements sans parti pris. Cela s’observe le mieux dans le résultat des promotions.

        Il en va de même du « parquet » dont l’inféodation au politique n’est que trop claire distribuant ici, un non lieu rapide et là, des enquêtes têtues dans un but dont la justice équitable, identique face à chaque citoyen, semble bien prise en défaut, participant par ce manque d’objectivité égalitaire influençable, une justice non démocratique également.

        Triste pays! (que pour ma part, j’ai fui sans regret, après y avoir travaillé 16 ans, comme « travailleur immigré », pour combler les manques dans des structures plus ou moins modestes, loin de toute faculté qui collectionne autour d’elles, les étudiants fraîchement diplômés).

  • La gauche et ses delires, on connait. Mais pourquoi la droite n’a pas le courage de tout remettre en ordre lorsqu’elle est au pouvoir?

    • Parce que la droite est terrorisée par le fait de ne pas être assez de gauche.

    • ben … quel intérêt pour elle ? Le ministre arrive, il a plus de pouvoir que ce qu’il aurait eu avant le passage de la gauche, et voulez quoi, qu’il y renonce ?
      Tout au plus vous pouvez vous attendre à ce qu’il distribue ses faveurs un peu plus à droite et un peu moins à gauche, c’est tout. Et ça vaut pour l’éducation comme pour les HLM, les impôts, les subventions, ou n’importe quoi.

    • Parce que tout ce que touche la gauche se transforme en or ❗

    • @ derfel

      C’est simple (comme une Renault électrique): parce que le courage en politique, c’est de déplaire à la clientèle (les électeurs) en leur demandant des efforts, ne fût-ce que pour s’adapter au changement, soit exactement ce qu’ils détestent, ces conservateurs de droite comme de gauche!
      ou
      de déplaire à ses collègues planqués dans un job rémunérateur ne correspondant pas forcément à un travail réel!

      Sinon, les solutions sont bien connues:
      – liquider au moins un étage du « mille feuille », (des mandats à payer en moins donc moins d’administratifs)
      – fusionner les petites municipalités et donc rendre inutiles les associations de communes officielles, quitte à ce que certaines s’entendent entre elles contre la multiplication des salles polyvalentes, piscines etc …
      – diminuer le nombre de politiciens à Paris en compensation de 2 fois ceux qui sont à Bruxelles (74 x 2= 148), (Bruxelles qui fournit entre 30 et 50% des lois nouvelles, prêtes à être votées),
      – supprimer la plupart de ces comités/commissions « Théodule », complètement inutiles et occupées par des « pantouflards »,
      – ne plus rémunérer les mandataires qu’en jetons de présence réelle, vérifiée en début et fin des débats
      – supprimer des avantages ridicules comme ces voitures de fonction avec chauffeur
      – vérifier le caractère « politique » et la nécessité liée à la fonction des frais remboursés des mandataires
      – examiner et éliminer toutes les redondances de compétences

      Voilà déjà quelques pistes d’économie sur le train de vie de l’état.

      Il reste un poste à créer: un ministère de l’abrogation des lois et règlements désuets ou ridicules, de la simplification drastique des lois et règlements, de l’informatisation administrative simplifiée, de l’instauration d’un n° « national » pour tout individu (date de naissance + 5 ou 6 chiffres), ouvrant son dossier dans TOUTES les administrations sans devoir réécrire sexe, nom, prénom, date de naissance, adresse, n° de téléphone, @dresse mail sur ces « cerfa » débiles où malgré la taille A4, votre espace pour écrire est « rikiki » et la 2ième copie est illisible! D’ailleurs personne ne lira jamais ce document dans la plupart des cas! Il va de soi que toute entreprise, même auto-entreprise, aura également son dossier, accessible avec vos 11 ou 12 chiffres.

      Mais parce que les Français (comme on dit en France, car, partout ailleurs, on parle de « gens », de « citoyens » ou « d’électeurs » suivant le contexte mais sans rappeler ainsi qu’on parle bien de la population du pays qui n’a rien de particulier sauf dans son imaginaire. À ce propos, les Italiens ne sont pas des « ritals », les Britanniques des « rosbifs », les citoyen des U.S.A., des « ricains » ou ceux de Russie des « ruskofs » ou les Allemands, des « teutons » ou des « boches » quand les citoyens de votre pays restent appelés par vos soins « les Français ».

      Donc « les Français » vont devoir s’adapter à ce genre de système, ce qui risque fort d’être mal accueilli, de certainement créer une polémique et de rencontrer une résistance comme celle du début à la fin du « nouveau franc français », jusqu’au bout traduit en « centimes » (on entend par là les (très) anciens francs français!).

      D’autre part, il faudra qu’ils soient « connectés » (d’où méfiance, problèmes, polémiques et résistances).

      • @Micky stouffs
        Bonjour,
        Vos quelques propositions de solutions sont pleines de bon sens.

        Je reviens sur ce que vous appelez « numéro national » : ce numéro existe déjà dans le numéro de sécurité sociale. Le sexe de l’individu est précisé au tout premier numéro. (1 pour masculin, 2 pour féminin), suivent l’année et le mois de naissance puis le département, puis une ribambelle de chiffres. Il est clair que pour des personnes nées à l’étranger, ce numéro n’est pas du même format, lequel m’est inconnu.

        Concernant le ministère des lois obsolètes (pour être poli) inutiles voire débiles il est clair aussi que sa création serait un miracle. Avec plus de 590.000 lois il y a du boulot !

        En France, nous donnons des « sobriquets » péjoratifs aux habitants des autres nations. Dans le reste du monde anglophone nous sommes des « frogs », des grenouilles. Les angais disent de nous que nous sommes des italiens énervés (cas pour le foot). Les américains s’appelent eux-mêmes « americans ». Même s’ils sont un peu (voire beaucoup comme on le lit ici) bêtes, les membes gouvernementaux ne s’amuseraient pas à utiliser le terme « schleu » pour désigner les citoyens allemands en discours officiel. Ces termes restent du langage « populaire ».

        Pou revenir sur votre post à mon commentaire plus haut où pour vous citer : »Mais dans ce quinquennat comme dans ceux qui ont précédé, on (la politique) ne s’est jamais préoccupé du seul projet urgent: comment diminuer les frais tout à fait excessifs du fonctionnement de l’état (et de son mille feuille) pour conserver l’essentiel de sa fonction qui N’EST PAS DE S’OCCUPER DE L’ENSEIGNEMENT PRIVÉ ». Le rôle de l’Etat n’est pas de règlementer la vie de chacun. Sa fonction étant de garantir l’état de droit.
        Certains ne seront pas d’accord avec moi, puisque je pense que l’enseignement est au même titre que devraient l’être les fonctions régaliennes (police défense justice). Si les politiques menées jusqu’à présent n’avaeint pas été aussi lamentables, l’Education Nationale ne serait pas aussi délabrée. Il en va de même avec les trois autres fonctions régaliennes, qui sont en lambeaux. Depuis des années, il faut que le ministre de l’EdNat marque sa présence par une « réforme ». Cela est valable pour tous les ministres. Tous veulent une loi portant leur nom. (EGO EGO EGO EGO). Peu importe que cette loi soit inutile, inapplicable ou débile.
        Si l’Etat est capable d’assurer (sainement, honnêtement, avec intégrité) le régalien, il n’y a aucune raison qu’il ne puisse assurer l’éducation.

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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