Macron contre l’immobilisme droite-gauche

Macron parviendra-t-il à rompre le consensus objectif droite-gauche en faveur de l’immobilisme ? Plusieurs facteurs lui sont favorables, espérons qu’il sache en faire bon usage.

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Macron contre l’immobilisme droite-gauche

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 11 août 2017
- A +

Par Patrick Aulnas.

Les rodomontades médiatiques auxquelles se heurte Emmanuel Macron et son gouvernement relèvent d’une tradition bien établie. Il faut critiquer et prétendre être plus clairvoyant que le prince pour capter l’attention. Mais en prenant un peu de distance, tout devient simple.

Macron cherche à libéraliser en douceur la société française (droit du travail, réduction des dépenses publiques, etc.). Il se heurte tout simplement aux politiciens traditionnels de gauche et de droite. Les anciens clans ne lâchent pas prise. Le rabâchage journalistique de lieux communs éculés n’est que leur relais.

Quel est le degré de notre servitude ?

Quand certains analystes regrettent, avec le plus grand sérieux, le désengagement de l’État (par exemple dans les collectivités locales), on se perd en conjectures sur le sens exact de leur propos.

Jamais dans notre histoire l’État n’a été aussi puissant, aussi dirigiste, aussi interventionniste. Les données quantitatives sont à cet égard sans ambiguïté. Inutile de les rappeler, chacun sait que le nombre de fonctionnaires est au plus haut, les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires également.

Alors, pourquoi des gens sérieux et respectables, universitaires, journalistes, écrivains, colportent-ils dans les médias que la puissance publique est en retrait ? Ils confondent bien souvent le rêve et la réalité, leurs aspirations et l’analyse objective de l’existant.

La puissance publique n’a jamais reculé. Bien au contraire, elle n’a cessé de croître et de prendre en charge des problèmes nouveaux depuis le début du XXe siècle (santé, vieillesse, chômage, éducation, etc.).

Si Friedrich Hayek écrit La route de la servitude en 1944, c’est bien que la croissance de l’État et le recul de l’autonomie individuelle posaient déjà problème. Nous n’avons jamais quitté cette route et nous ne savons pas exactement quel est le degré actuel de notre servitude.

La liberté surveillée de gauche

La gauche se garde de chiffrer le futur. Jusqu’à quel niveau de prélèvements obligatoires une société demeure-t-elle libre ? 50% du PIB ? 60%, 70% ? Mystère. Cela n’empêche pas les partis de gauche de réclamer toujours plus de socialisation et par suite de dépenses publiques.

La démocratie se résume donc pour la gauche à déposer périodiquement un bulletin de vote dans une urne mais en aucun cas à laisser le maximum d’initiative à l’individu.

Si la collectivité a été dûment mandatée par un vote des citoyens, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il est paradoxal de prétendre qu’une société reste libre lorsqu’une liasse de cerfa1 est nécessaire pour entreprendre quoi que ce soit. La liberté prônée par la gauche est une liberté étroitement surveillée.

Faut-il rêver de libéralisme doctrinal ou maîtriser le monstre étatique ?

Pour autant, la droite de gouvernement n’a jamais remis sérieusement en cause l’État-providence. Il est tout à fait improbable qu’elle le fasse tant qu’une croissance économique, même faible, maintiendra l’opulence des pays riches.

Le mot opulence pourra choquer, mais par rapport aux niveaux de production et de consommation de nos sociétés voici seulement un demi-siècle, il s’agit bien de cela. Malgré la lourdeur des structures publiques, nous n’avons j’aimais été aussi riches.

Les libéraux qui réclament un recul massif du rôle de l’État prêchent dans le désert par manque de réalisme. Ils seraient bien inspirés de modifier leur angle d’attaque et d’évoquer le risque croissant que représente l’immixtion de l’État dans tous les domaines de la vie.

Au lieu de rêver au retour d’un libéralisme doctrinal probablement révolu, il conviendrait de mettre l’accent sur les dangers futurs d’un monstre étatique surpuissant : danger politique par étouffement démocratique de la liberté, danger économique par perte d’efficacité.

Les Marcheurs devront marcher droit

En s’opposant à Macron, gauche et droite rejouent l’acte précédent de l’histoire politique française : neutraliser toute capacité de déblocage pour défendre des intérêts électoraux. Macron parviendra-t-il à rompre ce consensus objectif droite-gauche en faveur de l’immobilisme ? Plusieurs facteurs lui sont favorables : la quasi-disparition du Parti socialiste, les dissensions internes aux Républicains, la démagogie de plus en plus brutale de Mélenchon, la faiblesse intellectuelle du Front national.

Mais un appareil politique solide et discipliné est nécessaire pour gouverner efficacement. De ce point de vue, tout reste à faire. Il ne faudrait pas que de petites chapelles s’érigent dans la cathédrale de LREM. Voilà bien ce qui a perdu les socialistes et ce qui rend inaudible LR.

Il est souhaitable de discuter librement en famille, mais moralement condamnable d’aller porter ses querelles sur la place publique. Les Marcheurs seraient bien inspirés de marcher droit ou, du moins, de présenter des rangs parfaitement alignés lorsqu’ils défilent publiquement.

Car, à l’évidence, un libéralisme modéré et pragmatique représente le seul espoir de faire bouger la société française.

  1. Cerfa : document administratif normalisé édité par le CERFA (Centre d’enregistrement et de révision des formulaires administratifs).
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  • Bravo ! Un peu de libéralisme pratique vaut mieux que beaucoup de libéralisme proclamé, mais jamais mis en oeuvre

  • Difficile de contrarier ce diagnostic assez juste dans son ensemble.
    Comme d’habitude, il manque deux choses dans ce genre d’analyse.
    Commençons par le début : Qui a le plus intérêt à ce que les choses ne changent pas ?
    On connaît la réponse depuis bien longtemps.
    Qui a intérêt à ce que les choses changent ?
    On connaît la réponse depuis bien longtemps.
    Même avec la meilleure volonté du monde, Macron ne peut pas gagner, le  » combat  » est trop inégal.
    Pourquoi ?
    Et bien tout simplement, il ne s’appuie ni sur les classes populaires ni sur les classes moyennes, bref sur le Peuple, c’est à dire sur une très grande majorité des français.
    Depuis 2002, déjà +de 30 % votaient pour les extrêmes, et depuis la fracture sociale, la vraie (pas celle de Chirac) s’est accentuée considérablement. Mais personne ne l’a vue ou plutôt personne n’a voulue la voir. Bref, qu’il a été facile pour la gauche comme pour la droite de faire peur aux français avec l’épouvantail des extrêmes, du populisme comme ils disent. Et cela a été encore le cas cette année. A croire que cela marche à tous les coups. Trop facile .Beaucoup trop facile.
    Vous savez, le Peuple, quand on veut bien le connaître, c’est très bien composé. La France d’en haut ne peux pas comprendre cela, il est bien trop tard, pour x raisons. Terra Nova est passé par là. Le mal est fait. Les extrêmes ont encore de beaux jours devant elles.
    Bonne journée, Monsieur et merci de rappeler les bonnes lectures de Friedrich Hayek.

    • « Même avec la meilleure volonté du monde, Macron ne peut pas gagner »
      Cela, c’est ce que l’on peut dire si l’on pense que Macron cherche sincèrement à libéraliser la société française.
      Je n’y crois pas un instant. Toutes ses actions et déclarations montrent qu’à part quelques ajustements marginaux (cars…) il pense décisions centrales et technocratiques (pouvoir/autonomie locale limitées aussi bien du point de vue réglementaire que fiscal, et de même ceux de la France au profit de centres de décision européens, etc, les éléments ont été abondamment décrits sur ce site).
      Je pense que Macron arrive très bien à gagner – par rapport à ses buts, qui sont d’avoir le pouvoir (et le manque de contre-pouvoirs, malgré le spectacle d’une opposition aussi pittoresque qu’inutile en pratique, est patent et profondément anti-démocratique et anti-libéral), d’une part ; de centraliser ce pouvoir entre les mains des technocrates plutôt que de façon démocratique, d’autre part.
      Bref, il est évident qu’il ne va pas s’appuyer sur les classes populaires, pas parce qu’il n’y arriverait pas mais parce que c’est contradictoire avec ses buts manifestes. Le peuple, ça allait bien pour se faire élire. Maintenant que c’est fait avec le concours des médias, qu’importent ses états d’âme.

  • pourquoi colporter que l’etat est en retrait ?
    Dans un marché libre, les colporteurs seraient payés à la mesure de la valeur qu’ils apportent. il leur faut maintenir en place la cour qu’ils courtisent pour continuer à bénéficier de faveurs.

    • Tant que l’on ne reconsiderera pas le périmàtre de l’UE et l’immigration -intégration musulmane la France ira mal et les français seront mécontents. Contrairement à ce qu’il dit Macron professe un imobilisme déssespérant qui fomente une radicalisation, non musulmane, éruptive.

  • Macron n’a AUCUNE intention de réduire les dépenses, juste ne pas les augmenter. Aulnas ferait bien de lire son livre avant d’affirmer sans raison!

  • Ce que vous dites n’est pas faux.
    Je pense que la plupart des gens voudrait un peu moins d’état, mais pas sa suppression. Quelle est la limite idéale ? 30% de prélèvements et 40% de la part de l’état au PIB ?

    Par contre, il me semble bon d’insister sur la responsabilisation des citoyens : tout étant gratuit, pourquoi se priver ? On en redemande toujours plus. Le problème est que cela se fait sur le dos des personnes les plus faibles, les personnes âgées qui ne sont pas toutes fortunées. Comment ? Par une inflation de taxes qui les touchent plus que les autres, une inflation injustifiée qui touche leur porte-monnaie. Et qui pourrait s’accélérer bientôt. Quand vous n’êtes plus en mesure de lancer des pavés, vous n’avez plus droit au chapitre. Quand vos revenus deviennent insuffisants, que vous n’avez plus le droit de travailler, et d’ailleurs personne ne voudrait vous embaucher, vous cessez d’exister à petit feu.

    Plus l’état est présent, plus l’eugénisme se développe insidieusement. Pendant ce temps, les repas sont excellents et copieux au Sénat.

    Maintenant qu’a fait Macron ? Augmentation de la CSG qui touche les plus âgés et pas vraiment les fonctionnaires,, augmentation des taxes sur les carburants, autres promesses délirantes pour 2040 et sur le nucléaire, une loi travail micronscopique, une loi de moralisation inutile pour brasser du vent.
    Taper 850 millions dans le budget de l’armée, du régalien, maladroitement de plus, mais pas grand-chose ailleurs. Si au bout de 3 mois, c’est tout ce qui sort, ce n’est pas bon signe. Alors, être paralysé juste après avoir été élu, c’est comique. Ce n’est pas très engageant. Il sera responsable à 100%. Aucune excuse.

  • On explique d’avance les raisons de son futur échec ,c’est la faute à la gauche à la droite ,tous des réactionnaires.
    Avant tout , on devrait se demander pour qui roule Macron et prévoir ainsi notre futur..et si il est taille dans le même bois que ses prédécesseurs…on n’est pas sorti de l’auberge ,la porte libérale sera toujours close pour les francais et seulement entrebâillée pour les européens !

  • @ Patrick Aulnas
    Votre article montre que, d’après moi, modestement, vous avez vu juste, ce qui est sans doute assez fréquent, mais aussi que vous avez pu traduire cela dans votre article, ce qui est déjà bien plus rare.

    Du point de vue « doctrinaire »(votre terme): E.Macron ne s’est pas présenté en campagne comme « un pur Libéral ».

    Votre dernière phrase le dit bien: « à l’évidence, un libéralisme modéré et pragmatique représente le seul espoir de faire bouger la société française »

    Et vous justifiez: « Au lieu de rêver au retour d’un libéralisme doctrinal probablement révolu, il conviendrait de mettre l’accent sur les dangers futurs d’un monstre étatique surpuissant ».

    Certains se gaussent de LREM, actuellement, la presse se ruant sur chaque micro-incident, comme un bout de phrase malheureuse ou maladroite.

    Et vous répondez: « un appareil politique solide et discipliné est nécessaire pour gouverner efficacement », ce qui prend du temps quand on veut fédérer un mouvement majoritaire dont les membres sont d’origines aussi diverses: donc pas l’éventail des LR ni les frondeurs du PS.

    Alors, bien sûr, si E.Macron n’obtient pas de résultats concrets et persuasifs lors de ce quinquennat, il ne sera sans doute pas réélu et la France continuera à sombrer … ou à couler, en revotant pour les « immobiles » qui finiront leur « oeuvre », si ce n’est pas en votant pour un des extrêmes, avec des conséquences que je n’ose imaginer!

    Alors si, au lieu de croire que vous avez des leçons à donner au « monde », vous vous inspiriez des solutions utilisées autour de vous (là où des partis se disant libéraux sont au pouvoir, par exemple), non pour les copier mais juste pour vous en inspirer, la démarche serait sans doute plus rationnelle et efficace et moins idéologique.

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