Macron à Marseille : encore et toujours plus de centralisation…

L’intervention d’Emmanuel Macron à Marseille met en lumière le système de centralisation en France et son impact sur l’autonomie des collectivités territoriales. Raphaël Roger propose, quant à lui, une décentralisation plus affirmée accompagnée de réformes fiscales.

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Macron à Marseille : encore et toujours plus de centralisation…

Publié le 4 juillet 2023
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Emmanuel Macron a fait récemment une visite à Marseille pour présenter la suite du Plan Marseille en grand. Ce vaste programme centralisateur est le projet d’un président qui, ne parvenant pas à faire ce qu’il veut sur le plan national, se tourne vers une grande municipalité pour expérimenter certaines politiques publiques.

Pour autant, cette intervention n’est pas anodine et elle est susceptible de générer plusieurs conséquences bien connues : déresponsabilisation des acteurs locaux, bureaucratie, renforcement de la tendance centralisatrice, perte d’initiative locale, etc.

Par ailleurs, cette sorte de cercle vicieux de la centralisation produit une concentration des ressources dans la capitale et, par conséquent, un affaiblissement des revendications régionalistes.

Il peut paraître anachronique qu’un président de la République intervienne directement dans une ville, en court-circuitant les acteurs locaux. Son intervention marque cette tendance lourde du centralisme français qui consiste à réduire les marges de manœuvre des entités locales en imposant des choix venus d’en haut.

Est-ce bien le rôle d’un président d’intervenir au niveau local en imposant un programme qui n’est nullement le fruit de négociation avec les acteurs locaux ? Tel un monarque, il ne rendrait que des visites à ses intendants en veillant à ce qu’ils exécutent parfaitement ses ordres.

 

Les dangers du centralisme

Ce centralisme centripète a pour effet de réduire les initiatives locales sans pour autant rendre les initiatives centrales efficientes.

En effet, hormis le problème des trafics de drogues, les problèmes marseillais peuvent être résolus localement, éventuellement par l’initiative privée. Il est assez prétentieux pour un président de descendre de son lit pour imposer ses lumières à une population locale peu intéressée par sa venue. Plus encore, son intervention est révélatrice des problèmes qui touchent à la séparation verticale des pouvoirs entre les différents échelons décentralisés.

En effet, après avoir fortement réduit les marges fiscales des collectivités territoriales par la suppression de la taxe d’habitation ou par les impôts de production, voire par la réduction de la dotation globale de fonctionnement (qui, d’un point de vue constitutionnel, accroît l’autonomie locale au sens de l’article 72 de la Constitution), donc de leurs marges de manœuvre d’action, le pouvoir central vient à leur rescousse avec des programmes quasi-politiques pour les « aider » à améliorer le niveau de vie de leurs habitants.

Autant dans ce cas mettre en tutelle la collectivité en question, ce sera plus simple. Ainsi, comme avait pu le dire, il fut un temps, le doyen Louis Favoreu, « la France a réussi à décentraliser en centralisant ». C’est là en effet le gros paradoxe de la France qui, historiquement, n’a, depuis la Révolution de 1789 et à de rares exceptions (programme de Nancy), jamais plaidé ni œuvré pour une réelle décentralisation.

Pour donner la possibilité aux collectivités territoriales de pouvoir traiter leurs affaires de la manière la plus libre possible, il faudrait un transfert massif de compétences de l’échelon central vers les échelons décentralisés. Cela peut se faire, après révision constitutionnelle, par le transfert de la politique fiscale (autonomie fiscale) aux collectivités territoriales. Ce transfert permettrait une véritable différence de fiscalité entre les entités territoriales et donc une concurrence fiscale nécessaire pour l’attractivité des territoires, une pleine autonomie sur les budgets locaux et ainsi, contribuer à une gestion plus saine des finances locales.

Outre l’aspect fiscal, c’est l’aspect démocratique qu’il conviendrait de traiter.

Pour une véritable décentralisation, la possibilité de mise en œuvre d’une démocratie participative, voire directe, dans les collectivités locales, est urgente. Elle peut passer par des initiatives populaires, voire par des référendums locaux plus fréquents. Elle pourrait concerner toutes les compétences de la collectivité, même la compétence fiscale. Les citoyens auraient ainsi un véritable contrôle sur l’action publique et cela entraînerait une meilleure transparence et une plus grande confiance dans les acteurs locaux.

Enfin, il convient de penser la décentralisation ascendante.

Autrement dit, l’échelon le plus bas doit dire s’il peut ou non assurer telle ou telle compétence. Si non, cette compétence est proposée à l’échelon supérieur, et ainsi de suite. Cela permettra de donner une plus grande lisibilité sur les compétences des différentes entités territoriales.

Une véritable décentralisation permettra de rapprocher la politique des citoyens, de donner davantage de confiance dans les acteurs politiques et rendra donc plus efficientes les politiques publiques. Cette proximité avec des élus disposant d’une large marge de manœuvre, mais aussi de fortes responsabilités, conduit les individus à mieux évaluer le travail des représentants en général. Par ailleurs, les responsables politiques sont généralement plus populaires lorsqu’ils ont moins de pouvoir.

Enfin, pour libérer les élus, donnons-leur les responsabilités financières, levons toutes
les contraintes dans leur politique de taux, et, contrepartie nécessaire de la liberté, responsabilisons-les beaucoup plus.

Les analyses de GenerationLibre sur ces sujets sont éclairantes.

Par exemple, on comprend que « la décentralisation fiscale ne serait donc acceptable qu’à la condition de s’accompagner d’une baisse massive des impôts d’État. Les impôts d’État à réduire devraient porter autant que possible sur les mêmes contribuables que les impôts locaux ».

Bref, on comprend que les dangers du centralisme excessif pèsent lourd sur la vitalité des collectivités territoriales, leur dynamisme et leur prospérité. Il conviendrait donc de les libérer de l’État pour donner un véritable souffle à notre État fragile.


J’aimerais terminer cet article en rendant un hommage sincère à un ami d’université, Maxime Manhes, mort à l’âge de 21 ans lors une chute de ski à l’aiguille Verte, le 8 juin 2023. Je l’ai rencontré à l’université d’Aix-Marseille en droit où nous avons fait notre licence ensemble. C’était un étudiant brillant pour lequel j’avais un immense respect. Il m’impressionnait par sa vivacité d’esprit et sa rapidité d’analyse. Publiciste comme moi, j’ai rencontré en lui un étudiant passionné par le droit public, notamment administratif. Il était passionné par la Cour suprême américaine et par ses juges renommés qui l’ont habité. Sa connaissance à ce sujet imposait le respect. Sportif de haut niveau, tant en judo qu’en ski, il m’impressionnait aussi par sa polyvalence et par sa faculté à exceller, tant en droit qu’en sport.

C’est donc avec une immense tristesse que j’ai appris sa mort.

J’adresse mes condoléances à sa famille et à ses amis.

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  • Pourquoi lorsqu’on parle de décentralisation on parle inévitablement de transfert vers des entités locales. Tout ceci est très organisé et ne change que la forme du pouvoir. Il faut réduire le pouvoir et donc laisser plus d’autonomie au local et aux individus. C’est à dire le pouvoir au service des citoyens et non un pouvoir au service de lui-même ou d’un idéal.

  • Décentralisation = moins d’état.
    Pourquoi un chef d’état voudrait moins d’état ?

  • Décentralisation = plus de fonctionnaires à ne rien faire. Quand les taxes et impôts ont payé leurs salaires, il n’y a plus d’argent pour le reste. Résultats, les services de l’État central ou non s’effondrent partout.
    Méthode socialiste. À quoi ça sert de mettre un fonctionnaire sur un travail si on peut en mettre 4 pour le même travail ?

  • Analyse très intéressante et de nombreuses idées à méditer. L’hommage à votre ami est très émouvant.

  • Les commentaires sont fermés.

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