La Chine ne considère pas l’UE comme un interlocuteur géopolitique

Macron, von der Leyen et la Chine : ambitions, échecs et avenir de l’Union européenne

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La Chine ne considère pas l’UE comme un interlocuteur géopolitique

Publié le 15 avril 2023
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Un article de Conflits.

Mais pourquoi donc Ursula von der Leyen a-t-elle accepté d’accompagner Emmanuel Macron en Chine ? Cela n’a rien arrangé ni pour l’Ukraine ni pour Taïwan. Mais les émissions de CO2 de la Chine augmenteront encore et l’UE restera la dernière à rêver à la décarbonation.

Mon directeur général avait l’habitude de dire que pour réussir, il faut savoir s’entourer. C’est ce qu’il a fait de manière extraordinaire. Sans conseillers ayant des idées originales et sages et qui ne sont pas des « béni-oui-oui », il est difficile de naviguer dans un monde de plus en plus complexe. La récente visite d’Ursula von der Leyen en Chine en est la preuve. Mais qui a conseillé à la présidente de la Commission européenne de se rendre à Pékin pour accompagner Emmanuel Macron lors de sa visite d’État ?

Il est vrai qu’Ursula von der Leyen est une obligée d’Emmanuel Macron car c’est lui qui, dans un grand marchandage avec Angela Merkel, a permis à ses élus au Parlement européen de voter en faveur de cette Allemande en échange du contrôle de la Banque européenne par la Française Christine Lagarde.

Il est vrai que Macron voulait montrer l’unité de l’UE en accueillant dans son apanage une personnalité aussi importante… dans l’UE. Il avait souhaité se rendre en Chine avec Olaf Scholz pour montrer l’unité de l’UE, mais le chancelier allemand a préféré y aller seul en novembre 2022, ce qui a agacé Paris. Le président français a donc fait preuve d’unité, mais on ne peut pas dire que cela ait amélioré l’image de la Commission européenne.

L’institution bruxelloise devra analyser ce qui s’est passé avant d’accepter de poursuivre les visites conjointes.

 

Des raisons d’espérer

Il est vrai que c’était l’occasion de célébrer le vingtième anniversaire du partenariat stratégique global entre la Chine et l’UE. Le développement équilibré des relations commerciales entre la Chine et l’UE devrait profiter aux deux parties et, comme disait Montesquieu, le commerce est censé contribuer à la paix et à la stabilité dans le monde. Nous avons pris un bon départ mais la montée en puissance de la Chine et la faiblesse économique croissante de l’UE à cause d’une décarbonation coûteuse suscitent aujourd’hui plus de doutes que de satisfaction.

Quelques jours après la visite du président de la Commission européenne, les discussions avec l’UE se poursuivront en Chine du 13 au 15 avril avec Josep Borrell, le haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères. M. Macron s’est rendu à Pékin avec une délégation commerciale, comme l’avait fait avant lui le président allemand Olaf Scholz. Le 31 mars, c’était au tour de Pedro Sánchez, le Premier ministre espagnol, qui se réjouissait, entre autres, d’avoir signé un accord pour exporter vers la Chine 50 000 tonnes d’amandes… Puisque, qu’on le veuille ou non, c’est la meilleure façon de faire des affaires avec la Chine, contrairement à son pays ou à la France, Mme von der Leyen ne peut pas être accompagnée d’industriels.

Il est vrai aussi que dans son premier discours de présidente, Mme von der Leyen a déclaré que « sa Commission » serait géopolitique et qu’il fallait donc s’attendre à ce qu’elle soit de plus en plus visible dans le monde. C’est pourquoi on la voit de plus en plus souvent aux côtés du secrétaire général de l’OTAN, une nouveauté pour Bruxelles-Strasbourg.

Mais aussi parce que, quelques jours avant son voyage, elle a eu des mots forts à l’égard de la Chine, la qualifiant de « répressive » en matière de droits de l’Homme (« l’escalade à laquelle nous assistons indique que la Chine devient plus répressive à l’intérieur et plus affirmée à l’extérieur »). Cela expliquerait pourquoi Xi Jinping ne lui a pas accordé les mêmes honneurs que ceux qu’il a réservés au président français. Elle n’a pas été invitée au dîner d’État en l’honneur du prestigieux hôte, elle n’a pas tenu de conférence de presse avec le président chinois, elle a rencontré la presse au bureau de représentation de l’UE à Pékin.

Le message clair est que Pékin ne considère pas l’UE comme un interlocuteur géopolitique mondial. C’est regrettable, car la Commission européenne est la principale institution européenne, le cœur de l’UE.

 

Décarbonation ? Sérieusement ?

À sa descente d’avion à Pékin, Emmanuel Macron a été accueilli sur un tapis rouge par le ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, un haut responsable et proche collaborateur de Xi Jinping. Mme Von der Leyen, partisane de la décarbonation, a été accueillie à la sortie habituelle des passagers par le ministre de l’Écologie Huang Runqiu. Après tout, c’est logique. Lors du discours qu’elle a prononcé avant son départ, la présidente de la Commission européenne a déclaré qu’elle avait l’intention de travailler avec la Chine « dans la perspective de la COP28 ». Pékin montre ainsi à l’UE qu’elle sait que sa raison d’être aujourd’hui n’est pas la géopolitique mais rien d’autre qu’une volonté de doper les énergies renouvelables intermittentes et variables, d’ostraciser le nucléaire alors que la Chine pousse l’innovation dans de nouveaux réacteurs nucléaires et a construit une centaine de centrales à charbon en 2022.

La Chine a vu ses émissions de CO2 augmenter de 311 % depuis que l’ONU s’est engagée à les réduire. En pénalisant son économie, l’UE a réussi à réduire ses émissions de 23 % au cours de la même période, mais à quel prix ! La Chine représente un cinquième du trafic aérien mondial et connaît une croissance de plus de 5 % par an. Airbus estime que le marché chinois aura besoin de 8500 avions au cours des vingt prochaines années. Tout cela augmentera encore et encore les émissions mondiales de CO2 parce que les électrocarburants sont un artifice scientifique inventé par les députés européens.

C’est pourquoi c’est un grand succès pour la France d’avoir vendu 292 A320 en 2022 et 40 A320. L’agence publique, qui achète des avions pour le compte des compagnies aériennes locales, s’est engagée à commander 160 avions Airbus (150 A320 et 10 A350). Airbus pourra doubler sa capacité de production d’avions en Chine grâce à la construction d’une deuxième ligne d’assemblage dans son usine de Tianjin, près de Pékin.

La France montre ainsi sa confiance dans la coopération avec l’économie chinoise et démontre qu’elle ne suit pas l’approche antichinoise des États-Unis.

On est loin des discours sur la réduction des émissions de CO2.

 

Taïwan versus Ukraine

Comme on pouvait s’y attendre, M. Macron et Mme von der Leyen ont tous deux appelé Xi Jinping à mettre à profit ses relations avec Vladimir Poutine pour tenter de mettre fin à la guerre.

Après la visite très amicale de Xi Jinping à Moscou il y a quelques jours, il aurait été exagéré de s’attendre à une condamnation russe. Au contraire, quelques jours plus tard — le 10 avril — une déclaration de la Chine n’augurait rien de bon : tout en feignant une fermeture de l’île qu’elle considère toujours comme l’une de ses provinces, Pékin a déclaré que « l’indépendance de Taïwan est incompatible avec la paix ». Message à l’OTAN : si vous voulez la paix en Ukraine, je peux discuter avec Vladimir Poutine, mais laissez-moi prendre Taïwan. La géopolitique mondiale est comme un énorme mobile suspendu dans l’univers : vous lui donnez une chiquenaude et le mobile part dans toutes les directions.

D’un point de vue stratégique, Xi Jinping pourrait profiter de l’implication des États-Unis en Ukraine dans sa guerre par procuration avec la Russie pour tenter d’envahir Taïwan. Mais le coût en vies humaines et en relations diplomatiques serait bien plus élevé que celui payé par la Russie. L’invasion d’une île défendue est déjà compliquée, comme l’ont montré les difficultés de la Russie sur l’île des Serpents en mer Noire, mais lorsqu’il s’agit de l’un des pays les plus modernes du monde, la tâche sera encore plus compliquée. Xi Jinping aurait assuré aux visiteurs européens qu’il serait prêt à appeler le président ukrainien Volodymyr Zelensky « lorsque le moment sera venu et que les conditions seront réunies ».

En fait, Pékin n’a aucun intérêt à précipiter l’aventure. La Chine a tout son temps car tant que la guerre en Ukraine durera, les États-Unis, l’UE et la Russie se détruiront mutuellement. Dans cette gigantesque partie d’échecs pour la recomposition de l’ordre mondial, qui vont-ils mettre en échec ? Le manque de considération de la Chine à l’égard d’Ursula von der Leyen semble indiquer une réponse à cette question.

Il est temps que l’UE comprenne qu’elle doit s’occuper du fonctionnement du marché commun et non du fonctionnement du monde car les États membres ne le lui permettront pas. Nous étions pourtant si bien partis…

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  • La présidente de la Commission n’est pas un chef d’Etat. Elle est traitée par la Chine pour ce qu’elle est: le chef de la bureaucratie bruxelloise.

    13
  • Avatar
    jacques lemiere
    15 avril 2023 at 8 h 10 min

    Quoi de mieux qu’une multiplication de voyages en avion inutiles pour assoir une politique de « décarbonation »?

  • Mme von der Leyen n’a aucune délégation de pouvoir et ne représente pas un Etat, elle n’a aucune légitimité pour prendre la moindre décision.
    Avant de se balader dans le monde à nos frais, on lui demande de répondre a une question:
    Comment a t elle pu passer des milliards de commandes de doses de vaccin à une entreprise où son mari a des intérêts ? Va t elle enfin donner les documents demandés par les élus ?

    10
  • « Le message clair est que Pékin ne considère pas l’UE comme un interlocuteur géopolitique mondial. C’est regrettable, car la Commission européenne est la principale institution européenne, le cœur de l’UE. »
    Il n’y a rien de regrettable là-dedans. C’est du réalisme pur et simple de la part de Pékin et à la limite, une marque de respect de la part des autorités chinoises pour nos institutions. Le pouvoir légitime qui représente la France à l’extérieur, c’est Macron (qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas) et non une fonctionnaire aussi haut placée soit-elle.

  • Von der Leyen- Macron le tandem idéale pour représenter les intérêts de l’UE face à la Chine, Macron ose tout, il est critiqué, insulté mais c’est le seul qui a la carrure d’aller en Chine accompagner de VDL même le chancelier Allemand à préfère voir Xi Jinping en catimini.

    -1
  • Allemagne et Chine même combat. Avec l’arrêt de ses centrales nucléaires, elle va compenser par ses centrales au charbon. Donc ces 2 pays se foutent complètement du climat. C’est curieux, on n’entend pas beaucoup nos écolos sur cette énorme augmentation de CO2 que va générer l’Allemagne en Europe ! Ni sur la pollution aux particules fines qui, avec les vents, reviennent se déposer en France et sur Paris où justement on supprime les véhicules thermiques pour cause de particules fines !
    Il est vrai que si l’Allemagne veut continuer à s’opposer au nucléaire français, elle doit absolument arrêter ses centrales pour rester crédible.

    • Rester crédible suppose qu’on l’est ou qu’on l’a été.

    • Cela veut dire quoi, au juste, se foutre du climat ? Les émissions de CO2 de l’Allemagne ne sont dans l’ordre que de quelques pour-cents des émissions globales, et ces dernières n’approchant même pas le pour-cent du stock global de CO2 dans l’atmosphère. Ce ne seront de toute façon pas les centrales au charbon allemandes qui feront la différence puisque ces centrales thermiques ont encore manifestement de l’avenir ailleurs dans le monde (https://fr.euronews.com/2022/04/26/climat-les-projets-de-nouvelles-centrales-au-charbon-continuent-surtout-en-chine). La vertu climatique ne semble être l’apanage que des élites occidentales. Les industriels et scientifiques chinois ou indiens seraient-ils à ce point dénués de scrupules ?

      • Notons quand même que quel que soit le dirigeant, « scrupules » ne fait pas partie de son vocabulaire, sinon il ne dirigerait rien. Les gesticulations climatiques sont à la mode en Europe, elles doivent bien faire rire en Chine, et encore plus chez les Dieux du climat. La moindre manif d’écolos ou de syndicalistes violents envoie deux à trois fois plus de farticules fines dans l’air que ce qui reste de l’industrie française ne le fait en une année. L’avenir est au pragmatisme, nos donneurs de leçons tous azimuts ne l’ont pas encore compris, et leur réveil sera douloureux.

  • Ce n’est pas nouveau. L’UE n’en déplaise à la macronie et à son chef, n’est rien sur le plan géopolitique, au mieux elle est un partenaire exploitable et exploitée. Pour $être considéré » surtout par un asiatique ( et pas uniquement ), il faut être respectable, ce qui est loin d’être le cas.. Il faut être « fort » et l’UE ne l’est pas …. y compris sur le plan économique, et la Chine le sait. Nous dépendons trop d’elle et elle le sait. Il est nécessaire de retrouver nouure autonomie dans tous les domaines, ce sera long, et nous n’en prenons pas le chemin.

  • Cette personne qui se prend pour ce qu’elle n’est pas n’a aucune légitimité , elle n’a pas été élue mais nommée , son mandat s’achève bientôt , on pourrait s’en trouver soulager mais elle ambitionne le poste de secrétaire général de l’Otan , quand on voit ce qu’elle a fait de l’Ue , elle se comporte en véritable fuhrer ça promet .

  • une coquille dans l’article, et sauf erreur de ma part « C’est pourquoi c’est un grand succès pour la France d’avoir vendu 292 A320 en 2022 et 40 A320. » AIRBUS est une société dont les prinipaux contribiteurs sont FRANCE ALLEMAGNE UK ESPAGNE BELGIQUE, et c’est une des raison pour laquelle les usines sont reparties principalement en Europe

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