La « libéralisation » du marché européen a fait monter les prix partout, et les a fait exploser en France. Cela ne devrait pas faire l’objet d’un article sur un media qui prône le libéralisme. Mais c’est un fait, cela s’explique aisément, et n’enlève en rien l’intérêt de la libre entreprise et de la concurrence pour générer du dynamisme et du progrès. C’est que l’électricité n’est pas un produit comme un autre.
L’électricité est en effet un des rares domaines où il n’est pas absurde de concevoir des acteurs monopolistiques, pour autant que les États leur imposent des objectifs clairs (sécurisation des livraisons à court et long terme, résilience aux aléas conjoncturels,) et des règles de gestion transparentes, autant sur les programmes d’investissements que sur la fixation des prix.
Marcel Boiteux, dans un texte publié sur la revue Futurible, daté d’avril 2007, (« Les ambiguïtés de la concurrence ») était revenu sur les principes qui avaient conduit à construire le groupe EDF/GDF, pour en conclure que la libéralisation du marché de l’électricité ne pourrait qu’augmenter le prix au consommateur.
On peut discuter du positionnement politique de monsieur Boiteux, mais on ne peut nier qu’il avait raison.
Ce texte est tellement pédagogique qu’il mérite qu’on s’attarde sur de nombreux extraits
« Les réseaux […] relèvent de la catégorie des « monopoles naturels ». (Pour distribuer deux fois plus de kWh sur 100 km², le coût est doublé si l’on s’y met à deux, mais il n’augmente que de 40 à 50 % si l’on est seul à développer des maillages sur le réseau existant : il coûte donc tellement cher de n’être pas seul, que le monopole est dit « naturel »)
[…]
Quant à la production toutefois, un débat s’ouvre déjà sur la possibilité réelle de laisser aux compétiteurs le soin de prévoir à l’avance assez de moyens de production pour être suffisamment assurés, le moment venu, de passer les pointes de demande – ces pointes qui pourraient résulter, à terme, de la conjonction malheureuse d’une forte activité économique, d’un grand froid et d’une mauvaise hydraulicité affectant la production des usines hydroélectriques. La règle autrefois, c’était, en probabilité, de ne pas être « défaillant » (c’est-à -dire de ne pas avoir à recourir à des coupures tournantes de la clientèle) plus d’une fois tous les vingt ans – après avoir exploité, bien sûr, toutes les possibilités de secours venant des pays voisins d’une part, d’effacement de certains très gros clients consentants (moyennant rabais) d’autre part. Vingt ans… Il est à craindre qu’aucun industriel privé n’accepte d’investir dans une installation, même légère, qui ne marchera statistiquement qu’une fois tous les vingt ans.
[…]
Outre les monopoles naturels, existe le phénomène dit des « coûts de transaction » (qui valut notamment son prix Nobel au professeur R.H. Coase), lequel peut justifier qu’on renonce dans certains cas aux heureux effets de l’émulation concurrentielle. En l’occurrence, il arrive dans certains secteurs que la difficulté, l’urgence et l’enjeu de l’information soient tels que l’organisation hiérarchique soit préférable au libre jeu du marché.
C’est évident dans le cas du « dispatching ». À chaque instant, le moindre écart entre l’offre et la demande globale d’électricité entraînerait une variation de la fréquence, ce que le réseau ne peut supporter. Là , pas question d’attendre que se fixe librement sur le marché le prix pour lequel l’offre  égalera la demande !
[…]
Les réseaux étant ce qu’ils sont, il n’existe un réel marché que sur la « plaque » formée de la France, du Benelux et de l’Allemagne (de l’Ouest). Sur ce marché, les prix se fixent très naturellement, à chaque instant, au niveau du coût du kWh fourni par le dernier fournisseur auquel il faut faire appel pour faire face à la demande, donc au fournisseur le plus cher de ceux qu’il faut mobiliser, lequel est allemand … et coûteux comparé aux coûts français. D’où une hausse, parfois considérable, des prix de l’électricité facturée aux anciens clients d’EDF qui, au nom (estimable) de la liberté, avaient opté imprudemment pour quitter les tarifs de service public et se livrer aux prix du marché. »
Et ceci a été écrit en 2007 ! Depuis, il y a eu pire : la course aux intermittentes, l’ARENH, qui oblige EDF à brader à ses concurrents, le non-respect de la règle des vingt ans…
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Marcel Boiteux avait raison
De nombreuses études confirment ce qui nous arrive en Europe.
La condition fondamentale d’un marché libéral reste celle de Walras « le prix pour lequel l’offre égale la demande doit se fixer librement sur le marché ». Et ce n’est pas possible, concernant l’électricité. C’est le dispatching qui assure offre et demande. Même aux États-Unis, la moitié des États ont conservé une situation monopolistique.
L’Étude de l’Association Américaine des Entreprises Publiques d’Électricité (2022) montre que les tarifs d’électricité des entreprises ayant gardé le modèle historique (régulé par les États) pratiquent des tarifs en moyenne plus bas de 28 % que les autres, et moins sensibles aux hausses des prix du gaz.
L’Étude de la Harvard Business School (2023) :
« La question de savoir si la déréglementation entraîne ou non une baisse des prix est théoriquement ambiguë. Les prix basés sur le marché incitent les entreprises qui maximisent leurs profits à réduire leurs coûts, mais, en présence d’imperfections du marché, l’écart entre les prix et les coûts marginaux peut se creuser. Lorsque cet écart est supérieur à la réduction des coûts, les prix augmentent ».
L’étude constate que la concurrence a amené effectivement des producteurs d’électricité à optimiser leur gestion, d’où des réductions de coûts, mais néanmoins :
« Nous avons trouvé que fondamentalement les prix de gros augmentaient fortement dans les États dérégulés [ayant introduit la concurrence] par rapport à ceux observés dans les États ayant gardé le modèle historique […]De plus la déréglementation pousse les fournisseurs d’électricité à s’approvisionner sur le marché au détriment de leur production propre. La combinaison des deux facteurs « explique une large part des hausses des prix de détail.
[…]
Les causes premières sont « une offre et une demande inélastique, l’obligation à chaque instant qu’offre et demande soient égales, un transport de l’électricité onéreux sur des longues distances, des investissements échoués… qui se traduisent par des « imperfections de marché ».
(Voir « Géopolitique de l’électricité »)
En réalité, le marché européen est tout sauf libéral
Il réussit à cumuler les inconvénients d’un marché de l’électricité plus ou moins monopolistique régulé (contraintes sur les acteurs) et libéral (absence de vision à long terme, volatilité aberrante des prix).
En plus du marché boursier, ont été créés cinq marchés réglementés pour « libéraliser », ce qui est un comble :
- Un marché de quotas d’émissions de CO2 qui distord la concurrence entre moyens de production.
- Un marché des énergies renouvelables (ENR) subventionné (directement, ou indirectement : prise en charge des coûts énormes de raccordement, priorité sur le réseau via les prix garantis par l’État). Cette garantie de prix donne la priorité aux ENR sur les moyens pilotables, ce qui diminue la rentabilité de ceux-ci.
- Un marché à coûts de revient fixés par l’État (ARENH), qui est proche de l’abus de bien social, puisque le nucléaire a été entièrement payé par les clients d’EDF qui ne peut pas leur faire profiter du retour sur investissement.
- Un marché de capacités, censé obliger les « passagers clandestins » de trading pur à investir dans des capacités pilotables qui sont inefficaces.
- Un marché d’économies d’énergie (les « CUMAC ») via l’imposition aux acteurs énergétiques de prouver qu’ils ont contribué à des projets en ce sens.
En outre, la fixation du prix au coût marginal lors des contrats boursiers, chère à Boiteux, et adoptée par le marché européen, était un optimum, dans les conditions du marché français, mais c’est une aberration dans les conditions du marché européen actuel. Tout ceci se démontre mathématiquement. (voir une série de trois vidéos amusantes mais pédagogiques sur ce sujet compliqué)
Résultante : l’État, effrayé par les conséquences sociales de ces bazars, a inventé un nouvel outil, lui, complètement antilibéral : le bouclier tarifaire énergétique.
Doit-on pour autant renoncer à une certaine concurrence ?
Bien sûr que non. Même si l’État maîtrise des éléments de gestion et organise des situations de monopoles ou oligopoles, une forme de concurrence peut s’exercer car l’État n’a pas forcément à être opérateur, il peut mettre en concurrence l’opérationnel à travers des appels d’offre sur le long terme (à l’exemple des autoroutes : même avec une négociation désastreuse des fonctionnaires, le bilan financier est positif pour le budget de l’État, et les autoroutes sont bien gérées).
Mais les règles de « gestion raisonnable » prônées par monsieur Boiteux sont pour l’instant impossibles à pratiquer :
– Les règles européennes interfèrent sur ce que peut faire l’État français. Les contraintes sont générées politiquement, pour des raisons de compétitivité entre États, et n’ont rien à voir avec le bien commun.
– L’État français, via RTE, ne gère pas la sécurité d’alimentation du réseau français. À l’aide de conventions probabilistes erronées, RTE construit des scenarii complaisants qui ne reflètent pas les vrais problèmes.
– L’État français a pris la totalité du contrôle d’EDF, tout en lui laissant le statut d’entreprise privée. Cette situation est à l’origine du débat à venir sur le prix du KWh. Légitimement, EDF veut se maintenir une marge pour se désendetter et investir, mais l’État traite EDF comme si elle était nationalisée, et s’en sert pour amortir l’effet désastreux des règles européennes.
Quand sortirons-nous de cette impasse ?
« Quand sortirons-nous de cette impasse ? »
Quand les prétentions de l’Etat français se seront fracassées sur le mur des réalités, celui qui ferme l’impasse et qui interdit tout retour en arrière!
CPEF
 » C’est que l’électricité n’est pas un produit comme un autre. »
pourtant assez similaire à une route…
l’argument du gaspillage de moyens apparait  » ce serait « idiot » de créer des réseaux qui se concurrencent!!
Non on a décidé de faire de l électricité un produit différent, PARCE QUE les politiques ont toujours voulu FAVORISER son usage. en forçant les réfractaires »…à contribuer… et ce d’abord localement..surtout dans les zones ou la densité de population est rare..et où on aurait pu imaginer que les gens achètent des groupes!!!
non d’aucuns on affirmé que l’lectricté était un droit et lune égalité tarifaire aussi…
ce droit se paye toujours..
en général via une perte de liberté de construire ou on veut..
l’électrcité se sens autant sous forme contractuelle que sous forme « quantitative »
A mon opinion ce qui ne va pas est l’absence de connaissance de la mission de service publique CLAIRE et de garde fous pour que ..comme à l’habitude, la collectivisation se retourne toujours contre les queues de distribution et force les gens à la norme. comportementale..;
on vous dit où habiter puis comment consommer..etc…. pour ne pas gaspiller l’argent public… même si on introduit des degrés de libertés contractuelles pour huiler le bazar..
combien ça me coute de ne pas pouvoir habiter ou je veux???
eh bien moi seul peut le savoir…
parce que ..ce qu’on nous promet c’ets de l’indépendance,ou l’autonomie électrique mais pas trop..il faut être pragmatique;..
de la sureté de réseau mais pas quand meme trop, trop cher, un prix de revient bas..et des tarifs bas..
en somme…..avoir un truc » bien suffisant pour vous » ( avez vous besoin de chuffer votre maison à 22 °? pour le prix le plus bas possible.. raisonnement Trabant..imparable …car quasi imparable car il suppose de porter l’accent sur l’intention des gens en charge… de faire dans l’intérêt commun…
notez que par contre toute installation sensible a des groupes ….et le plouc qui habite un trou perdu et na pas de jus après la tempête doit estimer que avoir un approvisionnement moins fiable que le citadin est le prix à payer contre la contribution du citadin à son tarif bas…
notez que le groupe achète un groupe n’est pas compté dans le prix de l’electricté..
à propos des subventions directes ou indirectes, en plus du prix d’achat obligatoire à titre onéreux des ENR imposées à EDF, il convient d’ajouter la prise en charge des accordements des installations d’énergies renouvelables par ENEDIS ïƒ Annonce de perspectives d’investissements de 96 Mds€ d’ici à 2040 dans le cadre du Plan de Développement de Réseau. Accélération des investissements de 4,4 Mds€ en 2022 à 5 Mds€ par an à horizon 2032(3), liée aux raccordements d’installations d’énergies renouvelables et d’infrastructures de recharge des véhicules électriques -extrait des comptes consolidés semestriels EDF 2023 -La revente de l’électricité issue des obligations d’achat est en hausse de + 2 841 millions d’euros, en raison principalement de la hausse quasi continue des prix de marché à terme depuis le troisième trimestre 2021 Au 30 juin 2023, les autres dettes d’exploitation comprennent les appels de marge effectués dans le cadre de l’activité de trading pour un montant de 2,0 milliards d’euros (5,9 milliards d’euros en 2022), dont la diminution est en lien avec la baisse de la volatilité et des prix des commodités observée en Europe sur le premier semestre 2023. Les montants de ces appels de marge reconnus au passif ne peuvent être compensés avec les appels de marge reconnus à l’actif (voir note 12.3).
Au 30 juin 2023, les autres dettes comprennent également une dette d’exploitation due à l’État au titre de la CSPE pour un montant de 2 572 millions d’euros (6 074 millions d’euros au 31 décembre 2022).Le montant des charges à compenser à EDF SA au titre du premier semestre 2023 s’élève à 5 551 millions d’euros et se détaille principalement comme suit :
▪ Les charges de Service public à couvrir au titre des obligations d’achat sont négatives au premier semestre 2023, à hauteur de (2 694) millions d’euros. Ceci s’explique par le niveau des prix de marché de l’électricité élevés et supérieurs au coût de l’énergie soutenue par EDF ;
â–ª A contrario les charges de service public à couvrir au premier semestre 2023 intègrent un montant de 7 194 millions d’euros au titre de la couverture du moindre chiffre d’affaires induit par la limitation des prix de vente aux clients finals (sans équivalent au premier semestre 2022, à l’exception du mécanisme pour le gaz à hauteur de 28 millions d’euros). Le dispositif de bouclier tarifaire électricité est compensé à hauteur de 6 458 millions d’euros et les amortisseurs électricité à hauteur de 642 millions d’euros, la compensation du bouclier tarifaire gaz représente 94 millions d’euros ;
â–ª Les charges de service public à compenser au titre des zones non interconnectées s’élèvent quant à elles à 1 037 millions d’euros.et RTE doit provisionner 4,4 à 5 milliards d’euros pour la prise en charge des raccordements des parcs éoliens offshore, en Allemagne, ce sont les exploitants qui se prennent en charge les raccordements des parcs éoliens terrestres et offshore, voir les derniers contrats de TOTAL et BP en Allemagne sans subventiosn et au prix de revient
ce sur quoi il faut insiste,r c’est la conséquence de faire une truc une chose publique
payées par tous( non certains !!!!!) utilisées par tous…
parce que les gens qui ne contribuent pas vont exiger le maximum … l’électcité devient lors un AUTRE lieu de la redistribution.
il faut des garde fou..le droit .
à l’électricité est tout pareil au droit à la santé ou à l’éducation ou à la culture…
Et ou passent ces quasi abus de bien-sociaux?
D’où l’auteur a vu que le marché de l’électricité était « libéralisé » ? C’est l’usine à gaz ultra collectiviste et de propagande écologiste qu’est la « bourse énergétique européenne » qui a fait explosé les prix, rien de plus ; c’est peut être en lisant « bourse » que l’auteur a pensé à « concurrence », « capitalisme », « libéralisation »…
En vrai libéralisation de l’énergie, la France aurait l’énergie la moins chère de toute l’Europe, et les autres pays développeraient le Nucléaire de manière plus « ambitieuse »…
A aucun moment dans cet articles ne sont mentionnées les taxes
Cependant, les impôts et taxes sont significatives en UE, et ont augmenté régulièrement, de 25,6 % en 2011 à 40,3 % en 2020, avec des taux pouvant atteindre 66 % au Danemark et 53 % en Allemagne.
La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) moyenne dans l’UE est de 15,5 % sur l’électricité et varie de 4,8 % à Malte à 21,2 % en Hongrie.
Ensuite, parler de « monopole naturel » et de l’électricité comme étant un domaine « pas comme les autres » semble hallucinant sur un site comme contrepoints. Cet argument a été utilisé dans le passé pour justifier la régulation et la nationalisation de pratiquement tous les secteurs de la société.