Énergie renouvelable : science économique versus discussion de comptoir

Sans chiffres, un débat économique tourne vite à la discussion de comptoir. Avec les chiffres, ce n’est pas gagné non plus ! Encore faut-il les soupeser avec circonspection avant d’en tirer des conclusions.

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Énergie renouvelable : science économique versus discussion de comptoir

Publié le 25 février 2017
- A +

Par Fabrice Houzé.

« Un économiste peut commettre deux erreurs, la première consiste à ne pas calculer et la seconde à croire en ce qu’il a calculé. »

C’est ainsi que Michał Kalecki, économiste polonais précurseur de John Maynard Keynes, soulignait sur le ton de la plaisanterie deux erreurs économiques répandues.

Sans chiffres, on peut tout dire et son contraire

La première erreur d’un économiste consiste à ne pas se confronter aux chiffres. Intéressons-nous à l’effet d’une baisse des taux d’intérêt, comme celle qui est mise en œuvre par la Banque centrale de la zone euro depuis la crise de 2008. Sous prétexte que rémunérer faiblement le capital décourage l’épargne dans les livrets et l’assurance-vie, elle est supposée favoriser la consommation (et par là, croissance et emploi). Pourtant, l’argument opposé semble tout aussi valable : puisque l’épargne sert essentiellement à obtenir un complément de revenu à la retraite, la baisse de la rémunération du capital peut pousser à épargner davantage.

Examinons ce que nous disent les chiffres sur la période 2007-2015 où le PIB de la France a stagné. En pratique, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il tonne, la consommation annuelle des ménages est restée inchangée, autour de 55 % du PIB. Comme pour le taux d’épargne, resté stable autour de 9 %. En revanche, la dette brute des ménages a grimpé de 96 % à 108 % du revenu. En définitive, la baisse des taux n’a poussé les Français ni à consommer plus, ni à épargner plus, mais tout simplement à en profiter pour investir dans l’immobilier, en empruntant davantage sur plus longtemps. Pendant ce temps, le nombre des propriétaires n’a pas augmenté : ces achats ont donc porté sur des résidences secondaires et principales plus spacieuses.

Avec les chiffres, on peut encore se tromper

Intéressons-nous à la deuxième erreur possible des économistes : croire aveuglément en ce qu’ils ont calculé. Par exemple, pour la première fois en 2015, la puissance installée en énergies renouvelables a dépassé 50 % de l’ensemble des nouvelles capacités électriques. Autrement dit, pour faire face à l’augmentation de la consommation d’énergie mondiale, on aurait construit autant d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques que de centrales à gaz et à charbon.

Pour commencer, contrairement aux centrales thermiques qui tournent jour et nuit, avec ou sans vent, l’éolien et le photovoltaïque ne sont exploités qu’à hauteur de 15 % de leur capacité maximale en moyenne. C’est-à-dire qu’il faut diviser par 6 la capacité apparente des énergies renouvelables pour obtenir la production réelle. Par ailleurs, l’électricité représente un quart de l’énergie que nous consommons, à côté du chauffage, du transport et de l’industrie. Il faut donc encore diviser ce chiffre par 4. Finalement, les énergies renouvelables ont fourni 3 % de la seule augmentation de la consommation totale. Il y a de quoi relativiser l’éclatant succès affiché pour l’éolien et le photovoltaïque…

Sans chiffres, un débat économique tourne vite à la discussion de comptoir. Avec les chiffres, ce n’est pas gagné non plus ! Encore faut-il les soupeser avec circonspection avant d’en tirer des conclusions.

 

 

 

 

 

 

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Créer un compte Tous les commentaires (8)
  • Pour ne pas en rester au niveau discussion de comptoir et éviter des présupposés tels que  » contrairement aux centrales thermiques qui tournent jour et nuit, » on peut noter que le facteur de charge des centrales charbon allemandes ets de 40% et celui des centrales gaz allemandes est de 26 %
    bref, des chiffres et pas des idées recues

    • Facteur de charges des centrales allemandes et aussi agrégateurs pour les années à venir.

      Pas de doutes avec des automne / hiver comme on vient d’en connaître, avec une politique de développement massif des EnR, alors charbon et lignite pour pallier vent et soleil et là on verra côté chiffres….

      http://www.actu-environnement.com/ae/news/marche-capacite-operationnel-2017-27841.php4

      « Ouverture du marché aux capacités étrangères en 2019
      Enfin, à la demande de la Commission européenne, le marché de capacité sera ouvert aux producteurs et opérateurs d’effacement basés dans les pays riverains à partir de 2019, après modification du décret de 2012. Des réflexions avaient déjà été engagées par les autorités pour aller dans ce sens, mais à plus long terme. « Les exploitants étrangers pourront valoriser la disponibilité de leurs centrales à condition d’obtenir des tickets de passage aux interconnexions », explique Thomas Veyrenc. La capacité attendue de l’interconnecteur aux heures de pointe est d’environ 7 GW, précise la Commission. »

      http://www.euractiv.fr/section/energie/news/lue-prepare-un-paquet-energie-plus-fossile-que-renouvelable/

       » Une subvention déguisée au charbon ?
      La généralisation des mécanismes de capacité, un dispositif déjà présent dans plusieurs pays européens, comme la France et le Royaume-Uni, et qui permet de rémunérer les capacités de production non utilisées, fait notamment débat.
      Le dispositif permet en effet de subventionner les centrales utilisant des énergies fossiles, au grand dam des ONG environnementales. Or, dans le nouveau règlement sur le marché intérieur de l’électricité, et plus précisément dans son article 23, l’absence de limite d’émission de CO2 pour les nouvelles capacités de production crée potentiellement une subvention pour les nouvelles centrales à charbon.
      « Je ne comprends pas pourquoi on ouvre la porte aux mécanismes de capacité, parce qu’on est déjà en surcapacité en Europe. La solution des Allemands, qui est de faire des « réserves stratégiques », est plus pertinente : avec l’interconnexion des marchés, il n’est pas nécessaire de garder des capacités de production non utilisées partout en Europe », s’insurge l’eurodéputé vert Claude Turmes.
      Le gouvernement polonais prépare actuellement son propre mécanisme de capacité, qui devrait être très proche de ce qui existe au Royaume-Uni. Un copier-coller qui permettra de passer sans encombre l’embûche de la réglementation européenne sur les aides d’État, puisque la DG Concurrence a déjà validé le modèle britannique. Mais contrairement au Royaume-Uni, le pays pourrait tout à fait l’utiliser pour des centrales à charbon.
      « Si la Pologne construit de nouvelles centrales à charbon, la crédibilité de la Commission est en jeu. Pourquoi le commissaire au climat autorise cela ?» s’interroge Claudes Turmes, à Marrakech. »

      Et les chiffres de CO2, de fines particules ???

      Pourquoi le gaz moins polluant est-il moins utilisé que le charbon, d’après vous !?

      • On peut aussi se poser la question de quels investissements pour compenser la perte de production liée au grand carènage, comment les rémunérer et quel est leur avenir à la fin du grand carènage.
        Les mécanismes de capacité sont ils dans ce cas une bonne solution ?

    • Pour être parfaitement complet on aimerais bien savoir pourquoi ces centrales on un facteur de charge si bas? pour l’éolien et le solaire on comprend bien pourquoi mais là…En toute logique les taux de charge devrait être de l’ordre de 80-90% et seulement à cause de la maintenance.

      • Si on prend l’exemple Francais, la consommation varie entre le maxi et le mini d’un facteur proche de 4
        de plus de 100 GW à moins de 30 GW.
        La consommation n’étant pas constante, la production ne peut non plus être constante. La consommation est aussi en France très fortement dépendante de la température.
        Les pointes extremes de consommation ne durent que quelques heures par an, il faut néanmoins des moyens de production pour assurer ces quelques heures (typiquement des centrales fioul qui ne coutent « rien » à construire mais qui ont un carburant cher)
        On peut rajouter à cette gestion déja complexe le fait que la ressource hydraulique est assez variable suivant les années.
        L’auteur de cet article semble pourtant négliger ces problèmes cruciaux

  • En effet a vous écouter le facteur de charge des autres centrales sont de 100%. Regardez les facteurs des centrales nucléaires françaises et des centrales cas !

  • Vous semblez ne pas comprendre le pourquoi du faible taux de charge des centrales gaz ou charbon…. Vous ne comprennes donc rien aux problèmes énergétiques.
    Je ne développe pas, vous n’êtes pas capables de comprendre que chaque source à un usage spécifique.

  • Les commentaires sont fermés.

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