ScotRail : pour en finir avec le catastrophisme ferroviaire britannique

Du système ferroviaire britannique en général, nombreux sont ceux qui font preuve de catastrophisme. Qu’en est-il exactement ?

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ScotRail : pour en finir avec le catastrophisme ferroviaire britannique

Publié le 19 mai 2018
- A +

Par Jonathan Frickert.

Nous sommes entrés dans un mois de mai particulièrement intense sur le plan social, entre commémorations de Mai 1968 et une grève des cheminots qui se poursuit, mais périclite. Revenant de vacances sur la terre des Lumières éponymes et comme 227 000 personnes par jour, j’ai pris le réseau local de train, la fameuse ScotRail, en partie privatisée et de ce fait honnie par la doxa française. L’occasion de constater qu’on est loin du chaos que certains évoquent…

Retour sur le rail écossais

La ScotRail est créée au milieu des années 1980 par la partie écossaise de la British Rail afin de donner une marque distincte au réseau ferroviaire local. De 1993 à 1997, la British Rail est privatisée et divisée en 26 concessions régionales pour un marché d’un milliard de voyageurs par an.

ScotRail connaîtra trois opérateurs. Entre 1997 et 2004 le service est exploité par la société National Express. Créée en 1972 comme affiche commerciale d’une entreprise publique de transport urbain, la NBC, elle devient totalement autonome à la fin des années 1980 et obtient la première concession ferroviaire en 1997, exploitant les lignes sous le nom ScotRail.

En 2004 et jusqu’en 2015, c’est la compagnie First qui exploite les lignes ScotRail sous le nom First ScotRail. La concession est attribuée par un organisme public de régulation et l’apparence des trains est régulièrement sujette à discussions afin d’éviter toute autopromotion des compagnies exploitantes, gardant le service le plus neutre possible.

En 2014, la société Abellio est choisie pour reprendre la franchise ScotRail pour 7 ans et une extension de 3 ans en cas de bons résultats, après avoir été en concurrence avec 4 autres opérateurs : Arriva, FirstGroup, MTR et National Express.

Abellio propose les mêmes services que le groupe First avant elle à l’exception des trains de nuit transférés à la Serco. Elle assure 353 stations, soit toutes les stations écossaises à l’exception de Glasgow Prestwick Airport, Glasgow Central et Edinburgh Waverley et dispose de 6 stations de maintenance.

Le parc ferroviaire actuel d’Abellio est composé à moitié de trains diesel, mais devrait sous peu se réorganiser afin de ramener cette part au tiers des effectifs, ramenant d’anciens modèles courant de l’année 2018. À titre comparatif, le réseau français se partage équitablement entre diesel et électrique.

Du système britannique en général, nombreux sont ceux qui font preuve de catastrophisme. S’il est vrai que la grande majorité des opérateurs est subventionnée par manque de rentabilité des lignes, incluant Abellio, les critiques sur la mauvaise qualité du service et les prix exorbitants sont circonscrites au sud du royaume. Le déraillement de Hatfield, au sud-est du pays a permis à la presse locale de faire ses choux gras sur une privatisation pourtant incomplète. La catastrophe a entraîné une demande de subventions de la compagnie Railtrack propriétaire du réseau, aux fins de rénovation de celui-ci, mais qui a surtout servi à payer ses actionnaires. Bienvenue à Crony Land

Ces critiques ne semblent pas toucher le réseau écossais dont 90 % des usagers semblent satisfaits, contre 58 % pour la SNCF. Les critiques contre le réseau britannique dans son ensemble font assez largement écho à celles touchant l’opérateur 100 % public qu’est la SNCF. Cette dernière, connue pour un grand nombre d’annulations et de retards, a réussi à provoquer en 2011 une grève de ses propres usagers sur certaines lignes entre la Normandie et la région parisienne.

Il n’est pas utile d’évoquer le rapport Spinetta et les critiques qu’il a formulées : mauvais état du réseau, irrégularité des correspondances, recul de l’offre, dette abyssale de 46,6 milliards d’euros payée par le contribuable en plus des 60 % déjà payés par ce dernier sur chaque billet. Ajoutez à cela les désavantages classiques des situations de monopole et au clientélisme électoral qu’il provoque et vous constaterez que la situation britannique n’est guère si catastrophique que ce qu’en disent certains.

Lignes régulières et entretenues, tarifs intéressants

Je suis donc devenu le temps d’une journée usager de cette compagnie, direction le Loch Lomond, au sud des magnifiques Highlands. Le trajet jusqu’à la petite ville de Balloch dure 1 h 30 pour 114 km et suppose une correspondance à Glasgow.

Le prix, jugé exorbitant de l’autre côté de la Manche, m’étonne déjà : 21 livres aller-retour, soit 23,81 euros1 soit 10 centimes par kilomètre. À titre de comparaison, un trajet aller-retour Mulhouse-Strasbourg, de distance équivalente, coûte 36 euros soit 16 centimes par kilomètre. Compte tenu du coût de la vie en Grande-Bretagne, l’usager écossais est gagnant. Apportons une nuance puisque la ligne Mulhouse-Strasbourg ne met que 56 minutes entre deux agglomérations de taille moyenne à grande sans correspondance là où le trajet Edimbourg-Balloch lie une capitale à un bourg de moins de 2000 habitants avec une correspondance. La vitesse des trains, quant à elle, est sensiblement équivalente, autour de 160 km/h.

Autre point d’étonnement : la régularité des trains. Les trains de semaine entre la capitale, Édimbourg et la plus grande ville, Glasgow, séparées par 72 kilomètres circulent toutes les 6 minutes entre 5 h 52 et 23 h 30, impensable en France.

L’intérieur des trains semble également de bonne facture, avec très peu de dégradations pour la ligne qui doit probablement être la plus fréquentée d’Écosse.

Notez également la présence du Wi-Fi à bord, là où la SNCF ne propose ce service que dans les TGV.

Enfin, la validation du ticket sur le modèle de ce qui se fait dans le métro parisien est particulièrement plaisante, n’ayant pas le souvenir d’avoir vu cela dans une gare française, y compris les gares parisiennes.

Puisque la perfection n’existe pas, notez le manque de nettoyage dans les rames. Les attentats de Londres auraient amené à baisser drastiquement le nombre de poubelles dans les rames, et la place prise à l’aller était remplie de restes d’une soirée arrosée. Peut-être un coup de malchance, puisque les autres places ne me semblaient pas dans un tel état.

Un bilan loin d’être catastrophique

Qu’il s’agisse d’un modèle public ou hybride, les désavantages semblent donc être les mêmes. Les choix sont donc affaire de bénéfices, et force est de constater qu’ils sont loin d’être aussi inexistants que ce qu’évoque la doxa française.

Probablement l’occasion d’enfin sortir de la facilité pour concentrer son regard sur un autre réseau privatisé qui constitue pourtant le plus performant du monde : le réseau japonais.

  1. Cours au 2 mai 2018 à 10 h 27.
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  • la encore le contribuable paie pour renfloué une société qui traîne une dette abyssale quand va t on arrêter toutes ces gabegies tenir « électoralement » un tas d’entreprises sous perfusion alors qu’il y a longtemps qu’elles auraient du disparaitre compte tenu de leurs performances et du coût pour le contribuable . mai j’oubliais nous sommes dirigés par des énarques n’ayant jamais du être performants dans leur job et habitués a travailler avec un argent qui n’est pas le leur !

    • Bonjour alainet

      Il y a deux solutions;
      -soit le train est payé par les usagés le vrai prix,
      -soit le tarif est symbolique et permet toute les dérives actuelles avec de lignes TGV forcement déficitaires, des achats de matériels inutiles (rame TGV), etc.. avec comme résultats un gaspillage monstre.

      Les prix en GB sont plus cher; c’est la vérité des prix, seul indicateur qui permet aux gestionnaires de prendre des bonnes décisions. Si les prix se révèlent trop hauts, arrêtons de prendre le train pour d’autres solutions.

    • L’article est malheureusement aux 3/4 payant, mais je ne nie pas les défauts du système britannique, les évoquant dans le présent article et n’ayant pas d’avis tranché sur la question de la privatisation ou de la nationalisation. Je suis cependant convaincu du bien-fondé d’un statut de salarié de droit commun pour l’ensemble du personnel ferroviaire.

  • En fait le problème des entreprises privées du rail en Angleterre, c’est quelles ne sont pas libre. Ce sont des contrats et des obligations étatistes parfois aberrantes. Sur le papier elles sont libres, mais dans la réalité les contraintes de villes à desservir, de minimums de trains par jour, et la concurrence pour avoir ces contrat les entraînent dans des déficits…En fait elles sont juste propriétaires des trains, et de la gestion du personnel. Bien loin de la légende d’un secteur libre…

  • Usager de ScottRail.
    Usagé de la SNCF…

  • Article intéressant et très complet à lire sur les privatisations (qui parle notamment de la privatisation du rail britannique) : https://www.downsizinggovernment.org/privatization

    Une étude très intéressante sur la privatisation du rail britannique et les lecons à en tirer: https://static1.squarespace.com/static/56eddde762cd9413e151ac92/t/5a9692a553450a754a66ddf9/1519817383525/railway.pdf

    On dit que la privatisation du rail britannique a nui à la sécurité mais c’est faux. Il suffit de faire une comparaison entre la France et la GB.
    413 accidents en France, contre 107 en Angleterre, 80 tués contre 57 : la SNCF surpasse British Railways. L’argument suivant lequel la privatisation fait dérailler les trains ne tient visiblement pas.
    http://www.irefeurope.org/content/accidents-de-train-la-sncf-fait-mieux-que-les-anglais
    Le réseau ferré britannique a été privatisé parce qu’il était vétuste. La privatisation devait permettre de le le renouveler. Ce qui a été fait pour le matériel roulant.
    Les accidents spectaculaires ont eu lieu dans les premières années de la privatisation, ce qui peut signifier que c’est à cause de la vétusté du réseau, qui ne pouvait pas être modernisé aussi vite.
    Cependant, les modalités de la privatisation n’ont peut être pas été optimale. En effet, un monopole a été octroyé au gestionnaire du réseau. Celui-ci était également dépendant de l’argent public. Car le rail britannique dépendait toujours de l’argent public pour les infrastructures.
    Tony Blair avait diminué les subventions justement au gestionnaire du réseau ferroviaire, dans les premières années de son ministère. Ce qui peut être une des causes de la modernisation insuffisamment rapide.
    Le trafic a augmenté, mais les infrastructures ne suivaient pas.
    Les chemins de fer britanniques ont été privatisé justement parce qu’ils étaient dans un état de déliquescence avancé quand ils étaient publiques. Les défaillances actuelles que connaissent le privé aujourd’hui ne sont que l’héritage catastrophiques de décennie de chemin de fer nationaux.
    Lisez aussi ceci https://entrepreneurs-pour-la-france.org/Les-obstacles/SNCF/SNCF-le-cancre (on compare les performances de la sncf avec le chemin de fer anglais)
    un excellent article: https://www.contrepoints.org/2011/12/02/58526-les-mythes-sur-la-liberalisation-des-trains-britanniques

    Un thread sur la sécurité du rail britannique: https://twitter.com/vbenard/status/980829646785785856

    Articles à lire: https://analyseeconomique.wordpress.com/2010/10/09/privatisation-des-chemins-de-fer-britanniques-un-mythe/
    http://www.ifrap.org/bilan-de-la-securite-ferroviaire-en-france-et-au-royaume-uni-en-2013

    A noter que les gauchistes évitent de parler de la libéralisation et de la privatisation des chemins de fer japonais qui est un succès: http://www.lesenquetesducontribuable.fr/2015/06/01/quand-le-rail-japonais-met-un-ippon-a-la-sncf/49206

  • Le trafic passager a augmenté de 62% en UK suite à la privatisation… trop de travail !
    assorail.fr :
    « Les bénéfices de l’ouverture à la concurrence. Après plusieurs années de difficultés liées à l’ampleur de la réorganisation, les résultats de l’Eurobaromètre publié en décembre 2013 sur la satisfaction des usagers du ferroviaire montrent que le Royaume-Uni est, de très loin, le pays où la population est la plus satisfaite. En onze ans, le nombre de passagers-km s’est ainsi accru de 62 %. »
    Et l’enquête de satisfaction de 2013 faite par l’europe (l’europe c’est mal mais bon) :
    http://ec.europa.eu/public_opinion/flash/fl_382a_sum_en.pdf
    Aujourd’hui, le réseau britannique est non seulement le 2ème réseau ferré le plus sûr d’Europe après le Luxembourg, mais aussi est au plus haut niveau en nombre de passagers transportés.
    le chemin de fer britannique transporte de plus en plus de passager d’année en année: http://www.atoc.org/download/clientfiles/files/ATOC%20Growth%20and%20Prosperity%20report.pdf
    Le chemin de fer anglais est de plus en plus sûr: http://orr.gov.uk/__data/assets/pdf_file/0008/5579/health-safety-report-2013.pdf
    Le nombre de morts au RU est inférieur à celui de la france (entre 2006 et 2015) http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=tran_sf_railvi&lang=en

    Exemple de manipulation:
    les gauchistes comparent la régularité des trains britanniques et SNCF en disant qu’il y a 40% de trains en retard en GB contre 15% en France. Ce qu’ils oublient c’est que la SNCF se donne 5 minutes de marge (en France, les retards comptabilisés sont les trains arrivant avec plus de 5 min de retard à une gare). En GB un train qui arrive avec 1 min de retard est compté en retard.
    C’est un exemple parmi tant d’autre de manipulations des gauchistes francais qui veulent à tout prix essayer de faire croire que la privatisation du rail en GB a été un désastre

  • « Deux accidents de train au Royaume-Uni en octobre 2000 ont fait sortir des rails le peu de soutien dont jouissait en Europe la privatisation des chemins de fer. En l’espace de trois jours, quatre passagers ont trouvé la mort dans un tragique déraillement à Hatfield, au Sud de l’Angleterre, et un accident similaire a fait quatre-vingts blessés à Stafford, dans le Nord du pays. Depuis, les trains britanniques sont en pleine crise. La démission du principal dirigeant des chemins de fer britanniques a fait déborder le vase. En novembre et en décembre 2000, le gouvernement travailliste de Tony Blair a, de facto, repris le contrôle opérationnel du réseau, sans toutefois officiellement renationaliser quoi que ce soit. Depuis, tout semble aller de mal en pis, et si l’on veut arriver à l’heure, il n’est guère conseillé de prendre un train en Grande-Bretagne ces temps-ci. Est-ce vraiment dû à la privatisation ? Les problèmes du système ne proviennent-ils pas en réalité d’un manque de libéralisme, et de réglementations intempestives ?
    L’introduction de la concurrence dans le système
    Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces accidents, et le chaos qu’ils ont provoqué en Grande-Bretagne, ne pouvaient pas plus mal tomber pour les partisans du libéralisme ferroviaire. La directive européenne 91/440, adoptée en 1991, a placé une bombe à retardement sous les grands monopoles nationaux qui dominent encore le secteur. Les bureaucrates de Bruxelles, dans un rare moment de sagesse, ont décidé que la gestion du transport des voyageurs et des marchandises devra être séparée de celle des voies dans chaque pays de l’Union Européenne. Leur but était d’introduire la concurrence dans le système afin de permettre à différents opérateurs de partager un même réseau, tout comme les compagnies de bus partagent actuellement les mêmes routes. Bien qu’imparfaitement libérale, puisqu’elle rend obligatoire une bipartition des entreprises et qu’elle nécessite une supervision d’une agence de type anti-trust, cette idée va au moins dans la bonne direction.
    Malheureusement, presque rien ne s’est passé sur le continent européen depuis 1991 malgré cette décision. Les grandes réformes ont été remisées partout sauf au Royaume-Uni. Comme souvent, l’Angleterre a décidé de se lancer seule. C’est ainsi que le gouvernement conservateur de l’époque a divisé le système ferroviaire : d’une part l’intégralité des quelques 16 430km de voie ferrée, des 2480 stations et l’équipement de signalisation, qui constituent l’infrastructure ferroviaire ; cette dénationalisation en 1996 amena la création d’un grand groupe privé nommé Railtrack. D’autre part, différents opérateurs furent chargés des services ferroviaires pour les voyageurs et pour le fret. Ainsi, pour les voyageurs, le pays a été divisé en 25 secteurs, chaque zone étant donnée en franchise à une entreprise spécialisée dans la gestion des services. Ces franchises devaient théoriquement aboutir un jour à une concurrence entre différentes entreprises sur les mêmes trajets. Au total, l’intégralité de l’ancien monopole de la British Rail (c’est à dire la somme des deux parties du nouveau système) s’est trouvée répartie sur près d’une centaine d’entreprises privées.
    Sur le continent, avant la récente crise en Grande-Bretagne, la fin des monopoles d’Etat était finalement en vue. La compagnie ferroviaire allemande, Deutsche Bahn, étant en train d’être privatisée ; les politiciens de l’UE se réunissant à Bruxelles pour décider de la meilleure façon de rattraper les efforts de privatisation des Anglais. L’opposition du gouvernement français, qui ne supporte pas l’idée que des entreprises non françaises puissent bientôt subvenir aux besoins de la population parisienne en lieu et place de la sacro-sainte SNCF, était prévisible. Le ministre communiste des Transports, Jean-Claude Gayssot se trouve exposé à de fortes pressions de la part des dirigeants syndicalistes.
    100 fois plus dangereux d’être piéton
    Bien qu’il soit tout à fait normal que les réformes anglaises soit examinées de près, de mauvais arguments ont été avancés lors des récents accidents.
    L’argument le plus important contre la privatisation des chemins de fer est ce bon vieux souci : la sécurité. En réalité, en Angleterre, prendre le train est près de six fois et demie plus sûr que de rouler en voiture, d’après les chiffres donnés par les analystes de l’agence gouvernementale Health and Safety Executive. Plus encore, selon cette même agence, il est près de cent fois moins dangereux de prendre le train que de marcher.
    « La sécurité des chemins de fer britanniques s’améliore d’année en année » affirme l’expert en transports Christian Wolmar. « Chaque décennie depuis la Seconde Guerre Mondiale a vu décroître le nombre des morts ; celui-ci est passé de 334 morts dans les années 1940 à 46 morts dans les années 1990 ».
    M. Wolmar rejette aussi l’idée que les trains anglais soient beaucoup plus dangereux que ceux des autres pays européens. Des chiffres souvent cités montrent que les trains britanniques sont classés en onzième position en Europe pour la sécurité, avec 0,36 morts pour un milliard de kilomètres. En France le nombre de morts par milliard de kilomètres est de 0,27, et en Allemagne il est de 0,31.
    La première remarque est que ces statistiques sont très proches et ne prouvent pas grand chose. De plus, il y a de fortes raisons de croire que les chiffres anglais exagèrent le nombre de décès dus réellement aux trains. Ces statistiques « comprennent les morts de gens ivres tombant sous les rails des trains, lorsqu’ils sont en possession d’un ticket » précise M. Wolmar. Les autres pays européens ne comptent que les décès dus aux déraillements et collisions.
    De plus, beaucoup de trains anglais sont utilisés régulièrement par des « commuters ». Ces services intensifs détériorent davantage le réseau que l’utilisation moindre qu’en font la France et l’Allemagne.
    En fait, la sécurité s’est probablement améliorée depuis la privatisation des trains. Ainsi, le nombre de signaux « passés avec danger » (l’équivalent de « griller » un feu rouge sur la route) est actuellement de 480 par an au lieu de 870 annuels pendant les six ans précédant la privatisation, d’après les derniers chiffres officiels. Le nombre de déraillements et de collisions a aussi considérablement diminué et moins de rails nécessitent réparation ou remplacement. A la mi-octobre 2000, le nombre de passagers avait augmenté de 30% depuis la privatisation, et la quantité de fret de 13%. Une économie en expansion et la congestion des autoroutes sont certes un facteur de cette croissance, mais de loin la majeure partie de ce boom est due aux bonnes stratégies de marketing et aux systèmes de prix novateurs proposés par les entreprises privées.
    Le legs de la nationalisation
    Cependant, les chemins de fer britanniques sont loin d’être parfaits, même sans les problèmes des derniers mois. Retards et annulations sont monnaie courante, et les employés presque aussi revêches que leurs confrères de la Deutsche Bahn. De bien des façons, les nouvelles entreprises ne sont que des microcosmes de l’ancien monopole. Il y a bien eu des changements cosmétiques (les employés portent des uniformes plus élégants que leurs collègues français, et les voyageurs se sont métamorphosés en « clients ») mais l’attitude générale reste désespérément bureaucratique. Bien que la sécurité se soit améliorée, l’index de ponctualité calculé par les régulateurs a chuté de 25% pendant les six mois précédant octobre 2000. Ceci explique pourquoi le temps n’est plus le sujet de conversation typique des anglais : nous nous plaignons maintenant du délabrement des trains…
    Le mauvais service, l’inconfort des voitures et le mauvais entretien des rails sont le legs de la nationalisation. Le gouvernement britannique a longtemps contrôlé les chemins de fer sans pour autant y investir grand chose. Contrairement à la France, où l’Etat a fait dépenser des centaines de milliards de francs aux contribuables pour les TGV, les chemins de fer Outre-Manche furent privés d’argent pendant au moins un quart de siècle. Comment quelques années de privatisation pourraient-elles réparer si vite les maux de plusieurs décennies ?
    En outre, la privatisation n’a pas été menée à son terme. Plutôt que de déréglementer entièrement les relations entre les nouvelles entreprises, les régulateurs ont gardé le pouvoir.
    Railtrack obtient la majorité de ses revenus à partir des frais imposés aux opérateurs qui empruntent ses réseaux ferroviaires. La première erreur économique des régulateurs a été d’imposer un système de tarification forfaitaire. Ce qui fait que 9% seulement des charges versées à Railtrack en 1998-99 tenaient compte de l’intensité d’utilisation, d’après le rapport annuel de l’entreprise. C’est à dire que Railtrack gagne la même somme, que l’opérateur fasse circuler cinquante ou cent trains. Rien ne motive donc l’entreprise, qui ne cherche pas à développer son réseau pour faire face à la demande. D’où des tensions avec les opérateurs dont les services profiteraient d’une amélioration de l’infrastructure.
    Les politiciens français devraient aussi considérer la deuxième grande erreur britannique : les opérateurs doivent payer des amendes dès que leurs trains accumulent du retard ; or les travaux sur les voies ferrées, dont ils n’ont pas le contrôle, contribuent à ces retards. Ils refusent donc de discuter l’amélioration et le développement du réseau avec Railtrack. Les travaux sont bâclés, menaçant la sécurité des passagers et ouvrant la porte à des accusations mal placées « d’échec du marché ». Il est clair que le temps de réparation des rails ne devrait pas nécessairement être pris en compte dans l’évaluation des retards d’un opérateur.
    La véritable solution libérale
    L’échec partiel des réformes britanniques est imputable au fait qu’elles ne sont qu’à moitié libérales. La France doit tenir compte des ces erreurs et véritablement privatiser son système ferroviaire si elle ne veut pas tomber dans le même piège. Seule une industrie fondée sur la propriété privée, sur la liberté des contrats et affranchie de toute réglementation étatique peut assurer le transport des passagers et des marchandises d’une façon réellement efficace et juste. » Allister Heath, économiste diplômé de la London School of Economics et de l’Université d’Oxford. Il est Directeur des Recherches à la European Foundation à Londres et écrit régulièrement pour des journaux internationaux

    • La question qui tue. Le train a-t-il encore une place pertinente comme transport collectif?
      Au XIX° c’était oui.
      Pendant le XX° le bus et l’avion on restreint le champ de rentabilité du rail, ce qui a entrainé des nationalisations.
      Le TGV est un non sens économique (a part Paris-Lyon). Le fret pris par le camion. Reste la région parisienne et son métro. Mais une mégapole comme paris n’existe que par le capitalisme de connivence (le pantouflage).
      Moralité; laissons le rail mourir et les acteurs économiques trouverons un transport rentable. VL 700 milliard.km.passagers Rail 100 Mrds.km.pas.

      • Le fret pris par le camion, vous rêvez. Le fret mal portant en France n’est pas dû au remplacement par le camion, mais à son organisation défaillante. Un train de blé, combien de camions ? Plus de 100 trains de charbon par jour sur une ligne chinoise, combien de camions ?
        Pour les voyageurs, tout le monde n’a pas le permis, les moyens d’entretenir une voiture avec une règlementation toujours plus coûteuse, de la conduire pendant des heures d’affilée à 80 km/h sur des routes mal entretenues pour quelques voyages par an, etc. Faites payer le juste prix pour chaque mode de transport, laissez les transporteurs libres de proposer ce qui leur paraît adapté à la demande, et vous verrez bien si le rail survit, je prends le pari que oui. Il est en tout cas certain que les chiffres actuels n’ont aucune signification, vu la manière dont les transports sont dirigés…

  • Autre thread sur la sécurité du rail britannique: https://threadreaderapp.com/thread/888327558428852224.html

    Quand au coût du billet en Grande Bretagne, les gens oublient qu’en France, les recettes de billetteries ne couvrent pas la moitié des coûts d’exploitation. 12 Mds de subventions annuelles (14 en comptant le régime spécial de retraite). Si les voyageurs francais payaient le vrai prix du voyage au niveau des billets, le coût du billet serait bien plus cher.
    En effet, il est normal d’avoir des billets moins chers vu que la SNCF est très subventionné mais ce que l’on ne voit pas c’est que l’on paie à travers nos impôts pour subventionner la SNCF.

    Concernant la privatisation des rails britanniques, une étude publiée en 2002 a montré que la privatisation avait conduit à réaliser des «gains d’efficacité importants» dans le secteur ferroviaire. http://eprints.whiterose.ac.uk/2468/1/ITS2117-restructuring_and_privatisation_1.pdf
    Les preuves démontrent que la privatisation des rails britanniques a profité aux passagers des chemins de fer, sinon aux travailleurs. Entre 1948 (lorsque le chemin de fer a été nationalisé) et 1993/94 (quand il a été privatisé), le nombre total de passagers-kilomètres a diminué de 11%. Toutefois, entre 1993-1994 et 2015-2016, le nombre de passagers-kilomètres a augmenté de 128%.

    La privatisation en GB n’est pas un échec mais ce n’est pas une privatisation qui a été faite de manière libérale. La privatisation a loin d’avoir été faite de la meilleure des manières. Voir les articles de Allister Heath http://www.telegraph.co.uk/news/uknews/road-and-rail-transport/11043581/To-put-the-railways-back-on-track-we-must-first-rip-out-the-waste.html
    La e privatisation de Major n’a jamais amené une concurrence significative. L’état britannique a créé des monopoles de franchises régionales.
    Malgré tout, on ne peut pas parler d’échec (il faut prendre en compte la situation d’avant la privatisation contrairement à la france l’état anglais avait délaissé pendant des décennies le rail britannique)

    http://www.telegraph.co.uk/finance/newsbysector/transport/11752232/Its-time-for-real-choice-for-our-rail-passengers.html
    La privatisation en GB a surtout consisté en une concession très encadrée. On est loin d’avoir fait une privatisation totale

    Ce que dit Alex Chisholm qui est directeur général, de l’Autorité de la concurrence et des marchés est très intéressant et rejoint ce que dit Allister Heath (à savoir la situation s’est amélioré mais il manque de concurrence):
    http://www.telegraph.co.uk/business/2016/03/08/a-more-open-market-is-the-way-to-get-britains-railways-back-on-t/
    Au Royaume-Uni la privatisation s’est faite avec une
    fragmentation verticale, dont un monopole privé accordé à une entreprise pour l’infrastructure ferroviaire, et a été accompagnée d’ingérences importantes de l’État, dont un contrôle des prix à tous les niveaux: http://libertarian.co.uk/lapubs/econn/econn091.pdf

  • Si même France info reconnait que le bilan est aujourd’hui positif: http://www.francetvinfo.fr/economie/transports/sncf/angleterre-bilan-de-la-privatisation-des-trains_2091013.html
    Meilleure ponctualité, meilleur confort, 44 milliards d’euros d’investissement en 5 ans …

    Privatiser c’est bien mais libéraliser c’est mieux. La privatisation doit s’accompagner d’une ouverture vers la concurrence. Certaines privatisations consistent en transformer un monopole public en monopole privé (où l’état par capitalisme de connivence s’arrange qu’il n’y ait pas de concurrence).
    Quand on juge une privatisation, il faut toujours regarder ce qui s’est passer avant. Car beaucoup de privatisations se font dans des contextes où les choses vont mal (infrastructures défectueuses,….). Alors, cela n’a pas de sens de juger la privatisation sans prendre en compte cela.
    La situation typique: l’état sous investit dans des infrastructures qui sont par conséquent en très mauvaise état. En raison de la très mauvaise situation, l’état privatise. Puis après les gauchistes viennent dire que c’est un échec, que les infrastructures ne sont pas bonnes en oubliant la situation d’avant.

    La plupart des privatisations présentés comme des échecs ne sont pas des échecs si on prends en compte la situation d’avant. Les privatisations permettent une amélioration de la situation mais bien entendu il ne s’agit pas d’une solution miracle.
    A noter que souvent, l’état a une lourde responsabilité si la privatisation s’est mal passée, si elle n’a pas été aussi bien que prévue (l’exemple typique c’est la privatisation a consisté en vendre le monopole public à un ami du politicien au pouvoir).

    • Vous mériteriez d’en faire un article complet, car là… c’est un peu trop long à lire sous forme de commentaire 🙂

  • Merci à l’auteur pour ce très bon article qui nous permet une fois de plus de démonter facilement toutes ces légendes urbaines toujours utilisées par les bolcheviques pour faire passer toutes leurs malhonnêtés, parfois même à la limite du criminel.

  • Les commentaires sont fermés.

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Le principe de privatisation n’est ni bon ni mauvais en soi. Ce sont les conditions de sa réalisation qui en font un bon ou un mauvais choix.

Multiplier les opérateurs sur les lignes hyper rentables, comme la compagnie espagnole Renfe sur le trajet Paris-Lyon-Marseille, par exemple, ne pourra jamais développer le rail sur le territoire national. Au contraire, affaiblir les recettes de la SNCF en la laissant seule gestionnaire des lignes locales et secondaires, est le meilleur moyen pour que ces dernières ne soient plus exploitées ou ne... Poursuivre la lecture

La nécessité de décarboner à terme notre économie, qui dépend encore à 58 % des énergies fossiles pour sa consommation d’énergie, est incontestable, pour participer à la lutte contre le réchauffement climatique, et pour des raisons géopolitiques et de souveraineté liées à notre dépendance aux importations de pétrole et de gaz, la consommation de charbon étant devenue marginale en France.

Cependant, la voie à emprunter doit être pragmatique et ne doit pas mettre en danger la politique de réindustrialisation de la France, qui suppose une... Poursuivre la lecture

Voilà maintenant quatre ans que le Royaume-Uni a officiellement quitté l'Union européenne. Depuis le Brexit, la Grande-Bretagne a connu trois Premiers ministres, et d'innombrables crises gouvernementales. Néanmoins, malgré le chaos de Westminster, nous pouvons déjà constater à quel point les régulateurs du Royaume-Uni et de l'Union européenne perçoivent différemment l'industrie technologique. Le Royaume-Uni est un pays mitigé, avec quelques signes encourageants qui émergent pour les amateurs de liberté et d'innovation. L'Union européenne, qua... Poursuivre la lecture

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