Notre-Dame-des-Landes : la victoire du « en même temps » ?

Notre-Dame des Landes : pourquoi les négociations ont échoué ? Qu’aurait-il fallu faire ?

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Notre-Dame-des-Landes : la victoire du « en même temps » ?

Publié le 23 janvier 2018
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Par Michel Ghazal.

Après plus de 50 ans de polémiques qui ont empoisonné la vie politique et divisé la région entre les partisans d’un nouvel aéroport et ceux de l’extension de l’aéroport existant, le dossier de l’aéroport de Notre-dame-des-Landes vient d’atterrir… hors piste.

En effet,  le gouvernement a pris la décision politique d’abandonner le projet de construction et ceci malgré 179 décisions de justice favorables et un référendum local au résultat indiscutable qui avait débouché sur la victoire par 55,17 % des partisans du transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de NDDL.

 

Reculade ou sagesse ?

Pour sortir de l’impasse, le gouvernement a-t-il reculé face à une minorité de zadistes (les 200 occupants permanents de la ZAD répartis sur 95 squats et les quelques 200 personnes qui la fréquentent régulièrement) qui ont entrepris une action illégale et parfois même violente d’occupation et ont fini ainsi par s’imposer à une majorité ?

Or, si dans une démocratie la décision de la majorité doit demeurer la règle, gardons à l’esprit que l’histoire recèle de multiples exemples où une minorité agissante combattue à un moment donné peut être acclamée après coup pour avoir anticipé un changement inévitable. Peut être est-ce le cas des opposants à NDDL aujourd’hui minoritaires qui auraient décelé avant les autres la réponse inappropriée au besoin de ce projet d’aéroport.

Dans ce cas, le gouvernement qui se devait de trancher aurait réussi enfin à adopter une attitude sage et conciliatrice reposant sur le postulat que le monde est complexe. Comment arrêter le cycle des débordements violents sans user soi-même de la violence ? Cette attitude du « en même temps » suppose de sortir de l’espace du « ou » simplificateur pour rentrer dans l’espace du « et » plus propice à la résolution de problème car moins stigmatisant.

 

Large soutien populaire du gouvernement

En effet, ceci permet de reconnaître que les versions et les sentiments des uns et des autres comptent et possèdent une valeur.

Vous pouvez penser avoir raison ou vous sentir trahi et l’autre partie peut ressentir exactement la même chose. Il convient de noter que selon le sondage Odoxa pour Le Figaro, 76 % des Français approuvent le choix du gouvernement.

L’attitude du « en même temps » du Président Macron a souvent été moquée ou même considérée comme hypocrite. Et pourtant, elle dénote de sa part une volonté de prendre en compte la réalité de l’autre sans pour autant abandonner la sienne. Son attitude à l’égard de Trump l’illustre parfaitement.

En effet, il vante « sa très bonne relation personnelle » avec le président Américain tout en marquant les divergences qu’il peut avoir avec son homologue sur le nucléaire iranien et la lutte contre le changement climatique, ou sa différence d’approche dans l’usage de Twitter dans sa communication. « Je ne tweete pas moi-même… car cela n’est pas compatible avec la distance qu’il faut pour gouverner et présider ».

Face à cette décision difficile, hormis les Zadistes qui ont clamé leur victoire, même le courant écologiste représenté aujourd’hui par le ministre Nicolas Hulot a évité de verser dans le triomphalisme. Ce dernier a déclaré que « c’est la moins mauvaise des solutions qui a été retenue ». Il s’est empressé d’ailleurs d’ajouter « qu’il n’a pas mis en jeu sa démission du Gouvernement pour l’obtenir ».

En tout état de cause, cette décision implique l’ouverture de multiples chantiers de négociations et de médiations diverses avec des interlocuteurs variés et parfois difficilement identifiables.

Il s’agit, dans un premier temps, du paiement des indemnisations et compensations à accorder à Vinci et autres industriels qui avaient signé des contrats avec les autorités, la réouverture à la circulation de la route des chicanes obstruée depuis plus de cinq ans, la restitution des 1650 hectares de terres agricoles aux anciens propriétaires expropriés de manière volontaire ou contrainte, la libération des terres agricoles occupées ou même exploitées illégalement etc.

Dans un deuxième temps et pour compenser cet abandon, le lancement des travaux de modernisation et d’agrandissement de l’aéroport de Nantes-Atlantique pour répondre à l’accroissement du nombre de passagers et fluidifier le trafic des avions au sol, le développement de la plateforme rennaise, la mise en place d’un plan contre la gêne sonore et l’exposition au bruit etc.

 

Comment conduire ces négociations dans le respect des intérêts de l’État ?

  • en montrant qu’il ne transige pas sur la légalité,
  • en ne dilapidant pas l’argent du contribuable,
  • en ne créant pas de précédents par rapport à une cinquantaine de dossiers contestés dont 12 extrêmement sensibles et potentiellement explosifs (le site d’enfouissement de déchets radioactifs à Bure, le méga transformateur de Saint Victor et Melvieu dans l’Aveyron ou celui du contournement Ouest de Strasbourg etc.),
  • en ne provoquant pas de nouvelles résistances et oppositions à l’occasion du lancement des nouveaux travaux pour répondre aux promesses de croissance espérée par les clients et les entreprises,
  • en réussissant à dépasser le sentiment de piétinement des décisions de justice et du vote des habitants et, son corollaire, qu’il a capitulé et reculé devant une minorité face à une majorité qui se sent flouée, abandonnée ou sacrifiée sur l’autel de la pseudo-écologie…

 

Une tâche laborieuse

C’est Mme Nicole Klein, Préfète de Loire-Atlantique, qui est chargée de mener les négociations pour organiser le départ des zadistes et le retour des expropriés.

La tâche est laborieuse mais pas impossible si elle parvient à manier la fermeté sur les intérêts non négociables tout en jouant la carte de l’apaisement avec les différentes parties prenantes. Il s’agit surtout de trouver les bons interlocuteurs avec lesquels négocier, tant les Zadistes sont composés de profils très variés.

Une délégation composée de deux d’entre eux, non encore désignés, et des représentants des associations historiques opposées au projet va être constituée. Il s’agit là d’une étape indispensable. Mais les questions principales qui se posent à présent : quel va être le coût final de cet abandon et combien d’années faut-il pour mettre en place les nouvelles solutions ?

Pour un décryptage des arguments et des intérêts des partisans et ceux des détracteurs à ce projet et du gâchis engendré par l’incapacité de négocier des précédents gouvernements, je vous invite à lire mon article daté du 29 avril 2013 sur ce sujet. Vous y découvrirez la prédiction que j’avais faite sur le sort de cet aéroport.

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  • Si l’évacuation de la zad avait précédé l’annonce de ‘abandon du projet , ça aurait eu plus de gueule.
    Et bien sûr en acceptant l’interventionnisme de l’état dans l’économie.
    « Ne pas dilapider d’argent public… » sympathique sur la forme mais sur le fond , ça signifie quoi?
    « dilapider. Dépenser de l’argent avec excès et avec désordre « 

  • le cout total? impossible de le savoir maintenant ,nous savons que ce qui c’est passer va couter 400 a 450 millions, quand aux prestataires vinci a deja annonçé la couleur ce sera 350 millions pour les autres ??

  • j’attends de voir comment l’Etat va régler le problème des « agriculteurs/éleveurs/commerçants » qui disent vouloir rester et ne pas etre soumis aux contraintes étatiques pour l’élevage et le commerce d’animaux (vivants ou morts) payer taxes et charges comme tout citoyen bref ne pas laisser 1 200 ha de territoire hors des lois de la république comme le demandent les Zadistes. A mon avis, nous avons là un 2ème Larzac où le « non droit » perdure depuis les années 1980.

  • « en ne dilapidant pas l’argent du contribuable »

    Je pensais que c’était une habitude d’état.

  • On sent bien le changement non?
    Cela avait déjà eu lieu dans le Larzac?
    Gouverner c’est prévoir, enfin pas plus loin que demain.
    A quelques kms, on a le fleuron de l’aviation européenne , qui engrange de belles commandes, même le président se mue en VRP pour l’occasion(vrai qu’il y a là un vrai changement)
    Serait-ce que les chefs d’industrie, et au passage le président pensent que l’avion a un bel avenir?
    En tout cas, cela va à l’encontre du discours des « penseurs » de la ZAD, et de la mouvance verte qui gravite autour, et leur sert de caution(on voit Mme Michu locale enfiler ses bottes pour prêter la main au nettoyage des crasses dans un bel élan citoyen)
    Tous ces jolis avions, et airbus n’est pas la seule entreprise a engranger de belles commandes, ils vont bien voler et atterrir quelque part non?
    Dès lors les prévisions d’augmentation de trafic ne sont pas plus irréalistes que celles des détracteurs.
    Or le nantes actuel est en ville
    il pourra certes supporter des augmentations de trafic, mais à terme, si la progression de trafic suit la courbe actuelle, on va vite se retrouver dans l’impasse
    par exemple, un autre aéroport en ville

    http://www.levif.be/actualite/belgique/une-extension-de-l-aeroport-de-zaventem-menace-les-communes-voisines/article-normal-787459.html

    si en Belgique, on ne voit pas trop comment déménager l’aéroport, du fait de la densité de population, on avait ici l’occasion d’éviter de se retrouver dans ce genre de situation dans 15,20 ans?
    Et ,une fois l’aéroport construit à l’écart de l’habitat, on aurait eu la main mise pour empêcher toute nouvelle implantation d’habitat dans le périmètre
    J’ai entendu que le fameux rapport qui a servi à la décision, a un chapitre qui ne dit pas autre chose
    En attendant, les habitants de Nantes et ses environs se verra distribuer des boules quies, et pour les particules, le vent s’en chargera

    • Quand le principe des hubs régionaux sera validé, il sera temps de solliciter les contribuables de la zone pour avoir leur avis.

    • Il suffira de développer le décollage vertical des avions. Comme ça plus aucun survol basse altitude des villes, plus aucune nuisance sonore.

    • je dois dire que faire le représentant pour airbus et lutter contre les énergies fossiles me pose question.
      acheter des avions mais ne volez pas avec….

  • Article intéressant, mais qui part quand même d’un présupposé bizarre : les zadistes seraient des interlocuteurs légitimes à exiger une négociation, alors qu »il s »agit d’individus qui occupent un territoire qui ne leur appartient pas, sans droit ni titre, et qui usent de tous les moyens, y compris let surtout a force, pour faire valoir leurs idées.
    Que l’Etat se déculotte devant une centaine de hippies et autant de punks à chien au lieu d’utiliser « son monopole de la violence légitime » pour les dégager d’un lieu où ils n’ont rien à faire montre sa déliquescence et son incapacité à assurer ses fonctions régaliennes.
    Il est vrai qu’il est plus paisible et moins risqué, médiatiquement y compris, de persécuter d’affreux délinquants coupables de rouler à 52 km./h au lieu de 50 ou de fumer une clope dans un ber (deux exemples au hasard parmi des milliers d’autres) plutôt que d’oser aller faire preuve d’un peu de fermeté face à un troupeau de casseurs…Vu et revu, hélas…
    Il est vrai aussi que si le gauchiste vivant est pénible, le gauchiste mort, y compris en balançant des cocktails molotov sur les forces de l’ordre devient aussitôt un martyr, une icône dont le combat doit être sanctifié sur le champ.
    Quel manque de courage, et quel aveu d’impuissance…

  • « Or, si dans une démocratie la décision de la majorité doit demeurer la règle, gardons à l’esprit que l’histoire recèle de multiples exemples où une minorité agissante combattue à un moment donné peut être acclamée après coup pour avoir anticipé un changement inévitable »
    Cela n’est vrai qu’à condition que cette minorité agissante rencontre l’assentiment général de la population du pays. Ce sont ces deux éléments qui expliquent la décision du gouvernement, qui a su prendre le pouls de l’opinion publique.
    Faire construire l’aéroport quand le pays entier était contre, quand les gens concernés (ceux du grand ouest, pas uniquement ceux du 44) étaient contre, aurait été suicidaire.
    Les zadistes, minorité agissante, l’ont emporté, parce qu’ils avaient, derrière, en soutien embusqué, la majorité des Français.

    • me demande quel aurait été le score si on avait demandé aux français si l’état n’est pas, et n’était pas en devoir préalable à toute reculade, de virer les « agissants verts »?( enfin multicolores, car il y une foule d’idéologies dans ce marécage)

  • Il n’y a qu’à classer maintenant la zone en terrain militaire et laisser ces derniers prendre possession des lieux…

  • Les commentaires sont fermés.

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