Redonner aux maires la compétence de l’attribution des logements sociaux : tel est l’engagement pris par le président de la République Emmanuel Macron devant les 220 maires reçus le 4 juillet dernier à l’Élysée, rapporte le journal Mediapart.
Si les modalités précises de cette dévolution aux maires ne sont pas connues, elles auront probablement pour objectif de simplifier les procédures d’examen des dossiers de candidats à un logement social : en effet, à l’heure actuelle, cette compétence échoit à une commission d’attribution du logement, composée de représentants du bailleur (y compris un représentant de ses locataires), de la commune, ainsi que de l’État.
Cet article de Mediapart ainsi qu’un fil du député LFI – NUPES François Piquemal sur Twitter se font l’écho d’inquiétudes à gauche sur les risques de clientélisme et de discrimination ethnique, religieuse et sociale dans le cadre de l’attribution des HLM, si cette compétence était réservée aux seuls maires.
Cet exemple nous semble intéressant car il nous invite à réfléchir, en tant que libéraux, à notre rapport à la décentralisation : cette dernière est-elle systématiquement porteuse de davantage de libéralisme ?
Un tropisme libéral traditionnellement favorable à la décentralisation
La philosophie libérale est généralement plutôt favorable à une forme de décentralisation, dans la mesure où elle favorise la dispersion du pouvoir.
Benjamin Constant loue ainsi le « pouvoir municipal », qui « n’est un pouvoir que relativement aux administrés, ou plutôt c’est leur fondé de pouvoir pour les affaires qui ne regardent qu’eux ».
À chaque échelon ses affaires, à chaque strate son autonomie : c’est au niveau de la commune que se décident le mieux les affaires de cette dernière.
Tocqueville a également souligné « les avantages politiques que les Américains retirent du système de la décentralisation », qui constitue le ferment d’une culture civique du souci de l’intérêt général local, à rebours de l’attitude du citoyen d’un État centralisé à l’excès (« la fortune de son village, la police de sa rue, le sort de son église et de son presbytère ne le touchent point ; il pense que toutes ces choses ne le regardent en aucune façon, et qu’elles appartiennent à un étranger puissant qu’on appelle le gouvernement »).
La décentralisation peut porter en germe des pratiques illibérales
Pourtant, la décentralisation peut être porteuse d’abus de liberté, en particulier si ses modalités de mise en œuvre sont propices au développement de despotismes locaux. Octroyer ainsi le pouvoir d’attribution des HLM au seul maire constitue ainsi un exemple typique de ce risque.
S’il ne s’agit naturellement pas de soupçonner les quelques 35 000 maires de France de clientélisme, il convient cependant de rappeler qu’ils disposent de prérogatives importantes, ainsi que d’un prestige symbolique non négligeable1.
Cette conjonction du pouvoir politique et du prestige symbolique du maire est ainsi susceptible de créer un déséquilibre entre les administrés et lui-même : en cas de discrimination, de copinage, de clientélisme, il sera ainsi difficile de prouver, et surtout de lutter contre un tel détournement de pouvoir au service d’intérêts particuliers.
C’est pourquoi il semble nécessaire, à rebours de la proposition du gouvernement, de conserver les modalités actuelles d’attribution des HLM, ou tout au moins d’en maintenir le caractère collégial, afin de ne pas octroyer à un seul individu, doté d’un fort pouvoir et d’un ancrage local important, et donc par essence très exposé aux risques de clientélisme, le pouvoir de disposer comme bon lui semble de biens financés par des ressources publiques.
Cette exigence répond non seulement à des principes énoncés par l’article 15 de la Déclaration de 1789, mais également par la nécessité de garantir une transparence maximale s’agissant de l’emploi de fonds prélevés aux individus par la coercition, grâce à la force de l’État.
Or, la collégialité constitue assurément un moyen de limiter les risques de clientélisme et de détournement de pouvoir : en effet, il y a moins de chances que trois personnes différentes poursuivent, par exemple, les mêmes velléités racistes en prétendant exclure certains groupes de l’accès au logement social, ou bien soient proches de tel ou tel candidat que l’un des membres du collège souhaiterait favoriser au détriment des autres personnes éligibles.
Au-delà du logement social, le marché privé comme outil de lutte contre les discriminations à l’accès au logement
Cependant, la question de l’attribution des logements sociaux ne constitue qu’un aspect partiel, bien que non négligeable, de la question de l’accès au logement en général.
En effet, face à l’intensification de la pénurie de logements, il est indispensable de libérer le marché privé, outil essentiel en matière de lutte contre les discriminations à l’accès au logement, notamment en raison de la multiplicité des acteurs qui l’animent. Une telle affirmation peut paraître contradictoire, dans la mesure où le bailleur particulier est seul face aux potentiels locataires, et que la collégialité susceptible de neutraliser les velléités de discrimination des individus est absente.
Mais c’est oublier que la liberté du marché favorise l’augmentation de l’offre, qui est donc proposée par une multiplicité de bailleurs : or, ces derniers ne poursuivent pas tous les mêmes objectifs, ne partagent pas tous les mêmes préjugés. Il existe dès lors un risque moindre qu’un ou plusieurs acteurs oligopolistiques exerçant des pratiques discriminatoires captent une grande partie du marché, contrairement à une organisation administrative, par essence plus sujette à une uniformisation des objectifs et des moyens poursuivis pour atteindre ces objectifs.
En conclusion
Plutôt que de proposer une simplification d’ordre accessoire et potentiellement pernicieuse, mieux vaudrait mettre en place une politique de l’offre courageuse, en jouant sur trois volets complémentaires :
- Accroître la transparence de l’attribution des HLM
- Intensifier la construction de logement social public
- Libérer le marché privé du logement.
Seul un choc d’offre, favorisé par une libéralisation de la construction et du marché de la location, pourra résoudre, à terme, la crise que traverse l’immobilier français.
- Il n’est ainsi pas douteux que que nombre de Français croient élire directement le maire de leur commune, alors même que l’élection appartient au seul conseil municipal, et que la tête de la liste majoritaire ne soit donc, du moins en théorie, pas assurée d’être choisie comme maire. ↩
Tandis qu’en évinçant les maires et en se plaçant à l’échelon national, pas de clientélisme ni de discrimination ?
La question dans un cadre libéral ne se pose pas. En effet, les HLM sont un concept illibéral par essence. Donner le pouvoir d’attenter à la liberté des citoyens que ce soit local ou national, cela ne change rien, c’est toujours le pouvoir d’attenter à la liberté. Qu’un sujet subisse l’ire du tyran ou d’un de ses tyranneaux, peu lui importe, car le résultat est le même.
P.S. J’imagine que la compétence « ne pas construire d’HLM » ne sera pas transférée aux maires!
oui voila…
la décentralisation ne signifie rien en soi..
des logements gérés par une personne qui ne les paie pas n’ont pas lieu d’etre.
corruption locale ou centrale ..
ici le problème est le logement social..
je vais le répéter A MINIMA mais l’action publique doit être accompagnées de chartres. de procédures de conditions claires… pour éliminer l’arbtraire..
eh oui technocratie..cerfa .. recours possibles.. sont préférables à l’arbitraire.
Toujours cette pseudo décentralisation sur le dos des citoyens usagers. Le pouvoir reste concentré et subtilement parcellaire.
Le logement social est une aberration qui coûte très cher à la collectivité et donc aux citoyens. Actuellement les loyers du privés subissent 17,2% de CSG + 12% (environ) de taxe foncière + les impôts sur le revenu du propriétaire. Donc à minima, près de 50% d’un loyer est prélevé par l’État. Et ne parlons pas des charges de copropriété non imputables au locataires dont plus de 60% sont constitués de prélèvements de l’État. D’où la chèreté des loyers pour financer les gros travaux. Rien que sans la CSG et le foncier les loyers pourraient être 30% moins chers.
Avec les HLM, pas de problème. Non seulement les coûts de construction ne sont jamais amortis , mais aussi le financement de l’entretien est encore du ressort de la collectivité : avec des loyers trop bas que nombres de locataires ne payent même pas, le HLM est un autre gouffre financier dont notre état est spécialiste.
Le clientélisme qui se greffe la dessus n’est qu’une conséquence d’un système qui ne fonctionne pas. Pas de HLM, pas de clientélisme. De plus, les membres d’une commission d’attribution des logements HLM sont toujours tous du même bord politique et copains entre eux. Le changement de niveau d’attribution ne va aucunement créer ou supprimer le clientélisme, tout au plus le déplacer.
Sans parler des logements sociaux qui se transmettent de parents à enfants sur trois générations…
tout à fait
D’autre part, la transformation du GPV (grand projet de ville) en renouvellement urbain (ANRU de Borloo) a été une formidable aubaine pour les bailleurs sociaux qui se sont lancés dans des opérations de démolition/reconstruction; permettant de remplacer leur patrimoine mal entretenu par des constructions nouvelles (mais pas forcément de meilleure qualité). Sans réelle efficacité (voir les événements de début juillet) mais sans grandes conséquences pour les bailleurs puisque tout ceci se fait aux frais des contribuables.
Vu la procédure d’attribution des places en crèche à Paris (expérience vécue), je crains surtout que ce ne soit la pérennisation de la corruption et du copinage. L’État n’est pas le seul à être défaillant. En fait, tout système de pouvoir est potentiellement atteint du « mal français ». Car il y a une confusion majeure sur le concept de décentralisation et ce que cela implique réellement.
Cette réforme va dans le bon sens même si elle est très insuffisante.
Toujours surpris de voir que des libéraux puissent s opposer à de timides mesures de décentralisation
La subsidiarité devrait être la boussole de notre gouvernement dont il n a quasiment pas fait usage
La culture jacobine imprime aussi chez les libéraux français…..
Première question à soulever, pourquoi y a-t-il pénurie ? ….Réponse taboue : 50 millions d’habitans en France en 1975, 68 millions actuellement, soit une augmentation de 20% de la population sur 50 ans environ, le tout sur une même surface. Du jamais vu.
Mais surtout, deuxième tabou : la raison de cette augmentation exponentielle…Disons, cause exogène
Comme certains le disent ici, avec notre système social dévoyé, le dévoiement du principe du HLM est la 2éme cause de l’augmentation exogène de la population. Sans logement social, ni loi restrictive de lliberté de choix du locataire par les bailleurs, l’augmentation exogène de la population eut été bien plus problématique pour ceux qui nous l’ont imposée.
Souriez, c’est vous qui payez…
Saigné à blanc, le Français a du mal à acquérir son longement, alors qu’il contribue par ses impôts et charges à absorber la surnatalité des « autres » qui vient chez lui s’étaler. De là aussi la baisse de sa natalité à lui, il faut souvent déménager quand un petit pointe son nez…Du coup, nos autorités nous expliquent qu’il faut laisser entrer en masse d’autres serviteurs dociles sous payés pour notre classe dirigeante. Classe dirigeante qui elle n’entend pas réduire son espace vital… autre paramètre à ajouter à la difficulté à trouver de la place pour construire des logements, en sus de l’augmentation débridée de la population….
Le logement – ou plus exactement l’attribution du logement social, « le » bon logement genre quota logement social dans une résidence privée de standing, est un LEVIER DE POUVOIR inouï dans une situation tendue comme est la nôtre. Ceux qui le détiennent n’ont pas envie d’en être frustrés….De ce fait, n’espérez surtout pas que le logement privé reprenne le dessus, le logement privé c’est la liberté, ce truc que nos « élites » cherchent à rogner en permanance au Peuple. Déjà ave la loi SRU et le quota logement social dans tout programme privé, il y a déjà matière à problème selon le profil socio culturel du bénéficaire du logement social attribué dans une résidence paisible. La Mairie de Paris s’est fait une spécialité ces temps derniers de s’amuser avec ça…
Seul reste le pavillon individuel, mais là encore, rassurez nos pseudo humanistes, nos « élites » guettent….La dame Wargon – ex ministre – au nom de l’Ecologie, a commené à nous préparer à y renoncer…..sous les huées. Mais, à force d’avancer l’idée, le bon Peuple finira bien par renoncer à huer….
Comme m’avait confié un candidat à la Mairie de la ville de gauche où j’habite : « ici, celui qui tient le logement, tient les votes »….Il y a 37% de logements sociaux…..bien au delà du quota.
Les communistes en leur temps se sont empressés de fabriquer des ghettos sociaux comme le 93 pour assurer leur réélection. Maintenant, on voit ce que ça donne : pour y être élu, il faut être islamo-guauchiste. Être communiste ne suffit plus. Mélenchon l’a bien compris.
La pénurie de logements a plusieurs causes autre que la démographie, notamment sociologiques avec les familles éclatées, les besoins en m2 qui ne cessent de croitre, les normes sans cesse accrues…..
Les communes n ont d autres options que de densifier le logement mais les insiders font tout pour bloquer les projets des outsiders en faisant pression sur le maire et avec des actions en justice
C est un problème complexe surlequel vous plaquez vos aprioris un brin simpliste….
Pour limiter le clientélisme il faut définir un % maxi de logements sociaux par quartier d’habitation. Les Hlm en surnombre devant être vendus aux enchères au premier euro, avec droit de préemption pour les occupants actuels.
Pour limiter le recours aux Hlm il faudrait un fonds de garantie des loyers.
Pour éviter certains abus, l’attribution et le loyer d’un Hlm devraient (comme toutes les allocations) figurer sur la déclaration annuelle d’impôts, après tout c’est bien un avantage en nature. Évidemment les ménages imposables ne devraient pas pouvoir bénéficier de Hlm.
La classification en avantages en nature est en effet une super manière d’aborder le problème.
Et l’emploi à vie des fonctionnaires, quel avantage ! Combien faudrait-il placer pour que les intérêts financent leurs salaires et leurs retraites ?