Plaidoyer pour une décentralisation du quotidien : le cas de la Promenade des Anglais

La célèbre Promenade des Anglais, à Nice, fait face à des problèmes liés à l’intensité du trafic des poids lourds. Pour Sacha Benhamou, cette situation est due au manque de pouvoir des autorités locales.

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Source : Constantin sur Unsplash.

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Plaidoyer pour une décentralisation du quotidien : le cas de la Promenade des Anglais

Publié le 10 novembre 2023
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La Promenade des Anglais à Nice est l’une des avenues les plus célèbres au monde, une des promenades les plus fréquentées par les touristes, mais également l’avenue la plus empruntée par les poids lourds de toute la Métropole (jusqu’à 1800 par jour d’après la mairie). En février dernier, un convoi exceptionnel immobilisé sur la Promenade avait totalement bloqué la circulation pendant plus de douze heures. Imagine-t-on l’avenue Montaigne à Paris sous l’assaut incessant de ces mastodontes de la route ? Les impératifs touristiques auraient rapidement amené les autorités publiques à trouver des voies de délestage et à soulager les riverains des nuisances.

Mais les Parisiens ont la chance d’avoir le gouvernement à portée d’engueulade, pas les Niçois. Car ce n’est pas le manque de volontarisme de la ville de Nice qui est en cause, elle a décidé de n’autoriser que les poids lourds Crit’air 1 et 2, mais l’opposition, ou l’indifférence, du ministère des Transports à déclasser la Promenade de la catégorie « route à grande circulation », qui d’après le Code des transports, « quelle que soit leur appartenance domaniale, sont les routes qui permettent d’assurer la continuité des itinéraires principaux ». Nous comprenons bien ici l’opposition des intérêts entre d’une part les riverains niçois mobilisés sur le sujet qui aimeraient préserver leur quotidien de ces nuisances, et l’État qui doit garantir un niveau d’infrastructures satisfaisant pour les besoins de l’activité économique nationale. Pourtant, il est totalement aberrant que ce qui relève d’une particularité hyper locale relève directement du ministre des Transports, occupé par des sujets d’enjeux nationaux par ailleurs.

Le débat local, source de compromis

Voici l’enjeu majeur de la décentralisation : rapprocher le citoyen des décisions qui touchent son quotidien, et elles sont nombreuses, ou plutôt rapprocher le décideur du citoyen, le mettre à portée d’engueulade, pour que le plus grand nombre de citoyens en France bénéficie d’une gestion collective qui corresponde à ses aspirations.

En l’occurrence, les Niçois sont fondés à ne pas être les victimes des externalités négatives du commerce transfrontalier. De plus, en s’éloignant des grands débats idéologiques qui divisent et radicalisent la société, le débat local est une source de compromis. La décentralisation, ce n’est pas l’indépendance, mais c’est tout au moins une forme de liberté des collectivités. Or, cette liberté des collectivités n’existe pas en France en dépit des prétendues lois décentralisatrices.

En premier lieu parce qu’aucune matière n’appartient entièrement aux collectivités territoriales à qui l’État s’est contenté de donner des compétences résiduelles qu’il ne voulait plus voir apparaître à son budget (comme le RSA). Mais surtout parce que les collectivités ne disposent d’aucune ressource fiscale en propre, ce qui réduit d’autant plus leur capacité à prendre des mesures adaptées à leur territoire et la lisibilité des enjeux budgétaires locaux pour le citoyen.

La solution ne réside pas seulement dans une répartition plus claire des compétences.

Les communes, dont les maires ont la confiance des citoyens, devraient être en mesure d’agir en toutes matières, sauf domaine régalien, dès lors qu’elles estiment qu’elles sont plus à même de le faire. Il s’agirait alors d’élargir la clause de compétence générale qui exclut les compétences exclusives des autres échelons (dont l’État) mais qui seraient alors recevable à saisir la justice administrative si elles jugent que la décision locale porte atteinte à l’ordre public ou à un intérêt supérieur.

Ainsi, pour protéger leurs décisions, les communes seraient encouragées à prendre en compte les enjeux qui dépassent leur commune et à trouver des compromis.

Pour revenir à la Promenade des Anglais, la Ville de Nice pourrait alors librement réguler le passage de poids lourds de passage sur la promenade, y compris les convois exceptionnels. Si l’État estimait que la mesure est disproportionnée au regard du but poursuivi, et qu’un intérêt national se voit remis en cause, il pourrait saisir la justice administrative.

Cette proposition est radicale, mais c’est ce dont les Français sont en mal, et qu’ils confondent trop souvent avec le populisme. Pour recréer de l’appétence pour le consensus, revitalisons la démocratie locale !

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  • L’idéal, c’est la subsidiarité. Cela signifie que doivent remonter à l’échelon supérieur les problèmes qui ne peuvent être résolus à l’échelon local et uniquement ceux-là. Ca n’a pas grand chose à voir avec la décentralisation, qui signifie elle la multiplication des potentats locaux décidés à ignorer les conséquences globales des choix qu’ils font dans leurs petits royaumes.
    Les communes, dont les maires ont la confiance des citoyens,
    Ben voyons. Quelle belle affirmation gratuite ! Les maires n’ont pas plus la confiance de leurs administrés que le Président celle des siens. Ils ont simplement à faire face à une contestation moins visible quand il s’agit de régenter leur vie…

    • La décentralisation a la française s accompagne d un transfert d activités avec le budget mais l etat conserve en parallèle un droit de regard local à travers ses services déconcentrés
      Corrélé au mille-feuille des CL, toute notre fonction publique patauge dans l inefficacité
      Combien d intervenants pour prendre la moindre décision ????
      Commune, agglo métropole, département region préfecture….

    • Selon wikipédia la subsidiarité peut être :
      – descendante : délégation ou attribution de pouvoirs vers un échelon plus petit, on parle alors de dévolution ou décentralisation. Concrètement, lors d’une subsidiarité descendante, c’est l’échelon supérieur qui décide qui doit connaître quelle question.
      – ascendante : attribution de pouvoirs vers une entité plus vaste, on parle alors de fédération ou, entre pays, de supranationalité. Concrètement, lors d’une subsidiarité ascendante, c’est l’échelon inférieur qui décide qui doit connaître quelle question.

      Dans le cas français, République unitaire, il n’y a d’autre moyen que la subsidiairité descendante c’est à dire la décentralisation.

      Cette partie de principe est assez facile. Car dans la pratique l’Etat décentralise et recentralise en même temps et tout le temps. C’est le bazar ! on retrouve les mêmes travers à tous les échelons.
      D’ou la question : décentraliser c’est repenser l’Etat ? Et ça c’est comme un rond point, on tourne en rond.

  • L’exemple avec Paris est très mal choisi quand on voit ce qu’y est devenu la circulation. Ne parlons pas dans toutes les villes de province les voies cyclistes qui sont vides pour la plupart et quand il y a des cyclistes, ne sont pas empruntées par eux. J’habite dans une commune où le maire a créé une piste cyclable qui amène uniquement et directement à… une autoroute (subventions oblige). Qui dit mieux ?
    Ne parlons pas des rond-points tout les 400 m, et les dos d’âne hors normes. L’État ferait mieux de limiter les finances de nombre de communes qui dépensent l’argent du contribuable sans compter pour détruire notre réseau routier au lieu de l’améliorer. Il est vrai que les soviétiques n’avaient pas de voitures : au mieux avaient-ils un vélo et au pire prenaient-ils les transports en commun crasseux. Curieux comme, depuis que nos gouvernements socialistes améliorent la vie des Français, la France converge vers l’Organisation stalinienne de la société : tout pour les édiles, les miettes restantes pour le peuple de sans-dents comme dirait un président socialiste.

    • Une part importante des nuisances de la circulation en ville est la conséquence immédiate et directe des aménagements coûteux réalisés dans le vain espoir qu’elle pourrait disparaître si elle était suffisamment contrariée. Personne ne semble comprendre que la fluidification réduit les nuisances. C’est la voie de bus pour un bus toutes les demi-heures qui crée le bouchon qu’elle prétend permettre au bus d’éviter, c’est la voie unique menant aux urgences semée de dos d’âne monstrueux et de ronds-points à chaque accès d’immeuble, où les ambulances ne peuvent doubler, qui assourdit pendant 10 minutes les riverains à chaque passage dans le bouchon (mais ça facilite le tri entre les urgences et la morgue). Les édiles, ce sont quarante qui ont de l’intelligence et du bon sens comme quatre.

  • Oui et Non. Je suis toujours méfiante sur le thème Pouvoir aux élus locaux. Outre « Cloche Merle » et autres subjectivismes non distanciés, les compétences et surtout le « Niveau « de nombre de ces élus, même régionaux, laissent sérieusement à désirer. Et ça, c’est aussi un réel problème.

    • Cloche merle est vieux poncif
      Depuis 20 a 30 ans tous nos voisins européens ont adopté la subsidiarité
      Pourquoi la France se contente paresseusement d une décentralisation jacobine qui conduit a la paralysie ????

      • AH ! Vous ne devez pas habiter dans une petite ville de Province et encore moins dans une commune dépendant d’une communauté de communes et surtout vous n’avez jamais suivi de près les batailles de villages gaulois entre communes, communautés de communes, départements et régions, sans parler des administrations où seuls les intérêts politiques, d’égo
        des uns et des autres comptent. Alors Ailleurs, certes, mais en France nous en sommes encore aux combats de coqs. Désolée car désolant.

  • Surtout pas !
    Souvenons-nous. Il y a quelques années, en réaction à une décision parisienne d’interdire – je crois – la traversée de Paris aux vieux véhicules banlieusards, un maire d’une commune de banlieue avait projeté d’interdire sa commune au transit parisien lors des départs en vacances. Pour faire la nique à l’odieuse (du stade ?) Hidalgo, c’était amusant. Généralisé à un pays, c’est horrifiant.
    Et quoi de plus détestable que ces journées sans voiture, oeuvre collectiviste de la propagande écolo ?
    Quoi de plus antidémocratique que ces communes à qui l’on a offert la possibilité, par de simples vignettes, de rétablir un octroi moyenâgeux ?
    Nos rues et routes sont à tout le monde. Elles sont payées par les impôts de toutes et tous.
    Alors libre circulation pour toutes et tous.
    Les camions qui circulent sur nos routes nous amènent nourriture, biens de consommation, mobilier et autres choses sans quoi nous ne serions rien.
    Nous ne devons pas détester les causes dont nous chérissons les conséquences.

  • le problème n’ets pas qui gère mais ce qui est géré!!

    les routes donc…et alors, en gros quelle est la collectivité qui paye pour l’etntretien , route..et qui dès lors est légitime à y appliquer les règles qu’elle veut…

    A mon opinion il faut mettre d’abors les chose au clair..selon le principe,
    « je paye , je décide ».. car Les communes sont devenues le lieu d’un jeu dangereux de demande de subventions;.
    je paye pas mais je décide…

    • prendre dans la poche de son voisin immédiat pour réaliser ses lubies. certes ça se voit peut être plus et donc le principe du consentement à l’impot mais plutôt sa connaissance de son usage est peut être plus accessible au contribuable..

      et on peut plus facilement quitter sa commune..

  • Excellent exemple de tension État – collectivité publique et des difficultés inhérentes à la gestion publique de l’environnement, en France.

    • l’Environnement avec un E majuscule je m’en fous un peu beaucoup
      car si je cède à l’idée que protéger l’environnement c’est souhaitable, sinon essentiel , alors inévitablement un type va arriver et dégrader MON environnement dans le bien de l’Environnement.
      ne pas faire le lit des environnementalistes..

  • Ah bon?! Le problème viendrait que l’Etat et/ou ses sous-fifres/barons locaux n’ont pas assez de pouvoir et il faudrait leur en donner plus? Que ce soit aux uns ou aux autres?
    Ne serait-ce pas plutôt parce qu’il en ont trop de pouvoir? Et sans aucune possibilité de contestation ou remise en cause locale? Sans aucune responsabilité quant aux conséquences de leurs décisions inadaptées voire carrément débiles ?
    Si les poids lourds passent en masse, selon cet auteur, sur la promenade des anglais alors que la circulation y est très souvent difficile et hachée (donc perte et temps et d’argent), ne serait-ce pas plutôt parce qu’ils n’ont pas le choix ? Qu’il n’y a pas de voie de contournement efficace pour que ces poids lourds puissent desservir leur clientèle locale?
    Et s’il n’y a pas de contournement dont la construction est du ressort du pouvoir local, n’est-ce pas parce que celui-ci n’a jamais eu le courage, la volonté et les finances (plombées par des années de gabegie électoraliste, sociale et éco-conscientisée) pour le faire?
    Et il faudrait renforcer le pouvoir de ces gens là ? Cela va être un grand succès…

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