La défaite prévisible des eurosceptiques

L’opposition à l’euro est fragmentée à travers le continent. Les récits nationaux eurosceptiques ne sont pas compatibles.

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La défaite prévisible des eurosceptiques

Publié le 13 juin 2013
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L’opposition à l’euro est fragmentée à travers le continent. Les récits nationaux eurosceptiques ne sont pas compatibles.

Par Alex Korbel.

L’Europe selon les Grecs.

S’il y a encore un aspect surprenant à la crise des dettes publiques de la zone euro après plus de trois ans d’agonie, c’est bien l’absence d’un mouvement eurosceptique européen. Il est évident que la zone euro fonctionne mal. Il est flagrant que les politiques mises en œuvre pour la sauver sont un échec. Pourquoi donc les Européens n’envoient-ils pas leurs hommes politiques en retraite anticipée ?

Certains gouvernements ont perdu des élections nationales. Mais la politique générale s’articulant entre renflouement des États et « faustérité » (hausse des impôts sans réduction du poids de l’État dans l’économie ni réformes structurelles) n’a jamais été autorisée à changer. Pourquoi ?

L’Europe selon les Allemands.

Des narrations nationales incompatibles

La réponse est qu’il n’y a pas d’analyse des problèmes européens communément admise. Dans tous les pays de la zone, les sondages d’opinion suggèrent qu’un malaise face à l’euro et à la gestion de la crise est très répandu. Ce qui diffère de pays à pays sont les raisons de l’insatisfaction des Européens.

Dans les pays qui souscrivent pour l’instant au sauvetage de la monnaie unique, la principale préoccupation des citoyens est de payer pour les erreurs des autres. Les Finlandais, les Néerlandais, les Autrichiens et les Allemands ne souhaitent ni renflouer les oligarques russes et leurs dépôts à Chypre, ni les préretraités grecs, ni les fraudeurs fiscaux italiens. Il s’agit là d’exagérations stéréotypées, mais elles représentent assez bien le sentiment populaire.

Pour ceux qui s’opposent à l’euro en Grèce, à Chypre ou en Italie, la monnaie unique et les choix politiques qui sont censés la soutenir sont vus comme des diktats indésirables promulgués par Bruxelles, Francfort et Berlin.

Le lecteur de la presse populaire britannique, quant à lui, apprend que l’euro est juste la façon dont l’Allemagne a tardivement gagné la guerre. Ce que les panzers n’ont pu conquérir, la puissance économique de l’Allemagne moderne l’a fait.

Il ne semble guère possible pour un Allemand préoccupé par la compétitivité de son pays et son propre fardeau fiscal de s’associer à un manifestant anti-austérité grec. Les deux peuvent être convaincus que l’euro est la racine de tout mal ; mais ils le sont pour des raisons totalement différentes. Pour l’Allemand, l’euro a incité l’État grec à dépenser sans compter avant la crise, provoquant la débâcle actuelle ; pour le Grec, cette débâcle est la conséquence des politiques d’austérité imposées par Berlin afin de sauver l’euro.

On le voit, l’opposition à la monnaie unique est fragmentée à travers le continent. Les récits nationaux eurosceptiques ne sont pas compatibles.

L’Europe selon les Britanniques.

Des partis politiques aux lignes opposées

Dans la plupart des pays européens, il existe maintenant des mouvements eurosceptiques. Mais leurs lignes politiques ne sauraient être plus diverses.

Ainsi, même si on note de grandes différences de fond et de style entre ces formations politiques, le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni, l’Alternative pour l’Allemagne et l’équipe Stronach en Autriche pourraient toutes être définies comme étant plutôt opposées à l’Union européenne tout en étant vaguement libérales sur le plan économique.

De leur côté, le Mouvement 5 étoiles italien et la Coalition de la gauche radicale grecque justifient leur position anti-euro par leur rejet des politiques réformistes imposées par l’Union européenne.

L’Union européenne a toujours souffert de son incapacité à unir le continent derrière des causes communes. Ironie du sort, ses détracteurs sont confrontés à la même difficulté. Ils sont trop différents pour contester efficacement l’orthodoxie de l’Union.

L’Europe selon les Espagnols.

Extrêmes dans l’exagération ou le consensus

S’opposer à la monnaie unique a été rendu encore plus difficile par la façon dont les partis concernés ont été étiquetés comme étant extrêmes ou réactionnaires.

Le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni semble en partie composé de personnes excentriques, désagréables et tonitruantes – ce qui n’est guère surprenant : chaque mouvement s’opposant au consensus attire son lot d’hurluberlus.

En Allemagne, être en faveur d’une intégration européenne toujours plus étroite a été longtemps considéré comme une condition sine qua non de respectabilité politique. Aucun parti politique souhaitant rester éligible n’aurait osé s’écarter de ce consensus démocratique d’après-guerre.

Le nouveau parti Alternative pour l’Allemagne, dirigé par un éminent professeur d’économie de Hambourg, a dû se défendre dès sa création contre des allégations d’extrémisme politique. Et pourtant, s’il y a quelque chose qui est extrême dans ce parti, c’est sa volonté de jouer selon les règles de la démocratie européenne.

Ce curieux parti eurosceptique se décrit comme pro-européen et même en faveur de l’Union européenne mais déclare que l’introduction de l’euro a été une erreur qui doit être corrigée. Toutefois, la fin de la zone euro devrait se produire à la suite de renégociations entre les membres de la zone euro, dans le cadre d’une dissolution ordonnée de la monnaie unique. Cette recherche permanente du consensus dans l’alternative rappelle la célèbre maxime de Lénine : « Si j’ordonne à des Allemands de prendre une gare, ils commenceront par acheter des tickets de train ».

Tant que les mouvements eurosceptiques en Europe restent fragmentés, les chances qu’il y ait une opposition significative à la politique européenne sont proches de zéro.

Comme toutes les monnaies, l’euro finira par disparaître, peut-être à cause de ses défauts de conception. Mais on peut penser que l’opposition politique à la monnaie unique ne contribuera guère à sa chute.


Article originel publié le 04 juin 2013 sur 24hgold.com.

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  • Excellent article qui a bien saisi le problème des eurosceptiques, qui est d’ailleurs, toute proportion gardée, comparable à celui des antifédéralistes à la veille de l’adoption de la constitution des Etats Unis en 1787 : une multitude de critiques dispersées et sans unité face à un argumentaire relativement unifié en faveur d’une centralisation accrue. Narrative matters !

  • Sauf si je vous ai mal lu, la principale raison en est liée aux citoyens des Etats en opposition avec l’Allemagne, dont les habitants ont su effectuer les efforts nécessaires pour retrouver une puissance économique, même si nous déplorons leur volonté hégémonique et leur propension à vouloir nous imposer une politique monétaire inadaptée.

    Je veux dire que, si les citoyens étaient prêts soient à renoncer à un peu de prestations sociales, soit surtout à faire financer ces dernières par les produits d’importation (et donc de consommation courante en fait), les mouvements eurosceptiques auraient une crédibilité économique.

    Parce qu’il s’agirait clairement ici non pas de défendre un « Etat-Providence » dépassé financièrement mais l’économie réelle face à la concurrence déloyale, laquelle « économie réelle » prendrait la suite de l’Etat-Providence dans la gestion des impératifs sociaux.

    • Avec des si on couperait du bois…

      Il ne s’agit pas de défendre l’économie réelle, ça veut rien dire l’économie réelle. C’est une Mélanchonnerie dont ils se servent pour attaquer la finance…

      Il s’agit de défendre une autre vision de l’Europe qui est seulement une zone de libre échange.
      On a voulu en faire une union politique et maintenant fiscale, une espece de machine bureaucratique dotée d’un pouvoir considérable. Un genre de gouvernement pour états. C’est majoritairement à ca que s’oppose beaucoup d’eurosceptiques.

  • Le seul moyen de sauver l’euro est de l’ouvrir à l’or ou l’argent métal de façon à en faire une monnaie saine .Ou alors y mettre fin en quelques semaines(demandons à Vacav Klau comment faire…)!

  • « Il est évident que la zone euro fonctionne mal. Il est flagrant que les politiques mises en œuvre pour la sauver sont un échec »

    On ne peut remédier à 40 ans de gabegies populo-budgétaires en quelques mois, et ce n’est pas l’euro qui va mal, mais les pays qui le composent, et seraient bien plus mal pris s’ils jouaient tout seuls.

    C’est à cause de ces endettés chroniques que les taux d’intérêts sont si bas que cela en est malsain, et paralyse toute l’économie, et décourage l’épargnant, mais aussi le consommateur.

    L’euro ne peut s’évaluer sur le court terme : c’est une monnaie indispensable, mais qui souffre de pays voyous et dépensiers, dont la France se fait le porte drapeau. Qu’elle réduise sont budget de 35 % et plus personne ne dira que l’euro est un échec … On peut rêver !

  • Nul besoin des euroseptiques pour voir ce système oligarchique se décomposer : le fruit est mûr, il reste à attendre qu’il pourrise sur l’arbre. C’est rigolo de voir s’agiter les défenseurs de ce montage européen voué au désastre. Ils s’en foutent, au fond, ce ne sont pas eux qui paieront les pots cassés mais bien les peuples.

  • J’aime l’imagerie ; mais connait l’U.E. autant que vous-même.

    Devenu eurosceptique , entre UE fédérale et l’U.E des Nations (et de leurs cultures différenciées) , j’abonde en faveur de la seconde. Elle au moins est susceptible de respecter les droits du plus grand nombre en les considérant pour ce qu’ils sont d’abord : DIFFERENTS ! La pensée unique est devenue synonyme d’inflexibilité de gouvernance. Tous les leaders deviennent des carriéristes en quête de terminé « là haut » avec le prestige (en extinction mais fort rémunérateur). Le regard de chinois est significatif : le monolithe européen leur convient fort bien (affaiblissement des pays leaders en faveur d’un magma ingouvernable). Telle est l’opinion spontanée d’un proche observateur qui vaut autant que celle d’un Alex K.

    • Merci pour cet excellent article, j’ai adoré les cartes.

      La conclusion me semble néammoins moins convaincante: il suffit que dans un seul pays les eurosceptiques l’emportent pour que l’Euro soit compromis.

      Et comme l’Euro a pour effet – après des années ou c’était tout l’inverse grâce au crédit à gogo – de renforcer l’économie allemande et d’affaiblir les économies du Sud, un tel scenario est relativement probable.

  • Certes , les euroseptiques sont souvent verbalement mal traités par les pouvoirs en place , qui se refusent à s’être trompés et surtout risquent de perdre leurs avantages financiers
    Et alors ? est-ce une raison suffisante ?

  • Les libéraux sont très souvent eurosceptiques, et les chefs d’entreprises pratiquement jamais…

    • Tout dépend probablement du degré de dépendance de leurs volumes de ventes liés à des milieux « subsidiés » par des capitaux publics ?

      Sorry : pour nous en parler de manière si simpliste, vous ne devez pas jouir de connaissances fort pénétrantes du sujet « entreprises » et de leur gouvernance (hors celles contrôlées massivement pas l’Etat français) !

  • Vous « reprochez » – si je puis dire – aux eurosceptiques de ne pas arriver a se fédérer dans un mouvement « unique » sur toute l’Europe, mais c’est justement parce qu’on sait que la nation européenne n’existe pas que ce mouvement « unique » ne peut pas exister. Et comme vous le dîtes, les raisons de l’euroscepticisme sont diverses.

    Il n’y a qu’un principe qui peut unir au delà des nations et du clivage gauche/droite : la démocratie nationale, se battre pour rapatrier toutes les souverainetés au niveau nationale, écarter les sujets comme « banque centrale qui prête directement à l’Etat ou non », « libéralisme ou antilibéralisme » etc. C’est exactement cela qui pousse UKIP a se rapprocher de DLR de Dupont-Aignan sur l’Europe alors que l’UKIP est d’essence libérale et NDA gaullo-social-étatiste. Mais même là… ce n’est pas simple, car j’aurais dû mal a voter DLR, même si je sais que c’est pour grossir le groupe de l’UKIP au Parlement européen, ça ne marchera pas.

    Je crois qu’au contraire, il ne faut pas chercher a unifier l’euroscepticisme… mais plutôt faire gagner son parti eurosceptique national et espérer que ça libère et entraîne les autres dans les pays voisins. Mais chez nous c’est mal barré, ne serait-ce qu’a cause du socialisme de nos partis eurosceptiques, j’adorerai avoir un UKIP français, mais nous ne l’avons pas.

  • cause toujours . a force de les emmerder , les allemands risquent de sortir de l’euro les premiers

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