Rapport Spinetta : la SNCF déjà sur le pied de guerre

Le rapport Spinetta propose plusieurs pistes intéressantes pour redresser la situation à la SNCF. Mais ces pistes sont si abrasives pour les syndicats qu'en cas d'application, la probabilité d'un conflit dur est énorme.
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Rapport Spinetta : la SNCF déjà sur le pied de guerre

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 21 février 2018
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Pendant que la presse essaie d’occuper les esprits avec les petits borborygmes de Wauquiez qui visent à faire croire qu’une opposition de droite existerait encore en France, des informations vraiment pertinentes sont rapidement (et probablement volontairement) passées en arrière-plan. J’en veux pour preuve le peu de cas qui fut fait du rapport Spinetta qui aura nettement moins défrayé la chronique que les récentes guignolades des politiciens.

Pourtant, il y a matière à écrire tant ce fameux rapport contient de petites phrases à même de déclencher un joli prurit syndical.

Il faut dire que le sujet – la réforme de la SNCF !- est particulièrement propice à provoquer des crises internes à cette entreprise et externes au niveau de tout le pays. Quant au rapport, composé de deux parties, l’une consacrée au constat, l’autre aux recommandations, il ne ménage guère la pauvre société publique en dressant un bilan sans concession de la gouvernance actuelle, jugée assez clairement déplorable pour qui sait lire entre les lignes, ainsi qu’une analyse de sa situation économique qui serait dramatique si elle n’était pas déjà connue de tous : un coût stratosphérique pour un réseau nettement moins utilisé que chez ses voisins, un coût par passager transporté difficilement justifiable, nombre de petites lignes dramatiquement pas rentables, une absence franchement inquiétante de transparence sur sa gestion et sur ses méthodes d’évaluation des coûts, dont il apparaît que beaucoup trop sont le résultat de fonctions transverses d’administration, en comparaison avec ses concurrentes.

Au chapitre des recommandations, Spinetta propose par exemple d’abandonner les petites lignes coûteuses et les dessertes inutiles car fréquentées par un nombre trop faible de clients, de diriger l’essentiel des investissements sur les voies fréquentées pour en améliorer la sécurité ou de recentrer les lignes à grandes vitesses sur les trajets de trois heures ou moins là où la concurrence avec l’avion reste favorable au train.

Notons que la partie « fret SNCF » n’est pas oubliée avec de nombreuses recommandations pour revenir à la fois à l’efficacité opérationnelle (vaste programme !) et la rentabilité financière (de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace !).

Guillaume PepyEnfin, Spinetta préconise, en parfait accord avec ce qu’on a finalement toujours lu partout concernant cette entreprise, que s’instaure un dialogue stratégique entre le personnel et la direction. Ça ne mange pas de pain, et outre le fait que ça permet au passage d’égratigner Papy Pépy qui a clairement enterré toute velléité du moindre dialogue avec les syndicats maison, ça rappelle à quel point ce fameux dialogue promet d’être animé lorsqu’on arrivera au cœur du sujet, à savoir les réformes concrètes à mettre en place pour sauver le Titanic français des chemins de fer.

Inévitablement, devant cette liste de recommandations musclées, on pouvait s’attendre à des grognements plus ou moins gutturaux de la part de tout le personnel de la société concernée, habitué à l’immobilisme le plus bétonné. Il faudra y ajouter le remarquable travail de sape d’une partie de la classe journalistique qui ne trouve rien de mieux à faire qu’à – par exemple ici
agiter le spectre de la disparition du statut de cheminot pour déclencher le courroux syndical (quand bien même à peu près rien du statut n’est touché, comme la recommandation 33 en p.98 du rapport le laisse clairement entendre).

Il fallait de toute façon s’attendre à de la mauvaise humeur pour cette vieille dame incontinente des sous des autres. Mauvaise humeur qu’on verra probablement cristalliser sous la forme d’une de ces grèves dont la société a le secret, même si Papy Pépy, montrant une délicieuse déconnexion de la réalité, n’y croit pas. Apparemment, tout le monde ne partage pas son avis.

Bref : les syndicats sortent d’ores et déjà les griffes ; la direction a clairement choisi l’aveuglement ; le gouvernement ne pourra que tenter de ménager la chèvre qui gréviculte à fond et le chou qui continue de grossir sans se préoccuper de la trajectoire délétère prise par l’entreprise.

Culturellement, toute réforme et toute ouverture à la concurrence sont freinées des quatre fers par une entreprise si longtemps en situation de monopole qu’elle en a complètement oublié sa raison d’être, transporter correctement des clients (et non des usagés) d’un point A au point B ; au lieu de s’y préparer, elle renâcle, elle psychose, elle s’interdit même d’y penser, montrant assez clairement ce qu’on peut faire de pire en matière de sclérose industrielle. À ce titre, la comparaison de la France avec d’autres pays, où pourtant la concurrence règne, est dévastatrice.

Et si la SNCF, ce sont des douzaines de TGV, des milliers de kilomètres de lignes, des millions de passagers trimbalés tous les ans, c’est tout aussi concrètement et plus à propos,

  • des accidents ferroviaires graves soit par incurie, soit par une culture de plus en plus relaxe de la sécurité,
  • des dettes qui s’empilent un peu partout, les lignes ultra-rentables ne parvenant plus à éponger les pertes abyssalles partout ailleurs,
  • des grèves récurrentes et systématiques avec des revendications déconnectées de la réalité de terrain vécue par les Français,
  • un service qui, même lorsqu’il fonctionne « normalement » (c’est-à-dire sans la grève, sans accident mais en produisant quand même des dettes), empile les retards et démontre tous les jours une dégradation globale des prestations tant en quantité qu’en qualité.

Au centre du trio direction, syndicats et gouvernement, tous complices de cette gabegie lamentable qui dure depuis des douzaines d’années, on trouve le contribuable dont tout le monde se fiche presque ouvertement, qui finance ces pertes, ces transports médiocres, ces infrastructures mal entretenues, ces services dégradés, ces retards pléthoriques.

Selon toute vraisemblance, ce contribuable – qui a déjà financé le rapport Spinetta – devra aussi financer la prochaine grève qui se profile, le prochain bras de fer qui s’annonce entre les salariés de l’entreprise publique, sa direction et le gouvernement, et devra se contenter du bricolage qui ressortira de la lutte qu’on sait déjà âpre, tant est faible la probabilité qu’un peu de courage apparaisse au sein du gouvernement.

Forcément, tout ceci va très bien se passer.

Et bing le train !
—-
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  • Guillaume P…? P ? Ah oui Pépin ❗

    Usagés, j’aime bien l’expression 🙂

    • Usagés usés par l’usage…

      • Le courrier des lecteurs du journal régional de mon coin a publié une lettre dont l’auteur s’offusquait d’avoir été qualifié d' »usager » par une Administration. Quand un vocabulaire défaillant rejoint une orthographe défaillante…

        • Ici, la faute est volontaire, et subtile, c’est pourquoi je l’ai relevé, mais pas en tant que faute. Oui, les usagers sont usés. C’est la contraction de 2 mots. Joli 🙂

  • Rapport Spinetta, ancien Pdg d’Air France, sur la sncf
    Rapport Gallois, ancien Pdg d’Airbus, sur la compétitivité
    Aller Pepy, une fois écarté, un rapport sur quoi que ce soit et tu resteras dans les petits papiers de l’État.

  • Chaque fois que je reviens de Tokyo et que je prends le RER j’ai l’impression de me trouver dans un train en Thaïlande ou au Sénégal, ça veut tout dire.
    La ville de Tokyo qui va accueillir en 2020 les OJ est en train de construire la nouvelle gare de Shinagawa à partir de rien avec une connexion vers l’aéroport d’Aneda rénovée (c’est un monorail ancien) et de nombreuses gares sont en complète rénovation. Si un train au Japon arrive avec 30 secondes de retard ou part avec 30 secondes d’avance, le chef de la station s’excuse platement auprès des clients. Certes la JR (Japan Rail) est endettée parce qu’elle doit maintenir des lignes déficitaires mais la qualité remarquable du service public et partiellement privé du système ferroviaire japonais reste unique au monde. Que Spinetta et d’autres bureaucrates aillent voir un peu comment ça se passe au Japon ils seront scotchés.

    • Ils seraient bien allés, mais ils ont pris le train pour aller à Roissy et donc ils ont raté l’avion.

      • Ils seraient arrivés à l’heure, ils auraient eu affaire à une grève d’Air fRance. S’ils avaient loupé la possibilité de grève d’Air fRance, ils avaient une seconde au grattage, avec une grève des contrôleurs aériens…

        • Quand ils claquent 300.000 euros pour aller au Japon, ils arrivent à l’heure ? A ce prix-là, il y avait une escorte de Mirage IV de la Police Nationale jusqu’à la frontière, au moins, non ?

          • Selon lessentiel : La police grand-ducale a officialisé l’été dernier l’achat de deux Tesla S. Selon le constructeur, la voiture de 700 ch est capable de passer de 0 à 100 km/h en 2,7 secondes et peut atteindre la vitesse de 200 km/h. Quant à l’autonomie, elle est évaluée entre 500 et 600 km.

            Avec cela Micron est certain d’arriver à l’heure devant le grand duc… Pour la très modique somme de 242.880 euros, une paille pour un socialiste…

  • Compte tenu des moyens alloués au C.E. et aux organisations syndicales, ceux-ci pourraient peut-être envisager un voyage d’étude au Japon ?…Je plaisante !
    Le syndrome de Notre-Dame des Landes reste frais dans les mémoires…
    Courir le froc baissé, ‘n’est pas chose aisée !

  • Cependant ce n’est la SNCF qui décide des lignes et trains mais l’État (ex les TGV achetés à Alstom par Valls, tout en les sachant inutiles). Il faudrait que l’État redéfinissent avec les citoyens les réels besoins en transport train bus cars voitures camions etc, puis définir qui doit payer et quelle part (État, collectivités, voyageurs, salariés, entreprises). Mais une telle réflexion demanderait du temps, donc comme pour les retraites nos gouvernants chamboulent tout inefficacement et de façon inadaptée, ainsi le nouveau boulet est pour le suivant. Au Japon c’est différent car si leur gestion était comme la notre leur pays serait asphyxié d’immobilisme depuis longtemps.

    • @Parcoureur

      « Il faudrait que l’État… »

      Il faudrait que l’état revienne à un périmètre régalien et cesse d’empiéter sur ce qui devrait être du domaine privé.
      Il faudrait également que les citoyens cessent de réclamer « Il faudrait que l’État … »

      • Peut-être, or comme les autoroutes les voies ferrées sont déjà créées. Aussi il faudra une bonne réflexion pour bien partager le gâteau entre l’État et entreprises privées et dans le sens des besoins réels des usagers. Vaste programme où seuls des experts impartiaux devraient œuvrer.

        • @Parcoureur
          Bonsoir,
          L’Etat n’a pas à toucher au gâteau. A force il est devenu obèse, malgré les « manger bouger »  » mangez 5 fruits et légumes par jour », lui, ne veut que du gâteau, et il en veut beaucoup : du coup il en mange 54%.

  • Les media sont trop occupés à descendre la droite, Wauquiez après Fillon, y compris l’américaine en la personne de Trump, pour se renseigner et informer leurs lecteurs. Ils sont payés par Macron et roulent pour lui.

  • J.C. Spinetta un homme de gauche qui a fait un rapport très modéré avec des propositions qui ne sont pas une révolution. Obligé d’agir devant la situation catastrophique de la SNCF et devant un mécontentement puissant des Français, E. Macron va devoir bouger beaucoup, pour changer peu. Faire croire que l’on réforme mais surtout ne pas bousculer la gauche et les syndicats.

  • Cela fait maintenant 44 ans, c’est à dire depuis l’avènement de l’enarque Giscard le fat, que la SNCF propose un service déclinant pour un tarif de plus en plus élevé.

  • Les trains sont ce qu’il y a de plus pratique et de plus confortable. Les cars sont une ânerie! Il est stupide d’arrêter les petites lignes de train qui sont très utiles hors de l’île de France. De même, le fret ferrovière devrait être privilégié. Pour aller de certaines grandes villes a

  • aux aéroports parisiens, on est obligé de prendre une navette ou alors de passer des heures (jusqu’à 6) dans un car ou dans différents trains avec changements de gare et RER. Evidemment, il y a toujours la voiture et le parking aéroport payant! Alors, des petites lignes (existantes mais non utilisées) seraient franchement bienvenues!

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