L’État en mode start-up

En analysant les principes fondamentaux du nouvel âge de l’action publique, Yann Algan et Thomas Cazenave dessinent le futur proche et souhaitable de l’État, qui évolue en fait parallèlement à la société dans son ensemble.

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L’État en mode start-up

Publié le 19 juillet 2016
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Par Alexis Flot.
Un article de Trop Libre

L'état en mode startup« Nous arrivons aujourd’hui à la limite de notre modèle. Il revient à l’État d’agir en transparence : il ne peut plus, comme autrefois, décréter par le haut quelle politique devrait être modernisée, renforcée ou abandonnée. La capacité des pouvoirs publics à innover et à s’approprier aujourd’hui les nouvelles technologies est la condition de leur souveraineté, de leur proximité et de leur ouverture. » La préface d’Emmanuel Macron donne le ton de cet ouvrage stimulant dirigé par Yann Algan et Thomas Cazenave, qui tentent, avec une dizaine d’auteurs ayant expérimenté à leur niveau la modernisation de l’État, de dessiner la transformation nécessaire de l’action publique à l’aube du XXIème siècle.

En refusant la théorie décliniste de l’État et d’une prétendue « équation impossible », les auteurs ont pour objectif de montrer ce que doit être l’action publique aujourd’hui. Pour eux, la révolution numérique annonce un « nouvel âge d’or de l’État », fondé autour de trois piliers : la participation citoyenne, la personnalisation du service public et l’avènement de la culture du résultat dans des administrations déconcentrées.

Ces trois piliers se construiront sur deux principes-clés : comprendre d’abord comment les citoyens agissent et leur créer un environnement favorable ; et ériger la simplicité comme une condition incontournable du nouvel État.

L’âge de la participation des citoyens 

« Le citoyen devient coresponsable et coproducteur du bien public ». Ce chemin se dessine déjà aujourd’hui, avec l’écriture citoyenne d’une « Constitution 2.0 » en Islande, les budgets participatifs de Paris ou New York, et des applications « bottom-up » pour faire remonter des informations via les citoyens, comme Fluicity.

Pour améliorer le service public, il faudra maintenant donner un rôle accru aux citoyens, en les rendant co-responsables du bien commun mais aussi co-producteurs du service public. Le « prosumer » avait déjà envahi la sphère économique, place désormais au « protizen », le producer-citizen : réserve citoyenne de professeurs, pompiers volontaires, l’API-sation du service public, l’open-data, etc.

En somme, il s’agit d’ouvrir l’action publique à tous : le « gouvernement comme une plate-forme » prend place et avec lui des manières innovantes d’améliorer l’efficacité des services publics.

L’âge de la confiance

« Le nouvel âge de l’action publique ne peut émerger sans de nouvelles relations plus horizontales basées sur la confiance » : il faut sortir du centralisme, du normatisme, redonner de la liberté et s’appuyer sur les acteurs de terrain pour innover, toujours en gardant la simplicité comme phare.

La confiance passe par moins de hiérarchie. Faire confiance, laisser la place à l’initiative et responsabiliser les agents créent une meilleure satisfaction, une meilleure performance et davantage de réactivité.

L’illustration de cet âge de confiance est la transformation du principe d’universalité du service public : à une exigence d’égalité, il est maintenant préférable de passer à une exigence d’équité, en personnalisant le service public pour démultiplier son efficacité effective. Face à la diversification des besoins et des attentes, l’État se doit de s’adapter à chacun et non plus d’imposer à tous la même offre publique.

L’âge de la transparence : le pilotage par le résultat

Le Big Data nous fournit une masse de statistiques sur l’action publique. À cet égard, l’évaluation des politiques publiques doit être systématique, transparente et indépendante. Les créations récentes de l’Institut des politiques publiques (IPP) et du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP) constituent un pas dans la bonne direction. Aux États-Unis, un organisme étatique, le Congressional Budget office, évalue tous les textes de loi, avant et après. Pour eux, la révolution numérique annonce un « nouvel âge d’or de l’État »

Conduire le changement de manière ascendante

Cette transformation en profondeur de l’État ne peut pas se faire d’un claquement de doigt : il faut l’accompagner et non l’imposer. Faire comprendre les changements engagés et faire adhérer, en insistant sur la convergence des intérêts, est essentiel à l’instauration d’un climat de confiance favorable à la réussite de cette transformation.

La co-construction prend dans la conduite du changement une importance primordiale dans ce nouvel âge. Les agents ont la capacité à proposer, mais aussi à co-construire les projets et à les mettre en œuvre.

En analysant les principes fondamentaux du nouvel âge de l’action publique, les auteurs dessinent le futur proche et souhaitable de l’État, qui évolue en fait parallèlement à la société dans son ensemble. La révolution numérique transforme nos exigences, multiplie nos capacités et déconcentre le pouvoir. En ce sens, la confiance, l’initiative, la responsabilisation, la co-construction, la participation, la transparence, la qualité et l’efficacité du service sont autant de mots-clés qui devraient guider tous les responsables publics dans leur conduite de l’action publique.

À ce tableau théorique captivant et limpide, on pourrait cependant regretter une analyse qui reste très franco-française (en multipliant les exemples de La Poste et de Pôle Emploi), et qui malheureusement comporte peu d’exemples internationaux. Des pays en pointe dans ce domaine, comme l’Estonie, les États-Unis, le Royaume-Uni ou la Suède, ont pourtant beaucoup à nous apprendre.


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  • Pas spécialement étonnant que Koenig et Génération Libre viennent nous vanter ici un auteur adepte des politiques publiques et né dedans : c’est son credo.
    L’état ce serait plutôt et depuis des années startdown : le numérique a permis de faire baisser les coûts partout, dans tous les domaines, sauf celui de l’état et des organismes qui y sont liés. La raison en est très simple, l’état est contre la concurrence, non seulement celle du privé mais contre celle des moyens et le numérique en fait partie. Les openclassrooms pourraient diviser par 2 le nombre d’enseignants donc c’est forcément mauvais.

    L’appropriation par l’état de ces technologies ce sera plus de complications et plus de taxes et c’est là qu’il faut bien comprendre le sens d’appropriation : le vol.

  • Âge d’Or de l’ État : surement pas de la liberté des citoyens…

  • L’apologie « macronienne » du livre « L’État en mode start-up » (Y. Algan et T. Cazenave – mai 2016) est encore une manœuvre, une tentative de plus pour lobotomiser la population. Les deux co-auteurs, à l’évidence commandités par le cacique qui les préface, sont des édiles du système : Yann Algan est doyen de l’École d’affaires publiques de Sciences Po et professeur d’économie, se présentant comme spécialiste de l’économie numérique et collaborative, et Thomas Cazenave est inspecteur des finances, directeur de cabinet adjoint du ministre en charge de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, enseignant à Sciences Po et à l’Ena. En matière d’indépendance d’esprit pour évoquer la libération des citoyens de l’emprise des partis et des oligarques, il semble qu’il soit possible de faire mieux !
    Prétendre que « L’âge de la participation des citoyens » puisse advenir sur le modèle de « L’État en mode start-up » (Algan et Cazenave) fait preuve d’un bel optimisme ou d’un aveuglement coupable (ou pire, d’une nouvelle tentative de manipulation). Invoquer « la participation citoyenne, la personnalisation du service public et l’avènement de la culture du résultat dans des administrations déconcentrées » grâce à « la révolution numérique » ne suffira pas pour abattre les obstacles de plus en plus sophistiqués que les partis politiques ont construit pour conserver le pouvoir.

    Afficher que « Le citoyen devient coresponsable et coproducteur du bien public » en « l’accompagnant sans l’imposer, dans un climat de confiance » sous-entend bien que ce seraient les dirigeants et les élus, avec l’ensemble de la classe politique, qui entreprendraient, sans doute brusquement et simultanément éclairés par la grâce, cette pédagogie salvatrice d’un peuple présupposé immature, ignare, incompétent ! Cette vision jacobine et méprisante de « la France d’en bas » est exactement ce qui doit être combattu. Dans un monde fermement verrouillé par le triumvirat « partis politiques oligarchiques, médias racoleurs et grands groupes industriels complices » le pouvoir que la finance aveugle impose n’est pas prêt, à ce rythme, de changer de main. Dire que « ce chemin se dessine déjà aujourd’hui, avec l’écriture citoyenne d’une «Constitution 2.0» en Islande, les budgets participatifs de Paris ou New York, et des applications « bottom-up » pour faire remonter des informations via les citoyens, comme Fluicity » c’est tromper le lecteur. C’est omettre (de façon machiavélique car les auteurs ne peuvent pas l’ignorer) de rappeler que ces expériences sont soit dérisoires en comparaison de ce qui serait nécessaire pour conduire un pays, soit purement entrepreneuriales comme Fluicity et confondant le citoyen avec un usager/client à fidéliser par des services municipaux, soit des espoirs qui ont avorté en raison de la trahison même des partis qui firent mine de les soutenir, comme ce fut le cas en Islande. Pour que le changement « bottom-up » ait bien lieu, certes, « il faut sortir du centralisme, du normatisme, redonner de la liberté et s’appuyer sur les acteurs de terrain pour innover, toujours en gardant la simplicité comme phare » nous ânonnent les auteurs dans leur charabia technocratique et bonimenteur. Mais commencer en disant « il faut » est une invocation vide de sens, non un chemin. Y parvenir restera impossible tant que les « centralistes », les « normateurs », les partis et leurs caciques, privilégiés par des lois qu’ils se sont eux-mêmes données ne seront pas exclus. Les auteurs en sont. Y parvenir est évidemment impossible tant que ceux qui se présenteront aux suffrages resteront, par force, ceux que les partis désignent et financent et que les médias accueillent, avec l’exclusivité que la « loi de la République » prévoit pour eux et impose à tous. Cet « accompagnement » que les auteurs voudraient conduire doit être renversé, il doit être imposé aux partis dont le retour à la raison n’est possible, du fait même de ceux qu’ils portent au pouvoir ou qu’ils adoubent pour les servir, que par une véritable révolution dont les citoyens imposeront la forme, avec l’abolition de leurs privilèges. Faisons un rêve. Seul mince espoir : que cette révolution advienne avec mesure, avant que la catastrophe politique que les partis et leurs suppôts préparent par leur inconséquence, leur mépris et leur soif de pouvoir ne se produise. Si Messieurs les auteurs-nègres de cet ouvrage de propagande et leur commanditaire gardent un soupçon d’honnêteté intellectuelle et un minimum de respect pour ceux qu’ils prétendent guider vers un État conduit pour et par les citoyens, qu’ils quittent immédiatement leurs fonctions et les rejoignent pour agir, ou qu’ils se taisent, à jamais !

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