Protection des élus : le défi de l’insatisfaction populaire

Entre un pouvoir central déconnecté et une population en colère, quel est le véritable sens de la démocratie au XXIe siècle et comment trouver un équilibre entre le pouvoir politique et les aspirations individuelles ?

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Protection des élus : le défi de l’insatisfaction populaire

Publié le 30 mai 2023
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« Ah ! ça ira, ça ira, ça ira ! Les aristocrates à la lanterne. Ah ! ça ira, ça ira, ça ira ! Les aristocrates on les pendra. Si on n’les pend pas, on les rompra. Si on n’les rompt pas, on les brûlera. »

Voilà ce que nos enfants apprennent à l’école : à pendre, à démembrer, à brûler leurs édiles.

Le président de la République avait produit un livre quelques mois avant sa première élection :  Révolution.

Bientôt on fêtera la prise de la Bastille. Une centaine de morts, dont le gouverneur de la prison vide où ne résidait plus que sept prisonniers. Bernard-René Jourdan de Launay fût lynché en place de Grève, à coups de pieds, de fourches, de hachoirs à viande, sa tête découpée et promenée au bout d’une pique.

 

La vraie Révolution et celle en carton-pâte

On avait presque oublié que la République française était construite sur une montagne de cadavres. Le roman national avait fait de 1789 un mélodrame romantique. Le populisme en fait une surenchère de démagogie.

Comment s’offusquer que le peuple s’en prenne aujourd’hui à l’aristocratie, quand bien même le Roy fût petit-fils de cheminots ? Comment s’indigner de la violence de la rue alors que l’on apprend dès leur plus jeune âge aux petits Français que la violence de la rue est la quintessence de la fierté d’être Français, républicain, démocrate, d’être révolutionnaire ?

De démocratie, de république et de France, il ne reste presque plus que ça en 2023 : des révolutionnaires. On avait les révolutionnaires de droite et de gauche, Emmanuel Macron a ajouté les révolutionnaires du centre.

 

La violence est inacceptable

Mais la révolution, c’est bon pour les bouquins et les envolées lyriques. Tout ça, c’est symbolique, n’est-ce pas. On a le droit de glorifier les soudards qui ont déterré les cadavres des rois de France pour jouer aux osselets avec leurs phalanges, on a raison de les ériger en héros nationaux, mais on n’a pas le droit de brûler la voiture d’un maire. Ça, c’est inacceptable !

La violence est inacceptable. Faire l’apologie de la violence est inacceptable. Relativiser l’apologie de la violence en invoquant la liberté d’expression, c’est doublement inacceptable.

Il serait grand temps de remettre les pendules à l’heure. Mais qui pourra le faire ? Le gouvernement, qui est censé être responsable du droit, responsable de l’État de droit, joue lui-même en permanence avec les mots et les limites. Le chef de l’État lui-même a pris comme slogan pour se faire élire la révolution, c’est-à-dire la rue, la démence populaire, l’insurrection, la guerre civile, la terreur

 

Une non-réponse

Aux attaques perpétrées contre les élus, le gouvernement répond par un pack de sécurité sans aucune substance et probablement sans aucune utilité : la création d’un réseau de policiers référents, le renforcement d’un dispositif au nom clinquant qui consiste concrètement à appeler le 17… Le pyromane ne fera même pas l’effort de s’improviser pompier.

D’aucuns diront que la Cinquième République est devenue obsolète. Ils ont presque raison : c’est l’État qui est devenu obsolète, c’est la politique et la république qui sont devenus obsolètes, mais une sixième version n’y changera rien. Quand on n’a plus de raison d’être, on s’en invente pour cacher son incompétence. On utilise le concept d’externalité qui permet de désigner un bouc émissaire : le marché, le capitalisme, le libéralisme, la mondialisation… On invente le concept d’intérêt général, qui permet de justifier l’usage de la violence, de prétendre que la fin justifie les moyens.

Comment ensuite s’étonner que des activistes de tous bords reprennent en chœur la même rhétorique ?

 

La vraie et la fausse démocratie

La démocratie serait-elle verrouillée par un pouvoir central incompétent et déconnecté de la vie des individus ? C’est une évidence. Mais n’est-ce pas sur les notions de démocratie et de pouvoir qu’il faudrait s’interroger ?

La démocratie est un mythe du XVIIIe siècle, un fantasme destiné à combattre l’absolutisme du pouvoir royal, que ce soit le pouvoir anglais écrasant de taxes, les colons américains ou le pouvoir français enfermé dans le ridicule des jeux de Cour à Versailles.

Mais nous ne sommes plus au XVIIIe siècle. S’il est jouissif de fantasmer sur une analogie entre la France de 2023 et celle de 1789, c’est surtout parce que cela permet de cacher sa peur de l’inconnu en se réfugiant dans la sécurité de la connaissance du passé. Il n’y aura pas de Révolution de France 2.0 pour la simple et bonne raison que la France d’aujourd’hui est à l’opposé de celle de la fin du XVIIIe siècle : de l’empire féodal étendu au reste du monde et bâti sur le servage et l’asservissement, il ne reste rien. Le commerce a remplacé la violence.

Ce n’est pas en créant des comités interministériels que l’on combattra la colère qui gronde dans la population.

 

L’État inutile devient insupportable

Il faut d’abord et de toute urgence apaiser le débat, arrêter de déclarer la guerre à tort et à travers. On ne combat ni les virus ni les violences conjugales, ni le racisme, ni la pauvreté avec des missiles et des chars Leclerc.

Il faut cesser de croire que c’est en montrant ses muscles que l’on se fera respecter. Il faut cesser que croire que l’on peut cacher l’incompétence avec des beaux discours. Il faut cesser de prétendre que l’on résoudra les problèmes en créant des comités Théodule, des lois ou numéros verts. Il faut cesser de croire que toute l’action se résume dans la communication. Tout cela est ridicule et finira mal si on persiste dans cette voie qui ne fait qu’exaspérer la population.

La démocratie du XXIe siècle, le mythe d’aujourd’hui, est bien différente de la démocratie fantasmée au XVIIIe siècle. Elle en est presque l’opposé : le pouvoir actuel est totalement démocratique au sens des Lumières.

Il est temps de se poser les bonnes questions : si la démocratie, le socialisme, l’étatisme ne fonctionnent pas, ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas la vraie démocratie, le vrai socialisme ou le vrai étatisme : c’est parce que la violence n’est pas une solution et que les individus ont de plus en plus de moyens de refuser et de s’insurger contre ce monopole de la violence qu’est l’État.

Il faut arrêter d’utiliser la violence légale et la politique pour modeler la société : ce sont le commerce et les innovations technologiques qui font évoluer le monde.

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  • Avant de combattre la violence contre les élus, commençons par éradiquer celle contre les citoyens. Un élu est un citoyen comme un autre et ne peut pas faire l’objet d’un traitement de faveur conformément au principe de l’égalité notre Constitution. S’il autorise la violence envers les autres en refusant de la sanctionner ou en la sanctionnant par un « rappel à la loi », qu’il ne s’étonne pas en retour d’en être victime.
    Ensuite, l’élu ne doit pas se considérer comme le seigneur et maître de sa circonscription. Il doit prendre en compte les voeux de ses électeurs même si sur certains sujets ils s’opposent aux convictions politiques de l’élu.
    Enfin, il ne doit pas faire n’importe quelles dépenses avec son budget : c’est de l’argent durement gagné par les électeurs.
    Une fois ces 3 points pris en compte, aucune raison de s’en prendre à un élu.
    Nota : les médias font tout un foin des quelques agressions d’élus mais ne parlent que très rarement des milliers d’agressions en France. Il est vrai que dans ce cas, ils ne parleraient que de ça.

    • Attention les besoins des électeurs sont infinies en quantité et en temps……c est tout et tout de suite……
      Presentez vous sur une liste aux prochaines élections municipales en 2026…..😂😂😂😂😂

  • C’est une erreur de voir la violence comme une caractéristique des relations entre les citoyens et ceux qui les gouvernent. La violence est devenue admise et latente dans toutes les relations entre les individus et ceux dont ils estiment qu’ils ne satisfont pas assez leurs désirs. Politiciens, bien sûr, mais riches ou réfractaires aux dogmes écolos ou religieux tout pareil, et personne refusant les relations sexuelles ou de céder son portable ou son portefeuille idem. On dit que les politiciens n’acceptent pas d’avoir tort, mais c’est tout le monde, et avoir raison inclut maintenant le « droit » de casser la gueule à celui qui n’est pas du même avis, voire à le décapiter et à s’en prendre à ses proches. Il n’y a plus que quelques vieux dans la cambrousse chez qui ça n’est pas « normal ».

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