Par Jean-Philippe Feldman.
Les nuages s’accumulent depuis l’année dernière sur les successions. Après France Stratégie, l’OFCE ou encore le Conseil des prélèvements obligatoires, après la note au chef de l’État par trois économistes de gauche au mois de juin dernier, c’est au tour du délégué général de La République en marche d’appeler à une réflexion sur la réforme de l’impôt sur les successions. Il s’agirait de corriger les « inégalités de naissance » dans la transmission du patrimoine.
Certes, Emmanuel Macron a mis le holà en excluant formellement « toute modification des droits de succession sous sa présidence ». Le débat est-il clos pour autant ? En aucun cas. Si le Président a tué dans l’œuf l’aggravation des droits de succession, il a signifié de manière tout aussi claire qu’il entendait graver dans le marbre la réglementation actuelle, aussi imparfaite soit-elle, non seulement durant son mandat actuel mais aussi durant son éventuel second et dernier mandat.
La réforme fiscale selon nos élites
Toute cette affaire qui a agité le microcosme parisien est révélatrice, d’abord de l’état d’esprit de certains membres de nos « élites », ensuite de la manière dont sont abordées en France la réforme ou la révision de la fiscalité.
Sans doute le délégué général de La République en marche a-t-il cru faire montre d’un modernisme achevé en matière de droit de succession. Mais le temps long nous apprend que les conceptions de nos hommes de l’État se distinguent par leur grande continuité.
Sous l’Ancien Régime déjà, les juristes proches du roi de France, influencés par le droit romain, ont tenté de faire accroire que leur maître était le propriétaire des biens de ses sujets. Ainsi que le soulignait Alexis de Tocqueville, la Révolution française marqua paradoxalement une continuité plutôt qu’une rupture. Sous nos républiques successives, le droit de propriété est devenu un octroi de l’État alors que la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen en faisait un droit consubstantiel à l’homme en 1789.
L’impôt devenu instrument de redistribution
L’impôt n’est plus depuis longtemps la contribution mesurée au fonctionnement des pouvoirs publics, selon l’expression traditionnelle, « il y a des dépenses : il faut les couvrir ». L’impôt s’est transformé à compter des premières décennies de la Troisième République, sous l’influence du solidarisme et du républicanisme : il est devenu un instrument de redistribution des richesses par le truchement d’un interventionnisme tous azimuts de l’État. Celui-ci, dans sa grande largesse, consent à nous laisser une part, de plus en plus réduite, de nos revenus.
Il en est de même en matière de successions. Rappelons au préalable que l’individu ne peut librement choisir ses héritiers et donataires, mais qu’il se trouve contraint par les règles drastiques du Code civil depuis 1804, ce que Tocqueville regrettait. Là encore, l’État consent à laisser à l’individu une part disponible de donation ou d’héritage. Autrement dit, nos revenus et nos propriétés ne nous appartiennent pas vraiment.
En substance, –et il faut le marteler car ceci n’est presque jamais souligné–, l’impôt sur les successions constitue une violation caractérisée des droits de l’homme. Il représente également une atteinte aux valeurs familiales que notre État-providence s’efforce de détruire petit à petit, car nous ne saurions avoir d’autre famille que notre « État-nounou ».
L’exception fiscale française
Les projets divers et renouvelés de taxation supplémentaire des donations et successions sont d’autant plus inadmissibles que l’« exception française » frappe encore. En effet, notre pays s’enorgueillit déjà d’être le champion du monde des prélèvements obligatoires et des prélèvements sociaux. Il connaît déjà l’un des taux marginaux d’impôt sur les successions en ligne directe le plus élevé, soit 45 %.
Notre pays connaît également un abattement très faible, réduit encore il y a quelques années à 100 000 euros, une somme à comparer au plus de 11 millions d’abattement aux États-Unis. Ajoutons que l’impôt sur les successions a été supprimé par nombre de nos voisins ces dernières années, des pays qui n’étaient pourtant pas versés dans le libéralisme pour la plupart, mais au regard de la concurrence fiscale et de la lutte contre l’exil des classes moyennes supérieures.
La nécessaire réforme de notre fiscalité complexe et confiscatoire mérite une réflexion de fond plutôt qu’un ballon d’essai lancé à l’emporte-pièce pour tester l’opinion publique. Elle mérite mieux que de flatter les bas instincts des Français en faisant une nouvelle fois miroiter, pour des motifs bassement électoraux, une chasse aux « riches ».
l’impôt de succession est injuste ..vous avez travaillé, fait des économies, vous avez une maison,payé des impôts fonciers,locaux taxes en tout genre .vous transmetter en héritage vôtre maison et en plus vous êtes taxés…
la 1ere réforme qui devait être faite ,c’est là fiscalité dans l’ensemble de l’impôt direct et indirect vu,que plus vous payer d’impôts direct et indirect et plus la France à une Dépense Publique élevée et un PIB qui s’envole …
à mon avis ,il ne faut pas melanger mathématique et politique …le résultat est là !! Ce gouvernement comme d’autres avant lui , ne sache pas compter où alors c’est de l’incompétence en bande organisé…
tout ministre des finances , doit obligatoirement faire une formation et mise à jour en mathématique :quand je reçois 1 euros je ne dépense pas 5 euros !!!
Je comprends le droit d’auteur (jouissance exclusive morale et patrimoniale de sa création) mais les droits de succession !! Naïvement on pourrait penser que l’individu dispose de droits exclusifs afin de disposer comme il l’entend de ses biens. Mais non ce sont juste des droits pour l’Etat pour vous piquer une partie de votre patrimoine sans le moindre travail et de vous forcer à donner ce qu’il reste à qui IL a décidé. GRRR !!
Je commence à me demander si l’augmentation de la pression fiscale n’est pas une forme de vengeance des gouvernants pour les avoir élus…
L’OFCE, c’est pas Office Français du Culte Étatique ❓
Louez saint Fisc et ses taux miraculeux, saint Ânne pour ses vélibs hors-service…
Puisque » l’impôt sur les successions constitue une violation caractérisée des droits de l’homme », et donc une violation de la constitution puisque la DDH et du Citoyen en fait partie, il devrait être possible de saisir une juridiction qui condamnerait cette pratique. A cette proposition nos hommes de l’Etat, et surtout ceux de Bercy, ne manqueront pas d’éclater de rire….
Une bonne partie de leur pouvoir repose sur la croyance populaire en leur honnêteté. Il n’est jamais inutile de rappeler qu’ils sont essentiellement immoraux. Ne pas se préoccuper de leurs rictus sardoniques.
Je dois vous avouer que j’ai moi-même souri à la lecture de cette affirmation, d’autant plus qu’elle émane d’une personne présentée comme un expert du droit.
Edifiant commentaire où on apprend que droits de l’homme sont un concept dépassé, risible. A la poubelle, la DDHC !
Remarque à côté de la plaque (comme d’habitude ?). Relisez attentivement le commentaire de Jacques Peter puis le mien (13h27), puis celui de Jacques Peter, etc. Je ne désespère pas qu’au bout d’un certain nombre d’A/R, le temps aidant, vous finirez pas comprendre qu’il n’est nulle question de jeter la DDHC à la benne, mais de faire remarquer que l’inconstitutionnalité des droits de succession est loin de sauter aux yeux (litote).
Alors que l’affront est absolument évident, personne ne sera surpris, instruit par vos précédents commentaires, que ça ne vous saute pas aux yeux.
Si nos édiles bienveillants n’ont pas encore jeté la DDHC à la benne, c’est probablement pour pouvoir se torcher avec.
Vous gagneriez à diminuer le verbiage au profit de l’argumentation.
Vous perdez votre temps.
On dirait bien…
« Là encore, l’État consent à laisser à l’individu une part disponible de donation ou d’héritage. Autrement dit, nos revenus et nos propriétés ne nous appartiennent pas vraiment.
[…]
Il représente également une atteinte aux valeurs familiales que notre État-providence s’efforce de détruire petit à petit, car nous ne saurions avoir d’autre famille que notre « État-nounou ». »
Si une partie de notre héritage ne peut pas être attribué à n’importe qui, c’est justement pour préserver la famille, conjoint (qui ne paie aucun droit de succession) et enfants !
En outre, les liens familiaux étroits engendrent des frais de succession moins élevés que s’il s’agit de tiers. Il y a bien une préservation de la famille, et l’Etat ne sert copieusement que lorsque la famille proche n’est plus impliquée.
L’affirmation de l’auteur est donc à la fois inexacte et caricaturale.
Tout comme est caricaturale « la violation caractérisée des droits de l’homme ». Si l’on fait référence à la DDHC, il convient de noter que le concept de propriété qui y figure ne nous octroie aucun droit sur la propriété privée d’autrui, y compris si celle-ci est celle d’un parent. La DDHC est totalement muette sur le sort de la propriété privée post mortem. C’est tellement vrai, que l’impôt sur les successions remonte à la révolution française.
Plutôt que d’asséner des contre-vérités, bien entendu non fondées juridiquement, il conviendrait de se limiter à observer que notre imposition sur les successions est une des (la ?) plus forte d’Europe, et que à l’instar de l’ISF, cela réduit fortement l’attractivité de la France pour les investisseurs.
Laissons donc les théories foireuses au vestiaire et concentrons-nous sur une argumentation pragmatique qui sera beaucoup plus productive.
@Jean petit tableau des droits en ligne directe (après abattement de 100.000 € parents-enfants) :
<= 8 072 € 5 %
de 8 073 € à 12 109 € 10 %
de 12 110 € à 15 932 € 15 %
de 15 933 € à 552 324 €20 %
de 552 325 € à 902 838 € 30 %
de 902 839 € à 1 805 677 €
Au-delà de 1 805 677 € 45 %
Je vous cite " l’Etat ne sert copieusement que lorsque la famille proche n’est plus impliquée" : quelle est votre définition de "copieux " ?
Parce que pour moi, le prélèvement est bigrement copieux et je regrette mais ce n est malheureusement pas une "théorie foireuse".
Deux remarques.
Seuls 10 % des Français ont un patrimoine supérieur à 600000 €. Donc, à la louche, 90 % des successions se font à un taux proche de celui de la TVA. La dernière tranche (45 %) ne concerne que 1 % des patrimoines. Dans les faits, pour la grande majorité des Français, ces droits ne me paraissent ni plus ni moins exorbitants que l’IR, la CSG, la TVA etc…
Deuxième remarque, n’oubliez pas que le prélèvement pour un héritier hors famille s’élève à 60 % avec un abattement voisin de zéro.
Donc si la définition de « copieux » ne nous amènerait qu’à discuter du sexe des anges, il est une réalité indéniable, quel que soit ce qu’on pense du niveau de prélèvement : la famille proche est mieux traitée que les tiers (= sans lien de parenté).
« un taux proche de celui de la TVA » est tout à fait excessif quand il devrait être nul.
Si la famille proche est moins tabassée, elle l’est quand même copieusement. Certes, elle ne prend pas une balle dans la nuque. L’Etat mafieux se contente du lui briser les genoux. Quelle générosité !
@Jean je vous signale que « Hors immobilier, le patrimoine moyen d’un ménage français s’élève à 178 200 euros » source Le monde … et donc … 20% , sexe des anges et tout ça … Si vous avez raison de dire que la famille proche est « mieux traitée » que la famille lointaine , le terme le plus approprié serait de dire « moins tabassée » surtout si l’on compare avec les autres pays du monde . Votre argument IR CSG TVA fait sourire (pour le moins) et revient à dire : tabassés comme le sont les français, ils ont l’habitude, allons-y de bon cœur. Un autre point de vue serait de dire l’inverse, à savoir que il est confiscatoire de taxer tout à ces taux faramineux, la France devenant le pays du monde qui taxe tout aux plus hauts taux . Triste record que personne ne nous envie (sauf Maduro peut être qui doit être admiratif)
Bof ! Les taux de TVA de nos amis européens s’échelonnent de 17 à 27 %. Le poids moyen de l’impôt sur le revenu est plutôt plus faible en France que la moyenne européenne, et quelques pays du Nord ont une tranche supérieure plus élevée que la notre. Nous sommes assurément tabassés si l’on fait la somme de tous nos prélèvements (beaucoup de cotisations sociales), mais pour les impôts que j’ai cités, leurs taux ne sont pas plus maléfiques que ceux de nos voisins.
Et je vais m’arrêter là, car je vois poindre au loin, St-Pierre et sa cohorte d’angelots…
😉
Les taux moyens réels de TVA dépendent des produits bénéficiant des taux réduits, différents dans chaque pays. Ainsi, un pays peut afficher un taux de TVA en apparence élevé sans que cela n’informe sur la réalité de la taxation.
https://ec.europa.eu/taxation_customs/sites/taxation/files/resources/documents/taxation/vat/how_vat_works/rates/vat_rates_en.pdf
De même, le poids de l’IR varie selon le degré d’étatisation plus ou moins avancée des système de sécu. Si l’IR est légèrement plus élevé mais qu’il n’y a pas de cotisations supplémentaires à côté, le pays taxera globalement moins.
Au final, c’est bien l’ensemble des dépenses publiques qui reste l’indicateur le plus pertinent pour juger du poids de l’Etat. En Europe, la France détient désormais la tête des pires enfers fiscaux. Au plan diplomatique, cela lui permet d’insulter l’ensemble de ses partenaires européens en leur reprochant d’être des paradis fiscaux (forcément), histoire de favoriser un dialogue constructif.
@Jean « Nous sommes assurément tabassés si l’on fait la somme de tous nos prélèvements » eh oui ,heureuse de voir que vous en convenez, c’est pourquoi je ne voyais vraiment pas votre volonté d’excuser un gouvernement qui souhaite encore charger une barque qui déborde déjà d’impôts Ps : je ne vois pas bien ce que saint Pierre vient faire là dedans 😉
La comparaison avec le taux de TVA n’a aucun sens: l’impot Sur les successions est un impôt sur le patrimoine. On peut le comparer à l’IFI ou la taxe foncière qui sont (heureusement) beaucoup plus faibles.
Les droits de succession comme l’imposition du capital ont un effet dévastateur sur les personnes qui réussissent à accumuler un patrimoine par leur travail à leur savoir faire.
La taxation des successions est une anomalie qui fait partie de l’exception française et qui a toujours les faveurs d’un grand nombre de nos concitoyens souhaitant de fait le nivellement par le bas.
Macron étant déjà en campagne pour le renouvellement de son mandat, pourquoi s’étonner qu’il ne veuille se mettre à dos les français jaloux et niveleurs !
Détrompez vous, la taxation des successions provoque la réaction indignée d’une large majorité contre elle. Le recul paniqué de Macron à la vue des délires socialoïdes de son propre camp signifie qu’il n’ignore pas cette information déterminante. Depuis le temps que les socialistes rêvent de massacrer la propriété, s’ils ne sont pas allés trop loin, c’est bien parce qu’ils savent eux aussi le risque politique majeur. Sinon, soyez assurés que les taxes sur les successions auraient flambé depuis longtemps, y compris pour les petits patrimoines.
Le taux de propriétaires en France, même s’il est un des plus faibles d’Europe à 64%, reste une caractéristique incontournable des Français. Et parmi les locataires, nombreux sont ceux qui rêvent de devenir propriétaires. On ne brise pas impunément les rêves des gens.
Dans le même ordre d’idée, si jamais certains maires croient pouvoir jouer avec la taxe foncière pour compenser la taxe d’habitation, il y a fort à parier qu’ils le regrettent amèrement ensuite.
Je suis pour la suppression pure et simple des droits de succession.
Non seulement suppression, mais droit de léguer à qui on veut.
Un individu doit pouvoir faire ce qu’il veut de ses biens, il s’agit d’un droit élémentaire.
Et aussi, aucune taxe sur les dons!
Ce sont aussi les dépéses publiques qui mériteraient une réflexion de fond!
Vous oubliez toutes les niches fiscales qui permettent aux plus riches de payer proportionnellement moins d impôts que les classes moyennes qui sont véritablement étranglées.
La progressivité est moindre avec les niches fiscales que ce qu’elle aurait été sans. Ca ne la rend pas moins injuste et contre-productive. Oui les classes moyennes sont étranglées, et les plus élevées paient encore plus d’impôts, donc leurs efforts sont encore moins récompensés, point barre.
@ MichelO
Si il existe des niches fiscales, prenez un « bon » conseiller fiscal et précipitez-vous où, comme je l’ai déjà lu ici, soyez fiers et heureux de payer vos impôts (?).