Prélèvement à la source : une mesure complexe pour un impôt mineur

Présenté comme une mesure de simplification, le PAS s’avère bien plus épineux que prévu à mettre en place.

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Prélèvement à la source : une mesure complexe pour un impôt mineur

Publié le 30 août 2018
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Par Nicolas Marques.
Un article de l’Institut économique Molinari

Véritable serpent de mer, le prélèvement à la source a été appliqué en France de 1940 à 1948 avant d’être abandonné en raison, notamment, de sa complexité. Près de 20 ans plus tard, Michel Debré avait lancé une initiative en faveur de sa réintroduction en 1966. Elle a été abandonnée suite à l’hostilité des organisations syndicales à l’égard de cette mesure qui aurait réduit les salaires nets. Valery Giscard d’Estaing a été tenté lui aussi par la démarche, en 1973.

À nouveau, le gouvernement recula de peur que le prélèvement à la source n’entraîne des revendications généralisées de la part de salariés qui auraient pu considérer, à la lecture de leur feuille de paie, que leur pouvoir d’achat était amputé. Plus proche de nous, Thierry Breton avait travaillé sur la question en 2007, tout comme Jean-Marc Ayrault en 2013, avant que Manuel Valls remette le sujet en selle en 2015.

Les employeurs comme tiers-payeurs

Les employeurs seront chargés de prélever à la source l’impôt sur le revenu à compter du 1er janvier 2019. Cela renforcera leur rôle de tiers-payeurs. En plus de collecter les charges sociales, la CSG-CRDS et une multitude de cotisations, ils collecteront l’impôt sur le revenu.

Dans les faits, ils devront déduire des paies un taux d’imposition communiqué par les pouvoirs publics, basé sur la précédente déclaration de revenu. En effet, les logiciels de paie n’intègrent pas la totalité des informations nécessaires au calcul de l’impôt sur le revenu, loin de là. Conçus pour des calculs de charges sociales, ils ignorent des spécificités comme la composition des ménages, les charges déductibles ou les réductions et crédits d’impôt. Conséquence : les déclarations d’impôts resteront nécessaires, et il faudra mettre en place des aménagements pour les contribuables ayant trop ou pas assez payé d’impôt sur le revenu.

Un des éléments surprenants dans la gestion de ce dossier reste l’absence d’étude d’impact sérieuse en amont de la prise de décision.

Ce choix politique semble avoir été pris sans prendre en considération les précédentes analyses chiffrées. Pourtant, en 2012, le conseil des prélèvements obligatoires estimait que cette mesure coûterait aux entreprises entre 1,3 et 3,5 % des sommes collectées, soit une facture de 700 millions € à 2 milliards € par an. Le conseil estimait que les économies seraient minimes pour l’administration fiscale : de l’ordre de 200 équivalents temps plein, soit environ 12 millions € par an. Mais ce chiffrage ne tenait pas compte de toute une série de surcoûts : les administrations devront notamment contrôler l’activité des tiers-payeurs et gérer les régularisations à faire pour les ménages ayant trop ou pas assez payé.

Gouffres financiers

L’expérience montre que toute une série de projets récents, censés générer des économies se sont avérés des gouffres financiers pour le contribuable. On se souvient que depuis 2012, la comptabilité de l’État a basculé dans « Chorus », un logiciel qui a coûté 500 millions de plus que prévu. L’année suivante, le ministre de la Défense décidait d’abandonner à terme le logiciel de paie « Louvois », après 460 millions de dérapages.

Toujours en 2013, la Cour des comptes estimait que le Dossier médical personnel (DMP) avait conduit à dépenser un demi-milliard en pure perte. En 2014, une réunion interministérielle entérinait l’abandon du projet de refonte du circuit de paie des agents de l’État.

Ce programme, dit ONP, visait à rationaliser la gestion de la paie de 2,7 millions d’agents publics, avec à la clef une facture de 346 M€ pour le contribuable. La mise en œuvre du prélèvement à la source, déjà reportée de 2018 à 2019, puis de 2019 à 2020 pour les salariés de particuliers, présente elle-aussi des risques significatifs.

Or, les gains attendus sont bien faibles. Le prélèvement à la source est déjà majoritaire depuis des années en France, en raison de l’importance des charges sociales et de la CSG et CRDS. L’impôt sur le revenu ne représente que 3,1 % du PIB et moins de 8 % des prélèvements obligatoires. Son traitement, qui ne concerne que 42,8 % des foyers fiscaux, est déjà largement « optimisé ». Les déclarations sont déjà préremplies, entre 60 et 70 % des contribuables sont déjà mensualisés. Le taux de recouvrement est de l’ordre de 98 %, quasiment autant que pour les charges sociales…

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  • Pas encore compris l’interet de ce truc. Ai bien compris par contre le jusqu’au boutiste de Bercy qui ne veut pas se déjuger.

  • faire des réformes ouï, mais les mettre en application ,voir l’impôt sur le revenu si c’est comme la Carte Grise ,ça promet !!!

  • le doute s’installe , le problème, l’élection Européenne …et les prochaines !!! À force de vouloir tout faire ,le faire bien c’est une autre histoire …

  • Comme il est rappelé dans l’article, chaque mesure de simplification a entraîné une usine à gaz…
    De surcroît, les entreprises sont accablées de contraires administratives depuis des décennies avec les surcoûts que cela entraîne….
    Ce pays est entre les mains d’une caste de fonctionnaires eux-mêmes fournissant le gros des bataillons d’élus, pour beaucoup déconnectés de la vie réelle !
    Une seule issue !…
    Mettre fin à cette consanguinité ?

  • A reskebil bonjour ..c’est une réforme très importante à faire pour ces fonctionnaires ..lorsqu’un fonctionnaire se présente comme député,il doit démissionner..et les politiques sont réfractaire à cette idée bien entendu les réformes c’est pour les autres maïs pas pour eux !!

  • Le gouffre pour les contribuables, mais certainement pas pour les prestataires…

  • Macron fait en permanence tout à l’envers, réforme du code du travail avant une politique de réindustrialisation de la France ou la réforme de la formation, là c’est le prélèvement à la source avant la simplification de l’impôt sur le revenu comme c’est le cas dans les pays qui ont la retenue à la source. En France, l’impôt sur le revenu est un véritable maquis de niches fiscales par exemple!

  • Une ligne de plus sur les bulletins avec un montant multiplié par un taux, ça coûterait entre 1,3 et 3.5 % des sommes collectées … mais d’où sort cette estimation ?
    N’importe qui ayant déjà géré des plannings, des congés payés, des bulletins de salaire, des quotas d’heures supplémentaires, effectué des calculs d’indemnité journalière lors des arrêts maladie, des cotisations mutuelles maintenant obligatoires (sauf exceptions), tout ça en tenant compte du code du travail et de ses complications apportées par les conventions collectives étendues (merci les syndicats patronaux …), sait que cette ligne en plus n’est pas un problème dans la gestion du personnel.

    • Je doute que vous ayez déjà géré ce genre de m.rde. Déjà faudra payer l’expert comptable.. qui n’est pas gratuit.

    • « cette ligne en plus n’est pas un problème dans la gestion du personnel. »

      mais d’où sortez vous monsieur ?

    • Ce n’est pas qu’une ligne en plus.

      Il faut aussi que les sommes correspondantes soient correctement transmises à qui de droit => tuyaux à construire

      Il faut vérifier que les entreprises suivent correctement les nouvelles règles => contrôles supplémentaires

      Il faut aussi que tous les autres services publics soient compatibles : urssafs, retraites, etc. Et apparemment ils ne le sont pas.

      Les fiches de paie ne sont pas que le l’encre réparti sur une feuille de papier.
      Chaque élément à un sens, et cache des interconnexions, des transferts, entre différents services très différents…

      Et oui, mettre tout ce monte à jour coûte cher.

    • Aux 3 qui font semblant de connaître leur sujet, il se trouve que je m’en occupe, concrètement et sans externaliser.
      Les tuyaux existent déjà, et bizarrement on n’a entendu aucun argument de ce type lors de la mise en place de la cotisation syndicale …
      Cette estimation, qui comme tout mauvais argument annihile les bons, m’a tout l’air de venir en fait de ces experts comptables, ou éditeurs de logiciels de paye, afin de pouvoir justifier une augmentation de leurs honoraires.

      • C’est comme les assurances, tant que vous n’avez pas de sinistre, c’est inutile. Mais si vous avez un contrôle vous êtes bien content d’être dans les clous.. et épaulé.
        Ou alors, vous êtes un cadors ;).

        • L’externalisation j’ai testé et vite arrêté, à cause du coût prohibitif et de l’incompétence et du parapluie ouvert systématique de la part des gratte-papiers du cabinet.
          Quand à la profession elle-même, passage obligé et pourtant irresponsable en cas de pépin, je les prends pour des parasites.
          Pas mieux pour les commissaires aux comptes, l’oeil de Bercy avec un parapluie grand ouvert …

          • Que la profession comptable ne vous plaise pas, c’est une chose , dire que une ligne de plus, c’est peanuts est une autre.
            Après vous pouvez contester le chiffrage de 1,3 à 3,5%, mais le coût ne sera pas nul. Les fiscalistes ne vont pas se gêner.

            • Des arguments pour contester cette réforme, il y en a beaucoup de bons (donnés dans ce texte, ou par exemple de dire que ce n’est pas du rôle des entreprises de lever l’impôt), mais celui-ci n’est juste pas crédible.

              • Cela ne me parait pas ridicule comme chiffre. 1,5% des sommes collectées; 3000€de brut, 10% d’impôt soit 300€ et 1,5% qui nous donne 4,5€ par mois. Soit c’est vous qui le faites, et vous aussi vous avez un coût horaire, soit vous déléguez. Bien sur au bout de 2, 3 ans le coût baissera, mais Bercy trouvera autre chose :/.

                • Mais non, mais non (sauf à faire les bulletins à la main bien sûr).
                  Les logiciels sont déjà aptes à rajouter autant de lignes qu’il faut, à faire une multiplication d’un taux par un montant quel qu’il soit, à l’attribuer au bon endroit, etc … il suffit d’entrer ou d’actualiser le taux, une fois par an et pour chaque salarié (en plus des nombreuses réactualisations déjà existantes à cette période …).
                  Quand aux passerelles avec les organismes, elles existent déjà via les DSN, et là encore c’est seulement une histoire de paramétrage au départ.
                  Ce coût-là est quasi nul, reste effectivement le surplus d’encre de la ligne en question à chiffrer …

    • Un fiche de paie coûte entre 15 et 30 euros.

    • @cachou42

      Une pause fiscale et un arrêt de l’asphyxie fiscale est souhaitée par une majorité de Français.
      Comment dès lors concevoir que les entreprises, syndics, assurances,etc…,etc…,puissent se voir attribuer, en plus de leurs écrasantes responsabilités le rôle étranger à leurs compétences de collecteurs d’impôts et de protecteurs de la vie privée?
      La réunionite aigüe pour ne pas tarir » la boîte à idées », et la polyvalence à tout va qui en résulte, ne devraient-elles pas être revues à la baisse pour plus d’efficacité ? cher(e?)cachou42 ?

      https://www.lemonde.fr/argent/article/2013/10/14/les-francais-et-l-impot-le-grand-desarroi_3494994_1657007.html

  • Et le chef gaulois qui n’aime pas ses semblables devrait faire comme M.Hulot battre en retraite ou démissionner. Prélèvement à la source = source d’enquiquinements pour nos gouvernants.

  • L interet de la mesure est assez simple a comprendre:

    1) ca permet d augmenter discretement l IR (qui va noter et protester que son salaire net a diminue de 10 € ?)

    2) ca permet d aller vers l individualisation des impots. Il ne faut pas oublier que la mesure a ete mise sur les rail par Hollande et qu une bonne partie du PS voit comme ennemi la famille traditionnelle. Il est donc tentant de faire payer plus d impot aux maris dont la femme ne travaille pas

    • Vous travaillez à Bercy ?
      1) La grande majorité des salariés ne manque pas de noter une baisse de 10€ sur le bulletin de salaire, même en petits caractères, et de s’en offusquer.
      2) L’individualisation des impôts permet d’aller vers le prélèvement à la source. Le trajet en sens inverse n’est pas plus facile pour autant, bien au contraire !

    • @cdg

      +1 pour votre 1)
      L’expression « augmenter discrètement »étant ignorée la plupart du temps puisque le B.A BA de la psychologie étant : « ce que l’on ne voit pas n’existe pas ».

      +1 pour votre 2)

      Tout à fait d’accord,mais rassurez-vous : malgré les attaques en règle que subi en permanence la famille traditionnelle,rien ne prouve dans l’absolu qu’elle soit en danger :
      -Ne représente-t-elle pas les fondations même de notre société et de notre contrat social?
      -Ne correspond-elle pas encore,et heureusement, aux aspirations naturelles d’une
      ÉCRASANTE MAJORITÉ de personnes ?
      La disparition définitive de « la famille traditionnelle »serait l’ouverture d’ une véritable boîte de Pandore et aurait des conséquences incalculables sur le plan sociétal.
      N’en déplaise à certains elle représentera toujours une valeur et une référence DES PLUS SÛRES !!!

      https://www.la-croix.com/Actualite/France/La-famille-traditionnelle-reste-le-modele-le-plus-repandu-2015-12-16-1393477

  • Cela sent le nain à pile… (pardon les nains, je devrais dire le Micron à pile)
    Quand elle sera épuisée, on aura la paix. A cette vitesse, cela va bientôt arriver.

    • Pari osé. Ca n’est pas parce que Hollande, une fois sa popularité asséchée, s’est confiné dans l’inaction que Macron fera pareil. De plus, les circonstances extérieures avaient permis à Hollande de se laisser porter par une conjoncture favorable, pour Macroléon 2.0, ça va être autre chose…

  • Tout le monde est d’accord pour dire que c’est une connerie alors pourquoi le font ils ?

  • L’intérêt pour l’ogre étatique, c’est de se servir en premier, avant que nous ayons l’occasion de dépenser nos salaires pour des futilités…

  • parlons-en des Élites !!! il faut les stérilisé..pour eviter qu’ils se reproduisent.Pour changer la société ce n’est pas en marche forcé..instauré le doute n’est pas dirigé le Pays .. voir le problème récent des Cartes Grises qui en apparence est simple à mettre en oeuvre à condition que cela soit bien fait…faire de la com pour comme pour oublier Hulot, de parler du Gaulois à l’étranger..pour faire le Buzz…si il a des réflexion à faire aux gaulois c’est en France qu’il le doit le faire …il faut dire que depuis quelques temps ,les emmerdes se suivent !!
    Et le bordel commence,ça promet !!!

  • Intérêt du PAS :
    – 1/ Faire comme les Danois !
    – 2/ Faire comme tout bon financier qui ne veut pas que l’inflation mange ses « marges »

  • la généralisation du prélèvement mensuel pour tous aurait été plus simple, non ???

  • En cas de faillite de l’entreprise, il le prennent où le pognon je serais curieux de savoir.

  • Je n’ai toujours pas compris comment ça s’appliquera à ceux qui auront été mis aux chômage d’un job bien payé et qui en retrouveront un au smic. Je doute néanmoins du caractère incitatif dans ce cas.

  • quand on s’engage pour une réforme comme le prélèvement à la source ,il faut tenir ces engagements et ne pas dire ouï,non, nous verrons ..et bien quand on est pas capable ,on ferme sa gueule !! la politique autrement ,et ça fait plus de 40 ans que ces gens là, menne le Pays a la catastrophe..car il prenne la réforme fiscal à l’envers , d’abord mettre les niches fiscale sur la table , et j’ai un doute que les ministres des finances et du budget les connaisses,ce sont des amateurs !!!

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