François Hollande : grand maître ou capitaine pédalo ?

Si sa stratégie de conservation du pouvoir semblait claire au départ, elle devient de plus en plus opaque avec le temps.

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François Hollande-Parti Socialiste-Mathieu Delmestre(CC BY-NC-ND 2.0)

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François Hollande : grand maître ou capitaine pédalo ?

Publié le 23 février 2016
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Par Nathalie MP.

François Hollande-Parti Socialiste-Mathieu Delmestre(CC BY-NC-ND 2.0)
François Hollande-Parti Socialiste-Mathieu Delmestre(CC BY-NC-ND 2.0)

Si François Hollande devait se représenter et surtout gagner l’élection présidentielle de 2017, il faudrait se résoudre à admettre qu’il est un personnage beaucoup plus brillant que ce qu’on lui concède habituellement, à coups de « Flanby », « Pépère » et autres « Fraise des bois » fréquemment utilisés à son encontre. Mais là encore, on se demanderait si son succès est dû à une stratégie gagnante finement élaborée ou à un facteur chance extraordinairement bienveillant à son égard. Car si sa stratégie de conservation du pouvoir semblait claire au départ, elle devient de plus en plus opaque à mesure que le facteur temps, élément central de ses calculs, joue en sa défaveur.

J’en reste à l’idée qu’après une campagne électorale bien marquée à gauche pour mieux terrasser Nicolas Sarkozy, François Hollande, confiant dans la thèse des cycles économiques, est arrivé au pouvoir en 2012 avec l’idée d’attendre un retournement économique favorable qui entraînerait la France sans effort sur un peu de croissance et de baisse du chômage. Après la violente crise de 2008, un tel retournement ne manquerait pas de se produire dans les deux à trois ans suivant son accession à la présidence de la République, et il resterait un à deux ans pour engranger des résultats économiques positifs permettant d’envisager sereinement une candidature réussie en 2017.

J’en reste donc aussi à l’idée qu’en attendant ce moment salvateur auquel les politiques menées par son gouvernement n’ont et n’auront aucune part, il s’est attaché à faire mine d’agir pour mieux brider les impatiences venues de sa gauche comme de sa droite, et surtout de l’Union européenne. Avec Jean-Marc Ayrault, Christiane Taubira, le « Mariage pour tous » et la politique pénale en début de mandat, puis avec la réforme du collège et des programmes scolaires, il donnait des gages à la gauche. Avec Manuel Valls, la loi Macron et le Pacte de responsabilité (baisse des charges des entreprises contre des embauches), il faisait les yeux doux à la droite, au Medef et à la Commission européenne en se glissant dans les habits d’un grand réformateur de nos structures.

Vis-à-vis de l’Union européenne, cette stratégie a plutôt bien fonctionné puisque la limitation du déficit public aux 3 % exigés dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance européen, d’abord promise pour 2013, a été repoussée (et acceptée) à 2015 puis 2017. Par contre, la réforme du collège menée par Najat Vallaud Belkacem a vu se lever contre elle une opposition farouche de la part des enseignants, pourtant bon public du parti socialiste dans leur majorité.

François Hollande où l’art de la synthèse

Hollande capitaine de pédalo rené le honzecTout ceci évoque assez nettement l’art périlleux de la « synthèse » dont François Hollande est réputé maîtriser toutes les subtilités. Si ce n’est que depuis la loi Macron, adoptée non pas par le vote des députés mais par utilisation répétée du 49.3, l’ensemble de la gauche est soumis à des tensions sévères et semble assez peu sensible aux exercices d’équilibriste du Président. Dans les rangs du Parti socialiste, bon nombre de députés « frondeurs » ont manifesté leur opposition à la plupart des politiques du gouvernement, jugées « de droite » voire « d’extrême-droite. »

Les attentats de 2015 ont encore compliqué la donne politique, tout en apportant un répit dans la chute de popularité de François Hollande. La réponse du gouvernement aux tueries islamistes de janvier et de novembre s’inscrit intégralement dans un resserrement de l’emprise sécuritaire sur le pays : loi Renseignement, état d’urgence prolongé deux fois et déchéance de la nationalité pour les terroristes, ces deux derniers points étant en passe d’être inscrits dans la Constitution (si les sénateurs suivent les députés). Les débats qui ont eu lieu autour de toutes ces mesures en ont montré la totale inopérance s’il s’agit bien de lutter contre le terrorisme, mais les Français les ont cependant approuvées dans leur très vaste majorité (77 %), à l’exception des peu nombreux libéraux d’un côté et des personnes proches de l’extrême-gauche de l’autre (où elles sont quand même 62 % à soutenir ces mesures).

Au sein du personnel politique de gauche, c’est une autre affaire. Christiane Taubira a quitté un prestigieux poste de Garde des Sceaux à la fin du mois de janvier dernier pour des raisons de désaccord politique majeur sur la déchéance de la nationalité. Comme un remaniement ministériel assez profond est intervenu quinze jours après, on comprend que cette décision était bien de son initiative personnelle et qu’elle comptait le faire savoir clairement.

La gauche est donc profondément divisée et surtout profondément défiante à l’endroit de François Hollande. Le malaise est si terriblement palpable que des voix (celle de Daniel Cohn-Bendit, celle de Thomas Piketty, par exemple) militent en faveur d’une primaire à gauche en vue de la Présidentielle, alors que la tradition donne généralement la priorité au Président sortant pour se présenter une seconde fois. Et l’idée fait son chemin.

Tout ne se déroule pas comme prévu

À ce stade, on doit également noter que sur le plan des résultats économiques, rien n’évolue comme attendu. Le chômage français continue de monter (5,8 millions de chômeurs Métropole et Outre-Mer en catégorie A, B et C à fin décembre 2015, contre 4,6 en mai 2012) et le fameux retournement qui pourrait nous entraîner vers le haut dans son sillage n’arrive toujours pas. C’est d’autant plus angoissant pour François Hollande que les indicateurs économiques mondiaux sont tous en train d’être revus à la baisse en raison notamment du ralentissement de la Chine et de l’excès de dette dans le financement de l’économie.

On se demande sincèrement si François Hollande sait ce qu’il fait. Ah mais oui, bien sûr ! Il s’est engagé à ne se représenter que si la courbe du chômage s’inversait avant la fin de son mandat. Comme la solution par la croissance est maintenant exclue, il a pris le taureau par les cornes en décidant de mettre 500 000 personnes sans emploi en formation. C’était la grande annonce du nouvel an !

Et pour encore mieux faire, le gouvernement remanié qui doit le conduire jusqu’à la fin de son mandat fait la part belle aux différents courants de la gauche qui étaient quelque peu en froid avec l’exécutif auparavant. Les écologistes, dans un accès d’immense bonté, reviennent à trois et oublient tout ce qui les séparait de François Hollande (déchéance de la nationalité, budget de la politique écologique). Jean-Marc Ayrault, premier Premier ministre de Hollande, symbole d’une certaine distance frondeuse, revient aussi à un poste relativement honorifique (Affaires étrangères) et nous gratifie immédiatement de quelques couacs à propos de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes. Des ministères amusants sont créés : biodiversité (pour plaire aux écolos), égalité réelle (pour plaire à un peu tout le monde à gauche). Bref, François Hollande, Président de tous les Français, va mener dorénavant une politique dont la sensibilité apparente est clairement « de gauche ».

Tout va donc pour le mieux. Tout va tellement bien qu’il serait dommage de ne pas s’offrir encore un petit coup de « synthèse » comme le Président en a le secret. François Hollande a donc lancé une dernière grande réforme, celle du marché du travail, autour des notions de flexibilité pour les entreprises et de sécurité pour les salariés du privé. Elle sera présentée en Conseil des ministres le 9 mars prochain, mais on en a déjà quelque idée : avec son assouplissement du temps de travail, sa limitation des indemnités payées par les entreprises en cas de licenciement pour faute, sa relative remise en cause des syndicats pas assez représentatifs et le renforcement des négociations au sein même de chaque entreprise, ce projet de loi vu de la fenêtre de la gauche et de la plupart des syndicats est une abomination entièrement dictée par le Medef que même la droite n’aurait pas osé présenter. C’est si vrai qu’on murmure que la loi pourrait être adoptée par la méthode du 49.3 (visiblement, après l’avoir bien dézingué, l’exécutif y prend goût). Et qu’on recommence à parler primaire à gauche, surtout si Hollande ne se représentait pas.

François Hollande a donc avancé un nouveau pion sur son échiquier. Loin de raffermir le rassemblement de la gauche brièvement réalisé par le remaniement ministériel, il accentue à nouveau la dispersion et la fronde. Et dans le même temps, il a confirmé sur France-Inter vendredi 19 février dernier qu’il conditionnait bel et bien sa candidature à l’inversion de la courbe du chômage. Est-il en train de se dire qu’il y a urgence à adopter des mesures vraiment libérales pour avoir des chances d’aboutir sur ce point avant la fin du quinquennat ? Ou compte-t-il s’en tenir à ses 500 000 chômeurs en formation et faire subir à cet ultime projet le sort de la loi Macron, c’est-à-dire un leurre à destination de l’union européenne, qui verra se dresser contre lui tous les archaïsmes français, pour finir décharné et désossé dans les faits ?

L’avenir en demi-teinte

Toujours est-il que les sondages récents sont toujours aussi maussades pour l’exécutif. Après le remaniement ministériel, certains membres du Parti socialiste se demandaient si le Président avait un plan, ou un atout dans sa manche tant ses mouvements leur paraissaient hasardeux. Bonne question, en effet. Soit il ne compte pas se représenter et la contrainte du chômage va l’aider. Il sera l’homme qui ne déserte pas, mais qui assume et tient parole. Soit il compte se représenter et dans ce cas, on peut supposer, soit qu’il a une certitude sur un début d’inversion de la courbe, soit qu’il n’a aucune certitude sur rien mais qu’il compte sur une ultime vague « synthèse » pour y parvenir.

Dans l’hypothèse d’une candidature Hollande en 2017, la réussite tient aussi à la présence de Nicolas Sarkozy comme candidat de la droite. Un Nicolas Sarkozy en position de faiblesse, naturellement, dont le Président sortant ne fera qu’une bouchée au premier tour. Encore faudrait-il que la technique des mises en examen régulièrement réactivées ne finissent pas par le dégager complètement du paysage au profit d’Alain Juppé, face auquel Hollande aurait plus de mal à s’imposer. À moins que cette mise en examen de Sarkozy ne soit finalement le signe révélateur que François Hollande a décidé de ne pas se représenter et qu’il ne lui reste plus que la satisfaction de miner le chemin de son meilleur ennemi.

Ou alors, autre possibilité, qui ferait de François Hollande un être particulièrement manipulateur et destructeur, il est en train de jouer auprès de la gauche le test toujours risqué de l’amour inconditionnel pour rester, sinon grand maître, du moins l’unique capitaine pédalo.

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  • On n’est pas brillant par la manipulation, ceci s’appelle être pervers; contourner les règles pour tromper autrui aux fins d’éviter les obstacles.
    Etre brillant, c’est être capable d’avoir une vision du monde suffisamment juste pour l’imposer à ses adversaires, avec l’aide des forces de ceux qu’on a été capable de rassembler autour de soi.

    C’est donc l’inverse de Zizi Rider.

  • « Entre le machiavélisme et la connerie, c’est souvent la deuxième proposition qui l’emporte . » Alain Madelin

  • le plus comique dans cette histoire de « 500 000 personnes sans emploi en formation. », c’est que les gens traduisent automatiquement « 500 000 chômeurs déguisé en étudiants », et porte ça à son DEBIT, pas à son crédit.
    Alors que en réalité, on parle d’environ 15 jours de formation pour ces personnes, pas un an, ce qui représente en gros 20 000 personnes sorties des statistiques du chômedu, au mieux le double avec un timing parfait, pas 500 000 !

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