Les BRICS vont-ils détrôner le dollar américain ?

L’union des BRICS pourrait sembler menaçante pour le dollar américain. Toutefois, les contrôles des capitaux en Chine et en Russie pourraient entraver tout projet de monnaie commune.

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Les BRICS vont-ils détrôner le dollar américain ?

Publié le 16 septembre 2023
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Le sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) s’est achevé sur une invitation à rejoindre le groupe adressée aux Émirats, à l’Égypte, à l’Iran, à l’Arabie saoudite, à l’Argentine et à l’Éthiopie.

Le sommet a fait couler beaucoup d’encre quant à l’impact de ce vaste groupe de nations, y compris des spéculations sur la fin du dollar américain en tant que monnaie de réserve mondiale si ce groupe est perçu comme une menace pour les États-Unis, ou même pour le Fonds monétaire international.

Plusieurs points doivent être clarifiés.

 

De nombreux analystes politiques pensent que la Chine prête, investit ou soutient sans contrepartie. Elle est une grande puissance économique, mais elle n’a aucun intérêt à être une monnaie de réserve mondiale. Sa monnaie n’est actuellement utilisée que dans 5 % des transactions mondiales, selon la Banque des règlements internationaux.

La Chine et la Russie pratiquent le contrôle des capitaux. Il est impossible d’avoir une monnaie de réserve mondiale sans liberté de circulation des capitaux. Pour avoir une monnaie fiduciaire stable, il faut plus que de solides réserves d’or. Il est essentiel de garantir la liberté économique, l’investissement, la sécurité juridique et la libre circulation des capitaux, ainsi qu’un système financier ouvert, transparent et diversifié.

La Chine et la Russie sont des prêteurs beaucoup plus exigeants et rigoureux que ne le pensent de nombreux hommes politiques. Il semble que certains politiciens des marchés émergents pensent que l’adhésion à la Chine et à la Russie sera une sorte de panacée en matière d’argent gratuit.

Un autre problème lié à la création d’une monnaie des BRICS est que, logiquement, ni la Chine ni la Russie n’ont la moindre intention de perdre leur monnaie nationale pour la diluer aux côtés d’un groupe d’émetteurs dont le bilan en matière de maîtrise des déséquilibres monétaires est douteux.

Au cours des dix dernières années, les monnaies des pays invités par les BRICS se sont fortement dépréciées par rapport au dollar américain.

Selon Bloomberg : le peso argentin a chuté de 98 %, la livre égyptienne de 78 %, la roupie indienne de 35 %, le birr éthiopien de 68 %, le real brésilien de 55 % ; et selon The Economist, le rial iranien s’est effondré de 90 %.

Ce n’est pas en réunissant des monnaies faibles que l’on obtient une monnaie forte.

Il ne faut pas oublier que la performance du rouble russe (-68 % par rapport au dollar américain, selon Bloomberg) au cours de la dernière décennie a également été médiocre, malgré une banque centrale relativement prudente.

La meilleure monnaie des « BRICS et invités » par rapport au dollar américain au cours des dix dernières années est le yuan chinois, avec une dépréciation de seulement 14 %.

Pour qu’une monnaie fiduciaire soit stable, il est nécessaire que l’émetteur la défende en tant que réserve de valeur, méthode de paiement généralement acceptée et unité de mesure. La liberté des capitaux et des institutions indépendantes offrant une sécurité juridique aux investisseurs nationaux et internationaux est nécessaire. Une puissance militaire forte ne garantit pas une monnaie acceptée comme réserve de valeur, comme l’a démontré le désastreux kopek soviétique, malgré l’influence de l’URSS sur la moitié du monde.

L’union de pays dont les gouvernements prônent la monétisation des dépenses publiques incontrôlées et l’accroissement massif des déséquilibres monétaires ne peut créer une monnaie stable, sauf à suivre l’exemple de l’euro.

Dans l’euro, l’Allemagne, le pays dont la politique budgétaire est la plus prudente et la plus responsable, a dicté les grandes lignes des règles monétaires et budgétaires pour les autres. Malheureusement, en essayant de jouer le rôle des États-Unis et de la Réserve fédérale, la zone euro et la BCE ont perdu la plupart de leurs possibilités d’être une véritable alternative au dollar américain.

L’euro est le plus grand succès monétaire fiduciaire de l’ère post-Bretton Woods ; ne le privons pas de son mérite.

L’alternative BRICS commence par un talon d’Achille majeur.

La Chine et la Russie vont avoir de grandes difficultés à imposer des restrictions budgétaires et monétaires à leurs partenaires. N’oublions pas que plusieurs de ces partenaires ont rejoint le groupe, pensant qu’ils pourront désormais continuer à imprimer de l’argent et à dépenser sans contrôle, mais que leurs déséquilibres monétaires seront distribués à d’autres nations.

L’euro a été un succès parce que des démocraties libérales dotées d’institutions indépendantes, d’une grande liberté économique et d’une sécurité juridique ont accepté d’aligner leurs politiques pour le bien commun, créant ainsi une monnaie solide qui a évité la débâcle créée par les spirales inflationnistes qui ont été la norme en Europe au cours de l’histoire, lorsque les gouvernements se consacraient à transférer leurs déséquilibres sur les salaires et l’épargne des citoyens par la destruction monétaire.

Cela ne semble pas facilement reproductible avec les BRICS et les invités.

La Chine peut toutefois accroître son contrôle sur tous ces pays en mettant en œuvre des politiques monétaires et fiscales rigoureuses. Elle est le prêteur le plus puissant de tous les BRICS, mais il est peu probable qu’elle prenne le rôle de l’Allemagne de l’euro, prête à absorber les excès des autres en échange d’un projet commun.

La Chine va accroître son contrôle sur les pays du groupe, mais il est peu probable qu’elle mette en péril la stabilité et la sécurité de son énorme population en faisant baisser sa monnaie. Le gouvernement chinois est probablement en train d’analyser la perte de prudence monétaire de l’euro, et d’arriver à la conclusion qu’il ne peut pas prendre le même risque avec certains de ces nouveaux partenaires.

Toutefois, la Chine tirera probablement le meilleur parti de sa puissance financière pour accorder des prêts, accroître ses possibilités de croissance nationale et internationale et accéder à des matières premières abondantes et bon marché.

La Chine est la grande gagnante du sommet des BRICS.

Le gouvernement chinois sait probablement que nombre de ses partenaires vont continuer à accroître leurs déséquilibres, ce qui pourrait permettre à la Chine de renforcer sa position de leader. Toutefois, j’ai du mal à croire que la Chine acceptera la création d’une monnaie que d’autres pourront utiliser pour déclencher des déséquilibres inflationnistes.

Pendant ce temps, aux États-Unis, le gouvernement peut mettre en péril la crédibilité du dollar américain s’il continue à générer des déficits de deux mille milliards de dollars par an, plus d’un déficit estimé à 14 mille milliards de dollars d’ici 2030, et avec un nombre croissant de conseillers irresponsables affirmant qu’il peut créer tout l’argent qu’il veut sans risque. La crédibilité fiscale, l’indépendance institutionnelle et la liberté économique du dollar américain, la monnaie la plus utilisée dans le monde, consolident son leadership. Si le gouvernement affaiblit ces atouts, le dollar perdra son statut de réserve.

Si elle survient, la fin du dollar américain ne viendra pas de la concurrence d’une autre monnaie fiduciaire, car la tentation des gouvernements de détruire le pouvoir d’achat de la monnaie émise est trop forte. Elle viendra probablement de monnaies indépendantes.

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  • Les BRICS ont manifestement pour but la fin du dollar-roi. Mais pourquoi diable leur prêter l’intention de construire à la place ou pour y parvenir un écubric-roi ?

    • Parce qu’ils sont marrants et qu’on se prépare à se délecter de l’échec lamentable des losers qui croient en un nouveau succès communiste et anti américain.

      -1
  • Si les BRICS arrivent à tuer le dollar-roi alors les USA vont vivre une terrible période ! De plus, je pense que cela entrainera de gros bouleversements dans tous les pays occidentaux.
    La dictature des USA sur les autres pays du monde est de plus en plus contestée.

  • Une union de régimes communistes autoritaires et corrompus jusqu’à la moelle ne peut qu’echouer a mettre en place une monnaie fiable.

  • Les commentaires sont fermés.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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