PLF : à quand un débat sur le consentement à l’impôt ?

Chaque année, le Parlement débat du budget, mais omet la question cruciale : les Français consentent-ils vraiment à leur niveau d’imposition ?

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PLF : à quand un débat sur le consentement à l’impôt ?

Publié le 27 octobre 2023
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Le Parlement examinera le budget de l’Etat jusqu’à Noël. Comme chaque année, à défaut de faire l’inventaire des impôts français et de débattre de leur opportunité, il ajoute, supprime ou modifie de nouvelles niches fiscales, exonérations ou encore exceptions à l’exonération. Ces débats techniques occupent toutes les pensées des parlementaires durant trois mois pendant lesquels il n’est jamais question de débattre de l’essentiel : les conditions du consentement à l’impôt sont-elles réunies ?

 

La France, championne de la pression fiscale, mais pas pour tous

Tous les ans, l’Institut Économique Molinari publie son étude sur la pression fiscale et sociale sur les salariés en Europe. En 2023, la France a retrouvé sa première place sur le podium des pays les plus taxés, avec une fiscalité sur le salarié moyen qui ressort à 54,1 % en cumulant les charges sociales, l’impôt sur le revenu et la TVA. Et l’effort est en fait bien mal réparti dans cette moyenne puisque 44% seulement des foyers paient l’impôt sur le revenu (IR) et 10% des foyers en paient 70%. 

Dans les faits, c’est à peu près la même composition de taxes qui pèsent sur les libéraux et indépendants. Par ailleurs, la pression fiscale est probablement sous-estimée puisque les impôts de production pesant sur les entreprises, et de nombreuses taxes intermédiaires, sont répercutés soit sur la masse salariale, soit sur le consommateur.

Ainsi, pour la plupart de ces 44% de foyers payant l’IR, la pression fiscale est bien supérieure à 54,1%, et pour beaucoup parmi la classe moyenne, ce taux approche les 70%. Si bien que ce n’est qu’au 17 juillet que le Français moyen commence à travailler pour lui-même, mais beaucoup connaissent un jour de libération fiscale plus tardif en réalité. Les résultats de la consultation nationale « En avoir pour mes impôts » révèle que 64% des répondants estiment payer trop d’impôts.

Comment s’indigner de l’optimisation fiscale quand on prend conscience du taux confiscatoire théorique qui pèse sur les plus riches (75% correspondant au taux maximum de pression fiscale et sociale permis par bouclier fiscal auquel s’ajoute la TVA) ? Pourtant, ces niches fiscales offertes aux plus fortunés par l’administration, consciente qu’elle pourrait tuer la poule aux œufs d’or, nuisent à la lisibilité de notre système fiscal déjà incompréhensible. Que vaut notre consentement dans ces conditions ?

 

En avoir pour ses impôts

Cette opacité budgétaire est volontaire. Peu de gens consentiraient à l’impôt si on leur présentait une addition lisible, y compris le salarié au SMIC bénéficiant d’allègement de charges sociales et d’une exonération de l’impôt sur le revenu. 

Cette « réaction fiscale » n’est pas politiquement correcte en France. Beaucoup jugeront le propos peu pertinent, car il ne prend pas en compte les services publics dont nous bénéficions. Il n’est pas question ici de pouvoir d’achat, mais de liberté. La dépense publique est une mise sous tutelle dans la mesure où elle se substitue à nos choix propres. Nous devrions peut-être accepter que la vie en société nécessite une certaine dose de tutelle. Mais dans une démocratie libérale, reconnaissant l’individu, elle devrait être aussi faible que possible, et non croissante. Que reste-t-il de notre liberté quand nous travaillons plus de 50% de notre temps pour la collectivité et son administration ?

En outre, quand bien même chaque poste de dépense publique serait opportun, ne devrions-nous pas être en mesure de juger de la qualité du service public à l’aune de notre contribution, comme pour n’importe quel service que nous payons ?

Depuis 2019, le Gouvernement publie « Ce que financent 1000 euros de dépenses publiques ». Si cette information est claire et transparente, elle ne permet toujours pas de savoir si on en a pour nos impôts. Si nous voulons que les Français respectent leurs services publics, ils doivent sentir que ceux-ci leur appartiennent, qu’ils en sont les investisseurs. Les rapports de performance annexés au PLF, par leur caractère abscons, ne permettent pas aux parlementaires eux-mêmes de juger de la pertinence des dépenses.

 

Rendre l’impôt lisible

Nous avons besoin en France d’une refondation complète de la manière dont nous votons le budget afin de garantir le consentement à l’impôt et l’intelligibilité de la loi budgétaire pour nous rapprocher de l’idéal de l’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée »

On pourrait par exemple imaginer que les recettes et les dépenses soient discutées séparément. Les premières seraient votées au printemps et l’initiative serait exclusivement parlementaire. Ainsi, les parlementaires devraient seuls trouver un compromis sur ce qui est acceptable en termes de prélèvement pour les Français et d’endettement pour le pays. Puis à l’automne, le Gouvernement présenterait au Parlement son projet de dépenses composé à partir de la cagnotte accordée par les parlementaires. 

En déconnectant le débat sur les recettes de celui sur les dépenses, on s’assure qu’un vrai débat sur le consentement à l’impôt et sur la pression fiscale globale ait lieu, puisque le prélèvement de l’impôt devient un enjeu en soi, et non plus une simple fonction des dépenses. Le contrôle de l’impôt est la fonction historique de la démocratie et du Parlement, et ce, déjà sous l’ancien régime avec les États généraux, le Roi ne pouvait décider de nouveaux prélèvements ni de leur augmentation sans que ceux qui ne soient débattus par les représentants.

 

Comment faire ?

Évidemment, un tel changement nécessiterait beaucoup d’aménagements, à commencer par la réintégration des dépenses sociales au budget de l’État qui, depuis 1996, sont examinées séparément de ce dernier, qui vient pourtant en assurer l’équilibre par des transferts budgétaires. 

Dans l’attente, voici quelques idées faciles à mettre en œuvre : 

  • À l’instar de « Ce que financent 1000 euros de dépenses publiques » et de ce qui se pratique lorsqu’un parti présente un programme électoral, le gouvernement devrait publier la pression fiscale et sociale totale s’exerçant sur les citoyens en présentant des profils types.
  • L’examen du budget devrait systématiquement donner lieu à une discussion générale au sein du Parlement sur la pression fiscale et le consentement. En parallèle, les députés pourraient organiser des consultations au sein de leur circonscription.
  • Les fiches de paie devraient être simplifiées pour afficher clairement le montant du salaire super brut, qui est en fait ce que l’employeur est prêt à payer pour la force de travail, et qui devrait donc revenir de droit aux salariés.
  • Puisque ce serait sûrement trop demander à l’administration de Bercy, les libéraux devraient se mobiliser pour mettre au point une application permettant à chacun de calculer une estimation de sa contribution fiscale et sociale totale.
  • Avec GenerationLibre nous avons proposé qu’une consultation budgétaire citoyenne soit annexée à la déclaration d’impôt des Français pour leur permettre de se prononcer sur la répartition poste par poste du budget de l’État, et que le Parlement soit tenu de débattre des résultats de la consultation. 

 

Le consentement à l’impôt est le premier acquis de toutes les grandes révolutions démocratiques. Garantir son effectivité et l’intelligibilité budgétaire est le devoir de toute société libre.

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  • le concept de consentement à l’impôt est un ideal libéral..
    on est trop loin dans la tyrannie démocratique et la perversion des esprits pour pouvoir aborder la question..

    La majorité des française n’a plus aucun problème avec la tyrannie au sens libéral.

    emmerder les emmerdeurs de macron…
    criminaliser la contradiction politique..
    alors…

    • le concept de consentement à l’impôt est un ideal libéral..
      on est trop loin dans la titirannie démocratique et la perversion des esprits pour pouvoir aborder la question..

      La majorité des française n’a plus aucun problème avec la titirannie au sens libéral.

      em–merder les em–merdeurs de moncron…
      criminaliser la contradiction politique..
      alors…

      • le concept de consentement à l’impôt est un ideal libéral..
        on est trop loin dans la titirannie démocratique et la pépèrerversion des esprits pour pouvoir aborder la question..

        La majorité des française n’a plus aucun problème avec la titirannie au sens libéral.

        em–merder les em–merdeurs de moncron…
        criminaliser la contradiction politique..
        alors…

    • La majorité des Français consentent à l’impôt. Comme il est dit dans cet article, 44% de français payent l’impôt sur le revenu, donc 56% sont pour que cet Impôt perdure et même soit augmenté. Il en est de même pour l’impôt sur les sociétés, les taxes foncières, et un tas d’autres impôts. Quant aux taxes sur le salaire, c’est un impôt indirect. Comme tout impôt indirect, il n’est pas perçu et donc est consenti par défaut. Qui se soucie de la TVA sur les taxes d’EDF ?

    • le libéral est une quasi utopie politique..

      le libéral vote avec ses pieds et ne consent donc pas l’impot il le tolère et le met en balancé…

      donc tant qu’ pays vous laisse partir….en emmenant vos biens..

      imposé et consenti!!!!

      c’est un non sujet..

      • le sujet plus « abordable » et discutable est le domaine d’action de politique…

        Par exemple, en gros education nationale? non…

        et expliquer pourquoi du point de vue libéral c’est inacceptable.. surtout on si on ne met pas de garde fous politiques en place.. ..

  • Lever l’impôt, c’est le privilège de celui qui possède les armes, et le monopole de la violence publique. Qu’il soit élu démocratiquement ou pas ne change pas grand chose sur ce point. Ainsi, j’ai payé mes impôts cette année, non pas parce que je trouve ça chouette ou que j’approuve ce que les dirigeants font de mon argent, mais uniquement parce que je crains que si je ne paye pas, ultimement la violence publique sera dirigée contre moi. Tout le reste du débat sur un prétendu consentement à l’impôt n’est qu’un écran de fumée. Demandez à n’importe qui s’il ne préférerait pas garder l’argent pour lui plutôt que de payer l’impôt, et vous verrez bien.

  • Les mots ont un sens!
    Ce que la DDHC nommait « contribution » était par définition consenti et ce que les despotes ont nommé « impôt » est par définition imposé.
    Le « consentement à l’impôt » est un oxymore.
    Et au passage, la résistance vertueuse au pillage fiscal est qualifiée de fraude et sanctionnée comme un crime.

  • le sujet est le domaine légitime d’action de la démocratie..le consentement à impôt est utopique mais;.il n’existe pas..vers le bas mais il a une limite maximum. plus haut on part.. L’iimpot est toléré contre le fait de vivre dans une société fonctionnelle.

  • « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée »
    Par leurs représentants !
    Voilà, tout est dit. Fermez le ban.
    Hélas.

    • [DDHC] »Par eux-mêmes ou par leurs représentants ».
      Si on se soumet volontairement au processus électoral on en admet par avance le résultat et on reconnaît les représentants qui en résultent et à qui on délègue le pouvoir fiscal. Inversement, si on n’a pas confiance on ne vote pas et les billevesées de la représentation médiocratique ne devraient pas nous être opposables. L’abstentionniste est constitutionnellement libre de ne pas reconnaître le bien-fondé de la contribution que la force publique tente de lui imposer.

      • Alternative séduisante d’un côté.
        Beaucoup moins de l’autre. Si l’on songe aux ravages du « séparatisme » religieux. Par exemple. De gens qui placent leur dieu au dessus de nos lois.

  • L’ optimisation fiscale est crime dans certains pays…

  • Les commentaires sont fermés.

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