La vidéo a été largement diffusée. Les trois femmes attablées au restaurant ont partagé une vidéo commune. Derrière l’anecdote culturelle, cela dit aussi des rapports entre entreprise et culture.
La vidéo a enflammé les réseaux sociaux la semaine dernière. Postée à l’origine sur le compte SnapChat d’Aya Nakamura et supprimée depuis, on y voit la chanteuse franco-malienne, pressentie pour chanter lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, en compagnie de la première dame Brigitte Macron et d’Hélène Mercier Arnault, pianiste émérite et femme de Bernard Arnault, le patron de LVMH. Les trois femmes partagent un moment au restaurant, et la vidéo, qui dure 12 secondes et dans laquelle leurs visages sont lissés et rajeunis par un filtre grossier, ne dit rien d’autre que cet entre-soi, cette entrevue improbable. Il faudra attendre une seconde vidéo, extraite d’un livestream de la chanteuse, pour lever un coin de voile sur les coulisses de cette rencontre.
https://twitter.com/kulturlesite_/status/1782522776739275009?s=46&t=0o9EPczf_PF5h7H1NOj9yw
Trois femmes puissantes
Samedi 27 avril, Aya Nakamura est interrogée par un membre de sa communauté X sur sa relation avec Brigitte Macron. Elle précise qu’elle ne connaissait pas la première dame avant cette soirée au restaurant, mais que « de base, c’est avec Hélène Arnault (qu’elle) s’entend bien », et que c’est cette dernière qui lui a proposé de rencontrer la femme du président. Avant d’ajouter, avec une profondeur d’analyse toute proustienne, qu’elle s’est « sentie avec des dames qui mangent, on mangeait bien ».
https://twitter.com/ayasource/status/1784202581742366952?s=12&t=ptiRPisPxEUoYYsgwY6vlg
La proximité entre Brigitte Macron et Hélène Arnault est connue de longue date et n’a rien d’étonnant. Les deux femmes ont à peu près le même âge, et les premières dames françaises se sont de tout temps illustrées par leurs relations avec un créateur et une marque fétiches. On se souvient ainsi des tailleurs Chanel de Bernadette Chirac ou des sacs John Galliano de Carla Bruni Sarkozy. Brigitte Macron leur préfère Louis Vuitton, et ne manque jamais une occasion de s’afficher avec le propriétaire de LVMH ou sa femme, tout comme Emmanuel Macron.
Ce qui est plus étonnant en revanche, c’est que le dénominateur commun de ces trois femmes soit Hélène Arnault, proche du couple présidentiel, mais donc aussi d’Aya Nakamura. Les deux femmes ont presque quarante ans d’écart et ne sont pas du même monde : Hélène Arnault est une pianiste concertiste virtuose qui s’est produite dans les salles les plus prestigieuses de la planète, Aya Nakamura une chanteuse née à Bamako, issue d’une famille de griots, qui préfère les zéniths et les stades aux opéras. Quant au contenu de ses chansons, il n’est pas toujours des plus raffinés – souvenons-nous de l’intervention de Gérard Larcher le 14 mars sur France 2, s’étranglant en apprenant le sens du mot « catchana ».
Hélène Arnault en roue libre
Il ne s’agit pas ici de dire qu’une culture serait légitime et l’autre non. Que l’une serait la vraie culture et l’autre une sous-culture. Il n’empêche, on admettra que sur le plan du capital symbolique et culturel, un gouffre sépare a priori les deux femmes. Et si on comprend quel avantage peut tirer Brigitte Macron, et à travers elle son mari, à s’afficher en compagnie de la nouvelle idole des jeunes, on a du mal à voir quel retour sur investissement Hélène Arnault, et à travers elle son mari, peuvent bien attendre d’une telle entrevue ? Sur le plan de la com’, cette rencontre et la vidéo qui en est issue sont assez catastrophiques pour l’image de marque de LVMH, tant les valeurs d’élégance, de luxe et de sobriété minutieusement entretenues par le fleuron français sont aux antipodes de celles portées par l’interprète de Djadja, adepte des outrances verbales et vestimentaires, condamnée en février 2023 pour violences sur conjoint.
Ces dernières années, LVMH ne ménage pas ses efforts pour rajeunir sa clientèle, en faisant notamment des clins d’œil appuyés aux adeptes de culture urbaine via la nomination du rappeur Pharrell Williams comme directeur artistique de Vuitton homme. Mais chacune des apparitions de l’interprète de Get Lucky est extrêmement léchée, cadrée, millimétrée. Ici, on a le sentiment d’une séquence improvisée, pour ne pas dire bâclée. Tout indique qu’il s’agit d’une initiative personnelle de l’épouse de Bernard Arnault, dont le seul but est de montrer qu’elle est toujours dans le coup. L’effet produit est évidemment inverse…
Le précédent Maitre Gims
Ce n’est pas la première fois qu’Hélène Arnault s’affiche en présence d’une star française du rap ou du R’n’B. En octobre 2023, elle avait été aperçue à Kinshasa à la descente d’un jet privé en compagnie de Maitre Gims, autre pointure de la chanson à texte. Ici encore, les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux disaient l’impréparation, la spontanéité, voire l’impulsivité. Quelle mouche a donc piqué la femme de l’homme le plus riche de France ? Pourquoi s’affranchit-elle des codes de communication observés par la maison LVMH, dont elle est de fait la première ambassadrice ? Ces séquences à répétition donnent en tout cas le sentiment d’une certaine fébrilité, d’un lâcher-prise. Jamais bon pour les affaires.
Personnellement je ne vois pas où se trouve le problème.
Mais je peux assez bien comprendre que cela puisse choquer un collectiviste d’extrême-gauche, de gauche, du centre, de droite, d’extrême-droite, ou un conservateur.
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