Faire converger les retraites ? Oui mais dans quel sens ?

Dans sa dernière étude annuelle sur les retraites, l’OCDE pointe l’iniquité que constituent les régimes spéciaux de retraites des fonctionnaires. Elle appelle de ses vœux leur alignement avec le privé.

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Faire converger les retraites ? Oui mais dans quel sens ?

Publié le 21 janvier 2017
- A +

Par Nicolas Marques.
Un article de l’Institut économique Molinari

Faire converger les retraites ? Oui mais dans quel sens ?
Richard Riley-Old People Sign(CC BY 2.0)

L’harmonisation des retraites revient périodiquement sur le devant de la scène. Mais derrière les arguments insistant sur l’équité, la tentation de mettre tout le monde à la même enseigne au sein d’un régime par répartition unifié n’est pas la solution à tous les enjeux, loin de là.

Dans sa dernière étude annuelle sur les retraites, l’OCDE pointe l’iniquité que constituent les régimes spéciaux de retraites des fonctionnaires. Elle note que la France fait partie des quatre pays de l’OCDE avec des régimes de retraites spécifiques pour les fonctionnaires et appelle de ses vœux leur alignement avec le privé. Il y a quelques semaines, la Cour des comptes attestait, elle aussi, que la France faisait partie des États « où la séparation s’avère institutionnellement la plus nette » entre retraites des fonctionnaires et retraites du privé, aux côtés de l’Allemagne ou de la Belgique.

Inégalités significatives

Il est certain qu’en dépit des réformes mises en œuvre en France depuis 2003, des inégalités significatives subsistent entre public et privé. Selon la Cour des comptes, les progrès accomplis en matière de rapprochement entre le public et le privé « restent fragiles et partiels ». Des différences subsistent en matière d’organisation institutionnelle, de calcul des pensions (assiette des rémunérations prises en compte et taux de liquidation), de droits familiaux et conjugaux ou de prise en compte du temps de travail.

Une partie significative de l’opinion publique considère qu’on ne peut pas se satisfaire de ces différences. L’idée traditionnellement mise en avant par le monde syndical de retraites plus généreuses dans le public pour compenser une faiblesse des rémunérations d’activité porte de moins en moins. D’une part, le salaire moyen à temps plein dans la fonction publique d’État dépasse celui du privé de l’ordre de 10%. D’autre part, troquer une économie à court terme en échange d’un surcoût à long terme relève d’une vision à courte vue. Cela conduit à alléger artificiellement le coût des prestations publiques du moment, en reportant une partie de la prise en charge sur les générations futures.

Régime de partition unique

Pour gommer ces différences, certains proposent de créer un régime par répartition unique. Tous les salariés du privé comme du public y cotiseraient et en bénéficieraient, ce qui réduirait à néant les écarts que l’on constate aujourd’hui.

Cette fusion des régimes de retraite par répartition est-elle une solution ? D’aucuns prétendent que cela permettrait de générer des économies, mais cet argument est à prendre avec des pincettes. L’histoire récente regorge de rapprochements censés générer des synergies mais se soldant par des déceptions (fusion ANPE-UNEDIC, RSI…) voire des surcoûts. Surtout, l’harmonisation des régimes par répartition n’apporte aucune solution à leur difficulté structurelle. L’époque où la répartition, alimentée par une démographie dynamique, contentait un maximum de monde avec des rendements implicites proches de ceux en capitalisation est derrière nous. Et il ne faudrait pas que la convergence des régimes de retraite conduise, paradoxalement, à cristalliser des mauvaises pratiques, en faisant reculer le poids de la capitalisation en France.

Un choix plus économique

En effet les retraites de la fonction publique ne reposent pas exclusivement sur la répartition contrairement à celles du privé. L’épargne retraite a été rendue obligatoire dans la fonction publique en 2003, avec la création de la Retraite additionnelle de la Fonction publique (RAFP). Ce Fonds de pension verse un complément de retraite aux fonctionnaires de l’État, des collectivités locales et des hôpitaux. Alimenté à partir de cotisations calculées sur les rémunérations accessoires (primes…) de 4,5 millions de fonctionnaires, il a accumulé 26 milliards d’euros en quelques années. Ce mécanisme permettant de provisionner une partie des pensions à distribuer a du sens. C’est un choix plus économique, car le financement des retraites par capitalisation est moins coûteux. Alors qu’en répartition chaque euro distribué en pensions est prélevé sur les actifs, les cotisations sont significativement moindres en capitalisation. Le différentiel est en effet généré par le rendement des placements obligataires et actions, qui rendent la préparation de la retraite moins coûteuse.

Aussi, au lieu d’échafauder des plans pour faire converger les retraites par répartition sur des bases économiquement instables du fait du vieillissement, l’on devrait s’atteler au vrai sujet. La société française a bien plus à gagner à un recours plus systématique à la capitalisation qu’a une harmonisation des retraites par répartition. L’enjeu est de faire monter en puissance l’épargne retraite, à l’instar de ce qui se fait dans le public depuis 2003. Donc oui à l’équité mais plutôt que de la penser en termes d’égalisation des régimes par répartition, imaginons-là au niveau de la capitalisation.

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  • Oui, mais reste la question des droits familiaux et conjugaux ou de prise en compte du temps de travail qu’il faudra bien résoudre. Est-il normal par exemple, que la réversion dans la FP soit sans limites, et soumise à conditions de revenus et d’âge dans le privé?

  • Retraite par capitalisation ? Il faudra toujours demander aux actifs de payer pour les retraites.
    Et qu’est ce qui sera capitalisé ? Des obligations d’Etat depuis longtemps dépensées ? Des caramels ? Au mieux des actions que les vieux vendront aux jeunes ? Qu’est ce que ça change ?

  • Je suis perplexe :
    « Le différentiel est en effet généré par le rendement des placements obligataires et actions, qui rendent la préparation de la retraite moins coûteuse. »
    Ces rendements attendus, ils proviennent bien de quelque part ?
    Si je pose l’hypothèse que les seules richesses créés le sont par les entreprises et leurs salariés, ainsi que les travailleurs indépendants (mais ni par l’Etat ni par un pilotage monétaire), alors c’est bien le travail des générations futures qui assurera le « rendement » des épargnes retraite.
    Changement de présentation, mais résultat final identique…

    • mais résultat final identique

      Non. rendement supérieur avec la capitalisation.

      • Je veux bien, mis ce rendement supérieur provient bien d’une création réelle de richesse, non ?
        Si c’est le cas, alors on fait toujours payer aux générations futures les retraites à venir : pas vraiment de progrès.
        Si ce n’est pas le cas, je voudrais savoir comment un système financier peut créer ex nihilo une richesse quelconque…
        Mais je peux avoir négligé un aspect essentiel du truc, c’est possible…

  • Le problème des retraites n’est pas un problème de méthode de collecte mais de méthode de redistribution…très inégalitaire et frisant l’escroquerie….enfin ,c’est pour la bonne cause , on sacrifie les sans dents au profit de la stabilité de l’État.

  • Le problème des retraites en France (et des systèmes par répartition en général) son exactement similaires aux problèmes que pouvait connaître le système de planification centrale soviétique : et pour cause, il s’agit exactement du même système.

    Lorsqu’une autorité centrale décide de l’allocation des ressources, c’est à dire de l’offre (au travers d’un monopole), de la demande (au travers de l’obligation de s’affilier à ce monopole), et du prix (au travers d’un montant administratif et imposé de cotisations), ça donne un résultat économiquement désastreux. On le sait quand même depuis longtemps, au minimum depuis la chute du mur de Berlin pour les plus attardés.

    Or, il se trouve que le « problème » des retraites est en réalité quelque chose d’incroyablement simple, mais rendu incroyablement compliqué par la faute de ceux qui veulent le planifier de manière autoritaire. Exactement de la même façon que la production de voitures ou de frigos est quelque chose de tout à fait simple si on laisse faire les entreprises et d’incroyablement compliqué si l’on veut le planifier au travers d’un plan quinquennal.

    Qu’est-ce qu’une retraite ? C’est un revenu différé. Autrement dit, ce que je gagne aujourd’hui (peu importe d’ailleurs que ce soit par le travail, l’investissement, l’entrepreneuriat…), au lieu de le consommer entièrement, j’en mets une partie de côté pour mes vieux jours, lorsque je ne voudrai/pourrai plus travailler (ou entreprendre, ou… etc). C’est quand même pas bien compliqué à la base.

    Evidemment, cet argent mis de côté, autant le faire « travailler » pour qu’il me rapporte plus après, étant donné que je ne m’en sers pas pour le moment. Ce n’est pas un problème, il y a des marchés de capitaux qui servent justement à ça, à condition qu’ils ne soient pas manipulés par les Etats et les banques centrales, mais c’est une autre histoire.

    Par ailleurs, comme on ne sait pas combien de temps on va vivre, ça peut être plus pratique de convertir ce capital mis de côté en « rente » indexée sur la vie. Mais là aussi, aucun problème, c’est un calcul actuariel enfantin que toutes les compagnies d’assurances savent parfaitement faire depuis des lustres. C’est même un de leurs métiers historiques. Pas besoin de fonctionnaires et de politiciens pour s’occuper de ça.

    Bref, la retraite c’est vraiment très simple. Je mets de l’argent de côté en fonction de mes objectifs pour ma retraite (âge de départ, montant…), et n’importe quel conseiller en assurances est capable de pianoter sur son ordinateur en 10 secondes combien je devrai mettre par mois, et quels contrats il peut me proposer. Et si ça ne me convient pas, je peux toujours aller voir ce que proposent les concurrents. C’est encore plus simple que de commander une voiture chez le concessionnaire, enfin, du moins dans les pays (à peu près) « libres », parce que dans les anciens pays de l’Est, commander une voiture chez un concessionnaire, c’était, comment dire…. un problème quasiment insoluble. Un peu comme nos retraites par répartition.

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