Par Nathalie MP.
La semaine pascale avait commencé mardi 22 mars dernier dans l’horreur des attentats de Bruxelles, puis elle s’était enlisée dans la « naïveté » que Michel Sapin avait cru bon de reprocher aux dirigeants belges et les étonnements politiques plus ou moins simulés à propos de l’existence de communes type « Molenbeek » en France. La publication des chiffres du chômage, faisant état d’une hausse particulièrement forte des demandeurs d’emploi de catégorie A en février 2016, est tombée le jeudi 24 mars ajoutant son lot de pessimisme et de découragement à une ambiance déjà sinistre. Mais le vendredi 25, enfin la bonne nouvelle, le miracle, la multiplication des bons résultats qu’on n’attendait plus ! C’était au tour de l’INSEE de communiquer ses statistiques sur les comptes publics de l’année 2015. Sans faire durer le suspense plus longtemps, je vous livre l’essentiel : tout est « meilleur que prévu » ! Alléluia !
Baisse du déficit public ?
Commençons par les nombreux Glorias qui ont célébré l’annonce des chiffres de l’INSEE. Tous les journaux ou presque titrent sur le déficit public qui s’est établi à -3,5% du PIB alors que le gouvernement tablait sur -3,8 % et qu’il était de -4 % à fin 2014. Rappelons toutefois que le respect du pacte de stabilité de l’Union européenne demande de rester en deçà de 3 %. N’oublions pas non plus que François Hollande candidat à la présidence de la République avait promis en 2012 d’y parvenir en 2013, et que cet objectif avait été repoussé d’abord à 2015 puis maintenant à 2017. Dans le budget établi pour 2016, le déficit public est fixé à -3,3 %.
Mais ne cédons pas à la critique facile et regardons plutôt le verre à moitié plein. Un déficit de -3,5 %, c’est mieux qu’avant, c’est mieux que prévu, tout cela est fort vrai, et réjouissons-nous avec nos ministres en charge des Finances et du Budget (voir aussi la vidéo ci-dessous, 01′ 38″) :
« C’est notre sérieux budgétaire qui nous a permis d’atteindre ces bons résultats. » Michel Sapin, ministre des Finances, communiqué du 25 mars 2016.
« Ces résultats sont la preuve d’une France qui se reprend en main » Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du Budget, idem.
Dans le détail, les mouvements d’un déficit à la hausse ou à la baisse résultent directement des évolutions des recettes et des dépenses. D’après France Info par exemple, « cette amélioration s’explique par la baisse des dépenses et la hausse des recettes. » Quant au journal Le Monde, il titre carrément : « La France réduit ses dépenses publiques plus vite que prévu » sans même passer par la case plus prudente du déficit. À la lecture d’un tel titre, et il n’est pas rare que le lecteur pressé se limite au titre d’un article, on doit comprendre, non seulement que l’exécution du budget 2015 s’est passée mieux que prévu, mais qu’on est entré dans la réalisation concrète d’économies, qu’on a vraiment diminué les dépenses, que le gouvernement tient la barre avec une rigueur effective jamais connue. La communication, vraiment, c’est tout un art.
Car que nous dit exactement l’INSEE ? Pour bien comprendre de quoi l’on parle, voici le tableau des composantes du déficit public pour 2014 et 2015 publié vendredi. Il peut être également utile de se reporter à un précédent article sur le budget 2016 dans lequel j’ai donné les principales définitions des grandeurs utilisées lorsqu’on parle de comptes publics.
La dernière ligne, intitulée « Besoin de financement », nous donne le montant du déficit public. Il est donc de 77,4 milliards d’euros en 2015, en amélioration par rapport à 2014 et il représente comme je l’ai dit plus haut 3,5 % du PIB de la France en 2015. Repérons maintenant les lignes « Total des dépenses » et « Total des recettes ». La première montre une croissance de 1,4 % par rapport à 2014, et la seconde une croissance de 2,1 %. Comme l’inflation a été nulle cette année, il n’est guère besoin d’entrer dans plus de détail pour comprendre que les dépenses ne se sont pas réduites. Concrètement, elles ont augmenté de 16,8 milliards d’euros d’une année sur l’autre. De leur côté, les recettes augmentent de 24,2 milliards. Le déficit baisse parce que les dépenses ont progressé moins vite que les recettes.
Entrons quand même dans le détail. Les pourcentages de croissance indiqués dans la colonne de droite sont tous positifs sauf pour deux postes de dépenses : les intérêts de la dette et les investissements, qui se replient respectivement de 4,5 % et 5,1 %. Autrement dit, la croissance des dépenses est limitée à 1,4 % uniquement parce que les taux d’intérêt maintenus bas, voire négatifs, par la Banque centrale européenne nous aident et parce que les administrations publiques locales ont réduit leurs investissements. Notons que pour sa part, l’État central a continué à investir, notamment pour la construction du nouveau siège du ministère de la Défense à Balard dont les coûts souvent faramineux, commencent à déraper nettement.
Des chiffres trompeurs
En revanche, les dépenses de fonctionnement continuent à augmenter (de 4,6 milliards d’euros, première ligne du tableau), tout comme les prestations sociales (10,1 milliards). Retraitées des intérêts de la dette et des investissements, les dépenses publiques de l’année 2015 sont en croissance de 2,1 % par rapport à 2014, comme les recettes (+1,6 % si l’on ne retraite que des intérêts).
Dans ces conditions, est-il vraiment possible de parler de « sérieux budgétaire » sans se ridiculiser ? A-t-on franchement l’impression que la « France se reprend en main », comme l’affirment sans rire nos ministres de Bercy ? Quant aux « impôts des Français », ont-ils « entamé leur baisse » ainsi que Michel Sapin l’a déclaré dans la vidéo ?
Pour se faire une idée sur ce dernier point, examinons maintenant les recettes. Sur une hausse totale de 24,2 milliards d’euros, les impôts augmentent de 17,8 milliards (dont 4,8 milliards pour l’impôt sur les sociétés, 3,2 milliards pour la TVA, 3,5 milliards pour la CSG et la CRDS et 0,3 milliard pour l’IRPP). Les cotisations sociales augmentent de 3,8 milliards. Peu de baisses à l’horizon, même si l’impôt sur le revenu des personnes physiques marque une pause après une augmentation de plus de 1 milliard d’euros en 2014.
Pour voir toutes ces grandeurs « baisser », il faut les rapporter au PIB. Ainsi, de 2014 à 2015, les dépenses publiques passent de 57,3 % à 56,8 % du PIB, et les prélèvements obligatoires, c’est-à-dire les impôts et les cotisations sociales, reculent de 44,8 % à 44,5 % du PIB. C’est peut-être sur la base de cet ajustement que Le Monde s’est autorisé à titrer comme il l’a fait. Dans le corps de l’article, on constate d’ailleurs que le journaliste a quand même regardé les chiffres puisqu’il a calculé, comme moi plus haut, que :
Hors charge des intérêts, les dépenses augmentent néanmoins de 1,6 %, nettement plus vite que l’inflation, nulle en 2015.
Mais il se trouve que sur le PIB, notre pays bénéficie également de facteurs externes favorables qui n’ont rigoureusement rien à voir avec un quelconque effort de « sérieux budgétaire. » Si le pays a retrouvé des petites couleurs en termes de croissance (+1,2 % en 2015 après +0,4 % en 2014), ce serait montrer beaucoup de négligence que de ne pas voir qu’elle est pratiquement entièrement due à la baisse conjoncturelle des prix du pétrole et du gaz. De ce fait, tous les « mieux que prévu », tous les « mieux qu’avant » observés, restent largement indépendants de notre volonté et ne reflètent hélas aucune réforme structurelle vraiment profonde de nos administrations publiques.
À propos du PIB, ajoutons que c’est une grandeur utile pour évaluer une économie, mais qu’elle n’est pas sans quelques défauts, notamment chez nous où la part de l’État est si importante. Il augmente certes du fait du développement de l’activité du secteur privé, mais tout recrutement de fonctionnaire a aussi un effet positif. Or il est difficile d’évaluer la contribution exacte du secteur public, celui-ci évoluant hors marché. Ceci amoindrit considérablement la signification des comparaisons qu’on peut faire entre le PIB et les comptes publics.
Le tour d’horizon ne serait pas complet si l’on ne parlait pour finir du stock de la dette publique. Celle-ci est constituée de l’accumulation des déficits publics que le pays connaît depuis le milieu des années 1970. Elle se monte à 2096,9 milliards d’euros à fin 2015, soit une augmentation de 56,6 milliards depuis un an. Rapportée au PIB, elle atteint le taux de 95,7 % contre 95,3 % fin 2014. Comme je l’avais signalé dans mon précédent article sur les comptes publics, ce n’est pas la Grèce (environ 176 %), mais c’est beaucoup plus élevé que l’Allemagne (moins de 75 %). Le pacte de stabilité de l’UE exige en principe que la dette soit maintenue en dessous de 60 % du PIB. Cet objectif parait très difficile à atteindre. Voir dans le tableau ci-dessus l’ensemble des grandeurs importantes des comptes publics français depuis 2005.
La dépense publique poursuit sa course
Le fait que la dépense publique poursuive sa course, le fait qu’elle soit en partie financée par des impôts en hausse permanente, le fait que le chômage et la dette continuent à augmenter, le fait que les comparaisons avec des pays semblables au nôtre sont systématiquement en notre défaveur, le fait que les apparents bons résultats des comptes publics 2015 reposent avant tout sur des facteurs externes favorables auxquels la politique du gouvernement n’a aucune part, tels que les taux d’intérêt bas de la Banque centrale européenne et la baisse des prix du pétrole et du gaz, tous ces faits doivent nous inciter à la prudence pour l’avenir.
Le budget 2016 table sur une croissance de 1,5 %, ce n’est guère ébouriffant, mais compte tenu de l’absence de réformes structurelles engagées en France et compte tenu du ralentissement de la croissance mondiale, il serait déjà formidable d’y parvenir, sachant que c’est le taux minimal à partir duquel on peut espérer voir la courbe du chômage s’inverser vraiment et durablement.
Les promesses de dépenses pour les agriculteurs ou pour renforcer les dispositifs de sécurité, la garantie jeunes, la hausse du point d’indice des fonctionnaires ainsi que les baisses d’impôt annoncées par François Hollande depuis le début de l’année, risquent de peser sur le retour à l’équilibre. Pour l’instant, malgré les multiples louanges que s’adresse le gouvernement, aimablement aidé en cela par la presse, le rétablissement des comptes publics ressemble surtout à l’arbre de la chance qui cache la forêt des réformes mal ficelées, avortées ou inutiles. Lacrimosa.
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Je partage totalement cette analyse pour l’avoir déjà exprimée, de façon synthétique (très synthétique) sur Contrepoints.
J’y rajouterai que pour mieux mettre en exergue le mensonge de SAPIN et consorts (journalistes entre autres), si on additionne le reflux de dépenses représenté par les intérêts de la dette en recul et celui des investissements en berne, on tombe exactement au niveau du déficit 2014. Qui plus est le seul poste de dépenses qui peut être créateur de richesses (les investissements) est celui qui diminue le plus. Donc pipeau…
De plus je rajouterai que entre juin 2012 et fin 2015 la dette s’est envolée de 307 mds d’euros. On voit bien le sérieux budgétaire dont SAPIN se prévaut et la reprise en main (par beaucoup d’acteurs divers et variés et pas recommandables mais surtout pas par les nuls de service) du pays selon ECKERT.
Pour reprendre une expression désormais bien connue de H16 : « c’est du foutage de gueule… »
En même temps, on vit dans un pays ou les gens pensent qu’en réduisant le déficit public on fait des économies…pour vous dire ou on en est…
En plus d’être nuls et de ne rien réformer, ils se permettent de mentir au français. Leur gestion du pays ne sert qu’à gérer leur propres intérêts, en maintenant le statu-quo et en soutenant leurs amis. Après moi, le déluge, l’édifice tiendra bien encore une génération, cela doit être leur devise.
Pas plus menteur que François Hollande and co.
En plus il sera facile de présenter des comptes favorables par de simples jeux d’écritures reportnat certaines dépenses sur l’après élection.
Sans compter les milliards que promet fh à chaque intervention mais dont les intéressés ne perçoivent jamais les sommes complètes.
Tout celà est parfaitement logique si on se rappeĺle que l’objectif de Hollande n’est pas le progrès de la France et des Français, mais sa réélection en 2017. Et qu’
en politicien chevronné (mais dirigeant minable), lui et ses copains appliquent le vieux dicton de Chirac : »Plus la ficelle est grosse, mieux ça passe » Et le vote des Français en 2017 risque bien de lui donner raison, beaucoup d’électeurs formatés par les médias ou achetés par ses faveurs sectorielles votant avec leurs tripes au lieu de leur tête.
Face à Pascal Salin, il avait dit que ses problèmes n’étaient pas le pouvoir d’achat ou l’emploi mais la paupérisation de l’Etat dont il est responsable puisque les socialistes ne savent que créer des pauvres tellement il les aiment.
Mais les soces sont forts, il arrivent encore à soutirer aux Français un demi milliard d’euros en plus toutes semaines.