La politique nous envahit

L’avenir de l’être humain se définit dans les laboratoires de recherche, mais le politique ne s’y intéresse que très peu. Les ambitions politiques sont en effet bien modestes au regard de ce qui nous attend.

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La politique nous envahit

Publié le 3 janvier 2017
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Par Patrick Aulnas.

La politique nous envahit
By: monkey_bob99xCC BY 2.0

Le politique nous envahit de toutes parts. Les politiciens ayant appris que la présence médiatique est aujourd’hui essentielle, ils font tout pour ne pas être oubliés et y réussissent assez bien. En France, l’élection présidentielle avait lieu tous les sept ans jusqu’à 2002.

Cela laissait le temps de souffler un peu. Désormais, il faut ajouter les primaires de droite, de gauche, et même écologistes, à une élection présidentielle tous les cinq ans. De multiples débats télévisés scandent ces campagnes électorales. Des émissions quotidiennes et de bonne qualité (par exemple C’est dans l’air sur La Cinq, 24 heures en question sur LCI) invitent d’excellents spécialistes à analyser par le menu les événements politiques du moment mais aussi les stratégies partisanes, les orientations économiques, les positions diplomatiques, etc.

L’accès au spectacle du monde

Certes, le public de telles émissions se recrute parmi les convertis à la politique tandis que le journal télévisé de base, sur les grandes chaînes publiques ou privées (en France, TF1, FR2, FR3), est devenu un enchaînement d’anecdotes sans aucun intérêt. Audimat oblige. Il est malgré tout bien difficile de rester à l’écart de la marche du monde dans les sociétés développées, sauf à choisir la vie monastique. Le paysan breton et le berger savoyard de 1900 étaient très peu informés de la politique nationale et considéraient que le député de la circonscription était là pour y réfléchir et trouver des solutions. Impensable à l’époque de s’intéresser aux micro-évènements quotidiens du monde politique.

Les notables connaissaient l’essentiel mais ne disposaient pas du niveau d’information du citoyen moyen d’aujourd’hui. La politique restait à distance et ne s’immisçait pas dans la vie quotidienne. En quelques décennies, dans la seconde moitié du 20e siècle, la télévision a introduit dans chaque famille le spectacle du monde. En une quinzaine d’années, au début du 21e siècle, la numérisation de l’information et la mise en place d’un réseau mondial (internet) ont permis l’échange instantané d’informations entre tous les humains équipés d’un matériel de base peu coûteux.

Omniprésence politique et ambitions modestes

Ce que demande aujourd’hui au politique le citoyen du monde ne relève cependant plus de l’idéologie. S’il subsiste des militants imprégnés de doctrine (communistes, socialistes, écologistes, nationalistes, libéraux, intégristes et fondamentalistes religieux) le vulgum pecus recherche seulement un cadre sécurisant. La rapidité des évolutions rend l’avenir proche incertain. Aussi les électeurs souhaitent-ils que leurs dirigeants politiques soient capables de les rassurer de mille manières.

Les conservateurs exigent le retour d’une éthique plus rigoureuse, les nationalistes songent à restaurer la puissance des États-nations, les socialistes veulent égaliser les conditions sociales, les libéraux demandent plus d’autonomie pour l’individu. Il ne s’agit plus vraiment de poursuivre un idéal, mais de composer avec une réalité complexe pour trouver un modus vivendi dans un monde en proie au doute sur l’avenir. Le politique, devenu omniprésent, a réduit ses ambitions.

La croissance du pouvoir politique

Cette omniprésence politique est le résultat d’une évolution historique de long terme qui se traduit par une croissance continue du pouvoir politique. L’indicateur le plus simple et le plus évocateur de cette croissance est le poids des prélèvements obligatoires.

Sous l’Ancien Régime en France, ils étaient très faibles, mais souvent ressentis comme arbitraires. Benoît Malbranque, de l’Institut Coppet, a ainsi calculé que le travailleur moyen de l’époque devait consacrer environ 18 jours de travail annuel pour acquitter l’ensemble de ses impôts.

Certes, il était très pauvre et cela lui paraissait beaucoup. Nous sommes riches, mais nous voici parvenus à travailler environ 7 mois par an pour l’État, selon le calcul de l’Institut Molinari. Le « jour de libération fiscale » pour l’année 2016 n’arrive en effet que le 29 juillet. Jusqu’à cette date, les Français travaillent pour faire face aux prélèvements obligatoires.

Politique et totalitarisme

Les Français de l’Ancien Régime supportaient leur sort comme une fatalité. Ils y étaient aidés par la religion. Pour atteindre le paradis, il fallait d’abord quitter ce bas monde. Le bonheur n’existait pas sur notre petite planète. Tout a changé à partir du XVIIIe siècle sous l’impulsion des philosophes. Le bonheur devient  « une idée neuve en Europe », selon l’expression de Saint-Just. Il s’agit désormais d’atteindre le paradis ici et maintenant. Les idéologues du XIXe siècle (Saint-Simon, Proudhon, Marx et Engels) proposent donc des solutions sur le papier. Des politiciens habiles utiliseront ces théories plutôt simplistes pour accaparer le pouvoir en promettant un futur édénique mais terrestre.

Le ressort principal de la politisation du monde moderne se situait donc dans le passage du spirituel au temporel. « Nous autres, politiciens, nous allons réformer la société pour en faire un eden. Mais dans l’avenir ! Il faudra attendre un peu, car le paradis ne se construit pas en quelques années. Pendant ce temps, laissez-nous tout pouvoir, nous agissons pour votre bien ». Cela a fonctionné intellectuellement pendant un siècle, un siècle et demi. Le paradis soviétique (en construction) a duré 70 ans.

Les mini-paradis d’Europe de l’Est ont disparu en quelques décennies. Ce qui reste du micro-paradis cubain semble encore fasciner certain(e)s attardé(e)s. Les idéologies, qui promettaient de construire une société idéale, ont échoué. Parfois l’idéologie conduit d’ailleurs directement en enfer : le nazisme et le salafisme en sont des exemples. En voulant privilégier l’action collective au plus haut niveau, idéologies et dérives religieuses radicales ont contribué à une croissance monstrueuse du pouvoir politique et ont produit le totalitarisme.

Le bonheur ici et maintenant

Après la chute des idéologies et l’enterrement des sociétés parfaites et futures, que peut bien promettre désormais le politique ? C’est tout simple : le bonheur privé, la sécurité pour tous, la hausse progressive du niveau de vie, l’amélioration du cadre de vie.

Il ne faudrait pas s’imaginer naïvement que le pouvoir politique va décroître après la mort des idéologies. Bien au contraire, il envisage désormais d’utiliser la grande machine étatique pour mieux soigner les malades, améliorer le sort des vieux, protéger la nature, créer des emplois, prendre en charge les chômeurs et mille autres actions bonnes et bénéfiques. L’État est désormais en charge de notre satisfaction globale.

Allons-nous vers Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley ? L’hypothèse n’est pas totalement à écarter, mais les intuitions des romanciers ne se réalisent que rarement.

L’évolution majeure mais cachée

Nous nous dirigeons plutôt vers autre chose, échappant totalement pour l’instant au débat politique. Il s’agit pourtant d’une évolution fondamentale qui concerne le dépassement de l’Homo sapiens. Les NBIC (Nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives) consacrent une partie de leurs recherches à transformer l’homme.

Nanocapteurs corporels, intelligence artificielle, ingénierie génétique, décryptage du génome humain permettront très probablement dans un avenir pas très lointain de dépasser les limites actuelles de l’être humain.

Cette révolution technologique reste silencieuse. Mais les révolutions technologiques antérieures, elles non plus, n’étaient pas perceptibles à leur début, qu’il s’agisse de la révolution agricole voici environ 10 000 ans ou de la révolution industrielle à partir de la fin du XVIIIe siècle.

La politisation du monde est donc bien réelle, mais paradoxale. Elle consiste à demander au politique des solutions sur de multiples sujets de société en lui accordant des moyens financiers considérables. Mais les ambitions des idéologues d’antan ont totalement disparu. On ne construit plus le monde idéal à partir des réflexions de penseurs s’isolant à la British Library, ni par des actions collectives brutales qualifiées révolutions.

L’avenir de l’être humain se définit dans les laboratoires de recherche, mais le politique ne s’y intéresse que très peu. Les ambitions politiques sont en effet bien modestes au regard de ce qui nous attend : rien moins que le passage d’Homo sapiens à « Homo alpha » par exemple. Mais alors que les hominidés qui nous ont précédé subissaient le déterminisme darwinien, Homo sapiens étant sorti victorieux car plus imaginatif et adaptable, la transition Homo sapiens – Homo alpha est le produit de notre volonté.

 

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  • Chute des idéologies? Ce n’est pas si sûr. Je m’explique:
    Avec le paradigme occidental qui considère que chaque personne humaine est unique, nos sociétés ont promu la liberté individuelle. Le marxisme a attaqué ce fondement civilisationnel en réduisant l’identité de la personne à une appartenance sociale.
    Nous assistons à une nouvelle lecture des rapports sociaux sous l’angle dominant/dominé. Le racialisme, comme le féminisme sont, il me semble, de nouvelles idéologies du même type que le marxisme, mais qui, à la suprématie de l’appartenance de classe ajoutent l’idéologie de l’indifférenciation. Il s’ensuit un combat acharné (et vain) en direction de « victimes » pour établir une égalité de fait au mépris de l’égalité en droit valorisant les potentialités propres à chaque individu. Ces nouveaux marxismes sont plus pervers parce que revêtus des droits de l’homme, et pires parce que se fondant sur les caractères intrinsèques des personnes (et non d’appartenance sociale du point de vue économique).
    Au diptyque liberté-individu, le pouvoir n’a-t-il pas toujours tendance à substituer des logiques collectivistes, l’idéologie en étant la justification?
    Cela n’ôte rien à l’intérêt de cet article, mais les évolutions actuelles ne sont peut-être pas liées à une fin des idéologies.

  • Pas sûr que les idéologies soient en baisse. Regarder comment la théorie des genre s’est répandue.
    Si 15 ans plus tôt on avait parlé de déni de la biologie dans le futur personne n’y aurait cru. Encore moins si on avait dit que la politique s’emparerait de l’affaire.

    Des idéologues se font passer pour des scientifiques et ça passe comme une lettre à la poste.

    Ce n’est que le commencement.

  • L’auteur est aveugle ou prêche pour la paroisse des cadres californiens sirotant leur e-thé devant leur e-télé dans leur e-maison non?

  • S’il me semble exact que l’avenir de l’être humain se définit dans les laboratoires de recherche, il ne faudrait pas oublier que les incursions des politiciens et des médias dans ces laboratoires y ont à peu près le même effet que celles d’éléphants (et d’ânes) dans un magasin de porcelaine. En fait, ce qui est déterminant, c’est de laisser le libre marché décider de ce qui doit sortir du laboratoire et quand. Ayons confiance ! Il sortira quelque chose des laboratoires de recherche comme il sorti quelque chose des Bell Labs ou des labos IBM, mais à condition de ne pas décider autoritairement des directions prioritaires et du calendrier.

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