Affaire Benalla, fake news : le Sénat, dernier contre-pouvoir ?

Le sénat sera-t-il le dernier contre-pouvoir susceptible d’enrayer l’esprit de factions qui paralyse la république ?

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Affaire Benalla, fake news : le Sénat, dernier contre-pouvoir ?

Publié le 31 juillet 2018
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Par Frédéric Mas.

La commission des Lois du Sénat, contrairement à celle de l’Assemblée nationale, n’a pas déclenché de guerre de position entre majorité et opposition à propos de l’affaire Benalla. Après une semaine ahurissante faite d’interruptions de séances, de déclarations intempestives à la presse et de coups de colère, la commission des Lois de l’Assemblée nationale a finalement explosé en vol avec le départ de son co-rapporteur Guillaume Larrivé (LR) jeudi dernier.

S’en est suivi le retrait de tous les membres de l’opposition, remontés comme des horloges contre une majorité macroniste accusée d’étouffer l’affaire et de protéger le président de la République à tout prix. Dans le collimateur des parlementaires, Yaël Braun-Pivet, accusée de n’être que le porte-parole de l’exécutif au sein de la commission, et de vouloir enrayer le bon déroulement des débats pour protéger son clan politique.

La comédie parlementaire

Bien entendu, l’accusation est forte mais plausible, en particulier au regard des efforts de communication déployés par l’Élysée pour changer l’image d’Alexandre Benalla auprès du grand public. Incapable de s’attirer les bonnes grâces de la législation et d’empêcher la machine judiciaire d’agir, l’exécutif et son cortège de communicants mise sur le grand public pour minimiser sa chute dans l’opinion.

L’indignation de l’opposition n’est cependant pas dénuée d’arrière-pensées. L’affaire Benalla est une occasion pour elle de revenir au centre de la vie publique, et de se positionner dans l’espace médiatique comme le défenseur de la morale publique que le pouvoir macronien a échoué à incarner. Plusieurs commentateurs ont observé que l’indignation des parlementaires est sélective, qu’elle s’est arrêtée sur ce problème et pas, par exemple, sur les atteintes répétées aux libertés publiques et à la liberté d’expression, en particulier concernant l’intégration de l’état d’urgence dans le droit commun et la loi fake news.

La polarisation extrême des positions entre les hommes de l’exécutif et l’opposition a rendu en conséquence le dialogue impossible au sein de l’Assemblée nationale.

Entente cordiale au Sénat

Au Sénat, l’ambiance est tout autre, en particulier grâce à l’entente cordiale entre les différents co-rapporteurs de la Commission des lois : droite et gauche, socialistes et républicains, cultivent l’entente cordiale pour évaluer la faute d’un exécutif qui lui-même se situe politiquement ailleurs. Contrairement à la commission de l’Assemblée, celle du Sénat ne suscite pas la suspicion de collusion avec l’Élysée : sa majorité est à droite, et ses rapporteurs dans l’opposition. Les auditions se passent sereinement, comme extraites de la pression médiatique et électorale. Dans les deux cas, pas de public à conquérir ou de places à gagner aux prochaines élections. Face à une Assemblée nationale déchirée et une autorité judiciaire atone, le Sénat se permet de résister à l’exécutif tout puissant.

Plus encore, le Sénat s’est payé le luxe de s’opposer aux desideratas liberticides de l’Élysée sur les fake news : sa Commission de la culture et des lois a appelé à un rejet massif du texte sans examen. Le sénat serait-il en train de devenir le seul contre-pouvoir efficace contre la toute-puissance de la présidence ?

Une chose est sûre : le rythme du Sénat n’est pas celui de l’Assemblée nationale, et souffre moins des aléas de l’agenda électoral ou de la pression de l’exécutif. Élus par des grands électeurs désignés au sein des collectivités locales, les sénateurs ne sont pas soumis à la pression de l’exécutif comme l’est l’Assemblée nationale. Ils ne doivent pas leur siège à la Présidence et leur réélection à sa popularité fluctuante.

À plusieurs reprises, la gauche a d’ailleurs cherché à l’éliminer de la législation, jugeant l’institution « trop conservatrice », et surtout pas assez soumise aux impératifs de l’exécutif… quand la gauche était au pouvoir.

Cette position privilégiée de cette frange de la législation n’est pas sans rappeler (toute proportion gardée) la manière dont Hayek envisageait la législation dans le troisième tome de Droit, législation et liberté, comme pouvoir préservé de la tyrannie majoritaire.

Le Sénat sera-t-il le dernier contre-pouvoir susceptible d’enrayer l’esprit de factions qui paralyse la République ?

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  • Effectivement le Sénat semble être le dernier contre pouvoir à Macron. L’article a oublié la réforme constitutionnelle que veut faire passer Macron pour se donner encore plus de pouvoir et à laquelle G Larcher et le Sénat s’opposent.

  • Ayant suivi les débats de la commission d’enquête sénatoriale, je fais personnellement toute confiance à son Président, Mr Philippe Bas, qui mène les débats avec sérieux, dans le respect des personnes interrogées.
    Il est regrettable que la Commission de l’Assemblée ait été torpillée et que la majorité de députés LREM protège un président désormais hors la loi au mépris de l’intérêt public qui nécessite une transparence. Nous ne sommes décidément plus en démocratie.

    • @ Roven
      Effectivement une commission parlementaire sabordée par ses membres, ça fait un peu désordre et pas très démocratie.
      Mais se justifie-t-elle encore en doublant l’enquête judiciaire tenue théoriquement par le secret de l’instruction, et un suspect déjà mis à pied et en examen mais toujours présumé innocent? Équilibre délicat!
      À quand la VI ième?

      • Oui, elle se justifie quand il a soupçon que des politiciens occupant de hautes fonctions puissent fausser l’enquête judiciaire, notamment en l’égarant en ce qui concerne la chaîne de responsabilités. Si un serveur de l’Elysée part avec l’argenterie, il n’y a pas lieu à enquête parlementaire. Si c’est le Président qui a imposé sa présence, alors que le responsable des cuisines n’en voulait pas, ne pensez-vous pas que l’enquête judiciaire a bien peu de chances de faire la lumière sur l’affaire ?

      • Depuis les années Miteux la France est une république bananière…Il n’y a plus que quelque naïfs qui vont encore voter qui ne savent pas.
        La corruption est partout, de l’Élysée aux banlieues.
        Foutez le camp si vous en avez le courage…Les moyens financiers ne sont pas nécessaires si vous en avez entre les oreilles…

      • @mikylux
        Bonjour,
        « Mais se justifie-t-elle encore en doublant l’enquête judiciaire tenue théoriquement par le secret de l’instruction, »
        Le président de cette commission d’enquête sénatoriale a bien précisé qu’il ne s’agissait pas de court-circuiter l’enquête judiciaire, qui, elle, va déméler et juger les actes répréhensibles commis et les sanctionner si besoin. (On l’espère, parce qu’il y en a) Philippe Bas, a dit que la commission était là pour juger les failles de l’Admnistration. Il y en a une énorme et qui est résumée par « On ne savait pas. », ou « Faut voir avec la présidence. »Pour un Etat centralisateur, qui flique tout le monde, qui pense que chacun de nous est suspect de quelque chose, ça la fout mal.
        La commission est là pour savoir qui a donné ses passe-droits à Bénalla et pourquoi. J’espère qu’elle aura le cran de creuser. Le sénateur Bas est courtois, et mène bien les cessions, mais je souhaite qu’il soit un peu plus mordant sur les questions.

      • « et un suspect déjà mis à pied et en examen  »
        Sur ce sujet, en effet, l’instruction judiciaire est ce qui prime.
        Mais vous faites manifestement (en habituel thuriféraire du macronisme) semblant de ne pas voir que le sujet qui mérite est non pas le comportement de M. Benalla mais la façon dont il a pu arriver jusque là puis y rester avec des soutiens au plus haut de l’exécutif (un contrôle de l’exécutif qui est très précisément du ressort du Parlement).

  • Macron a besoin de la droite pour faire passer la reforme constitutionnelle. Il n’a donc pas intérêt a ordonner le torpillage de la commission de l’assemblée nationale. le retour de bâton n’est pas loin

  • @lapaladine et @le papet
    Bonjour,
    Vous avez mentionné tous les deux une réforme constitutionnelle voulue par Macron qui lui donnerait encore plus de pouvoir(s). J’ai écrit dans un autre article que s’il lui prenait l’envie de rester président à vie, rien ne pourrait l’en empêcher.

  • Contre-pouvoir ou tentative de justifier son utilité ?

  • Les commentaires sont fermés.

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