Sacrifier la démocratie pour sauver l’euro et perdre les deux

En voulant sauver l’euro, Mario Draghi a peut-être grièvement blessé quelque chose de très important : la démocratie en Europe.

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Sacrifier la démocratie pour sauver l’euro et perdre les deux

Publié le 29 septembre 2012
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La Banque centrale européenne (BCE) a donc sorti sa baguette magique. En promettant l’achat illimité d’obligations souveraines, Mario Draghi, le président de la BCE, a montré qu’il honorait sa promesse de faire « tout ce qu’il faut » pour sauver la monnaie unique européenne. Mais en voulant sauver l’euro, Mario Draghi a peut-être grièvement blessé quelque chose de très important : la démocratie en Europe.

Par Alex Korbel, depuis Bruxelles

Où est passée l’urne ?

Suite à cette décision de la BCE, les électeurs allemands et espagnols vont se rendre compte que, de plus en plus, le choix en matière de politique économique, si cruciale pour le pays, ne se fait plus dans l’isoloir.

half is not enoughEn Allemagne tout particulièrement, on assiste à une prise de conscience croissante que la BCE, un organisme non élu qui se targue de son indépendance vis-à-vis des gouvernements nationaux, vient de prendre une décision qui a des implications profondes pour les contribuables allemands sans que ces derniers ne puissent ni la modifier, ni même la contester en votant.

Les précédents plans de sauvetage européens devaient être approuvés par le parlement allemand et ont fait l’objet d’un examen par les tribunaux du pays. La Cour suprême allemande a assuré de la constitutionnalité du plan de sauvetage le plus récent.

Mais la décision de la BCE d’acheter sans limite les bons du trésor des États européens mal gérés est à l’abri de ces contrôles démocratiques. La BCE ne peut pas être contrainte par le parlement allemand. Et parce qu’il s’agit d’une institution de l’Union européenne (UE), le pouvoir de la BCE ne peut pas être contré par le pouvoir des juridictions allemandes. Seule la Cour européenne de justice est en position de le faire.

L’isolation croissante de l’électeur allemand

Au sein de la BCE, le président de la banque centrale allemande n’a qu’un seul vote ; il a ainsi autant de poids que les présidents des banques centrales maltaise ou slovène. Sans surprise, Jens Weidmann, le représentant de la Bundesbank auprès de la BCE, a été le seul à voter contre ce plan d’achat des obligations des États mal gérés européens.

Les sondages suggèrent que la position de Jens Weidmann reflète maintenant l’opinion majoritaire en Allemagne.

Après la décision de la BCE, la Bundesbank a publié un communiqué affirmant que ce plan « équivaut à un financement des gouvernements par la planche à billets » et que le risque financier sera dorénavant « porté sur les épaules des contribuables des différents pays ». Traduction pour ceux qui ne parlent pas le banquier central couramment : le plan de la BCE est illégal et dangereux et les contribuables allemands pourraient se retrouver à payer la facture.

Humiliation + récession = ?

Les Allemands ne sont pas les seuls à avoir des raisons de se sentir nerveux quant aux implications pour la démocratie de cette décision de la BCE. Pour accéder à la puissance de feu illimitée de celle-ci, les Espagnols et les Italiens devront accepter son « programme ».

Madrid ou Rome devront accepter la supervision de leur budget national par Bruxelles et Francfort. Une telle perte de souveraineté nationale, si humiliante et manifeste, combinée à une profonde récession, serait la formule parfaite pour conduire les électeurs aux extrêmes politiques, comme en Grèce.

L’hostilité envers l’Allemagne devient consensuelle en Europe

Bien sûr, les idéalistes européens diront que parler de perte de souveraineté nationale est dépassé. L’euro est une monnaie européenne. Son sort doit donc être fixé par les institutions et les électeurs européens, pas par les électorats nationaux.

Cependant, dans la pratique, la crise des dettes publiques des États mal gérés de la zone euro polarise de plus en plus la politique européenne sur des bases nationales. En Italie comme en Espagne un début de consensus national se dégage unissant les partis de gauche et de droite contre ce qui est perçu comme l’arrogance et l’égocentrisme allemands.

En Allemagne, le consensus droite-gauche consiste au contraire à estimer qu’une politique d’austérité dans le sud de l’Europe doit être le prix du sauvetage des États-membres en difficulté.

Le dilemme de Draghi

Pourquoi Mario Draghi a-t-il agit ainsi ? La réponse est qu’il fait face à un dilemme.

Il est clair que les centaines de milliards d’euros engagés dans les fonds de sauvetage européens n’ont pas suffi à conjurer la menace d’effondrement des banques et des défauts souverains dans la zone euro. Selon lui, cela pourrait conduire à une dépression, suivie d’une radicalisation politique et ainsi aboutir à une menace pour la démocratie qui est beaucoup plus directe et brutale que la menace posée par la BCE.

En revanche, si la BCE utilise la planche à billets, Mario Draghi pense que les coûts d’emprunt espagnol et italien diminueront et les gouvernements des pays en difficulté seront poussés à faire d’importantes réformes économiques structurelles. Si cet enchaînement se réalisait, Mario Draghi aurait non seulement sauvé l’euro mais il aurait aussi donné à l’Europe le temps nécessaire de renouer avec la croissance, donc avec l’emploi et l’espoir.

Hélas, le plan de Mario Draghi ne peut fonctionner que si les gouvernements nationaux font preuve de transparence, de réalisme, d’audace, de courage – et le tout promptement. Rien n’est moins certain au vu de leur passé immédiat.

Il est assez probable que la crise politique et économique va s’aggraver au cours de la prochaine année alors que l’Allemagne entrera en récession et que l’Espagne et l’Italie (pour ne pas parler de la Grèce) continueront à colmater des brèches béantes à coup de « mesurettes ».

À qui la faute ?

Ceux qui ont le sens de l’Histoire ont des sueurs froides lorsqu’ils réalisent que les derniers événements mettent l’Allemagne en minorité. L’idée centrale du projet européen depuis 1945 était justement d’éviter qu’une Allemagne puissante se sente lésée. Voilà que nous nous rapprochons dangereusement de ce que nous voulions éviter. Au mieux, l’UE devient une coquille vide. Au pire, l’Europe devient une coquille morte.

Ce n’est ni la faute de « Bruxelles », ni celle des « immigrés » ou d’un « néolibéralisme » qui n’existe pas mais bien le résultat de la gabegie à grande échelle d’États élus par des électeurs en attente de toujours plus de bénéfices sociaux en tout genre.

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Sur le web. Publié le 25/09/2012 sur 24hgold.com

Voir les commentaires (19)

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  • Je suis stupéfait. Comment peut-on écrire un aussi bon article et le gâcher par trois lignes de conclusion totalement décalées avec le problème posé ?

    • Nul besoin d’être stupéfait, ces trois lignes sont une excellente synthèse des causes profondes de la crise et de la mutation en cours dans les pays européens, mutation qui doit les conduire à abandonner l’impasse collectiviste dans de nombreux secteurs économiques (santé, retraite, chômage, logement, énergie, transports…) Refuser de l’admettre, rester aveugle au réel à la manière du gouvernement français, retarde l’arrivée des solutions et ne fait qu’approfondir la crise.

      Bref, très bon article, si ce n’est un excès de pessimisme relatif à la croissance en 2013.

  • Votre article aurait du sens s’il n’était conclu par une dernière phrase teintée d’idéologie anarcho-libérale qui réduit l’ensemble à un ramassis de contre-vérités du niveau du caniveau.

  • Comme par hasard, pour les libéraux comme celui qui rédige cet article, la crise actuelle serait la résultante d’une politique sociale qu’ils considèrent comme débridée. Et pourtant, la crise d’aujourd’hui est plutôt la résultante d’une politique de dérégulation massive de l’économie. Mais après tout, a-t-on vu des libéraux se remettre en question ? Bien sûr que non !

  • Je sens qu’un débat passionnant va commencer…

  • Bien sûr, si on se trouve dans une telle merde, c’est bien évidemment à cause de tous nos acquis sociaux. On nous prends pour des imbéciles sur ce site! Enfin, qui a dilapidé des milliards à tour de bras depuis l’affaire des subprimes. Concernant les dettes des pays, qui a forcé les états à emprunter à des créanciers extérieurs générant des intérêts qui grossissent de jours en jours et dont les états n’arriveront jamais à rembourser, qui provoquent des bulles financières, qui est obligés de sauver nos chères banques, qui s’en foutent plein les poches et planquent leurs magots dans les paradis fiscaux, qui profitent du dérèglement boursier, qui nous a ruiné??? les peuples peut-être…mensonges…arrêtez de taper sur les plus pauvres d’entre nous, ce ne sont pas les coupables mais les victimes de ce système devenu absurde et incontrôlable.

    • Ce système en l’occurrence est l’entière responsabilité de l’État, effectivement encouragé par le « big business ». Personne n’a forcé les États à emprunter, et personne les empêchent de faire tourner la planche à billet (et ils ne s’en privent pas) : la solution n’est certainement pas d’affaiblir les quelques limites qu’ils se sont imposé dans cette voie.

      Les libéraux eux sont favorable à l’équilibre budgétaire et s’opposent au sauvetage des banques et aux manipulations monétaire qui favorise la formation des bulles.

      De plus il n’est pas questions de « taper sur les pauvres », mais simplement de voir un peu plus loin que le bout de son nez : la plupart des « acquis sociaux » sont soit directement nuisible aux plus pauvres (comme le smic et la réglementation du travail, qui augmente le chômage particulièrement pour les travailleurs peu qualifié, ou la réglementation du logement qui engendre des difficulté d’accès au logement pour ceux qui offrent peu de garantie) soit indirectement nuisible sur le long terme à cause de leur effet néfaste sur l’économie (comme les allocations en général : subventionner l’inactivité et taxer le travail et l’épargne n’est pas une bonne politique économique !).

      Sans parler du fait que ces politiques sont souvent non financées (pour mieux masquer leur caractère néfaste) et deviennent donc responsable de déficit, de dette… et de manipulation monétaire.

  • Bon article mais c’est quand même déraisonnable de conclure que ce n’est pas la faute à Bruxelles. Bruxelles a une part de responsabilité qu’il est impossible nier.

    C’est quand même Bruxelles qui est à l’origine de l’euro et surtout de la gestion désastreuse de l’euro qui ont permis la gabegie d’atteindre de telles proportions et pendant aussi longtemps. Et c’est quand même Bruxelles qui en voulant sauver l’euro laisse la gabegie se continuer encore un bout de temps.

    Vous ne pouvez pas d’un côté écrire que la décision de la BCE de faire marcher la planche à billet est prise « à l’abri du contrôle démocratique » et malgré l’opposition allemande tout en insinuant de l’autre côté que cette décision n’est qu’une conséquence des choix des électeurs.

    • Il me semble qu’avant Bruxelles, c’est la France qui est à l’origine de l’Euro.

      Les électeurs ne votent pas pour les politiques Européennes, ils ne votent pour aucun executif Européen, et il n’existe aucun dispositif sérieux de séparation des pouvoirs au niveau Européen qui soit de nature à garantir aux peuples d’Europe d’exercer leur souveraineté.

      Les électeurs ne votent que dans un cadre national, en vertu d’une constitution qui régit l’ordre politique national. Il n’existe aucun espace Européen sur lesquels ils ont un choix.

      Et ne venez pas me sortir le Parlement EUropéen. Cette assemblée ne vote qu’une dizaine de % des lois EUropéennes et elle partage cette fonction avec … Le conseil des ministres. C’est du foutage de gueule rien de plus.

      L’Euro ne repose sur aucune nation Européenne, aucune institution démocratique et les pays sont si différents qu’il est ridicule de parler d’une seule et même économie Européenne.

      Bref c’est du vent qui n’a eu qu’une seule vertu : permettre aux états de s’endetter massivement à un coût très marginal. Bien sûr qu’ils veulent le sauver. Pour ma part je pense que c’est une erreur que l’on va payer très très cher.

  • Bravo ! J’espère que beaucoup comprendront la fin de cet article, car si nous réussissons à le faire comprendre nous avons un espoir enfin d’erradiquer de nos société un mal contre lequel M. Bastiat a dédié sa vie à combattre et qui s’appelle socialisme et dont la fin ultime est la dislocation de la nation !

  • Je viens de lire les commentaires … La loi dans ce pays sert à prendre aux uns pour donner aux autres. L’exercice de la politique consiste à prendre de l’argent à ceux qui ont su créer de la valeur pour la donner tantôt aux agriculteurs, chomeurs, industriels, professionnels de l’immobilier, syndicaliste, associations etc etc etc … Bref tout le monde a des raisons de considérer qu’il est juste qu’il profite d’une part du gateau. Pour gérer ce pactole, une caste, les fonctionnaires ont pris tous les pouvoirs, y compris politiques et prélèvent une commission de … 80% (regardez le budget du pays).

    La perversion du système est tel que la loi nous dit maintenant de quelle façon nous devons travailler pour qu’ils puissent s’assurer que pas une miette ne leur réchappe.

    On voit le résultat aujourd’hui, le pays est sur le point de s’effondrer et notre état de disparaître. Non seulement ils ont gaspillé tout l’argent mais nous avons du nous endetter et qu’avons nous créé comme valeur ? Rien, absolument rien, le niveau d’éducation global régresse, la pauvreté explose des industries entières disparaissent.

    La perversion est dans la loi même. Au lieu de protéger la propriété, elle incarne la spoliation, le sentiment du justice a été détruit et c’est toute la nation qui est en pleine désagrégation alors que les fonctionnaires évoluent en toute liberté en s’étant assurés qu’aucun processus démocratique ne pourra les virer de là.

    Menacés par la dette, puisque sans crédit ils n’ont plus un centime pour se maintenir, ils ont commencé leur oeuvre de pillage et ne tomberont pas sans ruiner la France. Cette histoire se finira dans la rue et violemment.

  • Pas d’accord. La banque centrale est et reste indépendante du pouvoir élu, comme l’est la justice. Cela n’a rien à voir avec l’europe, puisque c’est la meme chose avec la Bundesbank !!

    • Un pouvoir est toujours élu, la seule question est : élu par qui ? les juges se cooptent sur la base d’un concours technique anonyme, et suivent des règles formelles très strictes (code de procédure, etc.) ça peut marcher. Les banquiers centraux se cooptent sur la base de … quoi ? personne ne peut le dire, et c’est très malsain, d’autant plus que pour la BCE les objectifs sont très larges et flous, et les règles très lâches (contrairement à la BB qui est soumise à une très forte contrainte sociale).

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