La création de l’idée d’État – Don Luigi Sturzo

Depuis Machiavel et Luther, l’État n’a cessé de s’acheminer vers la divinisation.

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La création de l’idée d’État – Don Luigi Sturzo

Publié le 16 mai 2024
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Contrepoints vous propose un texte de réflexion, repris de nos archives. L’auteur en est Luigi Sturzo (1871-1959). Il fut un prêtre catholique et un des fondateurs du Parti Populaire (1919) en Italie. Il s’intéresse ici à l’évolution de l’idée d’État.

L’idée d’État appartient à l’histoire moderne. Au Moyen Âge on ne parlait pas d’État, mais de royaumes et de rois, d’empires et d’empereurs, de seigneurs et de vassaux, de villes et de républiques. Si on voulait spécifier la nature du pouvoir, on disait pouvoir séculier, pour le distinguer du pouvoir spirituel ou l’y opposer. Les peuples étaient nommés nations ; les classes, corporations ou guildes ; le mode de vie sociale était appelé communauté ou université. Chaque groupe social avait sa vie, ses libertés, ses privilèges et ses immunités ; l’ensemble social avait son mouvement comme un monde vivant de monades, dans une sorte d’harmonie préétablie à la Leibniz, ou, certes, l’harmonie était préétablie, mais n’était pas toujours effectivement établie.

La base juridique de ce monde médiéval était contractuelle, de caractère privé et personnel. Même les rapports entre le peuple ou la nation et le roi ou l’empereur étaient connus comme un contrat ayant pour objet le lien mutuel de fidélité et de loyauté ; le roi était tenu de respecter les lois communes et les privilèges des particuliers et des groupements ; et ceux-ci devaient fidélité et appui à la personne du roi.

 

L’État et la communauté

L’idée de l’État considéré comme entité de droit public, placé au-dessus de la communauté, n’existait pas à cette époque. Il faut arriver à la Renaissance et passer par la Réforme et la Contre-Réforme pour que l’idée d’État se dessine et s’impose aux habitudes mentales et qu’on puisse en tenir compte comme d’une réalité effective.

En Angleterre, où le sens du concret l’emporte sur les habitudes de la pensée abstraite et où, mieux qu’ ailleurs, on entretient les vestiges du passé, on parle beaucoup moins de l’État et bien plus de la Couronne, du Parlement ou, plus couramment, de la « Maison des Communes » ou de la « Maison des Seigneurs », de l’Empire et du « Commonwealth », comme si subsistait encore là un peu de l’âme du Moyen Âge. C’est seulement lorsqu’on parle de « Church and State » que le mot « État » revient couramment ; mais l’expression de « Church and State » est tout à fait moderne ; au Moyen Âge on parlait plutôt de royaume et sacerdoce, ou de papauté et empire, de pouvoir séculier et pouvoir spirituel.

Ainsi que tous les mots créés par la carence de ce qu’ils expriment, le mot « État » prit naissance en Italie pour exprimer l’idée de « stabilité », au moment précis de la Renaissance ou dans les petites principautés, duchés et marquisats existants, ou même pseudo-républiques (à l’exception de Venise), ce qui faisait défaut c’était justement la stabilité du pouvoir, la certitude des frontières et la sécurité de l’indépendance. Mais comme on parle de lucus a non lucendo [note : cela indique une contradiction étymologique], on parle alors d’« État » en Italie.

Tout était à faire, alors que les vieilles républiques tombaient, les peuples s’agitaient, les Espagnols et les Français faisaient la guerre en Lombardie, à Rome, à Naples et en Sicile. L’idée de pouvoir-force, soit contre l’Église très puissante, soit contre les voisins jaloux ou les étrangers envahisseurs, soit contre les sujets rebelles, s’imposa comme le seul moyen susceptible d’assurer la stabilité, aussi bien à l’État qu’à son chef, particulièrement si celui-ci était un usurpateur, ce qui était fréquent.

La personnification de l’État dans le prince représenta la première manifestation de l’idée d’État et trouva son théoricien en Machiavel.

Celui-ci inventa, en politique, la « vérité effective » [verità effettuale], appelée plus tard « raison d’État », de même que, au siècle dernier, on inventa le mot « realpolitik » ou politique réaliste. La chose signifiée est identique. La fin cherchée par le dominateur est la règle à laquelle sont subordonnées les fins particulières des sujets. Les moyens n’ont pas beaucoup d’importance ; mieux s’ils sont honnêtes ; s’ils ne le sont pas, pourvu qu’ils soient utiles, ils ne sont pas à exclure. La religion est utile pour imposer une contrainte aux peuples ; la morale aussi, en vue du bien-être général ; mais au-dessus de la morale et de la religion il y a la politique, entendue au sens d’art de dominer, de demeurer fort et d’étendre sa puissance. Machiavel ne prend pas plaisir au crime, mais si le crime donne le succès, Machiavel en admire les effets.

Hier comme aujourd’hui, beaucoup sont d’accord avec Machiavel, mais ils se gardent de l’avouer ; au contraire, ils prennent soin de masquer leur attitude immorale sous les voiles, (souvent transparents) de la fatalité historique, du moindre mal, de l’avantage national, et même de l’utilité religieuse. Machiavel ne déguisa pas sa pensée derrière ces voiles hypocrites, et il érigea en théorie le triomphe de l’utile, conçu comme exigence prépondérante de l’État.

 

De Machiavel à Luther

De Machiavel à Luther, le saut est a peine sensible. Luther plaça tous les pouvoirs, même ecclésiastiques, dans les mains du prince, qui demeura ainsi exempt de freins et de contrôles de la part de l’Église comme de celle du peuple. Machiavel avait subordonné les fins de la religion aux fins de l’État, personnifié par le prince. Luther fit davantage : en vertu de la théorie du self arbitre, il détacha la morale de la foi, et il abandonna la morale tout entière et l’organisation religieuse aux mains de l’autorité séculière. Les princes allemands furent ravis de réunir tous les pouvoirs dans leurs mains, d’autant plus que les pouvoirs ecclésiastiques étaient alors très étendus et très profitables du point de vue fiscal. Tous les princes réformés en firent autant. Les autres, les princes restés fidèles à Rome, tout en respectant (jusqu’à un certain point) l’autorité du pape, s’attribuèrent de telles libertés en matière de droit ecclésiastique et de régime fiscal qu’en somme ils ne firent que rivaliser avec les princes dissidents. C’était l’esprit du temps.

L’expérience de presque un siècle de machiavélisme, d’une part, et de césaro-papisme reformé et même non réformé d’autre part, fit naître le besoin de donner à ces tendances un cadre théorique, auquel ne pouvaient satisfaire ni l’empirisme de Machiavel ni le self arbitre de Luther.

La théorie de la « souveraineté » fit son apparition systématique avec les Six Livres de La République de Jean Bodin (1577). Pour lui, la souveraineté est « la puissance absolue et perpétuelle d’une république » ; quelque chose qui a une existence propre et qui donne sa base à l’État. C’est le pouvoir d’imposer la loi sans en subir les obligations, contrairement a ce qu’on croyait au Moyen Âge, à savoir que la loi était supérieure à la puissance, et que ses préceptes obligeaient aussi bien les souverains que les peuples.

Il ne faut pas croire que la doctrine de la souveraineté (qu’on la nomme ainsi ou autrement) n’ait pas tenté légistes et canonistes du Moyen Âge, et que rois et empereurs, avant Machiavel et Luther, ne se soient crus au-dessus de la loi. Qu’une théorie se répande et s’adapte aux conditions historiques et à l’atmosphère du temps, c’est une chose ; mais qu’elle devienne l’interprétation acceptée par la majorité et la base de la vie sociale, c’en est une autre.

À l’époque moderne, la théorie de la souveraineté se généralisa, bien que monarcomaques et calvinistes, dominicains et jésuites, partant de différents points de vue, l’eussent combattue à son apparition. Mais, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, tout le monde s’en rapprocha plus ou moins. Revêtue de caractère divin, la souveraineté devint le droit divin des rois. Bossuet, comme théologien, en exprime la théorie dans la forme gallicane : les théologiens protestants et anglicans le soutiennent dans son double absolutisme, civil et religieux ; Rome s’oppose aux uns et aux autres pour sauvegarder les droits de l’Église, se faisant ainsi, implicitement, gardienne des droits du peuple, alors que presque tous les avaient oubliés.

 

Le jusnaturalisme

C’est alors que survint le « jusnaturalisme ». Il édifiait la société sur la nature abstraite, plutôt que sur Dieu. D’ailleurs, une certaine tendance vers le naturalisme panthéiste existait déjà. L’absolutisme des rois se laïcisait, pour ainsi dire. Le droit divin, répudié par la doctrine catholique, ne trouvait pas d’expressions adéquates dans la culture naturaliste. Le « jusnaturalisme » arriva à temps pour le transformer. Les hommes qui vivaient à l’Âge présocial, presque animal, n’étaient pas capables de former une société et de se donner une loi. Aussi déléguèrent-ils leur souveraineté à un chef (ou bien celui-ci se la fit déléguer de vive force) d’une façon totale et irrévocable. De cette manière, la souveraineté absolue des monarques est sauve, bien qu’elle émane de la souveraineté du peuple. C’est Hobbes qui fait autorité.

Mais l’autre courant « jusnaturaliste », partant de l’idée de la nature humaine présociale bonne et heureuse, ne découvrait dans cette cession totale et irrévocable de la souveraineté populaire ni raisons essentielles ni avantages politiques. Au contraire, il voyait là, de la part des monarques, une usurpation des droits souverains du peuple qui, d’après Rousseau, sont inaliénables et indivisibles. Entre les deux, un courant moyen se forma, celui de la souveraineté absolue du peuple, qui devait être déléguée à des représentants révocables ou rééligibles par périodes déterminées.

Ce n’était pas le type de gouvernement qui constituait l’originalité. Que le pouvoir puisse être dans les mains d’un seul (monarchie) ou de quelques personnes (oligarchie) ou du peuple (démocratie), on le savait bien dans l’Antiquité et au Moyen Âge. Ce qui donnait l’idée exacte de la nouvelle conception politique, c’était surtout l’« illimitation » du pouvoir : une souveraineté n’ayant d’autres limites qu’elle-même.

La souveraineté monarchique de droit divin trouvait ses limites dans le rapport personnel entre le monarque et Dieu ; si le monarque, se croyant presque un dieu, renversait ce rapport, personne ne pouvait empêcher cette transposition, qui pour lui n’était guère difficile.

La souveraineté de droit naturel devait trouver ses limites dans la loi naturelle ; mais, étant donné que le roi était le seul interprète de cette loi, le peuple (d’où l’on faisait descendre la souveraineté en vertu d’un acte unique et irrévocable) ne disposait d’aucun moyen pour rappeler le souverain à une interprétation moins arbitraire.

La souveraineté populaire, telle qu’elle était conçue par Rousseau, n’avait pas de limites en dehors de la volonté collective, qui faisait loi par elle-même. Que celle-ci se résolût en loi de la majorité ou en loi des représentants ou délégués, d’après les différentes formes pratiques adoptées dans l’organisation de la démocratie, cela n’enlevait rien au caractère absolu d’une souveraineté sans autres limites que la volonté collective.

 

La question de la souveraineté

Comme dans toute conception de gouvernement fondé sur la souveraineté, latebat anguis in herba [note : citation pris de Virgil : le serpent se cachait dans l’herbe] : souveraineté de droit divin d’après la conception de Bossuet ou souveraineté de droit naturel d’après Hobbes, ou souveraineté populaire d’après Rousseau, toutes dans leur « illimitation » supposaient, favorisaient et consolidaient l’entité extrapersonnelle, objective et dominatrice : l’État.

En disant cela, nous ne nous attaquons pas à l’idée d’État. Pour concevoir et exprimer les choses collectives, nous avons besoin de les transformer en idées formelles et abstraites, quitte à revenir aux choses concrètes et à les reconnaître, au moyen de ces idées, dans leur réalité et leur unité effective. Mais, tandis que les idées de communauté, université, res publica, royaume, maintiennent la prévalence de l’idée de « société », c’est-à-dire : association de plusieurs personnes dans un dessein commun (de même, Église, Ecclesia : assemblée, réunion, ayant à l’origine la signification de société), l’idée d’État échappe à la conception de société et s’attache plutôt à la conception, objective, de réalité stable, souveraine et puissante ; c’est pourquoi on parla de souveraineté, et même de puissance.

Peu à peu, l’État devint un principe et une fin : l’origine de tous les droits et la fin de toute l’activité publique. La raison d’État eut la signification suivante : subordonner tout à la grandeur de l’État. Les efforts de Botero pour « catholiciser » la raison d’État ne servirent qu’à projeter de l’ombre sur le catholicisme ; comme si en acceptant la raison d’État catholique, on avait voulu justifier pour des fins religieuses les moyens politiques, mondains, utilitaires et, au fond, immoraux, que les souverains catholiques avaient coutume d’employer.

Tout le monde s’appliqua à concevoir l’État comme une réalité au-dessus des Hommes, et la souveraineté comme une volonté supérieure atteignant les buts de l’État. Lorsque Louis XIV dit : « L’État, c’est moi », il n’eut pas l’intention de se placer au-dessus de l’État, mais de résumer en sa personne la somme des intérêts de l’État, et de les faire connaître par sa volonté. C’est pourquoi, avec raison, H. Laski écrivait dans le Daily Herald, à l’occasion du 450e anniversaire de la naissance de Luther, que, sans Luther, Louis XIV n’aurait pas été possible.

L’idée d’État ne peut pas être la dernière en définitive, elle évoque encore une autre réalité substantielle qui la complète. Au temps du droit divin, l’idée de Dieu subsistait derrière l’État, et cette idée impliquait – au moins indirectement – celle de peuple. Le clergé s’efforçait de mettre en évidence tantôt l’une, tantôt l’autre idée, mais il n’y parvenait pas toujours, ainsi qu’il arriva au clergé gallican et joséphiste.

L’Encyclopédie mit derrière l’État les idées de nature et d’humanité : idées d’ailleurs généreuses, la nature et l’humanité étant créatures de Dieu. Cependant, détachées de Dieu, ces idées demeuraient abstraites et dépourvues de toute consistance réelle.

Dans la recherche d’un point de repère, trois idéologies se développèrent et orientèrent la politique du XIXe siècle jusqu’à nos jours.

La première est celle de Hegel : l’État n’est que la manifestation de l’Esprit, sa plus parfaite manifestation ; l’État est en lui-même éthique-droit-puissance. Une sorte d’incarnation divine, où l’idée de puissance s’identifie avec l’idée de Dieu.

 

L’État et Dieu

Mais quel était alors, en Allemagne, l’État qui aurait sérieusement pu se dire « créature de l’esprit absolu du monde et volonté de puissance » ?

À l’exception de la Prusse, tous les autres États et petites principautés pouvaient être tenus comme des manifestations de la médiocrité de leurs tyranneaux et des intrigues et bavardages de leurs cours. Il fallut que les guerres napoléoniennes survinssent pour dégager en Allemagne l’esprit national dont Fichte se fit le philosophe et le prophète. D’après lui, c’est dans la nation seulement que l’éternel se manifeste ; sa grandeur est une grandeur morale qui aspire au règne de l’esprit. L’État-nation, en tant que développement de toute la culture d’un peuple, est pour Fichte l’« autoreprésentation de Dieu ».

Avec Fichte nous ne perdons pas la ligne de l’idéologie de Hegel, mais nous la trouvons transférée de l’État à la nation. Lorsque Bismarck effectua l’unité germanique, la Belgique avait recouvré sa personnalité, l’Italie, peu après, avait accompli son unité, les peuples balkaniques gagnaient peu à peu leur indépendance. Le principe de nationalité, celui d’indépendance et celui d’unité venaient de donner ainsi sa base politique à l’idée de nation-puissance-culture, dont l’État était l’instrument juridico-militaire.

Plus encore que par la voie théorique, la France développa pratiquement l’idée de nation, en opposition à l’« humanitarisme » de L’Encyclopédie, par son tiers état ou bourgeoisie, par la conscription militaire et les guerres napoléoniennes, par la démocratie et les secousses réactionnaires bonapartistes et cléricales. Elle ne renonça jamais à l’idée d’État, parce que État et nation coïncidaient ; et derrière l’État, suivant les circonstances, elle plaça tantôt le peuple, tantôt la nation. Mais peuple et nation n’avaient pas besoin d’un mythe pour se soutenir, l’idée de patrie était en eux très ancienne et un sentiment stable la vivifiait. Il fallut le nationalisme maurrassien pour parvenir à la limite d’un mysticisme positiviste.

L’Angleterre ne perdit jamais le bon sens pragmatique, même lorsque ses philosophes lui apportaient le verbe de Hegel et les exaltations de Fichte. Théoriquement et souvent pratiquement, l’utilitarisme mêlé à un moralisme qui n’était pas seulement extérieur y prévalait. Sur les mers, le drapeau britannique et, dans les colonies, la couronne suffisaient. Chez soi, chacun se sentait libre et maître, sans s’appuyer sur l’État, sans qu’il fût nécessaire de se forger le mythe de la nation-divinité. La nation était encore plus vivante dans son histoire et dans son empire que dans sa théorie.

Cependant que s’accentuait l’affirmation de l’idée nationale, un autre courant se développait partout, niant État et nation et mettant à leur place la classe : le courant socialiste, élevé au rang d’une théorie par Karl Marx. Cette théorie prônait l’avènement de la classe prolétaire qui, par l’établissement d’une économie collectiviste, détruirait l’État bourgeois et la nation militariste. Le matérialisme historique remplaça le processus historique de l’idée hégélienne ; la lutte de classe remplaça le dynamisme national ; l’économie-travail organisée remplaça l’État-puissance. Le mouvement socialiste-marxiste brisa l’unité des sentiments nationaux et prépara dans chaque nation le terrain à l’internationalisme.

 

La vision allemande

Voilà donc trois Allemands – Hegel, Fichte, Marx – qui synthétisent l’effort européen du XIXe siècle en vue de donner une signification, un contenu, une finalité absolue et presque divine à l’État, à la nation, à la classe.

Au cours du XIXe siècle, deux systèmes se développèrent concernant la conception de l’État national : le système libéral et le système autoritaire. Le premier fut conservateur ou démocratique ; le second, absolutiste ou paternaliste. Évidemment, ces qualifications indiquant les différentes nuances ne doivent pas être prises au pied de la lettre : loin de fixer des types absolus, elles ne servent qu’à désigner des tendances prédominantes.

Ce qui nous intéresse pour notre enquête, c’est le fait que derrière la devise de la démocratie à la française, aussi bien que derrière l’autoritarisme de Bismarck ou de Guillaume, se trouve toujours l’État national. L’Empire austro-hongrois était le seul qui, par l’effet des nationalités dissemblables et divergentes qui le composaient, ne pouvait être tenu pour un véritable État national, et il couvait dans son sein le germe de sa désagrégation.

Sous toutes les latitudes, les caractéristiques de l’État national furent le centralisme toujours croissant, le militarisme fondé sur la conscription et les armées permanentes, l’école d’État en tant que moyen de créer un conformisme national (une unité morale nationale). Pour la France, ces caractères furent un héritage de la Révolution, de l’Empire napoléonien ; pour l’Allemagne, un héritage de la Prusse et de Frédéric ; pour l’Italie, un moyen de défense de la récente unification politique et l’imitation de la France ; pour l’Espagne, une tentative pour vaincre le particularisme dynastique et autonomiste et, d’autre part, l’influence de l’Église ; pour l’Autriche, une exigence de la Maison de Habsbourg et de la prédominance dans l’État des élites allemandes et magyares. Les autres pays européens vivaient dans la même ambiance, même s’ils n’avaient pas de besoins semblables.

L’économie libérale et l’internationalisme ouvrier auraient dû développer bien plus vigoureusement le sens cosmopolite, en opposition au nationalisme. La facilité du commerce, la communauté scientifique, la diffusion de la presse et l’ organisation du travail ne manquèrent pas de donner une impulsion à cette tendance. Le libre-échange marqua une phase vite dépassée par les protections douanières, d’abord timides, ensuite très larges, à l’avantage de ce que l’on appelle économie nationale. La presse périodique perdit bientôt son caractère libre et individuel, pour devenir une entreprise plus ou moins capitaliste, ou bien pour se lier aux entreprises industrielles. L’Internationale ouvrière fut toujours minée par le particularisme local, à l’exception de la partie extrémiste et pseudo-anarchiste qui manqua d’hommes et de moyens. Et si les différents socialismes niaient l’État, en tant que bourgeois, ils n’auraient pourtant pas rejeté un État national, pourvu qu’il fût prolétaire.

 

Face au christianisme

L’Église, bien qu’elle ne dissimulât alors pas ses préférences pour les États autoritaires, du point de vue religieux ne manqua pas de lutter contre la centralisation politique, qui apportait implicitement des limitations à son autorité et à sa mission ; contre la conscription obligatoire et la course aux armements, qui créaient un danger de guerre ; surtout contre l’école d’État, qui se présentait comme un monopole redoutable, et comme un moyen de déchristianisation du peuple au nom de l’État. L’Église redoubla l’intensité de sa lutte contre le libéralisme, pour des raisons théoriques et en vue de positions pratiques qu’elle devait défendre ; mais la lutte essentielle fut surtout la lutte contre l’État national, dans laquelle elle fut vaincue.

La Grande Guerre fut l’épreuve par le feu des conceptions politiques et des systèmes du XIXe siècle. Des empires tombèrent, des formes de gouvernement furent changées, mais malgré tous les bouleversements de la guerre et de l’après-guerre les facteurs essentiels de l’État national ont survécu : centralisation, militarisme, écoles d’État et tarifs douaniers. L’Allemagne de Weimar avait réduit son armée au minimum consenti par les traités, mais le militarisme resta intact et se développa même clandestinement, jusqu’au moment où il apparut en pleine lumière. De la Baltique aux Balkans, la folie militariste s’est emparée de tout le monde, et même là où il n’existe pas d’armées régulières on ne voit que remuement d’escouades armées, évolutions de jeunesses militarisées, turbulence de milices politiques noires et rouges et bleues et jaunes et vertes.

Les États de récente création, pour vaincre leur faiblesse constitutive, imitèrent la centralisation des grands États, lesquels d’ailleurs à leur tour n’ont cessé de créer de nouveaux ministères, de multiplier leurs départements administratifs et d’augmenter leurs bureaucraties centrales, ainsi que les frais de leurs budgets. Plus encore que dans l’avant-guerre, l’école est devenue un objet de conquête politique. Les tarifs douaniers ont été élevés à des niveaux insensés ; jusqu’à l’Angleterre qui, bonne dernière, a fait sombrer, à son tour, le libre-échange.

En somme, quelles qu’en aient été les circonstances particulières, en seize années, de 1917 à 1933, l’Europe a connu, parmi tant d’autres pénibles expériences, une Russie bolcheviste, une Italie fasciste et une Allemagne nazie : trois grands États totalitaires de caractère différent, mais tous les trois à type national et fondés sur la centralisation administrative et politique, sur le militarisme, sur la monopolisation de l’enseignement et sur l’économie fermée.

Quelles différences et quelles ressemblances substantielles y a-t-il entre ces États totalitaires et les États nationaux encore existants ? Si nous nous référons aux quatre facteurs essentiels communs, il nous est possible d’en déterminer les différences :

a) La centralisation administrative dans l’État totalitaire est poussée à l’extrême : suppression de toute autonomie municipale et provinciale et de n’importe quel autre organisme public ou semi-public, œuvres de bienfaisance, associations de culture, universités.

La centralisation, dans l’État totalitaire, envahit le terrain politique qu’on se dispute dans les États nationalistes encore existants sous le signe de la démocratie. Le pouvoir exécutif est devenu, en droit et en fait, la suprême synthèse de tous les pouvoirs, même de ceux qui appartiennent au chef de l’État (en Russie et en Allemagne, le chef de l’État et le chef du gouvernement sont la même personne). L’indépendance des corps législatifs et judiciaires a complètement disparu ; et finalement le gouvernement lui-même se trouve rapetissé à un organisme subordonné au chef, devenu dictateur sous les dénominations brillantes de Duce, maréchal ou Führer. Ils détiennent les ressorts d’une police politique fonctionnant en liaison avec une organisation très puissante d’espionnage, allant bien plus loin que tout ce que Napoléon lui-même avait inventé. Le Guépéou russe et la Ovra italienne sont d’ailleurs assez connus par leur terrible réputation ; dernièrement est née la Gestapo allemande. Pour mettre en action le mécanisme du pouvoir central absolu, illimité et personnel, il fallait nécessairement supprimer toute liberté politique, civile et organisatrice, individuelle et collective, de groupements et de partis. Moyen adapté : le parti unique (le rapprochement de ces deux mots a quelque chose d’illogique), une faction armée dominante, communiste, fasciste ou nationale-socialiste. Tous les autres partis supprimés, tous les mouvements indépendants réprimés, tous les adversaires exilés. On supprime : les classes aristocratiques et bourgeoises en Russie ; les partis d’opposition en Italie ; jusqu’aux races différentes en Allemagne, où le mariage avec un juif devient un crime politique, et où une souche entachée par un seul ancêtre juif est cause d’incapacité civile pour le descendant. Tout une catégorie de citoyens sans droits, une classe d’ilotes, est en train de se constituer. La violence de la lutte pousse à l’institution de tribunaux d’exception, de camps de concentration, de zones d’internement ; les prisons regorgent, il y a des centaines de milliers d’exilés ; les déportés ne se comptent plus ; innombrables sont ceux qu’on a tués arbitrairement, ceux dont on ignore ce qu’ils sont devenus. Et il ne s’agit pas là de mesures exceptionnelles prises pendant la crise révolutionnaire. L’État totalitaire n’admet pas qu’il puisse avoir des opposants. Depuis vingt ans, les Soviets ne font que fusiller ou condamner aux travaux forcés ou encore déporter en Sibérie ; de même, l’Italie continue encore aujourd’hui à faire fonctionner le tribunal suprême pour la défense de l’État et l’institution du bannissement. L’Allemagne est arrivée bonne dernière et son nettoyage du 30 juin 1934 fut un épisode typique des méthodes terroristes des dictatures modernes pour se maintenir à tout prix au pouvoir contre les amis et les ennemis.

 

L’administration

En résumé, la centralisation administrative et politique dans les États totalitaires, par une exigence vitale inéluctable, se trouve nécessairement liée à la suppression de toutes les autonomies, des libertés civiles et politiques et de l’habeas corpus, aux systèmes les plus perfectionnés de police et d’espionnage, aux répressions violentes et sanglantes, à l’élimination de l’adversaire et du dissident, à l’intolérance de tout désaccord et à l’imposition extérieure et intérieure du conformisme politique.

b) Tout cela sera possible, si le pouvoir dictatorial a la haute main sur l’armée et sur la flotte et s’il parvient à militariser le pays. Même les États qu’on dit démocratiques sont militarisés, dans ce sens qu’ils ont la conscription militaire, de fortes armées et des flottes puissantes. Mais ils l’ont d’une façon normale, puisqu’il s’agit uniquement de corps techniques n’ayant aucun rapport avec la politique, demeurant étrangers aux partis et collaborant avec n’importe quel cabinet en ce qui concerne les intérêts de la défense nationale. Le passé offre bien des cas où des chefs d’armée manifestèrent des tendances politiques ; le mouvement boulangiste et l’affaire Dreyfus en France et les pronunciamientos en Espagne sont bien connus. Mais cela demeurait dans le cadre du libre jeu de forces politico-sociales en opposition.

Dans les États totalitaires, la position est différente. Le parti est militarisé ; il se place au-dessus de l’armée, ou bien l’armée s’allie au pouvoir, et les deux forces s’associent ou fusionnent. La jeunesse est militarisée au double point de vue moral et disciplinaire ; la vie collective est conçue comme une vie militaire ; des ambitions de « revanche » ou de domination, des luttes intérieures et extérieures, des guerres civiles agitent tout l’ensemble social. En Italie, à l’âge de 6 ans on est inscrit parmi les « fils de la Louve » et ensuite successivement parmi les « Balilla », les « Jeunes Italiens », les « Miliciens » et ainsi de suite jusqu’à l’âge de 54 ans. Le parti est une milice ; les instituteurs et les professeurs ont leurs grades militaires et leurs uniformes militaires. L’enseignement des armes se poursuit pendant toute la vie ; l’arme homicide est pour l’homme une compagne habituelle ; les parades militaires, les exercices militaires prennent une bonne partie de l’activité des jeunes et des adultes. L’Allemagne aujourd’hui est armée jusqu’aux dents ; non seulement pour proclamer sa parité en droit et en fait avec les autres nations, mais par l’effet d’une exaltation mystique et morbide de la force et du destin de la race nordique teutonique. Tout Allemand est un soldat.

La Russie assimile la tâche de défendre l’État à celle de défendre la révolution et l’idéologie bolcheviste et de la propager dans le monde. Le communisme est parole de salut pour les Russes, de même que le fascisme pour les Italiens et le national-socialisme pour les Allemands ; parole de salut à donner au monde par la propagande et par la force, de même que Mahomet, par la parole et le cimeterre, soumit les peuples à son nouvel Évangile.

c) Pour y arriver, il faut un enseignement d’État rigoureusement monopolisé. Le monopole de l’enseignement a été pendant plus d’un siècle et il est toujours la besogne la plus importante pour un État national. Napoléon fut le premier à organiser – de l’université à l’enseignement primaire – l’école pour l’État, c’est-à-dire l’école ayant l’État comme but immédiat. Toutefois on a presque toujours essayé de concilier le monopole de l’enseignement avec la liberté de pensée, même en matière politique. D’une façon générale, la lutte (soit ouverte, soit voilée) fut menée particulièrement contre l’Église ; et l’Église lutta pour la liberté scolaire la plus grande possible.

L’État totalitaire par sa nature même, on le conçoit, est amené à dépasser les limites observées jusqu’à lui. Tout le monde doit avoir foi en l’État nouveau et apprendre à l’aimer. Pas une idée opposée, pas une voix dissidente. De l’école primaire à l’université, il ne suffit pas de pratiquer un conformisme sentimental ; il faut la soumission intellectuelle et morale complète, l’ enthousiasme confiant, l’ardeur mystique d’une religion. Le communisme, ou le fascisme, ou le nazisme, est et doit être une religion.

Pour créer cet état d’âme, l’école seule ne suffit pas. Il faut lui adjoindre des moyens complémentaires : le livre officiel, le journal étatisé et standardisé, le cinéma, la radio, le sport, les associations scolaires, les prix, le tout étant non seulement contrôlé, mais orienté vers une fin : le culte de l’État totalitaire, sous le signe soit de la nation, soit de la race, soit de la classe. Afin de gagner le consentement unanime, de stimuler cet esprit collectif d’exaltation, toute la vie sociale est continuellement mobilisée pour des parades, des fêtes, des cortèges, des plébiscites, des exercices sportifs, qui frappent l’imagination, l’esprit, le sentiment de la population.

 

Le culte de l’État

Le culte de l’État ou de la classe ou de la race serait trop générique ; il faut l’Homme, le héros, le demi-dieu. Lénine a aujourd’hui un imposant mausolée et, pour les Russes, il est devenu un Mahomet laïque. Mussolini et Hitler, encore vivants, sont protégés par une nuée de policiers et de gardes du corps. Ils agissent et parlent de manière à frapper les sens et l’imagination des foules ; leurs personnes sont sacrées ; leurs paroles sont comme des paroles de prophètes. Hitler passe entre deux haies compactes de gardes qui marchent à une assez grande distance de lui, de sorte que lui seul émerge au milieu d’eux ; et il prend un visage rêveur avec les yeux levés vers le ciel, il a les mains ouvertes et tendues en avant, tel un rédempteur. Mussolini a inventé un rite presque magique ; invoqué par la foule pendant un temps plus ou moins long : « Duce ! Duce ! Duce ! », puis par des voix de plus en plus pressantes, puissantes, jusqu’au paroxysme, et devenant ensuite de nouveau murmurantes, pour s’élever encore progressivement jusqu’à de frémissants appels : « Duce ! Duce ! Duce !... », il se montre finalement à la foule, dans une salve d’applaudissements.

d) Tout cela exige, d’une part, une dépense énorme, une finance de luxe et, d’autre part, contraint à un régime économique de plus en plus rigoureusement contrôlé. De même que toutes les énergies morales doivent converger à l’édification de la puissance de l’État, de même aussi toutes les forces économiques. Les États démocratiques ont adopté un système moyen : aider les industries nationales grâce à la protection de tarifs douaniers, d’une part ; donner toute liberté à l’initiative privée, d’autre part.

L’État totalitaire asservit à ses fins le capital privé (comme en Allemagne) ou bien l’associe solidairement pour arriver à maintenir un certain équilibre politique entre les classes (comme en Italie), ou encore l’État devient lui-même capitaliste (comme en Russie). L’État totalitaire ne laisse jamais la liberté économique ni aux capitalistes ni aux travailleurs. Les syndicats libres des uns ou des autres ne sont pas admis. Il n’y a que des syndicats et corporations d’État, dépourvus de toute liberté de mouvements, contrôlés et organisés, sur tout le territoire, par l’État et pour l’État. D’où découle une ébauche d’économie dirigée, constituant la première phase vers l’autarcie d’une transformation radicale dans le système économique.

La question de savoir lequel de ces deux systèmes, l’économie dirigée ou le système fermé, est le plus avantageux se présente comme un problème intimement lié à chaque régime d’État en particulier, et ne peut donc être résolu abstraitement. Le bolchevisme s’est présenté en même temps comme régime communiste, au point de vue économique, et totalitaire, au point de vue politique. Le fascisme a procédé par degrés et par la voie des expériences, aussi bien en politique qu’en économie dirigée par l’État, affublée d’un corporatisme jusqu’ici apparent et verbal. L’Allemagne en pleine crise financière et criblée de dettes a instauré, en même temps, le régime totalitaire et le socialisme d’État.

Ces aspects de l’État totalitaire nous amènent à toucher deux problèmes d’un intérêt primordial pour notre civilisation :

- le premier est celui de la liberté, considérée non seulement comme un ensemble de droits politiques et comme une participation du citoyen à la vie de son pays, mais surtout comme autonomie de la personne, comme sécurité de son propre droit, comme garantie de l’activité de chaque personne, soit temporelle, soit spirituelle. Les États totalitaires suppriment la liberté politique et diminuent la liberté personnelle, par l’ingérence de l’État dans les attitudes de la pensée, dans le domaine de la morale et de la religion ;

- ce fait implique le problème très grave de la suprématie du spirituel sur le temporel, des fins éthiques sur les buts politiques et, pour nous, chrétiens, celui des fins de la religion, du surnaturel, sur les buts naturels de l’État. La solution de ce problème fut donnée en 1926 par Pie XI, développée ensuite dans l’Encyclique Non abbiamo bisogno du 29 juin 1931 et enfin dans l’Encyclique Mit brennender Sorge (contre les persécutions en Allemagne, 14 mars 1937), enfin à propos de l’État totalitaire fasciste, lorsque dans un consistoire public, il dit que « la fin de l’homme ce n’est pas l’État, mais que l’homme est la fin de l’État ». (parmi les propositions erronées, que la « Congrégation des séminaires et universités » a signalées, dans la lettre du 13 avril 1938, la VIII est la suivante : chaque homme n’existe que par l’État et pour l’État. Tout ce qu’il possède de droit dérive uniquement d’une concession de l’État.)

Que les rapports entre l’Église et l’État soient légalement réglés, ainsi qu’il en va en Italie depuis le 11 février 1929 jusqu’à ce jour ; ou bien qu’ils soient pleins de trouble et de lutte, comme en Allemagne malgré le concordat de 1933 ; ou encore tout à fait abolis, comme en Russie ; tout cela appartient à la phénoménologie historico-politique commencée il y a dix-neuf siècles avec l’arrivée de Jésus-Christ et le massacre des Innocents. À part cela, l’incompatibilité entre le christianisme et l’État totalitaire est déjà manifeste, si l’on se réfère aux postulats historiques de la conception de l’État, qui a toujours penché vers un monisme social-politique au détriment de la personne humaine et des raisons de l’esprit ; mais cette incompatibilité est encore plus évidente dans les prémisses logiques du « totalitarisme », qui se traduisent pratiquement par l’exaltation mystique d’un principe surhumain : le caractère d’absolu donné à la classe, à la nation ou à la race.

Un tel état de choses nous conduit au bouleversement de la civilisation chrétienne, parce qu’il enlève aux rapports de justice (selon une saine conception du droit privé et public, intérieur et international) le fondement de la morale naturelle et pose, à sa place, le principe de la morale intrinsèque de l’État ou « éthicité » de l’État. Les individus, d’après cette idéologie, ne sont plus considérés ni comme citoyens ni comme sujets, mais seulement comme membres du troupeau, comme unités d’une collectivité de fer, dont les actes moraux s’intègrent dans les fins de l’État. La personne se perd, absorbée dans la pancollectivité, désignée par les noms symboliques de nation, de classe ou de race.

Toute morale comporte l’exigence d’une religion ; la morale subjective nous donne la divinisation de l’individu ; la morale naturiste peut arriver jusqu’à la divinisation du « totem » et au culte magique ; la morale d’État engendre la divinisation de l’État et des idées qui, dans l’État, se sont presque « hypostasiées », telles que la race, la nation ou la classe ; seule la morale chrétienne nous fait participants de la divinité du Christ.

Depuis Machiavel et Luther, l’État n’a cessé de s’acheminer vers la divinisation. Aujourd’hui, l’État totalitaire est la forme la plus claire et la plus explicite de l’État panthéiste.

Première publication : 31 août 2011

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