36 stratagèmes avant l’orage

Le « Livre des 36 stratagèmes » est en fait un ensemble de modèles de ruses qui permettent de gagner.

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36 stratagèmes avant l’orage

Publié le 27 octobre 2022
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J’avais déjà évoqué la différence entre l’approche occidentale de la stratégie, comme l’action d’une volonté qui met en œuvre les moyens pour son exécution, et l’approche chinoise dont parle François Jullien dans son « traité de l’efficacité ». Cette approche chinoise, puisée dans les anciens traités chinois du IVe siècle, consiste à comprendre le « potentiel » d’une situation pour l’exploiter avec persévérance au travers des circonstances rencontrées, et ainsi réussir à « vaincre sans combattre », formule que l’on trouve déjà dans L’art de la guerre de Sun Tsu.

Deux voies sont proposées par Sun Tzu :

  • Limiter les exigences de votre adversaire en recourant à des négociations diplomatiques,
  • Réduire la force de votre adversaire en recourant à la stratégie et l’affaiblissant de l’intérieur.

 

Ainsi la stratégie est ce qui permet d’agir sans recourir à la force. En d’autres termes, il s’agit de vaincre avec sa tête plutôt qu’en usant de la force.

Ces textes qui s’appliquent aux stratégies de guerre sont devenues, grâce aux auteurs contemporains qui les ont exhumés et commentés, des boussoles pour les stratégies concurrentielles des entreprises, et même des guides pour nous aider à traverser les étapes de la vie.

C’est pourquoi il est toujours utile de les évoquer pour faire réfléchir les Comités de Direction en recherche de stratégies et de mouvements, et qui voudraient utiliser leurs têtes plutôt que la force.

 

Le livre des 36 stratagèmes

Un autre texte référent dans ce registre est le fameux Livre des 36 stratagèmes que l’on peut ouvrir régulièrement lorsque l’on s’interroge sur les meilleures stratégies à suivre pour une entreprise ou une start-up qui veut bousculer le jeu concurrentiel d’un secteur.

L’ouvrage écrit par un anonyme est un véritable traité de stratégie, écrit au cours de la dynastie Ming (1366 à 1610).

Cette conception de la stratégie consiste à perturber l’entendement de « l’ennemi » et à altérer sa vision. C’est cette action de « tromper les autres » qui s’appelle stratégie. Les 36 stratagèmes sont en fait des modèles de ruses qui permettent de gagner.

Il ne s’agit pas de choisir un stratagème et de s’y tenir, ni de piocher au hasard. L’ouvrage considère le monde comme un champ d’énergie dynamique, au mouvement et au flux continus, dans lequel les circonstances peuvent appeler une stratégie à un moment donné, puis une autre après, en fonction des changements dans l’environnement. Sachant qu’une stratégie peut elle-même entraîner des changements dans les stratégies des autres, et donc inspirer une nouvelle stratégie.

Les 36 stratagèmes sont répartis en 6 fois 6 dans six stratégies génériques :

  • Stratégies de victoire au combat : même si l’on possède une puissance supérieure vous ne devez pas vous persuader que les chances de victoire ne sont que de votre côté. Un moment de négligence peut entraîner une défaite irrévocable.
  • Stratégies d’engagement contre l’ennemi : lorsque vous vous engagez dans des hostilités contre l’ennemi, vous ne devez montrer aucune faiblesse. Il s’agit de tirer avantage de la faiblesse de l’ennemi, et de planifier l’extension de votre base.
  • Stratégies d’attaque : dans une situation où la bataille implique de faire face à un adversaire supérieur en nombre, vous devez éviter de vous lancer tête baissée dans le combat. Ce sont les ruses qui font gagner. Excellent chapitre pour les start-up.
  • Stratégies des situations ambiguës : lorsqu’attaque et défense s’enchaînent au rythme d’un pas en avant, un pas en arrière, et que l’issue de la guerre devient incertaine, vous devez élaborer une nouvelle stratégie ou tactique pour vous assurer de la victoire. C’est la souplesse qui permet de gagner sur la fermeté.
  • Stratégies des batailles unifiées : lorsque des pays alliés s’unissent pour combattre, il ne faudrait pas s’en remettre exagérément à ces nouveaux partenaires sous prétexte qu’ils sont des alliés. Vous devez user de fermeté pour conserver votre position de leader et commander d’une main de fer. Voilà six stratagèmes pour bien gérer ses alliances et partenariats, constituer des équipes et des groupements.
  • Stratégies d’une défaite annoncée : même lorsque vous vous retrouvez dans une situation désespérée, il n’est pas conseillé de vous résigner à combattre jusqu’à la mort. Partout où il y a une volonté, il y a une solution. Dans les situations désespérées il vaut mieux fuir : une retraite judicieuse aujourd’hui peut amener la victoire demain.

 

Toutes ces stratégies, on le comprend, sont faites de prudence et d’anticipation. Avec toujours un balancement entre le Yin et le Yang du livre du Yi King.

L’édition des Éditions Budo comprend les analyses et les exemples d’application, y compris dans le monde moderne, de Hiroshi Moriya, Japonais spécialiste de la culture et de la philosophie chinoises. Cela ajoute à la compréhension des 36 stratagèmes.

 

Ainsi le stratagème 27 (dans la série des stratégies des batailles unifiées) est-il une bonne façon d’aborder les négociations de toutes sortes :

« Feignez la stupidité, ne soyez pas inconséquent : feignez un manque de connaissance et abstenez-vous d’agir, plutôt que de vous dissimuler derrière un savoir de façade et d’agir à tort et à travers. Restez tranquille et ne révélez pas votre intention. Les nuages et le tonnerre annoncent la naissance (ou la difficulté du commencement) ».

Dans cet énoncé du stratagème, la fermeté (Yang) et la souplesse (Yin) sont entrelacées à la naissance (appelée aussi la difficulté du commencement) comme quand on aborde une confrontation d’idées ou d’arguments. C’est ce moment où les nuages et le tonnerre accumulent leur énergie en attendant le moment propice pour déclencher l’orage.

Stupidité signifie ici « bêtise », alors que « se montrer inconséquent » signifie être fou, et donc « ne pas être inconséquent » signifie faire preuve de bon sens.

C’est donc en faisant preuve de bon sens, et en exerçant tout son talent en se parant des attributs de la bêtise, que ce stratagème est mis en œuvre.

Comme le commente Hiroshi Moriya :

« La clé du succès réside dans la qualité de la performance de la personne qui feint la stupidité ».

On peut aussi trouver dans ce stratagème un art d’écouter sans jugement les paroles et arguments de notre interlocuteur, pour être capable de répondre et de poursuivre la conversation sans agression, pour se donner l’énergie nécessaire, et non « agir à tort et à travers ». Une bonne façon d’utiliser nos oreilles de girafe.

Preuve supplémentaire que les 36 stratagèmes, c’est aussi du travail pour préparer l’énergie des nuages et du tonnerre avant de déclencher l’orage.

Au travail.

 

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