Calais : la loi de la jungle

Les manifestations des riverains et routiers de la jungle de Calais visent à attirer l’attention de l’administration et sont le symptôme d’une relation envahissante.

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Stefan de Vries : Calais (CC BY-ND 2.0)

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Calais : la loi de la jungle

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 10 septembre 2016
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Les riverains de la Jungle de Calais sont exaspérés.

Vivre à la porte de l’Angleterre n’a pas que des avantages : depuis Sangatte et sa fermeture il y a 15 ans, les migrants continuent d’affluer (+50 % depuis 2015). Les problèmes concrets que pose la crise migratoire finissent souvent par prendre le pas sur la compassion.

Les routiers de toutes nationalités qui empruntent chaque jour l’A16 peinent à tenir à distance les migrants qui tentent de se faufiler dans leurs camions. Aux tactiques d’infiltration se sont ajoutées depuis quelques temps des menaces et des violences ayant déjà provoqué plusieurs accidents dont la presse s’émeut davantage outre-Manche.

calaisPour dénoncer l’inertie des pouvoirs publics, routiers et riverains ont organisé une opération-escargot sur l’A16. Jusqu’à présent, l’État est incapable d’organiser une réponse efficace et humaine à la crise migratoire.

Tant bien que mal, les migrants, eux, s’organisaient dans la jungle de Calais jusqu’à lui donner des allures de village :

Des magasins, des restaurants, une église, une école avec des cours de français, un coiffeur, des artisans, une boulangerie tenue par des Afghans, décidément, voilà qui dépasse l’entendement, d’autant que,  en quelques mois, une trentaine de commerces ont ouvert.

Évidemment, l’État l’a rasé ce village illégal. Il préfère leur faire découvrir notre beau pays si accueillant, et offre aux plus chanceux des voyages tous frais payés en jet privé, sous escorte policière, pour aller visiter un centre de rétention ou l’autre. Un procédé coûteux qui a peu de chances de résoudre la crise migratoire, ou même de la rendre plus vivable pour les citoyens et les migrants.

Mais pour un bureaucrate, ce n’est pas le résultat qui compte, mais la procédure. Notre administration, forte de centaines de milliers de bureaucrates émérites, peut faire preuve d’une certaine inertie, au point que pour se faire entendre par l’administration, certains préfèrent descendre dans la rue que lui passer un coup de fil. Le message arrivera plus vite au chef de l’État qu’au chef de service.

  • Pour les Calaisiens, l’État n’assure plus la sûreté, sur l’autoroute et ailleurs. Leurs sollicitations multiples à l’administration restent en grande partie vaines. Quel recours ont-ils ?

L’État est au service des citoyens, mais il est tellement incontournable aujourd’hui que les citoyens ont besoin de ses services pour tout et n’importe quoi. Beaucoup d’aspects de la vie deviennent alors l’objet d’un rapport de force.

La définition du mariage. Le système de retraites. Les programmes scolaires. L’accueil des migrants. La solidarité. L’emploi. L’économie. Le code vestimentaire estival. Les menus de cantine. Les convictions religieuses.

Les citoyens ont des valeurs et intérêts divergents, dont ils ne sont parfois même pas conscients. Le rôle de l’État n’est certainement pas de trancher, mais d’établir un cadre dans lequel ils pourront le faire. Idéalement, l’État se contenterait de cela, et les citoyens se contenteraient de vivre leur vie et vérifier qu’il remplit bien ses quelques missions.

Malheureusement, outre le cadre, il dessine les grandes lignes du tableau ; la relation entre les citoyens et l’État devient un rapport de force pour l’orienter dans un sens ou dans l’autre. Ces manifestations ne révèlent pas tant l’inefficacité de l’État que la mauvaise relation que nous entretenons avec lui.

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  • « Ces manifestations ne révèlent pas tant l’inefficacité de l’État que la mauvaise relation que nous entretenons avec lui. »

    … ou les mauvaises relations que nous entretenons entre nous. Combien de petits chefaillons en puissance qui désirent ardemment régenter la vie des autres ? Difficile d’abattre cet Etat tentaculaire alors que des citoyens cultivent l’intolérance et le dirigisme.

  • Au bon temps des mousquetaires, on traversait la Manche dans de petites embarcations. Tiens en voilà une idée pour les calaisiens ruinés qui voudraient se refaire tout en diminuant le nombre des habitants de la Jungle de façon humanitaire : la traversée de la Manche par des entreprises clandestines locales.

  • «  »Notre administration, …., peut faire preuve d’une certaine inertie … » »
    Probablement que ce doit être le fait d’un manque d’effectifs …
    Pourtant quand il s’agit d’aller faire du racket sur la route, ils en trouvent des effectifs !
    Étonnant, non ?

  • Les commentaires sont fermés.

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