La droite s’est-elle trouvée un Macron réac ?

La stratégie de la droite est clairement une stratégie identitaire.

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La droite s’est-elle trouvée un Macron réac ?

Publié le 30 janvier 2019
- A +

Par Frédéric Mas.

Les Républicains se sont trouvés un quasi-inconnu pour mener leur liste aux élections européennes. Il s’agit de François-Xavier Bellamy, professeur de philosophie et élu à Versailles. Apprécié des courants conservateurs de la droite catholique issus de la Manif pour tous, cet ancien sympathisant de Sens commun et de François Fillon paraît cocher toutes les cases de cette droite BCBG que la gauche aime tant détester.

Il a cependant pour lui d’être intelligent et cultivé. Il est même sorti des meilleures écoles, et sa modestie affichée nous laisse rêveur sur les procédures internes visant à sélectionner les leaders de la formation de centre-droit. Si l’on en croit un entretien qu’il a donné à Slate, c’est presque à reculons que F-X Bellamy est entré en politique. La droite aurait-elle relu La République de Platon avant de le propulser à la tête de leur liste aux Européennes ? On se souvient que Socrate y soutenait que c’est aux philosophes qu’il fallait confier les clefs de la cité, car, contrairement au commun des mortels, ils ne désiraient pas le pouvoir et les honneurs mais la vérité contemplative.

Bellamy et Macron

Le pedigree du candidat n’est pas sans rappeler un autre « jeune philosophe » sorti des meilleures écoles de la république, à savoir notre président de la République, actuellement empêtré comme jamais dans la crise des Gilets jaunes et son Grand débat sur pas grand-chose. Emmanuel Macron, avant de finir brillamment ses études, s’est consacré un temps à la philosophie, notamment auprès de Paul Ricoeur qu’il a assisté.

Cette culture classique avait attiré à lui la sympathie de ceux ayant du respect pour la vie de l’esprit. Peut-être faut-il voir dans la démarche des Républicains la tentation de remobiliser les fillonistes, qui apprécient les gens compétents et respectueux de cette « éducation libérale » au sens ancien1. Seulement, la politique telle qu’elle est n’a pas forcément la belle régularité géométrique des écrits de Platon, Hobbes ou de Kant, et s’appuie sur des rapports de force que cherche à canaliser la stratégie. Et sur ce point, le choix par la droite de F-X Bellamy pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses.

Le choix de l’identité pour exister

La stratégie de la droite est clairement une stratégie identitaire. Comment exister quand on est pris en étau sur sa droite par le rouleau compresseur populiste du Rassemblement national et sur sa gauche par le « centrisme » qui louche vers Macron ? L’équation à laquelle Laurent Wauquiez devait répondre aux Européennes n’était pas simple, et l’oscillation permanente entre ces deux pôles raconte l’histoire du centre-droit depuis sa défaite à la présidentielle. Cette difficulté à exister se traduit d’ailleurs dans les sondages qui donnent la liste LR à 13 % d’intention de votes dans le meilleur des cas.

Plutôt que de copier totalement Marine Le Pen ou de trancher franchement en faveur du libéralisme politique, Laurent Wauquiez mise sur la politique identitaire : ses électeurs demandent d’abord d’être rassurés sur leur identité conservatrice, et cela avant même d’aborder les questions économiques ou sociales. C’est l’insécurité culturelle, pour reprendre l’expression du politologue Laurent Bouvet, qui gouverne le monde et déterminera le résultat du scrutin à venir, et c’est donc là qu’il faut appliquer l’onguent réparateur.

Seulement, l’identité choisie à travers M. Bellamy renvoie à celle d’une minorité au sein même de la coalition de centre-droit, celle de la droite Manif pour tous : elle semble répondre à la stratégie héritée du sarkozysme qui veut qu’il faille se droitiser pour rassembler les électeurs. La France des commerçants, des entrepreneurs et des indépendants aura sans doute plus de mal à se reconnaître dans cette candidature, surtout dans le contexte de crise actuelle des institutions et des élites qui sont associées au mouvement des Gilets jaunes. C’est cette partie de l’électorat qui risque fort de s’évaporer devant une candidature qui brille aussi par son ignorance du monde de l’entreprise et des fonctionnements élémentaires de l’économie de marché.

Un pari risqué

La capacité à élargir sa base électorale à partir d’une candidature aussi clivante est un pari risqué, pas totalement farfelu à une époque où la polarisation politique devient de plus en plus marquée. C’est sans doute aussi pour minimiser ce risque que les Républicains ont associé à M. Bellamy des co-listiers plus centristes.

Reste que déplacer le débat comme le fait la droite sur le terrain de l’identité ne dit pas grand-chose sur l’Europe qu’elle défendra au parlement européen ou encore sur ce qu’elle compte faire pour relancer la machine économique après le Brexit. L’euroscepticisme de M. Bellamy va-t-il changer quelque chose vis-à-vis de nos voisins tentés par le populisme et le souverainisme ? Va-t-il se traduire par le mantra protectionniste à échelle continentale cher aux rhéteurs identitaires antilibéraux ?

La droite de M. Bellamy se distingue en général par son ignorance du fonctionnement du marché, qui va de pair avec son hostilité à la technique.

C’est au minimum problématique dans un monde complexe où l’innovation est la locomotive du système économique. Espérons que la droite corrige le tir, mais hélas, son attachement pour la liberté est trop souvent intermittent.

  1. Leo Strauss, Le libéralisme antique et moderne, Paris, PUF, 1990.
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  • Vous semblez ne pas avoir lu les deux livres de F X Bellamy, « Les déshérités » et « Demeure » ainsi que ses interviews.
    Vous répétez comme un âne des critiques stupides.
    La droite a un penseur et un philosophe de droite qui a un argumentaire bien charpenté pour analyser progressisme et conservatisme.
    Non Bellamy n’est pas un identitaire, c’est facile de coller une étiquette qui vous arrange pour « descendre » Bellamy. Vous êtes indigne!
    LR est conservateur libéral ne vous en déplaise et se distingue de RN qui est identitaire social dans le sens du socialisme ou de l’économie étatisée.
    LREM est progressiste libéral.

    • « LREM est progressiste libéral » !!! et bien celle-là, elle est excellente !! comment peut-on écrire une contrevérité pareille ????

    • LR conservateur libéral et LREM progressiste liberal… au delà des étiquettes qui ne veulent pas dire grand chose, il me semble que pour ces 2 partis, le terme libéral est très dévoyé…
      Je ne connais pas ce Bellamy mais quand verrons nous un politicien qui connait le monde du privé et de la PME/PMI ?
      Celui-ci à part peut-être dans les livres…

    • Bonjour lapaladine,

      Je crois que vous vous méprenez sur le sujet.
      Il me semble que la critique vient plutôt de la propension de la droite à privilégier un programme tourné sur « le sexe des anges » plutôt qu’un programme clairement économique.

      Cela me parait risqué dans le sens où les 3 principales demandes des citoyens sont:
      – le chômage (et son corollaire, le pouvoir d’achat)
      – le système démocratique (notamment comme en Suisse avec le RIC)
      – La sécurité (et bien entendu la Justice) qui patauge

      • Je crains que la droite « ramasse-tout » cherche uniquement une stratégie électorale, faute de convictions claires.

      • Pas si sûr.
        Pour la sécurité et le régalien en général, c’est OK. Malgré l’importance du chômage, l’immigration, l’islam(isme), la laïcité, et l’UE sont les autres sujets importants éclipsés pour le moment par les mouvement des GJ et la détestation de l’ambigû Macron par beaucoup de français.

      • @Koris Le chômage ? Vous ne voulez pas plutôt dire le travail ?

    • J’ai du mal a comprendre. Est ce que laisser le bordel s’installer partout, dans les finances, l’emploie, la société, etc …
      C’est ça, être Libéral ?
      Parce-qu’alors la tout le monde il est libéral, tout le monde il est gentil !

  • Bah, Wauquiez veut rallier les adorateurs de l’escroc en Arnys. Le versaillais en loden sera parfait pour le rôle du Rattenfänger von Hameln…

  • Votre article pose finalement une vraie question: qu’est-ce que la liberté?
    Les progressistes répondent « no limit » et font idéologquement primer l’individu sur le collectif et le contrat sur la loi, d’autres disent qu’il y a des invariants qu’on retrouve dans toutes les civilisations, ce qu’on appelle la loi naturelle.

    • Erreur d’analyse totale selon moi… Les Libéraux considèrent que la Loi Naturelle est l’individualisme (et que si chacun est libre de faire ce qu’il veut sans empiéter sur la liberté des autres tout ira bien), alors que les « autres » considèrent au contraire qu’il faut remplacer la Loi Naturelle par la « Loi Sociale » du collectif supérieur à l’individu !

      • Je dirais qu’ils veulent rendre obligatoire pour toute la société leur « no limit » individuel. Ce que resumait parfaitement Saint-Just « pas de liberté pour les ennemìs de la liberté ».

        • Ceux qui traitent Bellamy de réac soulignent qu’il « réagit » par rapport à un progressisme de gauche qui n’a de la liberté que l’apparence puisqu’il fait primer la loi de l’Etat sur la loi naturelle. Laquelle est parfaitement compatible avec le libéralisme. Pour ne pas être une idéologie, ce denier doit dans cesse chercher un équilibre entre la liberté individuelle et l’intérêt de la société.

        • rappel : pas un « no limit », il ne faut surtout pas, jamais, oublier la partie la plus importante, dite pourtant dans le commentaire auquel vous répondez :
          « et que si chacun est libre de faire ce qu’il veut *sans empiéter sur la liberté des autres* tout ira bien »

      • Non, ça c’est la définition de la liberté de JJ Rousseau ou celle des liberals US. Si la liberté doit s’arrêter là où commence celle des autres, il faut une entité qui règle les conflits de territoires : l’Etat. La liberté « libérale », c’est l’autonomie individuelle, la responsabilité personnelle et un gouvernement minimal – pas l’individualisme sous la tutelle de l’Etat. Lisez Ayn Rand.

  • Monsieur MAS, je me doute que votre passage par la case sciences-po a laissé des traces de gauche,…SVP n’employez pas le langage de « gauche »; le mot « réac » est employé toujours pour stigmatiser tout ce qui vient de droite. Pour moi, bien sûr c’est positif, cela veut dire réagir, et Dieu sait qu’une réaction en France est nécessaire…

  • Article carrément écrit pour dézinguer ce nouveau venu catalogué d’office identitaire . Et…il n’ y a pas que l’économie qui compte.

  • « Il a cependant pour lui d’être intelligent et cultivé » selon cet auteur.

    Pourquoi serait ce un défaut.? Devrait-on être con pour faire plaisir aux « Idiots »?

  • « son attachement pour la liberté est trop souvent intermittent »
    Quel attachement?

  • On a déjà clairement expliqué sur CP que le clivage gauche-droite avait peu de sens pour un libéral, le libéralisme se situant dans un axe orthogonal.

    Que LR se suicide est donc secondaire …

    A quand un islamiste comme candidat PS ?

  • Aucun problème avec ses opinions personnelles, je veux juste connaître ce qu’il souhaite en matière d’amélioration de la liberté des individus.
    Ron Paul est quelqu’un de très conservateur et religieux, mais en bon libéral, il laisse les gens décider de leur vie eux-mêmes.

  • Nous trouvons M. Macron trop théorique et trop conceptuel, et bien nous avons trouvé encore mieux dans le modèle « concept philosophique »…
    C’est bien il arrivera peut-être à enfumer l’auditoire européen (j’allais dire soporifier l’auditoire) mais ne soyons pas méchant sans juger, c’est un illustre inconnu.
    NB: Soporifier est un terme footbalique (à la Coluche) créé pour être clair mais il devrait être intégré au Larousse car nos députés en sont spécialistes pour eux c’est de l’autosoporification !
    Puis-je postuler chez les Immortels ?

  • « qu’il faille se droitiser »

    Plait-il?

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