Les conséquences du déclin d’Angela Merkel

La chancelière allemande n’est plus en mesure de donner le ton en Europe, et ce n’est pas une bonne nouvelle.

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Angela Merkel (Crédits : World_Economic_Forum, licence Creative Commons)

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Les conséquences du déclin d’Angela Merkel

Publié le 1 août 2014
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Par Alex Korbel.

Merkel credits lea leamm (licence creative commons)

Depuis neuf ans, le magazine Forbes considère la chancelière allemande comme la femme la plus puissante du monde, notamment parce que son rôle a été central dans la gestion de crise des dettes publiques des pays de la zone euro. Même s’il est légitime de se demander si la dame d’étain Angela Merkel a réussi à négocier au mieux les intérêts de son pays, il apparaissait – il y a encore pas si longtemps – qu’elle était en mesure de dicter sa volonté à l’Europe.

Plus maintenant. Et c’est une mauvaise nouvelle pour l’état de l’Europe. Au fur et à mesure que l’influence de la chancelière s’amenuise, tout espoir de consolidation budgétaire des États européens se dissipe. Ce déclin a plusieurs causes.

Une marginalisation à domicile

Le premier handicap d’Angela Merkel est son partenaire politique au sein du gouvernement de coalition allemand. La formation d’un gouvernement entre les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates a affaibli sa capacité à exiger des politiques d’austérité en Europe. Jusqu’aux élections fédérales de septembre 2013, le gouvernement allemand était composé d’une coalition entre les chrétiens-démocrates et les libéraux-démocrates. La priorité politique de Mme Merkel était de prendre en compte les éléments euro-critiques de son électorat. Cela signifiait qu’elle devait paraître dure en négociation, exiger des réformes et des politiques d’austérité en échange du soutien donné par l’État allemand aux économies européennes en difficulté.

Étant donné que la chancelière dirige à présent une grande coalition avec les sociaux-démocrates, cette posture austère n’est plus nécessaire. Au contraire, son adjoint social-démocrate, le vice-chancelier Sigmar Gabriel, est ouvertement sceptique à l’égard des politiques d’austérité. Le vice-chancelier est tranquillement en train d’aligner la position du gouvernement allemand sur celle des autres gouvernements de centre-gauche européens comme celui du président français François Hollande ou du premier ministre italien Matteo Renzi.

Jean-Claude Juncker élu à la présidence de la Commission européenne

Le second handicap d’Angela Merkel est Jean-Claude Juncker. Le nouveau président de la Commission européenne n’a jamais été le favori de la dirigeante allemande. En réalité, Mme Merkel n’appréciait pas l’idée que le Parlement européen nomme des candidats à la présidence de la Commission européenne. Ce n’est que lorsque les sociaux-démocrates européens ont nommé Martin Schulz comme candidat que le centre-droit européen s’est trouvé forcé de désigner lui-aussi un candidat.

Quand il s’agit des affaires européennes, Jean-Claude Juncker représente tout ce qu’Angela Merkel a tenté de disqualifier au cours des années précédentes. Non seulement le nouveau président de la Commission européenne croit en une Europe beaucoup plus intégrée politiquement que ce que la chancelière allemande peut envisager, mais l’ancien chef de l’eurogroupe a également plaidé en faveur de la création d’euro-obligations (des bons du Trésor émis conjointement par les États européens), ce qu’Angela Merkel a rejeté catégoriquement « aussi longtemps que je vivrai ». L’ancien premier ministre du Luxembourg n’est pas un grand amateur des politiques d’austérité. Il privilégie plutôt les transferts entre pays européens.

La perte de son allié britannique

Troisième handicap, la nomination de Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission a aussi provoqué un important dommage collatéral pour Angela Merkel. Elle s’est aliénée le premier ministre britannique David Cameron, son allié le plus sûr en Europe.

David Cameron, sous la menace d’eurosceptiques de son propre parti et du poids électoral grandissant du parti souverainiste UKIP, s’est en effet encore plus opposé qu’Angela Merkel à la nomination de Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission. Angela Merkel ayant changé de camp en cours de route – comme d’habitude – pour soutenir finalement Juncker, la chancelière a affaibli la position de David Cameron à Bruxelles alors même que le premier ministre britannique était son meilleur allié en faveur de la discipline budgétaire en Europe.

L’émergence d’une coalition anti-austérité en Europe

Les dirigeants politiques français et italiens représentent le quatrième et dernier handicap d’Angela Merkel. Le président français est dos au mur après le mauvais bilan des deux premières années de son mandat et deux défaites électorales aux municipales et aux européennes. En Italie, le nouveau premier ministre Matteo Renzi a, quant à lui, remporté une victoire éclatante aux élections européennes.

Bien que leurs fortunes électorales ne puissent être plus différentes, François Hollande et Matteo Renzi sont unis contre la poursuite des politiques d’austérité. Ils ont tous deux affirmé que l’assouplissement des règles budgétaires était une condition nécessaire aux réformes économiques. Cela tombe bien : le vice-chancelier allemand et le nouveau président de la Commission européenne sont d’accord avec eux.

Conclusion

On le voit, une coalition anti-austérité crédible se forme contre Angela Merkel. Fidèle à elle-même, la dame d’étain n’a pas tardé à déclarer par l’intermédiaire de son porte-parole qu’il pourrait y avoir une certaine « flexibilité » dans l’application des règles prévues dans le Pacte de stabilité et de croissance. Comme si cela n’était pas déjà le cas en pratique…

Dans l’avenir, attendez-vous donc à des comptabilités nationales toujours plus créatives et à toujours plus de reculades de la part de la chancelière allemande. Le gouvernement français, par exemple, aimerait voir les dépenses de l’État en matière de politique énergétique, de recherche et de développement exclues du calcul du déficit budgétaire.

Ces considérations et la marginalisation d’Angela Merkel, la seule voix influente en faveur des politiques de rigueur, devraient alarmer les partisans de l’honnêteté budgétaire et de la réforme de l’État.

Sur le web 

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  • Désolée de vous contredire, mais Angela Merkel reste le seul chef d’Etat valable en Europe : sa rigueur, son amour et sa conscience de sa responsabilité dans la conduite de son pays, son écoute de son peuple, tout en elle désigne un chef d’Etat hors pair, intelligente, sérieuse et efficace.
    Actuellement, elle est en train de désamorcer le problème avec la Russie par le dialogue et la sensibilité. Voilà une chose intelligente que n’ont pas considéré les chef d’état européens et américains. Tout à leur plaisir de taper sur « l’ennemi proclamé » russe, ils n’ont pensé que ultilmatums et sanctions (alors que par ailleurs ils ouvrent toutes grandes les portes de leurs pays aux djihadistes, terroristes, musulmans, mondialistes, etc…..)
    Je n’aime pas les femmes « dites modernes » qui hurlent pour être les égales des hommes et se poussent du col pour les égaler, devenant plus des houries que des femmes. Mais quelques-unes valent la peine de s’y attacher et Merkel est l’une de c elles-là.
    Sa rigueur est rébarbative pour tous les gauchos actuels qui prônent l’assistanat et le laxisme, mais au moins elle est efficace. Notre dette ne serait pas à 2 000 milliards d’Euros aujourd’hui si nous avions un président digne de ce nom.

  • bon article. qui montre bien que les dirigeant européen actuels n’ont pas d’autre vision que celle de se faire reélir 5 ans plus tard…

    pauvre europe ! pauvre taupinière !

  • On peut aussi se demander si elle n’a pas depuis quelques mois perdu le soutien des USA.
    Ou plutôt, si les USA n’ont pas décidé depuis quelques mois, qu’elle n’était plus assez malléable à leur gré.
    La négociation du Traité Transatlantique est peut-être devenu l’objet de contention principal, la situation en Ukraine une autre, malgré le ralliement forcé qu’elle a effectué.
    Enfin, comme un signe qu’elle serait poussée vers la sortie, il est remarquable de voir qu’un média comme Der Spiegel se soit mis à avancer son désir de quitter la politique avant la fin de son mandat, bien qu’elle n’en ait jamais fait mention elle-même. Ainsi dans le dernier article qu’ils ont commis sur le sujet, les voit-on commenter l’échange suivant qui aurait eu lieu entre elle et un proche à qui on avait demandé si elle avait décidé de quitter son poste:
    « Et comment leur avez-vous répondu? » demanda la chancelière. « Que ce n’est pas vrai, » répondit la personne. « A juste titre, » répondit la chancelière.
    Et pour le Spiegel d’en déduire que cette réponse est ambigüe et de se lancer dans une analyse tendant à démontrer que non seulement elle pourrait vouloir partir, mais aussi qu’elle devrait probablement le faire…
    Etonnant comme démarche, mais pas inconnu au titre des manipulations d’opinion.
    Il y a actuellement beaucoup plus de pressions et d’action dans les coulisses que ne nous laissent penser les couvertures estivales des médias. L’Europe est tiraillée entre ceux qui veulent lui imposer un destin fédéral compatible avec une fusion transatlantique et ceux qui la voudraient libre de choisir son propre chemin, les tenants du premier cercle dominant actuellement la politique et les institutions européennes, et placés au coeur des exécutifs nationaux, fut-ce par le chantage ou la manipulation comme en Italie.
    Lisez vous-mêmes l’article en anglais, il est très parlant et dérangeant.
    http://www.spiegel.de/international/germany/party-insiders-say-angela-merkel-may-leave-office-early-a-980987.html

    • Autre source de tension entre Allemagne et USA : le rapatriement de l’or en Allemagne, dont on sait qu’il a été demandé, dont on sait qu’il n’est pas arrivé à destination, mais dont on ne sait rien d’autre…
      Et quand on connaît l’obsession légitime des Allemands pour une monnaie forte, on comprend le stress que cela peut induire…

  • Bonjour,
    Je suis toujours étonné des bonnes volontés que l’on prête a Merkel, mais qu’a t-elle fait sinon surfer sur les resultats de la politique economique de Shroder?..rien, strictement rien…elle n’a reussit ni a influencer l’Europe, ni la empecher la BCE qui continue a soutenir les depenses des iresponsables en financent l’augmentation des dettes via les banques et elle n’a pas reussit a convaincre un seul des iresponsables de changer de cap… Angela = Franois en plus chanceuse, le predecesseur avait fait le boulot, elle n’a fait que s’ en appropriée les fruits…

  • Cameron un partisan de la disciple budgétaire ! Il vaut mieux lire cela que d’être aveugle mais c’est quand même une contre-vérité invraisemblable: le déficit budgétaire de la Grande Bretagne sera encore à 6% jusqu’en 2016 ! Bravo pour la discipline budgétaire !

    Cameron est son allié pour la marginalisation de la commission et une évolution vers de plus en plus de fonctionnement intergouvernemental et pour diminuer le budget européen, en résumé pour moins d’Europe

  • Moi ce qu’il me tue c’est cette arrogance avec laquelle vous refusez de faire le constat de l’echec lamentable de l’europe et de l’euro. Il n’y a pas pire aveugle que celui qui refuse de voire !

  • Les commentaires sont fermés.

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